top of page

Recherche

225 éléments trouvés pour «  »

  • Sur le chemin des Vikings

    Une île, un gros caillou, un terrain de jeux. Terre-Neuve est formée de fjords et de montagnes, entourée de falaises et parsemée de villages colorés, où la nature fait la pluie et le beau temps. Une province à la mentalité infiniment insulaire, que les glaces polaires s'investissent à caractériser encore plus. Sauvage et chaleureuse, elle est repliée sur elle-même mais capable d'élans profonds, comme en témoigne le roman d'Annie Proulx Nœuds et dénouement. De Deer Lake à L'Anse aux Meadows, un voyage entre action et contemplation. Deer Lake — Terre-Neuve raconte des histoires à donner la chair de poule. Des récits de Vikings, de pirates, de naufrageurs et de pêcheurs venus de France, d'Angleterre, d'Espagne, du Portugal, attirés jadis par la multitude de bancs de morues. «Elles étaient si abondantes, raconte-t-on là-bas, qu'elles ralentissaient les bateaux dans leur course vers les îles aux épices.» Cinq cents ans de pêche abondante, puis plus rien! Terre-Neuve perd une partie de son identité le 2 juillet 1992: «La chute abrupte des stocks de morues et d'autres poissons de fond a obligé le Canada à interdire cette pêche au large des côtes orientales de Terre-Neuve et du Labrador, explique Kevin, guide dans le parc national Gros-Morne. Seize mille personnes ont perdu leur travail. Le gouvernement canadien a alors décidé d'investir dans le tourisme.» En survolant Terre-Neuve, on perçoit un peu de l'Irlande. Un mélange de vert intense et de gris. L'île, surnommée The Rock par les «locaux», située à l'embouchure du Saint-Laurent, à mi-chemin entre le centre de l'Amérique du Nord et les côtes de l'Europe occidentale, est tapissée de tourbières, de lacs, de rivières, de marécages, d'étangs. Un paysage dominé par une forêt d'épinettes, de sapins baumiers, de bouleaux à papier, de sorbiers d'Amérique, de peupliers faux-tremble. On sent l'audace des écosystèmes face aux intempéries: vent, pluie, neige et glace. «Une île mouillée», selon l'écrivaine Annie Proulx, née aux États-Unis de parents d'origine canadienne-française, dans Noeuds et dénouement (The Shipping News), dont la trame se déroule au nord de la péninsule Great Northern. «Neuf mille kilomètres de côtes noyées dans la brume, écrit-elle. Des récifs sous l'eau bridée. Des bateaux traçant leur route entre deux falaises de glace. La toundra et la lande, une terre d'épicéas rabougris. Les seules villes étaient de glace, icebergs au coeur d'aigue marine...» Le roman lui a valu le prix Pulitzer en 1994. L'avion amorce sa descente au niveau de la vallée de la Humber, qui s'étend sur 70 kilomètres en suivant le cours de la rivière éponyme, entre Bay of Islands et la petite ville de Deer Lake, porte d'entrée de la Grande Péninsule du Nord. Nous filons ensuite vers Corner Brook, deuxième ville en importance à Terre-Neuve-et-Labrador. Située à environ 40 minutes de Deer Lake, la capitale de l'ouest de l'île occupe un site splendide en bordure du fjord Humber Arm. Tiens, curieux: des drapeaux du Canada bordent la Transcanadienne. Puis, au niveau de la ville de Pasadena, un attroupement. Du monde partout le long de la route. Des camions de pompier aussi. Un accident? Mais non, les gens ne brandiraient pas des drapeaux ainsi. «Nous attendons l'arrivée du corps du jeune caporal Brian Pinsken, mort en Afghanistan la semaine dernière, explique un pompier. Il était originaire de Corner Brook et sera enterré au Mount Patricia Cemetery. Le temps d'avaler un chowder et nous revoilà sur la route 1 en direction de Marble Mountain Ski Resort. Le centre de ski, situé à Steady Brook, à huit kilomètres de Corner Brook, offre des dénivelés de plus de 550 mètres. «La meilleure station de l'ensemble des provinces de l'Atlantique», lit-on dans le guide Ulysse Provinces atlantiques du Canada. Si en été on explore le pays à pied et en bateau de croisière, en hiver on y vient pour le ski. Terre-Neuve se visite en toute saison. C'est qu'il y a des montagnes ici! Et de la neige. Marble Mountain en reçoit en moyenne quatre mètres. En attendant, le Marble Zip Line, un circuit d'arbre en arbre plutôt spectaculaire dans un décor digne du Costa Rica, offre une solide dose d'adrénaline en plus d'occasionner sueurs froides et courbatures si l'on ne lâche pas prise au moment où on plane au-dessus d'une gorge vertigineuse creusée par une chute spectaculaire. À une hauteur de 85 mètres. À une vitesse de 45 km/heure. Sur un fil long de 500 mètres. Les soucis sont bien loin derrière. Sur la route des Vikings À partir de Deer Lake, on emprunte la route 430, puis la 431 vers Woody Point, un petit village pittoresque de pêcheurs et un centre culturel important. Beaucoup d'artistes ont adopté l'endroit et on y trouve un théâtre. Woody Point repose sur la rive sud d'un profond fjord du nom de Bonne Bay, dans le parc national Gros-Morne. Désigné Site du patrimoine mondial par l'UNESCO en 1987 pour son importance géologique, le parc travaille sur trois aspects, explique Jeff, le directeur général: la culture, la beauté, les caractéristiques géologiques. Pour comprendre le fameux phénomène géologique qui attire les scientifiques du monde entier, une randonnée au Tablelands, en compagnie d'un guide, est fortement recommandée. Le site est protégé, mais facilement accessible en auto, qu'on peut stationner au départ du sentier de randonnée de quatre kilomètres qui évolue au coeur de roches issues du manteau terrestre. «Pensez à la terre en termes de couches, explique Kevin. Elle est d'abord recouverte d'une mince couche extérieure, la croûte terrestre dont l'épaisseur varie entre 5 et 75 kilomètres. Sous cette couche extérieure, une autre: le manteau terrestre. Il y a 500 millions d'années, lors de la tectonique des plaques (ou dérive des continents), de grosses sections de ce manteau ont été poussées vers le haut. Durant les derniers 250 millions d'années, ce matériel s'est érodé, donnant le champ de roches que vous voyez ici. À la surface, la roche libère son fer.» On se croirait au coeur de l'Arizona, en plein désert, mais d'un point de vue géologique, rien à voir. Tout est rouge et brun, sans vie. Ou presque. Car on aperçoit tout de même, par ci, par là, quelques sarracénies pourpres, la fleur emblème de la province. Elle est dotée d'une féroce détermination et toujours droite, beau temps, mauvais temps, face au vent, «à l'instar des Terre-Neuviens; voilà pourquoi elle réussit à faire son chemin dans ce rude univers», précise Kevin. La randonnée est certainement l'un des meilleurs moyens de découvrir le parc national Gros-Morne et ses paysages magnifiques. «Les traverses Long Range, North Rim et Woody Point/Trout River sont les plus redoutables défis que le parc peut offrir aux randonneurs, explique le guide. Mieux vaut savoir lire cartes et boussoles pour les entreprendre. Aucun repère n'indique le chemin et les conditions climatiques peuvent changer rapidement.» Sinon, le marcheur plus sage découvrira des kilomètres et des kilomètres de sentiers clairement jalonnés d'un bout à l'autre et parfois même équipés de trottoirs, ponts et escaliers aux endroits nécessaires. À 806 mètres d'altitude, le mont Gros-Morne est le plus haut du parc. Le sentier James-Callaghan mène au sommet. Bien qu'un peu difficile, on ne regrette pas l'effort pour la vue qu'il permet sur le pinacle. Nous remontons la côte ouest de la péninsule Great Northern, le long de la route 430. Les deux plus grands dangers: les flaques d'eau qui ont le même effet que la glace noire, et les orignaux. On dénombre dans le parc quatre de ces imposantes bêtes par kilomètre carré, alors qu'il n'y a que deux humains dans le même espace. On lit sur les panneaux routiers qu'en 2010 il y aurait eu 25 collisions impliquant le plus grand cervidé de nos forêts. Villages de pêcheurs, anses cachées, falaises, plages et dunes de sable spectaculaires, jolis phares et cette mer omniprésente qui invite à toutes les rêveries. Conseils aux photographes néophytes: assurez-vous d'avoir des piles de rechange et veillez à apporter plusieurs cartes-mémoire car le pays est vraiment photogénique. Et même par temps pluvieux! Dans le secteur nord du parc, sur la route 430, un sentier de randonnée de trois kilomètres sur un trottoir de bois au-dessus de tourbières aboutit à un embarcadère, où une excursion de deux heures sur l'étang Western Brook mène vers un fjord intérieur cerné de parois hautes de 600 mètres. Mille et une choses encore... Cow-Head, village hôte du festival de théâtre du Gros-Morne; la baie de Shallow, pour une promenade sur les plages de sable et le Lieu historique national de l'Anse-aux-Meadows, désigné Site du patrimoine mondial de l'UNESCO en 1978. C'est ici, dans ce village du bout du monde, que les Vikings ont établi le premier établissement européen en Amérique du Nord, il y a environ mille ans. Les fondations de huit bâtiments témoignent de leur passage. Le Lieu historique national a reconstitué trois huttes de terre qu'on peut visiter en compagnie de Vikings. À environ deux kilomètres de là, Norstead est la reconstitution d'un port viking. On y visite un navire viking, une église viking et une maison. En vrac En voiture: de Montréal, emprunter l'autoroute 20 E jusqu'à la 132 E. À Trois-Pistoles, prendre le traversier jusqu'à Les Escoumins. De là, poursuivre sur la 138 E jusqu'à Baie- Comeau, puis prendre la 389 N jusqu'à la route 500 E (la Trans-Labrador), maintenant accessible en auto jusqu'à Blanc-Sablon. De là, emprunter le traversier jusqu'à Sainte-Barbe, sur la péninsule Great Northern, à Terre-Neuve. Assurez-vous d'avoir un pneu de rechange car la route n'est pas bitumée. Ou encore: par la Transcanadienne jusqu'à Sydney, en Nouvelle-Écosse, puis emprunter le traversier à destination de Channel-Port-aux-Basques. En avion: Air Canada, via Halifax, jusqu'à l'aéroport de Deer Lake au nord de Terre-Neuve, pour une arrivée rapide au parc national Gros-Morne. Marble Zip Line, à Steady Brook:www.marbleziptours.com.Parc national de Gros Morne: www.pc.gc.ca/fra/pn-np/nl/grosmorne/index.aspx. Lieu historique national de Port-au-Choix: www.pc.gc.ca/fra/lhn-nhs/nl/portauchoix/index.aspx, côté ouest de la péninsule Great Northern.Lieu historique national de l'Anse-aux-Meadows, dans la partie la plus septentrionale de la péninsule Great Northern: www.pc.gc.ca/fra/lhn-nhs/nl/meadows/index.aspx.Randonnées guidées à pied ou en kayak de mer: www.grosmorneadventures.com. Excursion en bateau à Western Brook Pond avec Bon Tours: 709 458-2016, www.bontours.ca. À Corner Brook, le Glynmill Inn est un hôtel de style Tudor, assez coquet et très confortable: www.glynmill.ca. À Shoal brook, le Red Mantle est une auberge avec salle à manger située dans le parc national Gros-Morne, à proximité de Woody Point: www.redmantlelodge.ca. À Norris Point, Neddies Harbour Inn est une auberge de charme au bord de la mer: www.theinn.ca. À St.Anthony, le Haven Inn est situé à côté du Grenfell Historic Properties Interpretation Centre, où l'on relate l'histoire de Wilfred Grenfell (le Bethune de la région): www.haveninn.ca. À Main Brook, le au Tuckamore Lodge est un superbe lodge en pleine nature: www.tuckamorelodge.com/tuckamore-lodge-cat.htm. À Cow Head, le Shallow Bay est un motel de luxe et de charme, adjacent au théâtre où se déroule le festival de théâtre de Gros-Morne.À lire: Provinces atlantiques du Canada, aux éditions Ulysse.À déguster: un chowder aux fruits de mer et un steamed partridgeberry pudding recouvert d'une sauce au rhum, au restaurant Seaside à Trout River ou au Old Loft à Woody Point.

  • Montréal - Le soleil en serres au jardin botanique de Montréal

    «Le titre L'Effet de serres n'est pas une thémathique sur les gaz à effet de serre, précise Karine Jalbert, chargée de communication au Jardin botanique. Non, le jeu de mots qui fait référence aux dix serres du Jardin botanique et à l'exposition Sous le soleil de Cuba, avec Marie-Victorin n'est qu'une expression pour expliquer l'effet d'émerveillement renouvelé, d'une serre à l'autre, à la vue des orchidées, des fougères, des cactus, des bonsaïs, des penjings et des broméliacées.» La grande fierté du Jardin botanique cette année, après plus d'un an de travaux et des années de préparation, est sans nul doute la Serre des plantes tropicales alimentaires. Plus rien à voir avec l'ancienne serre des plantes tropicales économiques, toujours existante d'ailleurs et qu'il faut traverser pour rejoindre la nouvelle serre. «On y a toutefois peaufiné le système de panneaux d'interprétation, explique Karine Jalbert, car l'information portait parfois à confusion.» «À la différence des autres serres, qui présentent une collection, la Serre des plantes tropicales alimentaires propose une thématique qui aborde le problème de la culture intensive en milieu tropical et l'importance de développer des systèmes de commerce équitable, l'ensemble axé sur la connaissance des plantes, explique Gilles Vincent, directeur du Jardin botanique de Montréal. La thématique devrait sensibiliser le visiteur aux conséquences de la perte de la biodiversité.» Le parcours en zigzag et le concept spatial de la nouvelle serre surprennent agréablement. C'est qu'au Jardin botanique, on a l'habitude d'évoluer d'une serre à l'autre en empruntant des allées bien droites. On part d'un côté, on revient de l'autre. S'il y a foule, difficile de s'arrêter. Dans la nouvelle Serre des plantes tropicales alimentaires, on peut flâner, il y a de l'espace. On se promène dans la canopée grâce à une passerelle de bois qui nous conduit à la cime des arbres. Parmi les plantes intéressantes, on trouve un sapotillier qui produit un beau fruit et dont la sève entre dans la composition de la gomme à mâcher. Il y a un arbre à litchis, un magnifique carambolier gorgé de fruits et un arbre de Macadamia. Puis, il y a le manioc, le giroflier, le vanillier, le tamarinier, le caroubier, le cocotier, le cacaoyer, le caféier, les papayer, le vanillier... «Mon coup de coeur va au Guaiacum officinale, confie Hélène Giguère, horticultrice en charge de la collection des plantes tropicales et de l'irrigation serre. De la tête aux pieds, tout ce que produit cet arbre est utile à l'homme. Mais, malheureusement, il en abuse.» À l'entrée de la serre, de grandes toiles aux couleurs vives représentent les marchés du monde. On entre dans un univers tropical. Plantes aquatiques, rizière, fougère arborescente, bananiers. «Dans quelques années, les arbres parviendront à la hauteur de la passerelle. Alors, nous aurons atteint notre objectif de marcher à la cime des arbres», déclare Gilles Vincent. De là-haut, on aperçoit, dissimulés dans les plates-bandes, des messages sur la biodiversité qui rappellent la responsabilité de l'homme dans l'avenir de la planète. Puis, on s'engage sur la route des épices. Cuba, si! Que sait-on au juste du frère Marie-Victorin? Qu'il est le fondateur du Jardin botanique de Montréal, en 1931, et de l'Institut botanique de l'Université de Montréal, 11 ans auparavant. Qu'il est l'auteur de la fameuse encyclopédie Flore laurentienne, publiée en 1935. Qu'il est né Conrad Kirouac en 1885, qu'il a été un frère des Écoles chrétiennes soumis aux voeux d'obéissance et de pauvreté et que c'est l'Église qui lui a donné le nom de Marie-Victorin. Et Cuba, dans tout ça? Il en était fou, dit-on. De 1938 à 1944, il y est allé sept fois. «Ses biographies ont surtout retenu l'hypothèse du voyage pour des raisons de santé. Cependant, de 1907 à 1944, les frères Léon et Marie-Victorin ont entretenu une fascinante correspondance, qui explique leurs cheminements respectifs pour leurs principales oeuvres: L'ltinéraire de Marie-Victorin et La Flora de Cuba du frère Léon», écrit André Bouchard, professeur titulaire d'écologie de l'Université de Montréal et chercheur, dans son livre Marie-Victorin à Cuba. L'exposition Sous le soleil de Cuba, avec Marie-Victorin, présentée dans l'ancienne salle Chlorophylle du Jardin botanique, parmi les serres où survivent nombre de descendantes des bulbes, des semences, des plantes qu'il a rapportées de Cuba, raconte en photos, en textes et en vidéo, les sept voyages du scientifique à Cuba et son plaisir d'y retrouver chaque fois le frère Léon. Au rythme de la salsa L'exposition est aussi un voyage à Cuba. On y découvre, sous l'oeil d'un botaniste passionné, les provinces de Matanzas, de Cienfuegos, de Santa Clara, d'Oriente. Mais quel moyen de transport utilisait le frère Marie-Victorin pour arriver à La Havane? Et à cette époque, surtout après avoir fait le voeu de pauvreté, où prenait-il le temps et l'argent pour voyager? La réponse, on la trouve Sous le soleil de Cuba, avec Marie-Victorin. Une visite au rythme de la salsa! Puis, le visiteur poursuit son chemin vers la Grande serre pour y chanter Noël. Chaque sapin rivalise par son allure, sa taille, sa forme, sa grandeur et la sorte de végétal utilisé pour sa conception. Bien que celui formé par les cyclamens soit particulièrement beau, le clou de l'exposition est un immense arbre de Noël composé d'une centaine de pots de fougères. Chaque plant a son goutteur lui fournissant l'eau dont il a besoin. Le meilleur moment pour visiter la Grande serre? À 16h30, l'heure où les lumières scintillent dans les arbres et les plantes.

  • États-Unis - Key West, prélude à la Caraïbe

    Cette Floride-là est cubaine dans l'âme. Il est vrai que la dernière île de l'archipel des Keys se trouve plus près de Cuba que de Miami. Les coqs déambulent librement, on y fume le cigare, y pêche le marlin, y danse la salsa et y consomme plus de Mojito que de Coca-Cola. Il plane aussi dans la capitale caraïbe floridienne le souvenir d'Ernest Hemingway, de Tennessee Williams, de Thomas Sanchez... Virée culturelle à l'extrême pointe sud des États-Unis continentaux, au kilomètre zéro de la US Highway 1. Key West — L'île la plus méridionale des États-Unis continentaux ne dit pas grand-chose aux Québécois fuyant les frimas de l'hiver. La vie y est peut-être trop chère, ou pas assez exotique? Nous sommes en Floride, ici. Quoi qu'il en soit, les Québécois préfèrent Cuba, les Bermudes, le Mexique ou la République dominicaine à Key West, où l'on trouve pourtant de grandes stations balnéaires et un centre-ville pas banal du tout, au riche patrimoine bahamien, cubain, américain. Par contre, ceux qui l'ont vue l'adoptent. On pense tout de suite à Michel Tremblay et à Marie-Claire Blais. Et moins près de nous à Ernest Hemingway, Tennessee Williams et Thomas Sanchez. Tous y ont élu domicile un temps, trouvant la ville inspirante. Une petite municipalité de 25 000 habitants permanents, aux rues bordées de coquettes maisons en bois, où les coqs se promènent en liberté, un héritage cubain datant de la fin du XIXe siècle pour se débarrasser des scorpions. En 1867, plus de 100 000 Cubains fuient leur île toujours en guerre avec les Espagnols. Issus de familles prospères et reconnus pour leur savoir-faire en matière de fabrication de cigares, ils sont nombreux à venir à Key West pour travailler au sein d'une industrie florissante sur l'île. On y produit alors annuellement 100 millions de cigares dans plus de 166 manufactures. Si les Cubains roulent toujours le cigare à Key West, le tabac, lui, ne provient plus de Cuba mais strictement des États-Unis. On peut jaser avec les rouleurs dans l'un ou l'autre des nombreux salons de cigares qui bordent la rue principale du centre-ville, où les amateurssont invités à humer et déguster une variété de havanes aux volutes parfois peu agréables. La République des Conches Les keys ont beau être en Floride, rien ici ne rappelle «l'État ensoleillé», sauf le bleu de la mer et le soleil. Donc, pas de vagues à faire damner les surfers ni de promenade en bois en front de mer. Les plages, alors? Eh bien, elles sont quasi inexistantes dans l'archipel. «La surprise est grande pour les voyageurs habitués aux longues et larges plages sablonneuses des côtes floridiennes, précise Claude Morneau, l'auteur de Floride, aux éditions Ulysse. À part dans le Bahia Honda State Park, il n'y a pour ainsi dire pas de plage dans les Keys. «Ce sont les vagues qui transportent le sable sur les côtes, ce qui en vient à former les plages. Or les keys sont "protégées" par une longue barrière corallienne sur laquelle se brisent les vagues avant de rejoindre le littoral, ce qui les force du coup à abandonner leur cargaison de sable.» Côté plage, Key West ne fait donc pas exception à la règle du sable demeuré prisonnier de la barrière corallienne. Malgré cela, la création se montre généreuse côté couleurs de la mer. Une invitation à la baignade et à la plongée. On piquera une tête dans l'eau à la petite plage sauvage Fort Zachary Beach, à l'extrémité ouest de l'île, ou à Municipal Beach, au sud, la plus longue avec ses deux kilomètres, et la plus populaire aussi. Sinon, les hôtels en front de mer offrent toutes une plage aménagée en fonction de leur caractère, plutôt pittoresque à Key West. Comment sont nées ces fameuses keys? La description la plus imagée du phénomène, c'est dans le magazine Géo de 1997 que nous l'avons dénichée: «Un peu de sable saupoudré au ras de l'océan, sur un socle corallien. La végétation tropicale parachève le miracle.» Un chapelet d'une quarantaine d'îles, reliées entre elles par une saisissante voie routière sur pilotis de 141 kilomètres. Une aventure qui commence à Key Largo, la plus longue des keys. Pour atteindre la dernière île depuis Key Largo, le voyageur doit emprunter l'Overseas Highway, un tronçon de la route fédérale US 1 qui commence à Key West pour se terminer à Fort Kent, dans le Maine, à la frontière canadienne. Le long ruban qui s'étale à l'infini tel un élégant trait de plume, avec d'un côté l'océan Atlantique et de l'autre le golfe du Mexique, est une oeuvre d'art de génie civil. Parcourir cette route au coucher du soleil? Wow! C'est à l'homme d'affaires américain Henry Flager que revient la brillante idée d'un chemin de fer qui allait relier Key West à Miami. Après sept ans de travail dans des conditions parfois précaires, l'Overseas Railroad est enfn inauguré en 1912. Mais la voie ferrée est détruite par un ouragan en 1935. Trop coûteuse à reconstruire, elle est remplacée en 1938 par l'Overseas Highway. La partie la plus étonnante de la route est sans conteste le Seven Mile Bridge, long de 11 kilomètres et surélevé dans sa partie centrale pour permettre le passage des bateaux. Quant aux Conches (mollusque à coquille dure et rugueuse), il s'agit du surnom que se donnent les natifs de Key West depuis 1982, alors que la patrouille frontalière américaine mettait en place des contrôles drastiques le long de la US 1 pour rechercher drogue et immigrants illégaux. Les habitants des keys se sentent soudainement comme des étrangers, se révoltent et proclament leur indépendance. Depuis, le drapeau de la Conch Republic flotte au-dessus des bâtiments officiels, à côté du drapeau américain. L'indépendance est fêtée chaque année, du 20 au 29 avril. Quelques incontournables En tête de liste des incontournables, la maison d'Ernest Hemingway. L'écrivain a vécu à Key West, au 907 Whitehead Street, de 1931 à 1940. C'est le meilleur endroit pour découvrir l'homme dont l'oeuvre fut couronnée du prix Nobel de littérature en 1954. Dans cette belle maison hispanique de style colonial construite en pierre, l'auteur du Viel Homme et la Mer a écrit ses plus célèbres romans, dont L'Adieu aux armes, Les Neiges du Kilimandjaro et Pour qui sonne le glas. La maison, joliment restaurée, peut être visitée. Avec son jardin luxuriant, sa piscine d'eau salée taillée dans le corail qui a coûté «une beurrée», elle a conservé le charme de l'époque et offre une bonne entrée en matière à la découverte de cet auteur, amoureux des femmes et...des chats. Il en avait, à l'époque, plus de 60, dont une trentaine présentaient un trait génétique spécial, une sixième griffe. La descendance féline continue de régner en nombre sur la propriété. Côté architectural, les maisons de Key West sont loin d'être dépourvues d'intérêt. Le circuit historique et architectural Pelican Path, balisé par de petits pelicans, mène vers les plus belles d'entre elles. À pied ou à vélo, il est préférable de commencer la visite tôt le matin, lorsque le soleil ne tape pas trop fort. Pour de vrai, c'est la Caraïbe, ici. Key West englobe la plus importante concentration de demeures construites en bois aux États-Unis au cours du XIX e siècle. Quant à la Duval Street, l'artère principale de la ville, il s'agit bien sûr d'un incontournable. On y vend des breloques et on y mange, danse et picole jusqu'au bout de la nuit. Hemingway avait l'habitude de passer ses soirées au Sloppy Joe's Bar, le grand classique des nuits de Key West. On continue de s'y dandiner fiévreusement chaque soir, sur de la musique live rock ou country. Une exposition sur les murs raconte la vie de l'écrivain. On dit que l'alcool l'aidait à transformer ses aventures en romans. Un autre monument historique: le Captain Tony's Saloon, le plus vieux café de Key West. Tony Tarracino, l'ancien propriétaire, se rendit populaire en organisant des voyages clandestins à Cuba pour ramener des réfugiés. Également réputée pour son importante communauté gaie, Key West reste très discrète là-dessus. Trois choses encore... Il y a de bons restaurants ici, le voyageur ne se nourrit pas que de hamburgers et de pizzas. Un tour dans le quartier bahamien permet de comprendre le rôle joué par les ressortissants des Bahamas dans l'histoire de la ville. Et, pour finir, s'offrir une pointe de la fameuse Key Lime Pie au Blond Giraffe: unique! En vrac * Key West est ituée à environ 2800 kilomètres du pont Champlain, à Montréal. En avion, différentes compagnies américaines desservent le Key West International Airport, dont Delta et American Airlines. * Voyages Gendron propose des idées d'itinéraires, des hébergements et des forfaits avion-voiture de Miami ou de Fort Lauderdale. www.voyagesgendron.com. * Construit en 1921 pour loger les riches Américains du nord des États-Unis qui, grâce au chemin de fer, pouvaient s'y rendre facilement, l'historique Casa Marina & Beach Club demeure l'hôtel de luxe par excellence. Élégant et raffiné, ce resort est une bonne adresse pour qui souhaite lire en toute tranquillité sur la plage ou au bord de la piscine, ou découvrir Key West. www.casamarinaresort.com. * À voir: le Mallory Square pour célébrer le coucher du soleil en compagnie de musiciens et d'amuseurs publics, une tradition sur l'île; le Key West Museum of Art & History (kwahs.com), à la fois musée d'art et d'histoire de l'archipel des Keys; le Mel Fishers Maritime Museum (melfisher.org), pour la petite histoire des shipwreckers et de l'épave du navire espagnol Nuestra Senora de Atocha; le Southernmost Point, à l'angle des rues Whitehead et South, une grande borne qui indique le point le plus méridional rattaché aux États-Unis continentaux. À lire: Floride, aux éditions Ulysse; le Guide du routard 2010 sur la Floride; Kilomètre zéro, de Thomas Sanchez; En avoir ou pas (To Have and Have Not) d'Ernest Hemingway.

  • Compostelle vu des airs

    Chrétiens, athées, libres penseurs… Plus de 100 000 âmes foulent chaque année le chemin de Compostelle. Quête spirituelle, découverte de soi, création de liens, résolution de problème, célébration de ses 50 ans… À chacun son chemin. Article publié dans le Devoir du 12 janvier 2013 Et à chacun sa façon de parcourir cette route mythique, historique et culturelle qui s’inscrit dans la grande tradition des pèlerinages chrétiens médiévaux. On marche la route, on la cavale à dos d’âne ou à cheval, on la roule à vélo, en auto ou en camping-car. En deux semaines ou en trois mois. C’est selon. Mais je n’avais encore jamais entendu parler de sillonner le plus célèbre pèlerinage au monde par la voie des airs. Une façon inédite de découvrir la mythique route. C’est ainsi qu’Hervé Tardy, photographe, éditeur et grand voyageur a parcouru, à mi-hauteur et à basse altitude, les quelque 1530 kilomètres de la Via Podensis (GR 65), entre Puy-en-Velay et Saint-Jacques-de-Compostelle. Alors qu’il survolait les Pyrénées pour un repérage, il a observé une colonne d’hommes et de femmes progressant lentement sur les pentes. Touché par la beauté de la scène, le photographe est convaincu qu’il doit suivre le chemin dans sa totalité. Puis Tardy rencontre la peintre-sculpteure Mino, à qui il raconte son projet de Compostelle par la voie aérienne. Avant son départ, Tardy reçoit d’elle un joli dessin qui l’imagine dans les airs. L’idée d’accompagner ses photos de dessins créés par Mino et illustrant la vie des pèlerins sur la Via Podensis plaît au photographe. Quant aux textes sur les 16 étapes du chemin de Compostelle, ils ont été rédigés par l’historienne Claire Lemoyne, auteure, entre autres, de Dans les pas des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle (France Loisir). Résultat : un très bel ouvrage de plus de 200 vues aériennes, qu’accompagnent les dessins de Mino.

  • Marcheur des bois

    Pour apprécier l’hiver et éviter de s’encabaner des semaines durant, rien de tel que de pratiquer un sport d’hiver. Pourquoi pas la raquette ? Bien que plus exigeant que la marche, l’instrument, une fois fixé aux arpions, permet d’aller là où à pied c’est impossible. Fameux pour se mettre en forme ! Article publié dans le Devoir du 11 janvier 2013 Ouache ! Mais non, rien d’odieux ici. C’est le nom du sentier de raquette sur lequel nous évoluons. Nous sommes dans le parc du Mont-Tremblant, secteur de la Diable, en route vers le lac Malard, puis vers le refuge de La Ouache. Un sentier intermédiaire de 6,4 kilomètres aller-retour. La Ouache (ou Malard) était jusqu’à l’an dernier réservée aux skieurs de fond, mais cette année le parc a décidé d’ouvrir ce circuit doté d’un refuge d’une capacité de six personnes aux amateurs de raquette. « On a voulu créer un équilibre entre notre clientèle qui pratique la raquette (souvent en famille) et les fondeurs qui bénéficient déjà de plusieurs beaux sentiers dans le parc, explique Jean-François Boily, délégué commercial, Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ), parc national du Mont-Tremblant et Réserve faunique Rouge-Matawin. Les fervents de la raquette ont donc de quoi s’amuser dans le parc national du Mont-Tremblant, où la neige semble toujours au rendez-vous. Plus de 48 kilomètres de sentiers sillonnent les secteurs de la Diable et de la Pimbina. Des parcours prévus aussi bien pour la famille que pour les plus expérimentés : huit sentiers du côté de la Diable et six sentiers ainsi qu’une zone de raquette d’environ un kilomètre carré du côté du secteur de la Pimbina. Toujours est-il que nous randonnons cet après-midi sur le sentier La Ouache, accessible par le stationnement du lac Malard, à quelques kilomètres du centre de services du Lac-Monroe. Un parcours tout en montée, au coeur d’une belle forêt de bouleaux, d’érables et d’épinettes géantes aux allures de momies, qui mène au lac Malard, puis au joli petit refuge La Ouache. Sauf que La Ouache n’était pas notre intention première, qui était de parcourir la boucle de 9,2 km du sentier du Centenaire. Ce superbe sentier (paraît-il), tracé en 1995 sur les crêtes du massif de la Vache noire pour souligner les 100 ans du parc, devait nous permettre de profiter de beaux points de vue sur le massif de Tremblant, la vallée de la rivière du Diable, Saint-Donat… Et aussi de randonner en boucle un bon quatre heures d’affilée. Nous avons l’habitude de la randonnée en montagne à pied comme en ski de fond, donc pour nous ce trajet en raquettes, que l’on dit un sport relativement facile, représenterait un certain effort, mais rien d’alarmant. L’hiver à sa plus sincère expression Sauf que, ce jour-là, il neigeait. Abondamment même. Et si le sentier du Centenaire est bien balisé, il n’est pas damé mécaniquement. Donc, les premiers raquetteurs qui arrivent ouvrent la piste. Et ce matin-là, nous étions les premiers. Dix-huit centimètres de nouvelle neige sur une grande accumulation de neige et la raquette devient un sport exigeant, à ne pas sous-estimer. Et certes moins naturel que la marche, bien que l’idée soit la même : mettre un pied devant l’autre. Après une heure à tourner en rond pour avoir loupé une balise, on a déjà les jambes et les hanches en bouillie. Pas d’entêtement. Nous décidons de rebrousser chemin. À la vitesse à laquelle nous évoluons, on risque de revenir à la nuit tombante. Et il faut rendre les raquettes avant que le Centre de services du Lac-Monroe, à dix minutes en auto d’ici, ne ferme. À 16 h. « Manitouge Sootana », montagne des Esprits ou du Diable. C’est ainsi que les Premières Nations surnommaient la montagne. En 1858, le géologue W. E Logan faisait déjà allusion à cette légende amérindienne qui voulait que le manitou fasse trembler la montagne lorsque quiconque y enfreignait les lois sacrées de la nature. Une sagesse qui se perpétue dans le plus vieux et le plus grand des parcs nationaux du Québec, où l’une des missions premières est la conservation. La randonnée à pied, le ski et la raquette sont donc d’excellents moyens de découvrir ce que le parc a de plus précieux : sa faune et sa flore. Un service de guides accompagnateurs, sur réservation deux semaines à l’avance, est disponible pour accompagner le raquetteur sur les sentiers. Une belle occasion d’apprendre l’histoire de cet immense territoire naturel protégé de 1510 kilomètres carrés, qui abrite, entre autres, 45 espèces de mammifères et 206 espèces d’oiseaux. Parmi les sentiers de raquette « vedettes », faciles d’accès et offrant des points de vue exceptionnels, il y a la Roche (6 km), la Roche/Corniche/Coulée (8 km) et la Chute-aux-Rats, un tracé de 10 kilomètres qui sillonne le lac Lajoie et se termine à la belle Chute-aux-Rats. Et pour le petit groupe ou la famille qui souhaite séjourner dans un refuge équipé d’un poêle à bois seulement, La Ouache est une belle idée. Il faut toutefois partir avec ses gamelles, sa nourriture, son sac de couchage et tout le nécessaire pour passer agréablement la nuit en forêt. Une petite visite à Saint-Jovite, à la pâtisserie française Le Montagnard, au 835, rue de Saint-Jovite, termine agréablement la journée. On y sert dans une ambiance sympathique une excellente soupe à l’orge cuisinée par Beate et son mari, propriétaires des lieux, un vrai chocolat chaud fabriqué avec des capsules de chocolat et recouvert de crème fouettée, des quiches excellentes, des macarons et de la crème brûlée. De quoi remettre le raquetteur sur le piton !

  • La Thaïlande des Chao Kao

    Randonner à pied, en canot ou à dos d'éléphant dans le nord de la Thaïlande, une sorte de triathlon exotique au coeur de la jungle, à la rencontre des Chao Khao (« gens des montagnes »). Au programme: belles rigolades, bonnes bouffes, un peu de sueur et... le privilège rare de vivre le quotidien de tribus locales, qui, en dépit de leur faible poids démographique (650 000 personnes environ, soit 1 % de la population du pays), contribuent largement au foisonnement culturel du royaume. Chiang Mai — Changement d'époque, changement de style, la capitale de la province de Chiang Mai — fondée en 1296 par le roi Mengrai comme capitale du royaume de Lan Na, puis la porte d'entrée, dès le XVe siècle, des denrées que transportent des caravanes de Chinois venues de la province du Yunnan — accueille aujourd'hui voyageurs curieux et fringants randonneurs, débarquant presque tous par le tarmac de l'aéroport, situé à trois kilomètres de la cité fortifiée. Deuxième ville en importance après Bangkok, bien que 10 fois moins peuplée que la capitale de la Thaïlande, la ville de Chiang Mai recense plus de 200 temples, ce qui lui a valu le surnom de Cité aux mille temples. Une bonne raison pour s'y attarder un jour ou deux. Notre aventure commence donc par la visite du Wat Phra Sing, non pas le temple le plus ancien de Chiang Mai, la palme revenant au Wat Chiang Mien dont l'élégante façade en bois sculpté remonte au XIIIe siècle, mais le plus richement décoré avec son hall d'or paré de fresques murales du XIXe siècle. Puis par une petite virée dans la plus vieille fabrique thaïlandaise de tissage de la soie, le Shinawatra Thai Silk. Bien que la tradition siamoise de la culture du mûrier et de l'élevage du ver à soi remonte au XIIIe siècle, c'est l'architecte Jim Thompson, disparu dans la jungle malaisienne en 1967, qui redonne à la soie ses lettres de noblesse en Thaïlande. Il fonde en 1948 la Thai Silk Company. À l'époque, seule une poignée de vieux tisseurs du pays travaillent pour l'homme d'affaires. Aujourd'hui, la compagnie emploie 20 000 familles de tisserands. La flânerie se termine par un massage thaï. Prétexte pour se faire dorloter? Pas du tout! En Thaïlande, il fait partie intégrante de l'art de vivre. Même que le massage thaï a été proposé au classement sur la liste du Patrimoine mondial immatériel de l'UNESCO. Tout comme la médecine traditionnelle chinoise, d'ailleurs. C'est le dernier plaisir urbain avant notre séjour en montagne. Pour nous accompagner, deux guides qui maîrisent aussi bien l'anglais que l'art de la gastronomie thaïlandaise. Tree, l'intellectuel qui voulait devenir moine. « Chaque garçon thaï est censé devenir moine pendant un court moment dans sa vie, entre le temps qu'il finisse l'école et le temps qu'il commence une carrière ou se marie. Il n'y a pas d'âge pour être novice, mais on ne peut devenir moine qu'à l'âge de 20 ans. On le reste trois mois en moyenne. Certains décident d'être moine toute leur vie. Comme mes parents travaillaient d'arrache-pied pour gagner leur croûte, j'ai préféré les aider plutôt que de vivre dans un Wat. » Et Sak, l'un des meilleurs kayakistes du pays qui a grandi dans le village montagnard de Bane Sopkai, sur la rivière Maetaeng. C'est un départ Le temps de régler les formalités avec la Police du tourisme qui s'assure de la conformité de l'agence de trekking, question de protéger les randonneurs contre une éventuelle arnaque, et c'est un départ. Le marché ouvert de Mae Malai, notre première étape, n'est qu'à 30 minutes en 4x4 au nord de Chiang Mai. Des fruits et des légumes à perte de vue: longane, mangoustan, mangue, pitaya rose, pomme cannelle, ramboutan, sapotille, aubergine, haricot ficelle, radis chinois... Insectes frits et grenouilles grillées. Chenilles. « Très bon avec le riz », affirme Tree. On goûte, on découvre, on achète fruits et légumes pour l'expédition. Après, ce sera plus difficile, les villages de montagne étant moins bien approvisionnés. Les guides ont déjà prévu les menus pour tout le séjour. Outre le pique-nique du midi, un 4X4 de la compagnie Changmai Adventure transporte vers les différentes étapes l'essentiel pour le repas du soir ainsi que les draps et les sacs de couchage, si nécessaire. Pour quelques baht de plus, nous optons pour une excursion de quatre jours sans autres randonneurs. Avec les guides, nous sommes cinq au total. Une randonnée d'une trentaine de minutes dans le parc national Doi Suthep-Pui nous conduit à la spectaculaire chute Mork-Fa. Baignade. De là, on peut aussi accéder par des sentiers balisés au sommet de deux montagnes: le Doi Suthep qui culmine à 1676 mètres et la Doi Pui, à 1685. On retrouve en Thaïlande 79 parcs nationaux, 89 réserves pour animaux sauvages et 35 domaines forestiers protégés. « L'ensemble de ces parcs couvre 13 % du territoire terrestre et maritime et représente l'un des pourcentages les plus élevés au monde », explique Tree. En route vers la province de Mae Hong Son, on découvre la signification du fameux Triangle d'or, cette région montagneuse qui se situe entre le Laos, le Myanmar et la Thaïlande et qui a été longtemps le centre de production de l'opium consommé sur la planète. Ces réalités rejaillissent encore à ce jour, parfois négativement, sur la situation et l'image des Chao Khao. Transformer le Triangle d'or Mais voilà, depuis la fin des années 1980, la Thaïlande a conclu des accords avec ses voisins pour désenclaver le nord et transformer le Triangle d'or en un quadrangle de croissance. « Des infrastructures aéroportuaires et routières ont été construites et des opérations militaires menées de manière à résorber les foyers insurrectionnels et les zones de non-droit. Cette politique a permis de faire reculer l'insécurité, la déforestation et la production d'opium », écrit dans Geo Voyage Bernard Formoso, professeur d'ethnologie à l'université Paris-X Nanterre. « Mais lourde de conséquences pour les montagnards confrontés aux défis environnementaux et économiques. » Un ailleurs subjuguant défile sous nos yeux. Dans le village Lisu situé aux confins du Parc national Hua Nam Dang, point de départ du trek, la vie semble s'organiser autour d'un quotidien ancestral. On célèbre ce jour-là le Nouvel An chinois. Les femmes nous invitent à participer à leur danse autour d'un bûcher rempli de sacs de cadeaux, qu'on ira porter aux esprits plus tard. Elles portent de longues tuniques multicolores, tandis que les hommes sont vêtus de pantalons flottants bleus ou verts. Originaires du Tibet, les Lisu vivent de la culture du riz, du maïs et de l'opium ainsi que de l'élevage du bétail. Ils vouent un culte aux ancêtres et croient aux esprits. La randonnée commence par une montée escarpée. Sur le chemin, des hommes font griller à même le sol deux immenses cochons pour le repas du soir. Plus haut, dans la montagne, à la sortie du village, un tas de linge a été posé sur le bord du sentier. « Quelqu'un doit être très malade dans le village et on veut chasser les mauvais esprits de ses habits », explique Tree. Les sentiers sont rarement plats, mais sans grande difficulté non plus. Entendons-nous bien, on a l'habitude des randonnées sympathiques entre amis et des joyeuses nuitées en refuge dans le parc du Mont-Tremblant, les Adirondacks et les Montagnes vertes, mais rien d'extrême. Loin de nous le trekkeur effréné. Par contre, ici, la difficulté réside avant tout dans la chaleur. Au fil du chemin, les conversations s'engagent: sur les habitudes des ethnies locales, les Lisu d'abord, puis les Karen que nous rencontrerons en fin de journée dans le village de Baan Mae Jok, et demain dans le village de Baan Pa Khaolam. Avec ses quatre groupes distincts: les Karen blancs, les Pwo Karen, les Karen rouges et les Karen noirs, ces « gens des forêts tantôt animistes, tantôt bouddhistes ou chrétiens qui représentent la plus grande tribu de Thaïlande (322 000 habitants). « On reconnaît la femme Karen par sa tunique épaisse et colorée et son sarong rouge brique dont la teinture est préparée à partir d'une plante locale appelée kho », précise Tree. Il y a des moments qui nous touchent. Les repas préparés par nos guides, le soir, dans les woks, à la lueur de la bougie avec l'aide de la femme, de la soeur, de la fille ou de la belle-fille du chef du village: soupe au poulet et lait de coco, brochettes de porc, d'ananas, de tomates, de poivrons et d'oignons, crevettes au gingembre, sauté de légumes à l'ail et tisane à la citronnelle. On repense à la marche dans les rizières asséchées et au repos le midi dans les huttes de bambous sur pilotis. Au bambou farci de riz collant rouge et grillé sur feu de bois par Ya et son mari New Siam, dans le village de Pa Khaolam. À date, en Thaïlande, nous n'avions mangé que du riz collant sous forme de dessert, cuit dans du lait de coco et servi avec de la mangue fraîche. Aux petits-déjeuners copieux préparés par Sak et sa montagne de rôties; aux poules et aux poussins qui, le jour, se promènent librement et le soir sont rangés par famille dans un petit panier de paille. Au vieil homme qui fabriquait des paniers dans le minuscule hameau de Pâ Klaue. Brume du matin dans le village de Karen de Mae Jok. Les villageois vaquent à leurs occupations. Une femme s'affaire à trier le riz, une autre tisse la soie, un homme travaille le bois, les enfants rigolent, une vieille dame fume sa pipe. Nos guides s'accordent de petites causettes avec les villageois dont le regard oscille entre amusement et surprise. Sur les portes, les poteaux, les clôtures, partout, des portraits du monarque Bhuminol Adulyadej. « Vénéré et craint à la fois, Bhuminol Adulyadej, neuvième de la dynastie de Chakri des Rama, est l'âme de son peuple. » Puis l'excursion se termine par la descente de la rivière Maetaeng en canot pneumatique. Et par une promenade de deux heures à dos d'éléphant. On accède donc à la ferme d'éléphant Pang Paka par la rivière, en pleine jungle. Nous avons le plaisir d'assister au bain de Bsonsoe, un éléphant de 41 ans, et de continuer un petit bout de chemin sur son dos, guidés par Sawang, son maître depuis toujours. Le déboisement étant freiné en Thaïlande, l'éléphant et son cornac n'ont plus de travail en agriculture. Ils se consacrent alors aux touristes curieux de mieux les connaître. Bane Sopkai, terminus. En route vers Chiang Mai, un dernier arrêt dans le village de Hauypong, habité par les Akha. Ces derniers figurent parmi les ethnies les plus pauvres et s'efforcent de résister à l'assimilation culturelle. Les petites huttes de bambou sont équipées de toits en foin. « Ici, on mange du chien », affirme Tree. Il y a des moments qui nous touchent... En vrac On se rend en Thaïlande sous les ailes d'Air Canada jusqu'à Hong Kong, via Toronto. À Hong Kong, on emprunte la compagnie Thaï, via Bangkok, jusqu'à Chiang Mai. C'est une solution. Pour un trek réussi, contacter Chiangmai Adventure: www.chiangmaiadventure.co.th. Le coût d'une excursion dans les montagnes du nord est d'environ 75 $ par jour par personne (nuitée et trois repas quotidiens compris). Nous étions trois, accompagnés par deux guides. La meilleure période pour partir en randonnée se situe entre novembre et février, quand le temps est frais, les pluies quasi inexistantes et les pavots en fleur. De mars à mai, les montagnes sont arides et le temps, très chaud. Le début de la saison des pluies, entre juin et juillet, présente l'avantage de la fraîcheur avant que les sentiers ne soient trop détrempés par les pluies. À ne pas manquer: la visite de Chiang Mai, de ses temples, de ses marchés et de son bazar de nuit. La province forestière de Mae Hong Son, domaine du trekking comme du rafting. La province rurale de Nan, avec ses vallées fluviales fertiles, peuplées de communautés thaï lû. La manufacture (et magasin) Shinawatra Thai Silk, à Chiang Mai: www.shinawatrathaisilk. L'unité monétaire est le baht et le taux de change est d'environ 29,71 B pour 1$ CAN. La famille royale, la religion et la nation sont profondément vénérées dans le pays. Leur manquer de respect est passible de sanctions. La visite des édifices religieux suppose de se déchausser et d'être correctement vêtu. Et le sourire est encore le meilleur moyen de communiquer. À lire: Thaïlande, aux éditions Lonely Planet.

  • France - Saint-Jacques-de-Compostelle

    Deux cents kilomètres à pied, aucune difficulté montagnarde. De l'hébergement à profusion, une organisation transbagages impeccable, un lieu inouï de rencontres. N'en demeure pas moins que la première étape de la «Via Podiensis» (ou GR 65) est une épreuve de vérité pour bien des marcheurs: sac à dos trop lourd, ampoules aux pieds, angoisse de l'étape du soir... Continuer ou pas? On opère les petits réglages d'usage, on étudie la logistique, on se calme. Et puis, comme par miracle, de randonneur on devient pèlerin. «Ultreïa» («Va de l'avant!»). Haute-Loire — Un coup de trompe retentit en gare de Saint-Étienne. Le train s'ébranle lentement vers Puy-en-Velay. En cette fin d'après-midi, une trentaine de randonneurs venus de partout au monde prennent place à bord. On devine, par la coquille fixée au sac à dos, le bourdon à la main et le Miam Miam Dodo en poche (l'indispensable guide des bons conseils), que ces marcheurs convergent vers la ville de pèlerinage, porte d'entrée officielle de la «Via Podiensis». En 951, c'est à Puy-en-Velay, «Le Puy» pour les intimes, que l'évèque Godescalc entreprit à dos de mule le premier pèlerinage jusqu'à Compostelle. Il n'est donc pas surprenant que la petite cité sacrée, ceinturée de mamelons volcaniques, joue encore le rôle de prélude à l'odyssée. Il faut toutefois savoir qu'il n'est pas nécessaire de commencer son pèlerinage au Puy et qu'il existe quatre voies sacrées qui mènent le randonneur au terme de son pèlerinage, à Saint-Jacques-de-Compostelle. Quatre routes qui fusionnent à Puente-la-Reina, en Espagne: celle de Vézelay, la «Via Lemovicensis», qui traverse le Limousin; celle de Paris, la «Via Turonensis», qui sillonne la Beauce; celle d'Arles, la «Via Tolosana», qui se confond avec le GR 653 et passe par Toulouse; puis la plus ancienne et aussi la plus fréquentée, la légendaire «Via Podiensis», ou GR 65. «La Via Podiensis demeure le chemin d'origine», explique Gilles Robineault, animateur à l'Association du Québec à Compostelle, un regroupement de Québécois qui aident à faciliter la réalisation du pèlerinage en France et en Espagne. «Non seulement le chemin est-il imprégné d'une vie et d'une spiritualité tenaces, mais il dispose aussi d'une infrastructure touristique dont ne bénéficient pas les autres voies: gîtes, restaurants, toilettes, points d'eau... » Le GR 65 traverse sur 750 kilomètres le sud de la France avant de rejoindre le Pays basque. Côté espagnol, c'est le «Camino Francès» qui prend le relais sur une distance de près de 780 kilomètres. Chrétiens, athées, libres penseurs... plus de 100 000 âmes foulent chaque année le chemin de Compostelle. Les motivations sont de tout poil: quête spirituelle, découverte de soi-même, création de liens, résolution de problème, célébration de ses 50 ans...À chacun son chemin. En ce qui me concerne, c'est par intérêt touristique qu'en septembre, sur un coup de tête, sac au dos, capeline et bottes de marche, j'ai pris la route. J'allais rendre compte du phénomène de Compostelle qui dépasse le cadre strict d'un vagabondage religieux, à l'heure où la pratique catholique toussaille. Vingt minutes de marche séparent la gare du Puy de l'Appart'hôtel des Capucins où je logerai ce soir-là. Heureusement que j'avais réservé une place car le gîte d'étape affiche complet. Je serai seule dans ma chambre, un choix judicieux pour mieux dormir après un long voyage qui m'a conduit de Montréal à Genève, puis de Genève à Lyon en train, et au Puy via Saint-Étienne. Demain commencera la vraie vie de dortoir. Et il est clair que je devrai composer avec les ronfleurs. Le Puy charme dès lors qu'on pose le pied sur le quai de la gare. Construite autour d'une série d'éperons rocheux, la ville basse fourmille de restaurants et de boutiques. «On dirait un gros village», remarque Marie, une amie avec qui je ferai un bout de chemin. «Et regarde cette dentelle.» C'est vrai, depuis le XVe siècle, le Puy est l'un des centres historiques de la dentelle au fuseau. Et reconnu aussi pour la lentille verte. Tout est convivial ici. Est-ce sa petite taille qui invite à la courtoisie ou sa tradition d'accueil millénaire chrétienne qui marque les mentalités? Croyant ou pas, l'office du matin à la cathédrale Notre-Dame-de-l'Annonciation est un incontournable pour le randonneur qui en est à sa première expérience sur le Chemin de Compostelle. Un point de départ symbolique avant la grande aventure qui, pour certains, durera deux semaines, un mois tout au plus, et pour d'autres 62 jours jusqu'à terme. D'abord la bénédiction matinale, puis la signature du livre d'or de la sacristie et l'obtention de la credencial, carnet du pèlerin sur lequel est apposé à chaque halte un tampon soit par le gîte d'étape, soit par le curé, la poste... le dernier étant évidemment celui de la cathédrale de Santiago. La «créanciale» permet d'établir sa qualité de pèlerin et d'être accueilli en priorité dans les gîtes. Attention car elle est obligatoire pour pénétrer dans les albergues de peregrinos ibériques et obtenir la fameuse Compostella délivrée à la cathédrale de Saint-Jacques! On descend rue Chenebouterie jusqu'à place du Plot, on bifurque sur la droite pour emprunter la rue Saint-Jacques, puis la rue de Compostelle en direction de Saint-Privat-d'Allier, deuxième étape, 24 kilomètres. Mon sac à dos aurait dû peser entre cinq et huit kilos, il en pèse douze. Mis à part mon sac de couchage prévu pour des températures au-dessus de -25 degrés, tout m'apparaît nécessaire. «Tu transportes tes peurs», me lance d'entrée de jeu Claude, une pèlerine dans la jeune cinquantaine qui en est à sa troisième expérience sur la Via Podiensis. Ah bon! Aux pèlerins de longue durée, souvent les plus authentiques dans leur démarche, comme René, un routier québécois en changement de carrière qui souhaite atteindre Compostelle puis le cap Finisterre début décembre, ou Walter, cet Autrichien de 78 ans qui marche pour la quatrième fois depuis Vienne jusuqu'à Compostelle, s'ajoutent les vacanciers jouant aux pèlerins pendant une couple de semaines, lookant le chemin d'un air de Club Med, surtout entre Puy-en-Velay et Conques. D'où l'importance de réserver les premiers gîtes si on ne veut pas se retrouver à la rue. «Par contre, pas plus de quatre soirs à l'avance», m'expliquait le cinéaste Alain de la Porte, qui présentait récemment au Québec un film et une conférence sur Compostelle, dans le cadre des soirées des Grands Explorateurs. «C'est simple, en réservant plusieurs jours à l'avance, le marcheur prend le risque d'un effet domino s'il ne peut atteindre l'étape au jour et à la date prévus. Ce qui est le cas lorsqu'on se retrouve avec des ampoules terribles.» Au fil des jours, on apprend la vie sur cette route cadencée par les bornes coquillées, sur lesquelles sont peintes les fameuses balises rouges et blanches qui nous rappellent que cette grande randonnée, le GR 65, fait partie du réseau de 180 000 kilomètres de sentiers balisés en France. On traverse des paysages parfois spectaculaires, comme par exemple le plateau désertique de l'Aubrac, perché à 1000 mètres et qui offre aux randonneurs leurs premiers tête-à-tête avec les éléments de la nature à l'état brut. Par mauvais temps, il n'y a rien d'autre à faire que de serrer les dents. On peut tricher sur la Via Podiensis. On a beau se trouver sur des voies de sainteté, le monde reste ce qu'il est. Je le confesse: nous avons (mes compagnes de quelques jours et moi) sauté une étape. À cause d'une erreur de calcul qui nous obligeait à parcourir en une journée 44 kilomètres, entre Aumont-Aubrac et Saint-Chély-d'Aubrac. Pas question! Surtout sachant que pour quelques euros on peut monter à bord d'un transbagages qui nous mènera à l'étape suivante! Du coup, on a expérimenté l'effet domino. Ça va, ça va, on a compris, même les étourdis ont le droit au chemin! Toujours est-il qu'on aurait dû dormir à la Tour des Anglais, à Aubrac, et qu'on a pris une chance de poursuivre jusqu'à Saint-Chély-d'Aubrac, sans réservation cette fois-ci. Et moi qui pensais qu'il était toujours possible de trouver refuge. En tout cas, pas dans le très charmant village de Saint-Chély-d'Aubrac, avec sa Croix du pèlerin sur le pont Vieux, classée depuis peu au Patrimoine mondial de l'humanité. On n'ose pas imaginer le premier week-end de mai, celui de la transhumance, où l'on file l'aligot avec énergie. Personne n'a dormi sur le parvis de l'église mais on a trouvé un gîte tard et payé le gros prix. Néanmoins sans punaises, ni ronfleurs. «Ultreia!», «Va de l'avant!», me lance Claude. Tiens, la voilà! «Ce qui est formidable sur ce chemin, plaisante Antoine, un Français du département de l'Ain venu randonner pour le simple plaisir de la chose, c'est qu'il ne se passe rien d'inouï: on marche, on mange, on parle, on dort. On chemine ensemble quelques jours, on se sépare, on se retrouve. Le matin, on réserve le gîte du soir, le midi, on pique-nique dans le champ avec les vaches ou à l'ombre d'un châtaignier, en après-midi, on réserve son transbagages pour le lendemain. Espalion, Golhinac, Estaing, trois jours sont nécessaires pour rejoindre Conques, l'une des étapes majeures de l'itinéraire. Un incontournable. Et pour moi le terminus. Mais comment sortir d'ici? La prochaine gare se trouve à deux jours de marche, à Figeac; demain, c'est samedi et il y a une telle affluence que tous les transbagages affichent complet. Je sais que je trouverai. Ah oui, Claude ! Ce ne sont pas mes peurs que j'ai transportées dans mon sac, mais mon indépendance. C'est ça, la Via Podiensis: des amitiés, des ronfleurs, un verre de vin sur la place centrale dans un village, une nougatine dégustée dans une pâtisserie, un souper convivial, une rencontre avec un prêtre prémontois coloré à l'abbaye de Conques et... des ampoules aux pieds. Ultreïa! En vrac * Air Canada relie Montréal à Genève, point de départ du GR 65, pour qui veut ajouter ce tronçon à celui de la Via Podiensis débutant à Puy-en-Velay. Le GR 65 pénètre en France dans la partie est de la commune de Saint-Julien-en-Genevois, où l'on trouve la première balise rouge et blanche. Saint-Jacques-de-Compostelle est alors à 1854 kilomètres. De Puy-en-Velay à Conques, on compte près de 200 kilomètres, et de là, 1430 kilomètres jusqu'à Compostelle. Air Canada relie également Montréal à Lyon, plus près de Puy en Vêla * Le meilleur moment pour partir se situe entre avril et octobre. Toutefois, en avril et mai, le temps est instable alors qu'en juillet et août, il fait plus chaud. Au mois de juin, les fleurs abondent dans les champs et les gîtes sont moins fréquentés. Attention à l'année jacquerie, il pourrait y avoir plus de pèleins sur les routes de Compostelle. * Pour vous aider à organiser votre voyage: l'Association du Québec à Compostelle, présente dans toutes les régions, propose conférences, activités et sessions d'information: www.duquebecacompostelle.org. *Pour se loger aux différentes étapes, quelques bonnes adresses: le Gîte des Capucins, à Puy-en-Velay, petit hôtel propret qui offre des chambres individuelles et en formule dortoir (moins cher): www.le-puy.de/fr/nos-divers-modes-d'hebergement/lapparthôtel-des-capucins-67.htm. La Cabourne, à Saint-Privat-d'Allier: www.lacabourne.fr. Mme Ithier & Martins, gîte de France à la ferme, à Saugues: www.chemindecompostelle.com/itiermartins/index.html. La Croix du Plô, gîte d'étape à la ferme, au Rouget: 011 33 4 66 31 53 51. La Tour des Anglais, pour une expérience insolite, à Aubrac: www.aurelle-verlac.com/vaubrac/vaubrac3.htm. L'hôtel de la Vallée, à Saint-Chély-d'Aubrac: www.lavallee-stchely.com. Gîte d'étape Halte Saint-Jacques, à Espalion: www.halte-saintjacques.com. Gîte d'étape L'Orée du Bois, à Golhinac: www.tourisme-entraygues.com/fr/hebergements/gites-etapes-goupes.php. Centre d'accueil de l'Abbaye Sainte-Foy, à Conques: 011 33 5 65 69 85 12. * Entre autres guides, Miam Miam Dodo (magasins Ulysse et La Cordée) et le topo Guide Sentier vers Saint-Jacques-de-Compostelle Le Puy-Figeac.

  • Allemagne - Tradition, romance et modernisme

    Doux mélange de modernité à l'américaine et d'urbanité façon vieille Europe, inventive, perfectionniste, articulée, l'Allemagne carbure — comme sur les autoroutes! — à la vitesse d'une comète. Technologie et architecture de pointe, plaisir de vivre et romantisme, le pays tout entier fonce et cultive sa différence. De Francfort à Heidelberg, de Maulbronn à Stuttgart, de Munich à Nuremberg: aperçu d'un mode de vie made in Germany. Le long de l'autoroute, entre Francfort-sur-le-Main et Heidelberg, les champs d'asperges blanches alternent avec ceux de colza, d'un jaune éclatant. Dans les aspergeraies, des cueilleurs venus de Pologne s'affairent autour des buttes sablonneuses recouvertes de plastique. Ici, plus au sud, la saison bat son plein depuis la mi-avril. Le noble légume blanc, dodu et ferme, est sur tous les étals. Et pas de gaspillage! Entiers, cassés ou les têtes seulement, on en vend toutes les parties. Récoltées le matin, les asperges sont servies bien fraîches le midi, recouvertes de beurre chaud ou de sauce hollandaise et accompagnées de pommes de terre bouillies, de jambon, d'une salade verte et d'un verre de vin blanc de Franconie. L'Allemagne détiendrait la tête du palmarès des mangeurs d'asperges. Jusqu'au 24 juin, jour de la Saint-Jean-Baptiste, patron de la récolte des asperges, on les retrouvera au menu de tous les restaurants du pays, quasiment sans exception. Bien que nous roulions à 140 km/h, la plupart des autos nous dépassent. So! Ce n'est pas le moment de rivaliser avec une Roadster SLR McLaren aux allures de Formule 1. Autrement, la conduite automobile en sol germanique est relativement simple; le réseau routier ressemble au nôtre, sauf qu'il est beaucoup mieux entretenu: important sur des routes sans limite de vitesse. Dans la voie du centre, on carbure facilement à 160 km/h et dans celle de gauche... à plus de 200 km/h. L'Allemagne est sans contredit le royaume de la voiture performante. C'est en parcourant le land du Bade-Wurtemberg, troisième au pays en importance démographique et économique, qui détient le plus grand nombre de brevets d'invention, et celui de la Bavière, le plus méridional des 16 länder allemands, tout aussi prospère, que notre groupe sera initié aux us et coutumes allemands. L'expérience aurait pu être vécue ailleurs en Allemagne car tout le pays jouit d'un franc plaisir de vivre, de traditions fortes et d'une histoire riche qu'on découvre au fil des visites dans les musées, glyptothèques, pinacothèques, châteaux, monastères, cafés... Une longue et captivante histoire ponctuée d'époques glorieuses mais aussi de moments très sombres que les Allemands ne sont pas près d'oublier. Oui, l'Allemagne a choisi de vivre avec son passé. Le vitrail de la cathédrale d'Ulm consacré aux juifs, montrant tout en bas les déportés destinés à être assassinés, en est un exemple; le Centre de documentation sur l'ex-site des congrès du parti nazi à Nuremberg, un autre. «Si Adolf Hitler a arrêté son choix sur Nuremberg pour y tenir chaque année les congrès de son parti, c'est en partie pour sa situation géographique au centre de l'Allemagne et en partie pour son excellent réseau de chemins de fer, raconte Thomas Schmechtig, notre guide. Nuremberg, la plus allemande des villes allemandes, comme le dictateur aimait la surnommer, avec ses églises gothiques, ses maisons à colombage et son château fort, offrait un décor idéal. Le Führer y voyait un lien symbolique entre le Saint Empire romain germanique et le IIIe Reich.» Les congrès du Parti nazi attiraient à Nuremberg jusqu'à un million de personnes durant une semaine, chaque jour étant consacré à une organisation nazie. «À partir de 1934, on entreprit de gigantesques travaux pour créer le cadre nécessaire à la mise en scène des défilés et manifestations de masse, poursuit le guide. D'une superficie de 11 kilomètres carrés, l'emplacement prévu pour les six bâtiments devait être quatre fois plus étendu que la vieille ville.» Les vestiges du podium sur lequel se tenait Hitler s'y dressent toujours, ainsi que le palais des congrès inspiré du Colisée de Rome. L'oeuvre magistrale, inachevée, sert encore d'entrepôts pour la ville ainsi que de studio d'enregistrement pour l'Orchestre symphonique de Nuremberg. L'affectation de ces bâtiments, comme celle d'autres vestiges du IIIe Reich, fait toujours l'objet de discussions, certains considérant qu'un usage commercial n'est pas une bonne façon d'assumer l'histoire. On ne sait donc pas encore que faire de ce site hanté par le spectre nazi. Par contre, un centre de documentation créé dans l'aile nord du palais et inauguré le 4 novembre 2001 explique aux visiteurs le rôle clé de Nuremberg dans l'Allemagne nazie. Esprit grégaire Parmi les clichés tenaces sur le pays, celui d'une société travaillante, organisée et perfectionniste, qui digère mal l'erreur, n'est certes pas infondé. Comme celui qui prétend qu'à la moindre occasion, ce peuple fêtard, en culotte de cuir, avale chopes de bière et jarrets de porc autour de grandes tables, dans les Stube où aux terrasses des auberges, en chantant à tue-tête. Ce qui n'est pas faux! Il suffit de penser à l'Oktoberfest de Munich, cette fameuse fête de la bière à laquelle participent bon nombre d'Allemands et qui attire chaque année plus de sept millions de visiteurs. On parle de la plus grande fête populaire au monde, célébrée sur le pré de Thérèse (Theresienwiese) depuis le 12 octobre 1810, jour des noces du futur prince héritier Louis Ier de Bavière et de la princesse Thérèse von Sachsen-Hildburghausen. Hormis la bière, les Allemands sont également très friands de café, de gâteaux, de tartes aux fruits et de glaces. Ils se réunissent volontiers en fin d'après-midi pour le Caféklatsch (Klatsch signifiant potins, cancans) dans un salon de thé ou un chic café, nombreux au pays. On y déguste alors de délicieux gâteaux accompagnés de crème fouettée, de crème vanillée et petits fruits rouges. À la maison, ces rencontres amicales se poursuivent jusqu'en soirée. On sort alors mousseux, charcuteries, fromage et pain (incroyablement bon au pays de Goethe) sous toutes ses formes: blanc, brun, beige, noir, triangulaire, carré, rond, rectangulaire, avec ou sans graines... Notre itinéraire nous conduit d'Heidelberg à l'abbaye cistercienne de Maulbronn, une construction du XIIe siècle classée au patrimoine mondial de l'UNESCO; à Stuttgart, capitale du Bade-Wurtemberg et patrie de Gottlieb Daimler, pionnier de l'automobile, inventeur de la moto et fondateur de la marque Daimler devenue Daimler-Benz AG, puis Mercedes-Benz à l'arrivée d'Émil Jellinek et de Carl Benz; à Ulm où Einstein a vu le jour; puis à Munich et Nuremberg. Au-delà des clichés qui collent à ce pays de plus de 82 millions d'habitants, quatre fois plus petit que le Québec, où, le matin, on peut acheter ses oeufs à la ferme pas trop loin et le soir aller à l'opéra à vélo, on y fait à tout moment des découvertes surprenantes. En exclusivité, à deux pas de l'usine mère où fut développé le premier moteur à essence en 1903, le Musée Mercedes Benz à Stuttgart retrace 120 ans d'histoire automobile. On retrouve, sur neuf niveaux, 160 voitures de marque. Le visiteur traverse sept époques: l'invention de l'automobile (1886-1900), Mercedes (1900-1914); diesel et turbo (1914-1945); le miracle de l'après-guerre (1945-1960); sécurité et environnement (1960-1982); et les Flèches d'argent, courses et records. Les enfants peuvent bénéficier d'une visite ludique. Sur la colline Killesberg, également à Stuttgart, le Musée Weissenhof, installé dans La Maison Le Corbusier, raconte l'histoire de la construction de la cité à l'occasion de la Confédération du travail «Le logement», en 1927. Dix-sept architectes de cinq pays européens participent à cette construction moderne et fonctionnelle empreinte de rigueur, de sobriété et de logique. Parmi ces génies de la construction, deux retiennent l'attention: Walter Gropius, le père du Bauhaus, et Le Corbusier. Onze modèles de l'exposition sont toujours intacts et habités. Le site est aujourd'hui considéré comme l'un des monuments architecturaux les plus importants de l'art moderne. Le musée fut érigé en tant que maison double par les architectes Le Corbusier et Pierre Jeanneret. La demeure compte parmi les constructions les plus renommées de la cité de la Weissenhof. L'intérieur plutôt original est reproduit selon les esquisses et le plan de couleur projeté par Le Corbusier. Le mobilier de l'époque est dans le style de la tradition de l'art Bauhaus. La cathédrale d'Ulm Ouf! Il ne reste que quelques marches à grimper sur les 768 avant d'atteindre le sommet du clocher de la cathédrale d'Ulm, le plus haut du monde, à 161 mètres. L'effort est récompensé: au pinacle, on a tout le plaisir d'admirer en détail les sculptures gothiques ajourées de la flèche tout en bénéficiant par beau temps d'une vue sur les Alpes. La plus grande église protestante du monde loge jusqu'à 2000 personnes assises. Au Moyen Âge, elle en accueillait jusqu'à 20 000! C'est qu'à l'époque, il était dans les moeurs de rester debout pendant les messes. L'intérieur renferme une mine d'oeuvres d'art à couper le souffle une seconde fois, comme les stalles du choeur, sculptées au XVe siècle et ornées de bustes de personnages bibliques, un ensemble de vitraux médiévaux et un tabernacle de 26 mètres de haut. Un spot de surf à Munich? C'est une blague? Pas du tout. L'Eisbach, l'une des rivières qui sillonne l'Englisher Garten (le Jardin des Anglais), forme un rouleau au niveau de la Prinzregentenstrasse. Et les surfers se succèdent dans l'ordre sur cette vague redoutable. Qui a dit qu'on ne buvait que de la bière à Munich? On cultive aussi muscles et intellect. Et ici, on apprécie le fait que palais et musées côtoient avec bonheur tavernes enfumées et Biergarten. N'empêche que la plupart des guides de voyage attribuent une grande place à l'élixir doré qui coule à flot durant l'Oktoberfest. On apprend donc dans Le Guide de voyage - Allemagne de National Geographic que l'on consomme durant les 15 jours de festivité environ 700 000 poulets rôtis, 250 000 saucisses, 14 tonnes de poisson, une centaine de boeufs et un nombre incalculable de pretzels. Fêtards, les Allemands ? Non, juste un peu grégaires... En vrac - La location de voiture coûte cher en Allemagne. Il est souvent plus intéressant de louer un véhicule par l'entremise d'une agence de voyages avant de partir. - L'Allemagne dispose actuellement d'un réseau ferroviaire de 42 000 kilomètres, exploité par la Deutsche Bahn (DB). Les Inter City Express (ICE), Inter City (IC) et Euro City (EC) relient les principales villes. Les grandes gares disposent d'un réseau de réservation (Reisezentrum). Les voyageurs étrangers peuvent acheter une passe «Special vacances» avant le départ. tél: 018 03 19 41 95. - Un réseau régional étendu de cars, de tramways, de métros (U-Bahn) et de trains (S-Bahn) sillonne le pays. Les autobus desservent les villages et les petites villes qui ne sont pas reliés au réseau ferré. - Musée Mercedes-Benz Museum: Mercedesstrasse 100, 70372 Stuttgart, tél: +49 (0) 711 - 17 30 000, www.stuttgart-tourist.de/FRA/loisirs/mercedesbenzmuseum.htm. - Musée Weissenhof, Rathenaustr: 1, Stutgart, tél: +49 (0) 711. 25 79 187. Publié dans le Devoir du 26 mai 2007

  • Guatemala - Sur la route des volcans, d'Antigua au lac Atitlan

    Antigua – L’étonnante variété de paysages et la grande diversité culturelle du Guatemala font de ce petit État d’Amérique centrale, baigné au sud par l’océan Pacifique et au nord-est par la mer des Caraïbes, un pays passionnant à visiter. À l’ombre des volcans, entre la jolie ville coloniale de La Antigua Guatemala et les villages indigènes hauts en couleur du lac Atitlán. Article publié dans le Devoir du 29 décembre 2012 Rien à faire, le ciel reste nuageux. Impossible d’entr’apercevoir ne serait-ce que le contour du volcan Agua. Raison de plus pour élire domicile plus d’un jour dans cette jolie ville coloniale. Par beau temps, où que l’on soit dans Antigua, on voit l’Agua, situé à dix kilomètres d’ici. Mais aujourd’hui, le beau dôme, à 3766 mètres, se trouve sous un couvert de nuages. À la différence des autres volcans de la région, comme le Fuego et le Pacaya, l’Agua se présente en situation isolée au milieu des plaines. Son cône parfait à l’allure d’un entonnoir est donc visible de loin. Il est d’ailleurs si beau que le Guatemala a émis des timbres à son effigie. À défaut de pouvoir admirer live l’Agua endormi depuis 100 000 ans, le visiteur peut aller s’émerveiller au couvent Las Capuchinas devant une fresque qui représente le volcan surplombant Antigua. Par la même occasion, il peut aussi visiter le cloître aux grosses colonnes et aux galeries voûtées, son jardin et sa tour aux dix-huit cellules construite autour d’un patio circulaire. Histoire de se faire une idée de la vie menée dans ce beau prieuré par les religieuses madrilènes qui, avant le séisme de 1773, s’occupaient d’un orphelinat et d’un hôpital pour femmes. La grande séductrice Les guides touristiques sont unanimes : la beauté coloniale d’Antigua, avec ses rues pavées, ses ruines (causées par deux tremblements de terre), ses multiples hébergements - plus de 140 hôtels, auberges de jeunesse et« posadas » -,ses restaurants, ses cafés (et son excellent café), ses boutiques d’art, en fait l’une des étapes préférées des voyageurs en visite au pays des couleurs. À l’ombre du Parque central, il faut prendre le temps de déguster un café de chez Café Barista, à l’angle nord-ouest du parc, avant de se lancer dans la visite des ruines de la cathédrale de Santiago détruite par le séisme de 1773. Incroyables, ces énormes fragments de colonnes qui gisent toujours sous les arcades de brique, comme si le tremblement de terre venait d’avoir lieu. À Antigua, pas de bâtiments en hauteur. Donc, pas de grandes tours à appartements ni de grands hôtels qui viennent obstruer la vue sur les volcans Agua, Fuego et Acatanango. Pourquoi ? Les ruines parlent d’elles-mêmes. L’histoire de cette ancienne capitale née en 1543 des conquêtes espagnoles et classée au patrimoine de l’Unesco, en 1979, a été ponctuée de séismes, d’éruptions volcaniques et d’inondations. Qui voudraient vivre aujourd’hui au 17e étage d’un immeuble ? « L’histoire tourmentée de la ville a d’ailleurs commencé sur les flancs du volcan Agua, le 11 septembre 1541 », raconte Laura Calderon, notre guide. « Une coulée de boue provenant de la montagne a pour ainsi dire enseveli la localité [premier emplacement de la capitale] alors située dans l’actuelle Ciudad Vieja, à sept kilomètres d’ici. Ce n’est que deux ans plus tard qu’apparaît sur la carte du monde Santiago de los Caballeros, le nom d’Antigua à l’époque. » Antigua, alias Santiago de Guatemala donc, sera pendant près de deux siècles un important centre politique, économique, religieux et culturel. Mais la capitale située au beau milieu d’une zone sismique active n’est pas au bout de ses peines. La terre gronde à répétition et finit par avoir raison de la belle coloniale en 1773. À bout, les autorités espagnoles décident de s’installer dans la vallée de La Ermita, à 45 kilomètres à l’ouest d’Antigua. En 1775, le roi Charles III signe une charte ordonnant la construction de Guatemala Ciudad, depuis la capitale du Guatemala. L’embarras du choix Plusieurs motivations incitent les touristes à visiter Antigua : la richesse de l’histoire, la joliesse des maisons aux couleurs pastel, le café exquis, l’ivresse de grimper l’un ou l’autre des trois volcans qui dominent la ville, la gentillesse des habitants, les nombreuses écoles d’espagnol. « Elles attirent les étudiants du monde entier, dit Laura Calderon. Le choix est vaste à Antigua et la plupart des écoles offrent tous les niveaux d’apprentissage. Et si un cours dure trois semaines en moyenne, rien n’empêche de s’inscrire à une leçon d’une heure seulement ou alors de s’installer à Antigua pour plusieurs mois, histoire d’explorer les environs de la ville. » Nul besoin d’être un grand marcheur pour grimper le volcan Pacaya (2552 mètres d’altitude) situé à 25 kilomètres d’Antigua. Et il est encore actif ! On atteint le cratère en deux heures de marche max. À l’occasion, il arrive de voir une coulée de magma en ébullition au milieu d’un champ de lave durci. Attention aux petites explosions rocheuses. C’est ça, le danger ! Autre très beau site à visiter au Guatemala : le lac Atitlán à trois heures de route d’Antigua ou de Guatemala City. Le visiteur qui voyage en autobus a tout intérêt à suivre le conseil du guide Lonely Planet sur le Guatemala : se placer du côté droit du véhicule pour ne rien manquer de la vue époustouflante sur le lac couleur indigo et les trois volcans qui le dominent. À Solola, petite ville située sur une falaise, à 2060 mètres d’altitude, un belvédère invite les voyageurs à faire une courte pause contemplative. Le moment est propice, avant la pluie qui risque de tomber, pour capter en images le reflet du volcan San Pedro (3020 m) sur le lac d’une longueur de huit kilomètres du nord au sud et dix-huit d’est en ouest. Très photogénique. Une longue descente en serpentins de huit kilomètres mène à Panajachel, principale localité sur les bords du lac. Les rues piétonnes du centre-ville sont bordées de cybercafés, d’agences de voyage, de vendeurs d’artisanat, d’hôtels, de restaurants, de bars. Première véritable rencontre avec les mayas cakchiquel et « tzutuhil » venus des villages environnants vendre leur artisanat. Partout l’accueil est souriant. Dans les rues, les enfants vous saluent et les commerçantes vous emboîtent le pas, histoire de vous soutirer quelques quetzal, bien sûr, mais aussi de vous initier à leur savoir-faire ancestral. Elles vendent tissus colorés, foulards, tapis, kilim. Lorsqu’elles sont vêtues du huipil traditionnel, un connaisseur saurait dire, par la couleur de leur tunique, duquel des douze villages autour du lac proviennent ces femmes mayas, pour la plupart tisserandes de mère en fille. Du coton au textile C’est en lancha (bateaux-bus), au départ de Panajachel, que l’on rejoint les villages de Santiago Atitlán et San Juan La Laguna. Entre plantations de café, de coton, de bananes et de maïs, les deux localités aux rues pavées et pentues vivent au rythme des humeurs du lac Atitlán. Interrogés sur leur vision de la fin du monde par leurs ancêtres, les Mayas tz’utujil de San Juan La Laguna répondent qu’ils craignent bien plus les dégâts occasionnés par la montée des eaux du lac que tout autre chose. En accostant au quai, on voit les maisons inondées. Désolant ! À San Juan comme à Santiago Atitlán, les femmes portent des jupes à rayures et des huipils brodés de fleurs colorées, d’oiseaux, d’astres… Et elles assurent le maintien des traditions au grand plaisir des touristes. À San Juan, les femmes de l’Association de tisserandes « Telar de Cintura Chinimaya » ouvrent grandes les portes de leur atelier, ce qui permet aux visiteurs de suivre les étapes de travail des fileuses, teinturières et tisserandes du village de 5600 habitants. « Dans les coopératives artisanales, la priorité est donnée aux teintures végétales locales et au coton biologique filé à la main », explique Mercedes, une femme « tzutuhil » qui s’empresse de nous amener dans son jardin pour nous exposer les étapes de la teinture à partir de plantes locales. Avant que ne se lève le « Xocomil », ce fameux vent qui peut déchaîner le lac Atitlán en moins de deux, et que les étoiles s’allument, une visite à Maximon, cette divinité tenue en grand honneur dans les Hautes Terres du Guatemala, complète notre découverte de Santiago Atitlán. Comme le personnage change de maison tous les ans, un enfant du village nous conduit vers la statue de bois drapée de cravates et d’écharpes colorées et fumant un gros cigare. C’est Juan, un villageois qui a la tâche de surveiller le personnage 12 heures par jour, 365 jours par année. C’est aussi lui qui recueille les offrandes (Maximon adore le rhum et les cigarettes). « L’effigie du dieu est installée dans la maison d’un membre de la confrérie maya catholique, lit-on dans le guide Lonely Planet. Selon les anthropologues, Maximon déménage chaque année de façon à équilibrer les pouvoirs locaux. » Quoi qu’il en soit, ni le chemin à travers les ruelles de Santiago Atitlán emprunté pour se rendre au domicile ni la rencontre avec le « personnage » ne laissent indifférent. Pas plus d’ailleurs qu’un voyage au Guatemala. En vrac Où dormir: Le choix d’hébergement est aussi grand à Guatemala City qu’à Antigua. Les voyagistes ont toutefois tendance à préférer amener leurs clients directement à Antigua. Les hébergements de charme Porta Hotel del Lago et la Posada de Don Rodrigo à Antigua sont deux bonnes adresses. Organiser son voyage. L’agence de voyages Uniktour propose le Honduras et le Guatemala à son programme. Consulter Gregory Dedrumel, qui vous guidera vers des spécialistes du Guatemala afin de vous aider à concocter un itinéraire à la carte digne de vos attentes. Ou bien Jad Haddad, chez Terres d’aventures, pour un voyage en groupe à la fois culturel et sportif. Aimé la visite du musée de l’atelier et du magasin La Casa del Jade, à Antigua. Le jade était très apprécié des anciens Mayas. Mangé des plats typiquement maya et du terroir guatémaltèque, créés par le chef Humberto Dominguez, sous une palata au toit en feuilles de palmier, sur fond de marimba, au restaurant Kakao, situé dans la zone 10 à Guatemala City. À lire : les guides Ulysse ou Lonely Planet sur le Guatemala. Vous y trouverez mille et uns conseils pratiques pour réussir votre voyage dans ce pays assez bien organisé pour les touristes.

  • Allemagne - Thuringen, Au royaume de la Kultur

    Publié dans le Devoir du 26 septembre 2009 Lorsque la Thuringe faisait partie de la République démocratique allemande, la clientèle touristique qui la fréquentait provenait avant tout de l’ex-Europe de l’Est. Depuis la réunification, il y a eu redistribution: les voyageurs de l’Est vont maintenant se rincer l’oeil à l’Ouest, alors que ceux de l’Ouest découvrent le joyau thuringien. Comme s’il avait fallu des siècles à ce Land millénaire pour apurer son passé tumultueux et jouir enfin de ses béatitudes. Quoi qu’il en soit, la Thuringe invite les accros de littérature, d’architecture et de musique au dialogue silencieux avec de grands personnages qui ont marqué son histoire. Wilkommen ! Eisenach — Dehors, c’est la grisaille. Et puis après? Pas d’amalgame, le pays de Goethe, c’est pas les Tropiques. Mieux vaut emporter une petite laine ou bien y venir en été. Mais pour l’ambiance des cafés et des restaurants, on met toutes les chances de son côté en automne, en hiver ou au printemps. Le café, le thé et le chocolat chaud ont bien meilleur goût quand ils sont pris dans l’enceinte d’une ancienne maison à colombage éclairée de façon intimiste par des lanternes. Dehors, donc, c’est la grisaille. «Das macht nicht!» Car rien ne peut venir troubler le moment présent. Assise sur une chaise droite, en bois, j’écoute Herr Meissner jouer un extrait de Magnificat, de Jean-Sébastien Bach. Imaginez un peu... un chef-d’oeuvre de Bach joué sur un piano qui date du XVIIIe siècle par un guide allemand passionné qui porte de petites lunettes rondes, entre les murs de la maison même où est né le musicien il y a de cela trois cent vingt ans. Le bonheur est dans le Land Peu de choses manquent au bonheur de ce Land situé en plein centre de l’Allemagne. Peu de choses, car il a presque tout: une forêt de 120 kilomètres de long sur 35 de large qui forme une suite continue de collines arrondies avec son sommet le plus élevé, le Grosser Beeberg, à 982 mètres; le Rennsteig, un sentier pédestre de 168 kilomètres ponctué d’auberges et de refuges qui emprunte les sommets de la forêt de Thuringe le long de la crête principale, d’Eisenach à Blankenstein; une rivière, la Wella, sur laquelle on peut découvrir la région en canot; et des cités médiévales, des châteaux, des cathédrales, d’anciens monastères… «Où trouver tant de bonnes choses réunies dans un espace aussi réduit?», aurait écrit Johann Wolfgang von Goethe à Johann Peter Eckermann, également écrivain allemand devenu secrétaire et directeur de l’édition complète des oeuvres de Goethe à Weimar. L’auteur du roman Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister et du Faust, le fictif, a dominé pendant plus d’un demi-siècle la vie littéraire de l’Allemagne. Appelé à Weimar par le grand duc Charles-Auguste, Goethe a incarné le citoyen universel parfait. Il disait tenir de son père «la conduite sérieuse de la vie», de sa mère «la nature joyeuse et le goût de conter». «Incroyable! Sur une aussi petite parcelle de terre, autant de grands hommes.» Ça, c’est moi qui l’ai dit! Une bonne dizaine de fois depuis mon retour, d’ailleurs, pour expliquer l’intérêt d’aller en Thuringe. C’est tout dernièrement que j’ai appris qu’à Weimar, il y a environ 400 ans, un illustre poète, romancier, dramaturge, scientifique, grand administrateur, voisin et ami du poète Friedrich von Schiller avait prononcé des mots semblables. Eh bien! La Route des classiques D’autres personnages illustres? Sans remonter au Déluge, arrêtons-nous à Martin Luther qui fréquenta la faculté de droit de l’université d’Erfurt, aujourd’hui capitale du Land, avant d’entrer au couvent des Augustins. Après son excommunication de l’Église catholique, Luther se réfugie au château de la Wartburg, à Eisenach, où il traduit le Nouveau Testament en allemand. Même Napoléon a «visité» la région. D’ailleurs, les habitants d’Iéna se souviennent encore de son passage… plutôt tumultueux. À la manière d’Hansel et Gretel, le pain en sus, l’empereur a laissé ses empreintes à maints endroits le long de ce qu’on appelle aujourd’hui la Route des classiques. Un petit musée, Le mémorial 1806, à Cospeda, près du site de la bataille d’Iéna, rend hommage aux soldats prussiens et français. Sacré Napoléon! La Route des classiques permet de sillonner villes et campagnes, entre les maisons à colombage au toit orangé, les monastères, les églises, les demeures somptueuses, les jardins qui ont marqué la vie de Luther, Bach, Goethe, Schiller, et les petites cités médiévales qui tour à tour ont aussi accueilli les Adam Ries, Richard Wagner, Johannes Brahms, Richard Strauss… Le tracé géographique de la Route des classiques ressemble au profil d’une tête d’orignal dont le pif pointe vers l’est. Entre l’oreille et le nez, le long du naseau, on trouve alignées les villes d’Eisenach, Gotha, Erfurt, Weimar et Iéna. La bouche représente Rudolstadt, la gorge Illmenau, la nuque Meiningen et au centre, sur la ligne qui relie Erfurt à Illmenau, se trouve la ville d’Arnstadt. Trois cents kilomètres de Kultur avec un grand K et de Natur. L’idée d’une Route des classiques reliant les villes où ont vécu des personnages dont le souci commun était la perfection, la curiosité et le raffinement a germé dans la tête des responsables de la promotion du tourisme de la Thuringe un peu après la chute du mur de Berlin. Suite à des années d’isolement politique, il fallait trouver une façon de remettre le Land sur la carte géographique des hauts lieux touristiques. Weimar, Erfurt, Eisenach, quelle autre région en Allemagne pouvait mieux que la Thuringe raconter la grande époque du classicisme? Et le reste a suivi. Les hôtels, les auberges et les restaurants poussent comme des champignons. Fortifications, châteaux et monuments font peau neuve; on modernise les musées. Et en périphérie des grands classiques, la petite province allemande ne manque pas d’attraits. Prenez le Kramerbrücke (le pont des Épiciers) par lequel passa la Via Regia, ou route des Marchands (aujourd’hui l’autoroute A4). On parle ici de la construction profane la plus intéressante d’Erfurt. D’une longueur de 120 mètres, ce pont à arches en pierre, construit en 1325, est le seul au nord des Alpes à être couvert de bâtiments encore habités et à abriter une rue commerçante. Le chocolat chaud de la petite manufacture de chocolat qui a pignon sur rue sur le pont même valent à eux seuls le voyage. Je vous jure que la mort perdrait de sa cruauté si l’on pouvait au moins être sûr de trouver une petite chocolaterie du genre au paradis! Et puis, il y a les Biergärten et les brasseries, incontestables piliers de la culture germanique. Sachez qu’un Allemand ingurgite facilement ses 150 litres de bière par année. C’est le soir qu’on savoure encore mieux l’ambiance d’un Stube, au moment où les Allemands eux-mêmes viennent prendre un verre. Au début, ils se montrent prudents à parler une autre langue. Perfectionnisme oblige. Mais il suffit de baragouiner un ou deux mots dans la langue de Goethe pour briser la glace. Après, en anglais ou en français, ils débattront des heures durant de tous les sujets possibles. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, ils ne manquent pas d’humour. À propos de la cuisine locale, n’allez surtout pas croire les mauvaises langues. La gastronomie allemande existe bel et bien. On ne mange pas que de la saucisse, bien que cette dernière soit délicieuse en Thuringe. Le périple proposé par le Musée de la saucisse, qui a ouvert ses portes en mai 2006 à Holzhausen, près d’Erfurt, nous transporte dans l’univers des hachoirs et autres ustensiles tranchants servant à sa fabrication. La découverte en l’an 2000 du plus vieux document officiel attestant son existence est à l’origine de ce musée original. Il s’agit d’une facture datant de 1404, que le propriétaire du musée, Thomas Mäuer, a retrouvée dans le décompte du couvent d’Arnstadt. On dit que Luther et Goethe l’appréciaient beaucoup. Chaque Land a d’ailleurs ses spécialités régionales créées à partir de produits du terroir identiques: chou, porc, boeuf, gibier, betteraves… En Thuringe, on fabrique une pâte à base de pommes de terre que l’on façonne en grosses nouilles rondes avant de les plonger dans une marmite d’eau bouillante pour les faire cuire. Ces Knödels, ou dumplings, accompagnent les ragoûts à toutes les sauces. Si les Thuringiens les mangent surtout nature, certains chefs de la région les apprêtent avec beaucoup d’originalité, de classe, et… d’humour. Autrefois, on choisissait une femme en fonction de la grosseur de ses mains, explique Erhart Kästner en râpant énergiquement les huit kilogrammes de pommes de terre que nous venons d’éplucher pour la fabrication des Knödels qui accompagneront l’agneau du soir. C’est vrai, plus les mains étaient grandes, plus les boules étaient grosses, ajoute Cindy, la femme d’Erhart. Les deux sympathiques propriétaires du restaurant Windmülhe, à Heichelhein bei Weimar, ne se contentent pas de concocter de bons petits plats, ils enseignent également (sur réservation) l’art de la fabrication du dumpling à l’intérieur de leur vieux moulin à grain transformé pour la cause en petite cuisine. Avec, bien sûr, Schnaps à la pomme de terre au forfait! Et, vous l’aurez peut-être deviné, servi glacé dans une moitié de pomme de terre creusée. À quelques kilomètres de la ville des Lumières et de la poésie, sur une colline boisée, une ombre vient toutefois ternir le paysage romantique de la Route des classiques. Buchenwald. Soixante mille personnes y trouvèrent la mort. L’horreur du nazisme à son comble. Sans le visiter, l’image de ce camp de concentration, là-haut dans la belle forêt de l’Ettersberg, reste comme une ombre au tableau, dérangeante mais nécessaire pour enrayer l’amnésie collective. La Thuringe: le plus surprenant de mes voyages en Allemagne. Auf wiedersehen! En vrac - Pour découvrir la vie et l’oeuvre du musicien et compositeur Jean-Sébastien Bach, une visite d’Eisenach, Weimar, Arnstadt et Dornheim s’impose. Pour marcher sur les traces de Goethe et Schiller: la Route des classiques de Weimar à Bauerbach en passant par Iéna, Rudolstadt, Illmenau et Meinigen s’impose. Pour plonger dans l’univers de Martin Luther, étudiant, moine, traducteur de la Bible et réformateur de l’Église, il faut visiter Erfurt, Eisenach et Weimar. Pour découvrir le célèbre mécanicien Carl Zeiss, fondateur de la société du même nom, spécialisée dans l’optique: une visite au Musée de l’optique d’Iéna. - À ne pas manquer, tout au long du mois de décembre en Allemagne, les marchés de Noël, dont celui d’Erfurt, considéré comme l’un des plus typiques du pays; le Festival de Bach, chaque année de mars à avril, dans toute la Thuringe et à Erfurt en particulier; le Festival de musique du monde de Rudolstadt qui transforme la ville en piste de danse et en saison estivale, à Erfurt, la Fête du pont des épiciers, la plus grande célébration populaire de Thuringe.

  • Le village Innusit - Expérience autochtone

    Entre les mois de mai et octobre, la Seigneurie du Triton, située en forêt haute-mauricienne, offre aux touristes la possibilité de vivre une expérience autochtone éducative: une nuitée en tipi pimentée d'un souper aux saveurs locales et de contes et légendes amérindiennes. À proximité donc de la ravissante pourvoirie en bois au toit vert, le village Innusit — reconstitution fidèle d'un village autochtone — composé de six tipis pouvant accueillir entre 2 et 12 personnes, d'une tente à sueur, d'une bâtisse en bois, d'installations sanitaires et de cabines individuelles, propose à partir de 85 $ la possibilité de vivre 24 heures à l'amérindienne. Les propriétaires actuels de la Seigneurie du Triton, la famille Tremblay, n'ont pas ménagé leurs efforts pour préserver le caractère unique de l'ancien club américain qui, au siècle dernier, comptait parmi ses membres les présidents américains Theodore Roosevelt, Harry Truman, Winston Churchill et des riches industriels comme les Rockfeller et les Molson. Aucune route ne dessert la Seigneurie du Triton et le village Innusit, situé à Lac-Édouard, à environ 45 km au nord de La Tuque. C'est là son charme. Impossible d'accéder à l'ancien club Triton Fish and Game Club, fondé en 1886 par l'ingénieur ferroviaire Alexander Luder Light, par la route. On y vient en train ou en auto jusqu'à Lac-Édouard. D'une façon ou d'une autre, un guide vient chercher les visiteurs en bateau. Le trajet sur l'eau se fait en 15 minutes. Cette échappée au nord à bord du Saguenay, un train de la compagnie Via Rail, a un parfum d'aventure. De gare en gare, sur 510 km, la nature occupe le devant de la scène dès que nous quittons Montréal et ses banlieues. Tout d'un coup, on se voit guetter l'ours brun, titiller le saumon, attaquer les rapides de la rivière Batiscan. Cohorte de fantasmes? D'accord, ça fait partie de l'aventure. En autant qu'on ne loupe pas la petite gare Club-Triton au kilomètre 90,7. Il faut faire la demande d'arrêt spécial au moment de l'achat du billet, 48 heures avant le départ. À l'arrivée, les visiteurs sont accueillis par la conteuse professionnelle membre de la nation huronne Wendat, Yolande Okia Picard, vêtue de son costume traditionnel. En guise de bienvenue, Mme Okia Picard propose à ses invités une tisane à base de sapin accompagnée de banique (pain sans levain) de sa confection. Pendant la dégustation, elle parle de ses origines, du respect des traditions et de la façon de monter un tipi, même si l'ingénieux abri n'a jamais été utilisé par les peuples autochtones du Québec, mais par ceux des Prairies et de l'Ouest américain. Après la collation, libre à chacun de faire ce qu'il veut! Outre la pêche et la baignade, les activités sont nombreuses au village Innusit, allant de la randonnée sur les sentiers d'interprétation aux promenades en canot ou en rabaska, avec visite des frayères et observation de castors. En été et en automne, on y offre des cours de pêche à la mouche ainsi que des cours de mycologie. En soirée, autour du feu de camp, Yolande Okia Picard entonne des chansons huronnes accompagnées de son tambour. Le moment est fort. La conteuse de renom transporte son auditoire en pays amérindien dans un monde où les animaux ont la parole. Elle prend plaisir à être Ours, Renard, Cerf... Son but: transmettre par le jeu des valeurs de base comme le respect, le courage, la persévérance... En fin de représentation, elle invite le public à chanter et à danser.

  • Escapade estivale à Lake Placid

    La petite municipalité de Lake Placid, bien connue pour avoir été l'hôte des Jeux olympiques d'hiver de 1932 et de 1980, n'a rien perdu de son âme olympique ni de son accueil ancestral. Située dans l'État de New York, au coeur des montagnes Adirondacks, à deux heures à peine de Montréal, la région a de quoi se mettre sous la dent. Même en été. Mont Van Hoevenberg — Le minibus nous dépose au demi-mille de la piste de bobsleigh, la cime étant réservée aux bobeurs expérimentés. On enfile le casque protecteur. En deux temps, trois mouvements, nous voilà assis dans la coque, pris en sandwich entre le pilote en avant et le freineur en arrière. Les consignes sont claires: s'attacher et garder tête et bras à l'intérieur. Et c'est parti pour un demi-mille de brassage à grande vitesse. Le corps tape sur les parois de la machine. Difficile de garder la tête sur les épaules. On se cramponne avec énergie aux poignées, on ferme les yeux de toutes nos forces. Un premier virage relevé, puis un second. D'abord, on résiste, puis on s'incline. La machine ralentit. Ouf! La course a duré 45,3 secondes. Pas de soulèvement de coeur façon montagnes russes, seule la vitesse impressionne. Et encore là, pas tant que ça. Enfin, facile à dire après-coup. Chose certaine, la descente en bobsleigh sur roues est moins rapide que celle sur patins l'hiver, qui emprunte un tronçon du circuit olympique glacé de 1932. En période estivale, on dévale la piste construite pour les Jeux de 1980. Qu'importe, veni, vidi, vici! On en revient avec une photo souvenir de l'équipe et une carte de membre d'un an à la United States Bobsleigh and Skeleton Federation. À Lake Placid, il n'y a pas que le bobsleigh qui donne des frissons. On a beau se répéter, en regardant les Jeux olympiques d'hiver à la télévision, qu'ils sont fous ces spécialistes du saut à ski dévalant à fond la caisse un tremplin haut de 120 mètres avant de s'envoler dans les airs comme des plumes. «Si vous étiez venus hier, vous les auriez vus pratiquer sur la rampe de 90 mètres qui sert à l'entraînement l'été», dit l'opérateur de l'ascenseur qui mène les visiteurs au sommet du fameux saut. Un revêtement synthétique remplace la neige sur le tremplin et le sauteur atterrit sur du gazon artificiel. On gagne aussi le sommet en téléphérique. Ici, les installations olympiques ne servent pas qu'à des fins touristiques. Les athlètes de haut niveau s'y entraînent toujours. Depuis le début de l'histoire des Jeux olympiques d'hiver en 1924, à Chamonix, au moins un athlète local a représenté la région à l'un de ces jeux. À Turin en 2006, quatre des médaillés américains étaient natifs de la municipalité de Lake Placid. Mirror Lake Inn Le temps de s'enfiler quelques biscuits bien chauds à la réception puis de déposer sa valise dans la chambre et nous voilà au salon pour l'afternoon tea. C'est pour se gâter que l'on vient dans cet hôtel membre du groupe Small Luxury Hotels of the World. Construite dans une maison victorienne du XIXe siècle, Mirror Lake Inn, qui en 1924 portait le nom de Mir-à-Lac, fut la première auberge de Lake Placid. L'hôtel survit à la récession. Les propriétaires de l'époque, M. et Mme Wikoff, l'hivernisent en 1932 pour les Jeux olympiques. La salle à manger date de cette époque. Murs et bibliothèques en acajou, planchers polis, cheminées en pierre, tapis de Boukhara, meubles antiques, chandeliers... le décor rappelle le jeu de Clue. Qualifié d'établissement d'exception et évalué quatre diamants par l'American Automobile Association depuis 25 ans, l'auberge de 128 chambres et 19 suites frappée au sceau du charme victorien et du bien-être continue d'être bichonnée par ses propriétaires actuels, Ed et Lisa Weibrecht. Et à l'instar de Climena Alford Wikoff qui cultivait ses légumes et élevait ses propres cochons pour la fabrication du bacon, les Weibrecht perpétuent la réputation de bonne table de l'établissement. Le 11 juin dernier, The View remportait pour la deuxième année la cote quatre diamants des restaurants recommandés par l'AAA. Dans un aménagement moderne, le spa du Mirror Inn propose des massages suédois, thaïs et aux pierres volcaniques, de la réflexologie, des thérapies crâniennes, du reiki et des exfoliations au sirop d'érable de la région. Piscine, sauna, bain tourbillon et bain d'eau glacée sont situés dans un décor rustique. L'ambiance est aussi chaleureuse que si l'on était dans un chalet en bois rond. Ski alpin, ski de randonnée, piscine intérieure et extérieure, golf, pêche, vélo et randonnées pédestres rythment les saisons du Mirror Lake Inn, qui offre aussi, en été, des sessions de yoga sur le quai et des séances d'aérobie. Des forfaits sont disponibles pour les familles. Tout autour, les Adirondacks. On recense dans ce parc de six millions d'acres 46 sommets de plus de 1000 mètres accessibles à pied. Vingt d'entre eux ne sont pas balisés. Le Mont-Marcy est le plus haut, à 1629 mètres, suivi du Mount Algonquin, à 1559 mètres. Le moins élevé, le Couchsachraga, en a 1164. En quête d'un défi? Grimper ces 46 plus hauts sommets et devenir membre du club Adirondack Forty-Sixters (ADK 46-R). C'est possible! On peut même s'offrir la totale en prenant un cours d'escalade avec l'équipe de guides du High Peaks Mountain, situé au coeur du village de Lake Placid. En quelques heures, le néophyte équipé de chaussures d'escalade, d'un casque, d'une corde, d'un baudrier et de quelques mousquetons est initié à la grimpe d'un rocher de 25 mètres de haut et apprend à faire un noeud en huit, à effectuer un jeter, à évoluer dans une fissure et à descendre en rappel. - Mirror Lake Inn: www.mirrorlakeinn.com. - High peaks Mountain Adventures Guide Service: www.highpeakscyclery.com. - Une descente en bobsleigh sur roues coûte tour de 65 $ US par adulte. - On peut se procurer sur place un passeport pour la visite des différentes installations olympiques au coût de 29 $US: www.whitefacelakeplacid.com.

bottom of page