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- États-Unis - Il était une fois le Nevada
Le Nevada ne se résume pas qu'à ses établissements de jeu, qu'à ses bases militaires ou qu'aux discours de Sara Palin. Le 36e État des États-Unis fourmille de lieux inusités où la nature joue sans retenue des matières et des couleurs. Au-delà de Las Vegas, c'est dans le détail qu'il faut approcher ce territoire bordé par la Californie, l'Oregon, l'Idaho, l'Utah et l'Arizona et dominé par le désert du Grand Bassin. Des paysages tels que les ont découverts les premiers pionniers. Grand Bassin — La route 93, qui relie Las Vegas au «Great Basin National Park» au nord, tourne le dos aux édifices en verre de la capitale du jeu, qui tient maintenant du mirage. Place au désert du Grand Bassin, le troisième en importance aux États-Unis. Si je devais décrire l'État du Nevada, en dehors de Las Vegas et du lac Tahoe, deux mots suffiraient: désert et montagne. Ici, nul besoin de parapluie. On peut compter sur 300 jours de soleil. Et il tape fort! À peine sortis de «la cité aux mille tentations», nous apercevons à l'ouest le sommet enneigé du mont Charleston, qui culmine à 3633 mètres. Qui aurait cru le ski alpin possible à 70 km du Strip? Treize pistes pour tous les niveaux, en activité de décembre à Pâques. «Le Nevada détient le plus grand nombre de chaînes de montagnes aux États-Unis», précise Chris Chrystal, directrice des relations de presse à la Nevada Commission on Tourism. «On dénombre dans cet État plus de 300 montagnes sur un territoire couvrant 286 351 kilomètres carrés. Elles sont omniprésentes.» Le sommet le plus élevé, le Boundary Peak, culmine à 4005 mètres. Sans crier gare, nous nous engageons dans un désert austère, parsemé de rochers arrondis, d'armoise, de genévriers, d'arbres rabougris, de cactus. Un décor qui rappelle le Far West de Lucky Luke. «I'm a poor lonesome cow-boy...» Facile, ici, d'imaginer un convoi de diligences brinquebalantes dans une vallée assoiffée, les cris du cocher à la vue du truand, le troupeau de mustangs au grand galop soulevant un épais nuage de poussière. Les clichés ont la vie dure! «As-tu vu le Grand Canyon?», demande une amie. Non, j'étais au Nevada, pas en Arizona. C'est qu'on a tellement l'habitude du combiné Las Vegas-tour d'hélicoptère à Grand Canyon qu'on en perd sa géographie. Mais j'ai vu Ely, Baker, McGill, Elko... On traverse le Nevada depuis la conquête de l'Ouest, mais sans trop s'y attarder. Sauf si l'argent est en jeu. Comme ce fut le cas en 1859, lors de la découverte du filon d'argent de Comstock, près de Virginia City. Ou de l'or, quarante ans plus tard, à Tonopah, Goldfield et Rhyolite. De nos jours, on y vient surtout pour Las Vegas. On a donc qu'une mince idée de cet État long de 790 km, large de 515 km, peuplé de 2 600 167 habitants et sans accès au Pacifique. Route de charme La route 93, ou «Great Basin Highway», nous tient sous le charme d'un bout à l'autre. Le «sagebrush» domine l'ensemble du paysage. C'est d'ailleurs ce qui a valu au Nevada le surnom de «Sagebrush State». Mais l'armoise n'habille pas seule le paysage. Le sol est aussi parsemé de fleurs colorées, de cactus à l'allure de saguaro, d'arbres de Joshua et de pins de Bristlecone. Jusqu'à Ely, ville située à 425 km au nord-est de Las Vegas, la «Great Basin Highway» courtise les épris de villes fantômes au nom aussi charmant que Pioche. Au temps de la conquête de l'Ouest, cette ville minière, sans lois et sans scrupules, abritait douze «saloon» et un cimetière... bondé de défunts meurtriers. Pioche, qui exploitait ses mines de fer entre deux coups de fusil, fut prospère jusqu'en 1871, année ou elle fut — lors d'une fête en mémoire de l'indépendance du Mexique, littéralement pulvérisée par l'explosion d'une cargaison de 300 tonnelets de poudre, tuant une douzaine de ses habitants et laissant tous les autres sans adresse. Aujourd'hui, on y trouve deux musées et un cimetière «Boot Hill» où seraient enterrés, comme le veut la légende de l'Ouest, ivrognes et joueurs tués dans une bagarre et inhumés bottes aux pieds. Les comtés d'Eureka, de Lincoln et de White Pine comptent une cinquantaine de villes fantômes nées de la conquête de l'Ouest. Des villes abandonnées à la suite d'une catastrophe naturelle, du retrait brutal des voies de communication ou d'une activité économique grippée. Elles se nomment McGill, Eureka, Prospect, Logan City, Cherry Creek, Diamond City... Parfois on n'y trouve qu'un tas de pierres, une vieille pharmacie, une ancienne prison, un hôtel ou un opéra retapé. Mais le paysage demeure, celui qui a alimenté le rêve d'aventures de notre enfance. Étape à Caliente, célèbre pour ses sources thermales et son ancien dépôt ferroviaire. D'abord établie comme communauté d'élevage de bétail pour soutenir les villes minières de Pioche et de Delamar, Caliente devint ville ferroviaire à la suite de la construction de la ligne de chemin de fer «Los Angeles, San Pedro et Salt Lake». Nous pique-niquons au parc provincial Kershaw-Ryan, un magnifique site traversé par un étroit et profond canyon que les randonneurs peuvent contempler du haut d'un observatoire en suivant un sentier de deux kilomètres. Parmi les six parcs provinciaux recensés dans le comté de Lincoln — le Nevada est divisé en 16 comtés et une ville indépendante, celle de Carson City —, «Cathedral Gorge», situé à une vingtaine de kilomètres au nord de Caliente, est une halte obligatoire. Le genre de merveille qui reste dans la voûte céleste des étrangetés de la nature. Imaginez pinacles et grands murs d'argile, sorte de badlands aux formes originales de cathédrale, de forteresse, de dragon... uniques survivantes de l'érosion dans un immense désert de poussière. On se demande comment un tel miracle survient. God bless America Au croisement des routes 6, 93 et 50, Ely est la dernière localité importante avant d'atteindre la frontière de l'Utah. À l'entrée de la ville, une grande murale sur le mur d'un dépanneur représente la tête de l'aigle royal. On y lit: «God bless America.» «Ici, les gens sont très fiers, très famille et très près de la terre», explique Chris Chrystal. C'est à Ely, d'ailleurs, que nous rencontrons nos premiers cow-boys. Ils ont toutefois remplacé leur cheval par un 4X4 et leur fusil par un téléphone cellulaire. Une petite laine est de mise ce soir. Pas surprenant, la localité étant située à 1900 mètres d'altitude! Ses habitants disent qu'il y a risque de gel jusqu'à la fin de juin. Nous profitons des derniers rayons de soleil pour faire le tour des fameuses murales peintes sur les murs des édifices de la rue principale. Elles représentent l'histoire du comté de White Pine, de l'époque amérindienne à celle où Ely vivait de son élevage de bétail et de son industrie minière. Au restaurant Jailhouse Dining Hall, Ed Spear, un cow-boy du coin, nous entretient de course attelée sur la neige, le «Cutter and Chariot», où deux chevaux tirent un triqueballe à deux roues conduit par un homme. Une activité répandue dans l'Ouest. Le Jailhouse semble un point de rencontre populaire à Ely. Il faut dire que l'endroit est original. Ce n'est pas tous les jours que l'on mange dans la cellule d'une ancienne prison du Far West. Les motards ont pris d'assaut le coloré hôtel Nevada. Ils sont nombreux à se rendre à Elko pour le jamboree annuel de moto qui a lieu tous les mois de juin. Comme nous, ils emprunteront la route 80 reliant d'est en ouest l'Utah à la Californie, le long de la Humboldt Trail (un tronçon de la California Trail). Combien de pionniers ont emprunté ce chemin à bord de vieux véhicules surchargés? Et combien de motards avons-nous rencontrés en chemin? Beaucoup! De la route, on ne voit pas les ranchs, on les devine blottis au pied des Ruby Mountains, essayant de survivre tant bien que mal. C'est que, de nos jours, les gens mangent moins de boeuf. Donc, pour s'en tirer, certains propriétaires ouvrent leurs portes aux touristes qui souhaitent vivre la vie de cow-boy. Mais n'est pas John Wayne qui veut. Les journées commencent tôt et se terminent tard. On rassemble le bétail, répare les clôtures, traverse des rivières. Et tout ça... à cheval! Elko appartient à l'Ouest, l'authentique. Les cow-boys que l'on croise dans la rue ne sortent pas d'un film western. L'élevage fait partie des premières richesses de la région. On fabrique des selles reconnues dans le monde entier. Il paraît même que Teddy Roosevelt, Ronald Reagan et Harrison Ford commandaient les leurs à l'atelier Capriola, au 500 Commercial Street. Se tient aussi à Elko, en janvier, un festival de poésie cow-boy. Romantiques, les buckaroos! Nous soupons au restaurant basque The Star. Qui aurait imaginé la présence de Basques à Elko? Ils sont pourtant nombreux à vivre au nord du Nevada depuis le début du siècle dernier. «Les Basques sont venus ici pour y faire l'élevage de moutons, comme il est de tradition dans les Pyrénées, précise Chris Christal. Travailleurs acharnés, ils sont très appréciés dans le pays.» Et bons vivants! La coutume à The Star, comme dans les dix autres restaurants basques de la région, est de ne choisir que son plat principal. Le reste... on s'en charge. On nous apporte d'abord la soupe, le panier de pain, l'immense bol de salade. Puis, le plat de pâtes, l'assiette de haricots verts et les frites. Alors qu'on est sur le point d'exploser, on nous sert le plat principal. Le tout arrosé de vin rouge, bien sûr. Et en finale, la crème glacée. Un «all you can eat» basque. Ouf! Demain, nous attaquons un tronçon de la désertique route 50, que l'on surnomme «the loneliest route in America». Il paraît qu'on n'y rencontre que deux villages, issus de l'exploitation minière. Et peu de stations d'essence. «I'm a long long way from home...» En vrac - Y aller: avec Air Canada, qui offre un vol direct vers Las Vegas. De là, louer une voiture ou une moto. Pourquoi pas? Les routes s'y prêtent bien et dans ce grand désert le sentiment de liberté atteindra son apogée. - Se loger: à Las Vegas, au Tropicana Las Vegas (www.troplv.com/#/home), reconnu pour sa grande piscine. Vous y rencontrerez sûrement le comédien américain Brad Garrett (Everybody Loves Raymond), qui y tient son club de comédie. À Alamo (150 km de Las Vegas), à Cowboy's Dream (www.cowboysdream.com), pour une expérience de luxe dans un ranch; à Ely (450 km de Las Vegas), à l'historique hotel Nevada (www.hotelnevada.com); à Elko (750 km de Las Vegas), au Red Lion Inn (elko.travelnevada.com). - Où manger: à Ely, au Jailhouse (www.jailhousecasino.com). À Elko, au restaurant basque The Star, 246 Silver Street, % 775 738-9925. À déguster au bar: leur spécialité, le Picon Punch. - À faire: la visite des grottes de Lehman dans le parc national du Grand Bassin (www.nps.gov/grba/). Une virée au Lamoille Canyon (www.travelnevada.com/tourist-attractions/info/lamoille-canyon-scenic-byway.aspx), à Lamoille. La visite du Western Folklife Center (www.westernfolklife.org), du magasin Western Capriola et de son atelier de selles (www.capriolas.com) et du California Trail Interpretive Center (www.blm.gov/nv/st/en/fo/elko_field_office/blm_programs/blm_special_areas/california_trail_historic.html ), à Elko. Pour les sportifs, une semaine d'équitation au 71 Ranch, à Lamoille (www.71-ranch.com). Et finalement, la visite de l'Opera House d'Eureka (http://eureka.travelnevada.com)
- La métropole surfe sur la vague du bateau classique
La deuxième édition du Festival du bateau classique de Montréal s'ouvre aujourd'hui dans le Vieux-Port et se poursuivra jusqu'à dimanche soir. Hors-bords, cabin-cruisers, remorqueurs, voiliers... Quatre-vingts bateaux feront les beaux dans les eaux du Vieux-Port et du canal de Lachine ce week-end. Le nautisme d'époque renaît dans le fleuve.. «Les voitures ont leurs belles d'autrefois, les bateaux ont leurs "beaux". Le bateau classique, utilisé désormais comme embarcation de plaisance, répond à des méthodes de construction qui ont fait leurs preuves au fil du temps, à l'exemple du canot en écorce», explique Simon Lebrun, pilote maritime et créateur du Festival du bateau classique de Montréal. Des embarcations de luxe, en général construites en acajou ou autres bois recherchés, datant d'avant les années 1970. Quatre-vingts bateaux d'époque, du remorqueur à l'embarcation à moteur, en passant par le kayak, la chaloupe, le voilier, qui appartiennent à des propriétaires privés, en provenance du Québec, de l'Ontario et des États-Unis. Cela nous remet en mémoire à quel point toutes les voies d'eau mènent à Montréal... ou presque. De New York au Richelieu via la rivière Hudson, des Grands Lacs au Saint-Laurent, en passant par la rivière Outaouais et le canal Rideau. Des bateaux qui arriveront aussi par voie de terre et d'aussi loin que la Californie. «Montreal is the place to be», disent les Américains friands de ces réunions d'embarcations d'époque. «Ceux qui y ont participé l'an dernier reviennent, affirme Simon Lebrun. Ils adorent Montréal pour son accueil et ses activités. Des rassemblements de bateaux classiques, il y en a ailleurs, mais rarement en ville. Et celui-ci est le seul en Amérique à se dérouler en français.» «Nous avons la chance de vivre dans un milieu urbain et maritime à la fois, il faut en profiter, poursuit Simon Lebrun. Dans presque tous les pays côtiers, il y a un musée de la mer, des réunions de bateaux, des animations sur ce thème. À Montréal, zéro activité. Où sont nos peintres maritimes, nos boutiques spécialisées? Le Canada possède pourtant l'une des plus grandes côtes au monde, nous sommes tous arrivés par bateau et avons tous un lien avec l'eau, qu'il s'agisse d'un fleuve, d'un lac, d'une rivière. Il est temps de faire connaître ce patrimoine.» Ainsi a germé dans l'esprit de Simon Lebrun l'idée de ce Festival du bateau classique sur les rives du canal de Lachine, chapeauté par Héritage maritime Canada et rendu possible, entre autres, grâce au soutien inestimable de la Société du Vieux Port de Montréal et à l'appui financier de la députée de Saint-Henri-Sainte Anne, Marguerite Blais. L'événement vise à attirer, dans une ambiance festive, amateurs, néophytes et familles à la recherche d'un divertissement agréable. Car en plus de pouvoir admirer de beaux bateaux, il y aura une panoplie d'activités. Pour tous les goûts À l'angle des rues de la Commune et McGill, des stands dressés pour l'occasion invitent les curieux à venir se familiariser avec les institutions maritimes, comme l'Association des amateurs de bateaux de bois, Parcs Canada, l'Association maritime du Québec, l'Institut maritime du Québec. Un salon à flot entre les écluses 1 et 2 du canal de Lachine permettra de voir de plus près les «beaux» amarrés à des quais flottants et de jaser avec leurs propriétaires; un salon à sec exposera les bateaux qui, par leur nature, leur âge ou leur niveau de restauration, ne peuvent pas être mis à l'eau. Un marché nautique présentera objets et services divers reliés au monde maritime. Louis Gagnon, copropriétaire du Chris Craft «Allez», participe pour la deuxième année au festival, non seulement comme passionné de bateaux classiques, mais aussi comme juge au concours de la plus belle embarcation d'époque. La petite histoire de l'Allez n'est pas banale. Construit en 1929, ce magnifique «fast commuter» de 48 pieds, qui navigue à une vitesse de 60 km à l'heure, servait de limousine aux riches hommes d'affaires de New York se déplaçant de leurs somptueuses maisons de Long Island à Wall Street. «C'était la limousine de l'époque, raconte Louis Gagnon. La légende veut que le richissime prenne place dans la cabine, y boive son café, y lise son journal tout en se faisant couper les cheveux par son coiffeur.» Autre époque! Ce n'est qu'une histoire parmi tant d'autres: il faut prendre le temps de s'arrêter, d'écouter, de voter pour le prix du public. Et d'assister à l'une ou l'autre des onze conférences à l'horaire, dont celle de Mylène Paquette qui présente un intérêt particulier. Cette aventurière de la mer, seule femme à bord parmi cinq membres de l'équipage, a traversé à la rame l'Atlantique en près de 58 jours sans assistance. Ou encore celle d'André Trottier, pilote maritime sur le Saint-Laurent pendant 36 ans, qui a gouverné plus de 4300 navires venus de tous les coins du monde. Quant aux enfants, ils ne seront pas laissés pour compte, car des ateliers de fabrication de noeuds marins, de peinture sur voile et d'assemblage de mini-voiliers sont au programme. Le tout agrémenté d'une dizaine de concerts en plein air, dont le quintette Makaya, le groupe Kultchaz, les Musiques militaires internationales, réunissant quelque 150 musiciens du Brésil, du Canada, de l'Italie et de la Russie, Shavora, Elisapie Isacc, Lucky Uke... Y participeront aussi Les Murènes, un groupe musico-théâtral spécialisé dans les chants marins de l'âge d'or de la piraterie. «Et tout est gratuit», insiste Simon Lebrun, puisque le but de ce festival haut en couleur est de «démocratiser le monde maritime sur le canal de Lachine et le fleuve Saint-Laurent». ***
- Canada - Prince Edward, ce voisin champêtre
Dans le comté de Prince Edward, presqu'île située à 90 km à l'ouest de Kingston, le soleil se couche dans l'immensité du lac Ontario. Depuis 10 ans, la fièvre du vin a gagné le sud de cette région rurale mieux connue pour ses plages et ses dunes géantes que pour ses vignobles. Ici, le sol rappelle la Bourgogne et les cépages ont plutôt l'accent français. Balade au fil de la vigne pour le plaisir des sens. Bloomfield — «Prince Edward County (PEC)», le «County» pour les intimes. «Wine Tour Itinary», lit-on sur l'invitation adressée par l'Association des vignerons du PEC. Sans réfléchir, je pense à un voyage à l'Île-du-Prince-Édouard. Mais le message indique: «À quatre heures de Montréal.» Oups, ce n'est pas l'Île-du-Prince-Édouard! D'abord, parce qu'il n'y a pas de «Route du vin» au pays d'Anne aux pignons verts; ensuite, parce que l'île se situe à dix heures d'auto d'ici. Toujours est-il que j'ai fini par repérer le fameux comté — une péninsule de 700 km2, bordée de 800 km de rives, qui tient par un fil au continent et qui s'avance dans le lac Ontario, sur le site Web «Bonjour Ontario! Le territoire des grandes mers d'eau douce». Quant au Prince Edward, celui qui a donné son nom aux deux régions, il fut le quatrième fils de George III, le duc de Kent et de Strathearn, et le père de la future reine Victoria. Voilà pour le rapprochement! On va dans le comté de Prince Edward pour goûter les vins, certes — qui, on le constate sur place, joueront gaiement dans la cour des grands d'ici peu —, mais aussi pour la région elle-même. La presqu'île vallonnée, ceinturée de baies et couverte de pâturages, de champs de maïs et de vergers, est ravissante. À peu près le genre de décor qu'offrent les Cantons-de-l'Est et le Vermont, le grand lac Ontario en toile de fond, qui ressemble étrangement à la mer, surtout quand il y a du brouillard. Au sud-ouest de Cherry Valley, que l'on rejoint par la route 10, entre Picton et Bloomfield, se trouvent les Sandbanks. «Ce parc provincial est très fréquenté par les Québécois», dit Bruno François, propriétaire du vignoble Old Third Vineyard, à Hillier. D'ailleurs, près de la moitié de notre tourisme provient du Québec. Ce sont les plages qui attirent les vacanciers.» Le photographe traquera de beaux instantanés des dunes géantes, qui atteignent parfois 25 mètres, au stationnement numéro 12 qui se trouve à proximité de l'un des cinq terrains de camping dans le parc provincial. Et sur le sentier d'interprétation «Cedar Sands», d'une longueur de deux kilomètres, qui raconte l'écologie des grandes dunes. On installe volontiers son trépied sur l'un des belvédères qui surplombent la rivière Outlet, le poulier et l'enfilade de dunes. Légende du lac À l'est, la baie de Picton, qu'on longe jusqu'à Glenora, puis jusqu'à «Lake on the Mountain». Une légende mohawk raconte que les eaux turquoise de cette nappe d'eau fraîche, à 60 mètres d'altitude au-dessus du lac Ontario, sont peuplées d'esprits. Les pionniers, eux, la croyaient sans fond. Mystère! C'est que le lac juché à flanc de collines, sans cesse alimenté en eau fraîche, n'a aucune source apparente. Une énigme qui continue à faire suer géographes et scientifiques. Sur la route 33, le segment qui traverse le «County» d'est en ouest, on aperçoit des panneaux bleu et jaune illustrés par deux personnages d'époque: le «Loyalist Parkway». La route historique suit le parcours de la colonisation des loyalistes entre Trenton et Kingston. Le «Loyalist Parkway» se confond par endroits à la Route des saveurs, un itinéraire autoguidé d'une soixantaine de kilomètres entre Consecon à l'est et Cressy à l'ouest. Une trentaine de producteurs, vignerons, aubergistes, artistes et artisans accueillent les visiteurs au jardin, dans leur vignoble ou leur atelier, pour des expériences gourmandes et visuelles fascinantes. Un moment opportun pour goûter aux produits régionaux, dont plusieurs sont primés. Entre autres, les fromages de «The Fifth Town Artisan Cheese Company». «Nous fabriquons de façon artisanale vingt-cinq fromages à partir de lait de chèvre, de brebis et de vache provenant des fermes du County et de la région de Quinte, explique Petra Cooper, propriétaire de la boutique. Nous sommes les seules en Amérique du Nord à être certifiées Platine selon les normes LEED. Et les seules installations en Ontario dotées de caves de vieillissement.» Autrefois, le PEC était considéré comme le jardin du Canada, «The Garden County», comme on dit là-bas. On cultivait maïs, houblon, fruits et légumes. «L'économie agricole traditionnelle reposait sur les fromageries et la conserverie de pois, de tomates, de cerises et de citrouille, explique Wolf Braun, notre guide. Ici, en 1940, on fournissait jusqu'à 43 % des tomates en conserve du Canada.Une industrie florissante jusque dans les années 1950.» Et puis, l'agriculture du pays s'ouvre brusquement à la modernité. Malgré la richesse de son sol, la douceur de son climat et son taux d'ensoleillement remarquable, la presqu'île ontarienne tombe dans l'oubli jusque dans les années 1990. Quelques entichés en tous genres flairent alors la manne: terre fertile par endroits, climat tempéré, sol argilo-calcaire... Cultivateurs bio et vignerons s'ajoutent aux fermiers d'antan et redonnent un second souffle à la petite péninsule. Et c'est ainsi que débute l'histoire contemporaine de la vigne dans ce comté sans centre commercial, sans aucun kitsch, où jadis on coupait du bois, labourait le sol, faisait la contrebande du rhum, cultivait l'orge pour faire la bière, la pomme pour le cidre et les tomates pour la mise en conserve. Toutefois, les archives attestent la présence de la vigne sur ce territoire, à mi-chemin entre Montréal et Niagara, dès le XIXe siècle. Dorland Noxon, un habitant du village de Hillier, aurait reçu pour son vin une médaille d'or à l'Exposition universelle de Philadelphie, en 1876. Révolution fruitée Dans le PEC, l'invasion de la vigne constitue une véritable révolution depuis 10 ans. Le premier à s'y s'installer fut la Waupoos Estates Winery, à l'est du coquet village de Picton. Depuis, c'est l'explosion. On y compte une trentaine de vignobles, 800 acres de vignes et vingt-cinq établissements vinicoles ouverts au public. La deuxième «région vinicole désignée» en importance en Ontario, après Niagara, que l'on peine à placer sur une carte géographique des grandes régions du vin dans le monde. C'est que la région est jeune et les producteurs, trop petits. Dans le County, les sols légèrement argileux et profondément calcaires rappellent la Bourgogne. Une comparaison que ne partage pas Frederic Picard, Bourguignon d'origine et maître de chai à la Huff Estates Winery. «Le comté de Prince Edward a ses particularités et produira son propre vin. Pourquoi comparer? Le plaisir ici est de créer un produit nouveau.» Cela dit, le pinot noir et le chardonnay, deux cépages bourguignons, se plaisent bien sur les coteaux de la presqu'île. Et plus d'une quinzaine de vignerons produisent ici des vins issus de ces deux cépages nobles. Pinot gris, riesling et gewürztraminer donnent aussi quelques vins dignes de mention. Comme le «Pinot Gris 2009» de la Casa Dea Estates Winery, à l'arôme de pêche et d'abricot. Excellent pour accompagner rouleaux de printemps et porc au gingembre. Ici, pas de châteaux, mais quelques architectures modernes, comme le bâtiment de la «Huff Estates Winery» avec ses immenses fenêtres qui vont du sol au plafond, offrant une vue spectaculaire sur le vignoble. Ou encore de vieilles granges rénovées sur le modèle de «The Grange of Prince Edward Vineyards and Estate Winery», un bâtiment qui remonte à 1826, au temps des loyalistes. La salle de dégustation, située sous le toit du bâtiment historique, exhibe une impressionnante cheminée en pierre et donne sur une terrasse avec vue sur l'étang et les vignobles. «Tout à fait digne d'un décor de campagne bourguignonne», affirme Sylvie, ma compagne de voyage, qui a grandi dans une barrique de raisins à Beaulne, en France. Invitant même en hiver! Un colonel à la retraite, une Québécoise passionnée, un maître de chai bourguignon, un sommelier libanais, un ancien député du Nouveau Parti démocratique, autant de personnalités aux tannins souples, expressifs, veloutés... et cultivés! Dans le County, on ne se contente pas de peaufiner la dive bouteille, on veut faire du vin un fort argument touristique. Aussi bien en français qu'en anglais. J'ai rencontré Monika Fida juste avant de quitter la presqu'île ontarienne en mai dernier. Après trois jours d'un voyage de presse à butiner d'un vignoble à l'autre, à goûter des vins, à déguster les produits de la région et à écouter la petite histoire toujours captivante des vignerons. Nous avions rendez-vous à l'auberge Angéline's, dans le village de Bloomfield, pour récupérer les paniers à pique-nique prévus pour le lunch du midi dans le train, en route vers Montréal. Monika est Suisse d'origine. En 1988, elle et son mari Willi se portent acquéreurs d'Angéline's, une jolie demeure victorienne construite en 1869 par le couple Henry et Angeline Hubbs sur un terrain de 300 acres. Le père d'Angéline était à la tête du mouvement des Quakers pour tout le comté. Et Bloomfield était l'un des lieux de rencontre quaker dès le début du XIXe siècle. «Il n'y avait rien à Bloomfield à notre arrivée. Tout était à faire. Le village s'appelait Fleurs des champs, mais il n'y avait que du vert. J'ai alors proposé un concours de jardin. Le prix: un voyage à Busch Gardens, en Floride.» Un concours qui a marqué le début des activités dans la région. Puis, le couple a redonné sa beauté d'antan à la demeure. Depuis le décès de son mari, ce sont ses deux enfants qui gèrent l'établissement. Avec beaucoup de brio d'ailleurs! En rencontrant Monika, qui ce matin-là, guillerette, m'a présenté sa famille et parlé de son excellent chef, un Français fraîchement débarqué de Saint-Pierre et Miquelon via Halifax, je savais que je reviendrais. Pour le plaisir des yeux et les rencontres, mais aussi pour déguster sous un chêne, à l'heure où le soleil caresse les vignes d'une lumière dorée et où les ombres s'allongent sur les coteaux, un pinot à la trame aussi minérale que le sol. Comme en Bourgogne! *** En vrac En train: de Montréal, VIA Rail se rend tous les jours à Belleville, Ontario. De là, nous sommes à une dizaine de minutes en auto du County. En voiture: à la sortie 566 de l'autoroute 401, on peut emprunter la route 49 Sud vers Picton. De Belleville, sortie 544, la route 62 Sud, direction Bloomfield. De Trenton, sortie 525, la route 33 Est en direction de Wellington. De Kingston, un trajet plus long, la route 2 Ouest jusqu'à Glenora, où l'on rejoint la 33 Ouest en empruntant le traversier.Sandbanks Estate Winery. Catherine Langlois, vigneronne et propriétaire des lieux, a grandi dans une ferme à l'île d'Orléans. Elle a fait ses classes à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec à Montréal avant de s'envoler en Bourgogne pour y travailler dans les vignobles. De retour, elle travaille dans le secteur des ventes du Pelee Island Winery. Mais l'appel du terroir est plus fort. Elle plante son vignoble de six acres dans le comté de Prince Edward en 2000 avec principalement des hybrides et des vinifera. Son baco noir étonne par sa finesse.www.sandbankswinery.co. By Chadsey's Cairns Winery. Richard Johnston est un «gentleman farmer». Dans une autre vie il fut député provincial et directeur d'école. Sa femme Vida est psychothérapeute. Richard bichonne les raisins, Vida fabrique le vin. Leur production s'étend du chenin blanc rafraîchissant aux gewürtztraminers aromatiques, des gamays légers aux pinots corsés. www.bychadseyscairns.com. Huff Estates Winery. Une chic cave aux barriques à vin alimentées par gravité. Frédéric Picard, maître de chai français, emploie des méthodes traditionnelles pour élaborer une variété de bordeaux classiques, y compris le merlot et le cabernet franc et des vins blancs tels le chardonnay, le riesling et le pinot gris. La galerie Oeno vaut la visite. www.huffestates.com. Norman Hardie ne produit que des cépages bourguignons, pinot noir et chardonnay. Très minéral, très sylex en bouche, avec la présence de petits fruits à chair blanche; j'aime son chardonnay 2008, que l'on retrouve sur la carte des vins du restaurant Le Toqué au coût de 119 $. Quant au Pinot 2008 (aussi au Toqué), il offre en bouche la cerise et la canneberge. Un peu acidulé, il se termine sur une note poivrée. On peut commander ces deux vins, vendus sur place 35 $, à l'agence Vinealis (vinealis.qc.ca) au coût de 39,95 $ la caisse de six. www.normanhardie.com.Établissements vinicoles du County: www.thecountywines.com. À visiter: Carriage House Cooperage, une fabrique de tonneaux en chêne du Canada. www.thecarriagehousecooperage.com. Chez Angeline's Restaurant & Inn. Le premier chef Sébastien Schwab est une perle rare. Sa trilogie de soupes aux légumes du march est divine, et encore plus divine est sa terrine de foie gras parfumée au cidre de glace du County, sucette de foie gras aux grains de sésame blancs. Et pas piqué des verts non plus est le trio de canard. angelinesrestaurantinn.com. The Bloomfield Carriage House Restaurant. Bonne table comprenant de la charcuterie à la française et le meilleur pain du County. On peut apporter son propre vin: www.bloomfieldcarriagehouse.com. Dormir: Le Merril Inn, une demeure historique élégante de Picton qui se distingue par ses pignons et son ornement architectural en dentelle de bois: www.merrillinn.com. Se baigner: parc provincial des Sandbanks. Coût: 16 $ par voiture. Dans la baie de Wellington, à proximité de huit vignobles. Et c'est gratuit!Pour préparer votre voyage dans la région: www.tastetrail.ca/, www.directionontario.ca/guidetouristique.cfm (pour commander le guide touristique en français), www.vickisveggies.com.
- Canada - Ontario Prince Edward, ce voisin champêtre
Publié dans le Devoir du 31 juillet 2010 Dans le comté de Prince Edward, presqu'île située à 90 km à l'ouest de Kingston, le soleil se couche dans l'immensité du lac Ontario. Depuis 10 ans, la fièvre du vin a gagné le sud de cette région rurale mieux connue pour ses plages et ses dunes géantes que pour ses vignobles. Ici, le sol rappelle la Bourgogne et les cépages ont plutôt l'accent français. Balade au fil de la vigne pour le plaisir des sens.. Bloomfield — «Prince Edward County (PEC)», le «County» pour les intimes. «Wine Tour Itinary», lit-on sur l'invitation adressée par l'Association des vignerons du PEC. Sans réfléchir, je pense à un voyage à l'Île-du-Prince-Édouard. Mais le message indique: «À quatre heures de Montréal.» Oups, ce n'est pas l'Île-du-Prince-Édouard! D'abord, parce qu'il n'y a pas de «Route du vin» au pays d'Anne aux pignons verts; ensuite, parce que l'île se situe à dix heures d'auto d'ici. Toujours est-il que j'ai fini par repérer le fameux comté — une péninsule de 700 km2, bordée de 800 km de rives, qui tient par un fil au continent et qui s'avance dans le lac Ontario, sur le site Web «Bonjour Ontario! Le territoire des grandes mers d'eau douce». Quant au Prince Edward, celui qui a donné son nom aux deux régions, il fut le quatrième fils de George III, le duc de Kent et de Strathearn, et le père de la future reine Victoria. Voilà pour le rapprochement! On va dans le comté de Prince Edward pour goûter les vins, certes — qui, on le constate sur place, joueront gaiement dans la cour des grands d'ici peu —, mais aussi pour la région elle-même. La presqu'île vallonnée, ceinturée de baies et couverte de pâturages, de champs de maïs et de vergers, est ravissante. À peu près le genre de décor qu'offrent les Cantons-de-l'Est et le Vermont, le grand lac Ontario en toile de fond, qui ressemble étrangement à la mer, surtout quand il y a du brouillard. Au sud-ouest de Cherry Valley, que l'on rejoint par la route 10, entre Picton et Bloomfield, se trouvent les Sandbanks. «Ce parc provincial est très fréquenté par les Québécois», dit Bruno François, propriétaire du vignoble Old Third Vineyard, à Hillier. D'ailleurs, près de la moitié de notre tourisme provient du Québec. Ce sont les plages qui attirent les vacanciers.» Le photographe traquera de beaux instantanés des dunes géantes, qui atteignent parfois 25 mètres, au stationnement numéro 12 qui se trouve à proximité de l'un des cinq terrains de camping dans le parc provincial. Et sur le sentier d'interprétation «Cedar Sands», d'une longueur de deux kilomètres, qui raconte l'écologie des grandes dunes. On installe volontiers son trépied sur l'un des belvédères qui surplombent la rivière Outlet, le poulier et l'enfilade de dunes. Légende du lac À l'est, la baie de Picton, qu'on longe jusqu'à Glenora, puis jusqu'à «Lake on the Mountain». Une légende mohawk raconte que les eaux turquoise de cette nappe d'eau fraîche, à 60 mètres d'altitude au-dessus du lac Ontario, sont peuplées d'esprits. Les pionniers, eux, la croyaient sans fond. Mystère! C'est que le lac juché à flanc de collines, sans cesse alimenté en eau fraîche, n'a aucune source apparente. Une énigme qui continue à faire suer géographes et scientifiques. Sur la route 33, le segment qui traverse le «County» d'est en ouest, on aperçoit des panneaux bleu et jaune illustrés par deux personnages d'époque: le «Loyalist Parkway». La route historique suit le parcours de la colonisation des loyalistes entre Trenton et Kingston. Le «Loyalist Parkway» se confond par endroits à la Route des saveurs, un itinéraire autoguidé d'une soixantaine de kilomètres entre Consecon à l'est et Cressy à l'ouest. Une trentaine de producteurs, vignerons, aubergistes, artistes et artisans accueillent les visiteurs au jardin, dans leur vignoble ou leur atelier, pour des expériences gourmandes et visuelles fascinantes. Un moment opportun pour goûter aux produits régionaux, dont plusieurs sont primés. Entre autres, les fromages de «The Fifth Town Artisan Cheese Company». «Nous fabriquons de façon artisanale vingt-cinq fromages à partir de lait de chèvre, de brebis et de vache provenant des fermes du County et de la région de Quinte, explique Petra Cooper, propriétaire de la boutique. Nous sommes les seules en Amérique du Nord à être certifiées Platine selon les normes LEED. Et les seules installations en Ontario dotées de caves de vieillissement.» Autrefois, le PEC était considéré comme le jardin du Canada, «The Garden County», comme on dit là-bas. On cultivait maïs, houblon, fruits et légumes. «L'économie agricole traditionnelle reposait sur les fromageries et la conserverie de pois, de tomates, de cerises et de citrouille, explique Wolf Braun, notre guide. Ici, en 1940, on fournissait jusqu'à 43 % des tomates en conserve du Canada.Une industrie florissante jusque dans les années 1950.» Et puis, l'agriculture du pays s'ouvre brusquement à la modernité. Malgré la richesse de son sol, la douceur de son climat et son taux d'ensoleillement remarquable, la presqu'île ontarienne tombe dans l'oubli jusque dans les années 1990. Quelques entichés en tous genres flairent alors la manne: terre fertile par endroits, climat tempéré, sol argilo-calcaire... Cultivateurs bio et vignerons s'ajoutent aux fermiers d'antan et redonnent un second souffle à la petite péninsule. Et c'est ainsi que débute l'histoire contemporaine de la vigne dans ce comté sans centre commercial, sans aucun kitsch, où jadis on coupait du bois, labourait le sol, faisait la contrebande du rhum, cultivait l'orge pour faire la bière, la pomme pour le cidre et les tomates pour la mise en conserve. Toutefois, les archives attestent la présence de la vigne sur ce territoire, à mi-chemin entre Montréal et Niagara, dès le XIXe siècle. Dorland Noxon, un habitant du village de Hillier, aurait reçu pour son vin une médaille d'or à l'Exposition universelle de Philadelphie, en 1876. Révolution fruitée Dans le PEC, l'invasion de la vigne constitue une véritable révolution depuis 10 ans. Le premier à s'y s'installer fut la Waupoos Estates Winery, à l'est du coquet village de Picton. Depuis, c'est l'explosion. On y compte une trentaine de vignobles, 800 acres de vignes et vingt-cinq établissements vinicoles ouverts au public. La deuxième «région vinicole désignée» en importance en Ontario, après Niagara, que l'on peine à placer sur une carte géographique des grandes régions du vin dans le monde. C'est que la région est jeune et les producteurs, trop petits. Dans le County, les sols légèrement argileux et profondément calcaires rappellent la Bourgogne. Une comparaison que ne partage pas Frederic Picard, Bourguignon d'origine et maître de chai à la Huff Estates Winery. «Le comté de Prince Edward a ses particularités et produira son propre vin. Pourquoi comparer? Le plaisir ici est de créer un produit nouveau.» Cela dit, le pinot noir et le chardonnay, deux cépages bourguignons, se plaisent bien sur les coteaux de la presqu'île. Et plus d'une quinzaine de vignerons produisent ici des vins issus de ces deux cépages nobles. Pinot gris, riesling et gewürztraminer donnent aussi quelques vins dignes de mention. Comme le «Pinot Gris 2009» de la Casa Dea Estates Winery, à l'arôme de pêche et d'abricot. Excellent pour accompagner rouleaux de printemps et porc au gingembre. Ici, pas de châteaux, mais quelques architectures modernes, comme le bâtiment de la «Huff Estates Winery» avec ses immenses fenêtres qui vont du sol au plafond, offrant une vue spectaculaire sur le vignoble. Ou encore de vieilles granges rénovées sur le modèle de «The Grange of Prince Edward Vineyards and Estate Winery», un bâtiment qui remonte à 1826, au temps des loyalistes. La salle de dégustation, située sous le toit du bâtiment historique, exhibe une impressionnante cheminée en pierre et donne sur une terrasse avec vue sur l'étang et les vignobles. «Tout à fait digne d'un décor de campagne bourguignonne», affirme Sylvie, ma compagne de voyage, qui a grandi dans une barrique de raisins à Beaulne, en France. Invitant même en hiver! Un colonel à la retraite, une Québécoise passionnée, un maître de chai bourguignon, un sommelier libanais, un ancien député du Nouveau Parti démocratique, autant de personnalités aux tannins souples, expressifs, veloutés... et cultivés! Dans le County, on ne se contente pas de peaufiner la dive bouteille, on veut faire du vin un fort argument touristique. Aussi bien en français qu'en anglais. J'ai rencontré Monika Fida juste avant de quitter la presqu'île ontarienne en mai dernier. Après trois jours d'un voyage de presse à butiner d'un vignoble à l'autre, à goûter des vins, à déguster les produits de la région et à écouter la petite histoire toujours captivante des vignerons. Nous avions rendez-vous à l'auberge Angéline's, dans le village de Bloomfield, pour récupérer les paniers à pique-nique prévus pour le lunch du midi dans le train, en route vers Montréal. Monika est Suisse d'origine. En 1988, elle et son mari Willi se portent acquéreurs d'Angéline's, une jolie demeure victorienne construite en 1869 par le couple Henry et Angeline Hubbs sur un terrain de 300 acres. Le père d'Angéline était à la tête du mouvement des Quakers pour tout le comté. Et Bloomfield était l'un des lieux de rencontre quaker dès le début du XIXe siècle. «Il n'y avait rien à Bloomfield à notre arrivée. Tout était à faire. Le village s'appelait Fleurs des champs, mais il n'y avait que du vert. J'ai alors proposé un concours de jardin. Le prix: un voyage à Busch Gardens, en Floride.» Un concours qui a marqué le début des activités dans la région. Puis, le couple a redonné sa beauté d'antan à la demeure. Depuis le décès de son mari, ce sont ses deux enfants qui gèrent l'établissement. Avec beaucoup de brio d'ailleurs! En rencontrant Monika, qui ce matin-là, guillerette, m'a présenté sa famille et parlé de son excellent chef, un Français fraîchement débarqué de Saint-Pierre et Miquelon via Halifax, je savais que je reviendrais. Pour le plaisir des yeux et les rencontres, mais aussi pour déguster sous un chêne, à l'heure où le soleil caresse les vignes d'une lumière dorée et où les ombres s'allongent sur les coteaux, un pinot à la trame aussi minérale que le sol. Comme en Bourgogne! En vrac En train: de Montréal, VIA Rail se rend tous les jours à Belleville, Ontario. De là, nous sommes à une dizaine de minutes en auto du County. En voiture: à la sortie 566 de l'autoroute 401, on peut emprunter la route 49 Sud vers Picton. De Belleville, sortie 544, la route 62 Sud, direction Bloomfield. De Trenton, sortie 525, la route 33 Est en direction de Wellington. De Kingston, un trajet plus long, la route 2 Ouest jusqu'à Glenora, où l'on rejoint la 33 Ouest en empruntant le traversier. Sandbanks Estate Winery. Catherine Langlois, vigneronne et propriétaire des lieux, a grandi dans une ferme à l'île d'Orléans. Elle a fait ses classes à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec à Montréal avant de s'envoler en Bourgogne pour y travailler dans les vignobles. De retour, elle travaille dans le secteur des ventes du Pelee Island Winery. Mais l'appel du terroir est plus fort. Elle plante son vignoble de six acres dans le comté de Prince Edward en 2000 avec principalement des hybrides et des vinifera. Son baco noir étonne par sa finesse.www.sandbankswinery.co.
- Maroc - Deux gazelles sur la route
Joli, complexe, lumineux, authentique, théâtral, le Maroc intrigue. Il pourrait être un beau livre conservé dans une de ces superbes maisons de Fès ou de Marrakech, à lire et à relire, comme le propose l'écrivain Tahar Ben Jelloun dans un hors série du magazine Géo sur le Maroc, paru il y a quelques années. Entre casbahs et ksour fortifiés, dunes de sable, mers et montagnes, les voyageurs en reviennent la tête (et la valise?) pleine de souvenirs. Voyage de deux gazelles au pays du «couchant lointain», pour le plaisir des yeux et des rencontres. Marrakech — «C'est votre première fois au Maroc?», demande Halima, la jeune femme en charge de l'accueil au riad Dama, situé dans la médina (partie ancienne) de Marrakech, à 15 minutes à pied de la célèbre place Jemaa el-Fna. «Soyez les bienvenues dans mon pays.» Après le rituel du thé à la menthe accompagnant une conversation animée sur les raisons de surnommer la femme touriste «la gazelle», Halima nous conduit à nos chambres. «En fait, c'est une appellation amicale, nous expliquera plus tard Mohhamed, notre guide-accompagnateur. Les femmes sont des gazelles et les hommes, des gazeaux. "Ghouzel" signifie joli en arabe; quant à son féminin "ghzala", il veut aussi dire gazelle. C'est une figure de style qui remonte à la poésie bédouine d'avant l'islam, alors qu'il y avait moins de tabous autour du corps.» Seul hic pour les deux gazelles de Montréal: conjonctivite et bonne grippe. «T'inquiète, ça ira», nous lance Christine, Française d'origine et propriétaire du charmant riad né de l'association de deux demeures du XIXe siècle. «Fatima vous prépare une tajine de poisson et Tatam, un gommage.» C'est ainsi que nous nous sommes retrouvées dans un nuage de vapeur chaude enrobant la baignoire de la suite Kenza, enduites d'un savon noir bien gras et livrées aux mains énergétiques de Tatam qui, avec son gant de crêpe noir, nous a frotté le corps entier avant de nous appliquer du ghassoul en guise de masque corporel, du henné comme shampoing et du gel-douche pour le nettoyage final. Juré qu'un tel bain remet le facteur sur le vélo! Et pour la conjonctivite, un chouïa d'eau de rose dans les deux yeux, un remède prescrit par Azidine, propriétaire, quatrième génération, d'une herboristerie dans le souk des apothicaires. «Les Marocains se soignent avec des plantes naturelles, j'en ai plus de 1000 dans ma pharmacie. Tu vois, on utilise l'huile d'Argan pour éliminer le cholestérol, les graines de Nigel contre le rhume et les migraines. On fait des tisanes, des crèmes...On a des épices, des huiles et de l'eau de rose pour les irritations aux yeux», explique-t-il. «Shukran bezzef», Azidine. Et dire qu'il y a quelques heures à peine, nous étions à Montréal. Six heures de vol jusqu'à Casablanca sur les ailes de Royal Air Maroc, deux heures d'attente à Casa, une demi-heure en avion jusqu'à Marrakech, et nous voilà plongées au coeur d'un conte des Mille et une nuits, dans le souk des apothicaires de la fameuse médina la plus dense en humanité au kilomètre carré. Nous, c'est-à-dire Lucie Nobert, présidente de Voyages Fleur de Lys et de la division Ekilib, et moi. Deux gazelles en voyage de presse et de repérage en vue de futurs raids à vélo, en rando, en auto. Car le Maroc se roule, se marche, se cavale, se scrute en toute liberté. De Fès à Marrakech, via Essaouira sur la côte atlantique, Ouarzazate et Merzouga aux portes du Sahara, les gorges du Dadès et de Todgha dans l'Atlas, partout un accueil cordial. Et à part la conduite automobile parfois anarchique dans les villes, à tout moment on s'y sent en sécurité. «Mais n'oubliez pas, rappelle dans l'avion Oualid Chourak, vice-président chez Aviatours, les Marocains célèbrent cette semaine la Fête du mouton, l'Aïd el-Kébir, qui commémore le sacrifice d'Abraham. Le 28 novembre, c'est la fête partout au pays et encore plus dans les petits villages du Haut et du Moyen-Atlas. Les magasins d'alimentation et les restaurants seront fermés. Et la circulation sera dense, donc prudence en auto.» Inch Allah! Nous serons accompagnées par Mohammed, guide de randonnée à vélo et en rando qui nous conseillera et assurera la logistique de ce voyage entre Marrakech et Fès. Un voyage en voiture, cette fois-ci, pour celui qui a l'habitude de grimper à pied les montagnes du massif de l'Atlas, dont le djebel Toubkal, point culminant en Afrique du Nord, qui s'élève à 4088 mètres. Pour le plaisir des yeux Pour aller du quartier Arset El Houta où se situe Riad Dama, jusqu'au minaret — édifice phare de la médina de Marrakech — de la mosquée de la Koutoubia qui date du XIIe siècle, il faut traverser la place Jemaa el-Fna. «Vous verrez, c'est un théâtre à ciel ouvert. Il faut s'y promener lentement et parler avec les gens», conseille Christine. On a vu des charmeurs de serpent qui soufflaient sans cesse dans leurs flûtes pour apaiser les cobras dérangés par le bruit, des musiciens gnaouas qui ensorcelaient la place de leurs rythmes envoûtants et des marchands d'eau coiffés d'un chapeau rigolo à frange qui tentaient de nous vendre un godet d'eau. Et si la fameuse piazza est en effervescence de l'aube jusqu'à bien après minuit, comme il y a 1000 ans, c'est à la tombée du jour que le rideau se lève alors que les conteurs font revivre d'anciennes légendes. «C'est pour cette renaissance de la tradition orale que l'UNESCO a déclaré en 2001 la place Djemaa el-Fna "chef-d'oeuvre du patrimoine cuturel immatériel mondial".» Puis, les restaurateurs ambulants installent leurs gargotes éclairées par des lampes à pétrole ainsi que tréteaux, planches, bancs et braseros. Brochettes et merguez lâchent un fumet irrésistible, on s'attroupe autour des échoppes pour un bol d'escargots, une tête de chèvre, un jus d'orange frais, des dattes, une poignée de pois chiches. Entre mer, montagne et désert Cap à l'ouest vers Essaouira, sur la côte atlantique. On aperçoit le long de la route les premiers arganiers. «Son bois sert au chauffage et ses fruits donnent une excellente huile utilisée par les femmes berbères en cuisine, en médecine traditionnelle et en soins de beauté. Même les chèvres grimpent dans l'arbre pour se nourrir de leurs feuilles» , explique Mohammed. C'est fou comme cet arbre endémique au Maroc change de figure d'une région à l'autre. Ici, entre Marrakech et Essaouira, il est vert, touffu et haut. Par contre, en bordure de l'Atlantique et des montagnes désertiques de l'arrière-pays, il est plutôt maigrichon, tortueux et rabougri. «Malheureusement, l'arganier tend à disparaître du paysage marocain. À la fin du XIXe siècle, pour répondre aux besoins d'expansion des terres agricoles, on a procédé à des coupes massives.» Essaouira ressemble à un petit village grec. Entourée de fortifications du XVIIIe siècle, la cité portuaire blanche balayée par le taros est classée au patrimoine mondial de l'UNESCO. Heureusement, l'étroitesse des rues de la médina protège de ce vent violent qui peut rendre fou. Nous logeons au riad Les terrasses d'Essaouira. Un autre bijou caché derrière une porte de bois cloutée. Qui, dans les ruelles des médinas, devinerait l'existence de ces petits palais au charme fou, restaurés pour la plupart par des Européens, dans le plus grand respect de l'architecture du pays? Près d'Essaouira, une marche de cinq heures sur une plage réunissant hautes dunes et vagues à faire suer les surfers nous amène de Sidi Kaouki au village de Sidi M'Bark. On aurait pu marcher six jours encore. Et franchement, pour le plaisir des yeux. Outre quatre marcheurs, un pêcheur, un âne, trois dromadaires et un cavalier solitaire, nous n'avons rencontré personne. Après avoir longé le littoral atlantique jusqu'à Agadir, notre voyage continue vers Ouarzazate, via les djebels (collines ou montagnes) de l'Anti-Atlas et la route des casbahs. Comment expliquer la beauté des paysages de ce coin de pays fréquenté par les cinéastes du monde entier? Partout, de magnifiques ksour (forteresses) et casbahs (forts) sur de hauts plateaux hérissés de mesas rougeoyantes et rainés de gorges et de vallées étonnantes où nichent des oasis. À une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Ouarzazate, le ksar de Aït-Benhaddou demeure le plus important lieu de tournage de la région. Il a été popularisé dès 1962 par le film Lawrence d'Arabie. Le site a également servi de cadre au film Gladiator, de Ridley Scott, et à Babel, d'Alejandro Gonzalez. Plutôt photogénique au lever du soleil. Si le thé à la menthe et les pâtisseries au miel dégustés en compagnie de Moha Oursi, un Berbère propriétaire d'un gîte dans le village d'Aït Youb, sur le versant sud du Haut-Atlas, ne laisse pas indifférent, comme la balade au sommet des dunes de l'Erg Chebbi, à Merzouga, et les paysages de far-west de l'Atlas, Fès coupe ad literam le souffle. Au sud la ville nouvelle, au centre la ville royale de Fès el-Jedid et au nord la médina de Fès el-Bali. Cette dernière est envoûtante. Quartier des épices, des tanneries, de la poterie, de l'argenterie, tout se vend dans les 9500 ruelles encombrées de la médina où l'âne a priorité sur le passant. Des tapis, des babouches, des dattes, des têtes de dromadaire, des poules... On y fait même cuire son pain dans des fours communs pour quelques dirhams. Et l'appel à la prière dans cette ville coiffée de minarets? Il s'agit d'un concert liturgique d'une rare beauté. Chose certaine, on ne peut pas que passer à Fès, il faut y rester. Pour mieux apprivoiser la première ville non européenne classée par l'UNESCO. Et, bien sûr, comme aiment à le répéter les Marocains, pour le plaisir des yeux. *** En vrac * Se loger. Les riads sont les demeures traditionnelles de la médina. Certaines proposent des prix abordables et presque toutes un charme fou. En hiver il fait froid la nuit: vérifier que votre hôtel possède un bon système de chauffage. À Marrakech, au riad Dama, dans la médina. Cette belle demeure dotée d'un jardin intérieur, d'une fontaine et de jolis salons à ambiance feutrée, compte huit chambres à coucher. La demeure est située à quelques minutes à pied de la place Djema el-Fna. www.riaddama.info. À Essaouira, au riad Les terrasses d'Essaouira, une demeure qui compte 14 chambres à coucher, également très charmante, avec une jolie terrasse sur le toit où l'on sert le petit-déjeuner. www.les-terrasses-essaouira.com. Au Mercure Ouarzazate, un hôtel 4 étoiles qui compte 68 chambres et offre une vue imprenable sur la casbah de Taourit. Édifié au XVIIe siècle par la tribu des Glaoui. Ouarzazate est la capitale de la vallée du Drâa: www.accorhotels.com/mercure-ourzazate/index.shtml. L'hôtel Kenzi Saghro, à Tineghir, est à 15 kilomètres des célèbres gorges du Todgha. Cet hôtel 4-5 étoiles, qui porte le nom de l'une des montagnes de la région, compte 67 chambres et trois suites: www.kenzi-hotels.com. L'hôtel 4 étoiles El Ati, à Erfoud, compte 164 chambres et est situé près de Merzouga, la porte du désert. www.1stmaroc.com/hotel-el-ati/index.html. quatre suites, une chambre d'hôtes, une terrasse sur le toit et trois salons qui donnent sur un patio muni d'une fontaine. La cuisine y est excellente. www.riaddaranebar.com. * Se restaurer. La gastronomie marocaine constitue l'un des plaisirs du voyage et ce ne sont pas les restaurants qui manquent. Laissez-vous guider par les odeurs dans les souks, les maisons d'hôtes et les restaurants. Mes deux coups de coeur... Le Tanjia, à Marrakech, situé entre le palais Bahia et le palais Badii. Charme marocain et bonne cuisine. Et si vous avez de la chance, vous y rencontrerez peut-être Gad Elmaleh. Aussi, le Restaurant marocain Al-Fassia, au Sofitel Palais Jamai. Magnifique décor, cuisine de qualité et intéressante carte des vins. * À lire: Marrakech, Essaouira et le Haut-Atlas, aux éditions Lonely Planet; Maroc, le guide du routard; Maroc, Michelin, Éditions des Voyages; L'enfant de sable, de Tahar Ben Jelloun.
- France - Saint-Jacques-de-Compostelle
Deux cents kilomètres à pied, aucune difficulté montagnarde. De l'hébergement à profusion, une organisation transbagages impeccable, un lieu inouï de rencontres. N'en demeure pas moins que la première étape de la «Via Podiensis» (ou GR 65) est une épreuve de vérité pour bien des marcheurs: sac à dos trop lourd, ampoules aux pieds, angoisse de l'étape du soir... Continuer ou pas? On opère les petits réglages d'usage, on étudie la logistique, on se calme. Et puis, comme par miracle, de randonneur on devient pèlerin. «Ultreïa» («Va de l'avant!»). Haute-Loire — Un coup de trompe retentit en gare de Saint-Étienne. Le train s'ébranle lentement vers Puy-en-Velay. En cette fin d'après-midi, une trentaine de randonneurs venus de partout au monde prennent place à bord. On devine, par la coquille fixée au sac à dos, le bourdon à la main et le Miam Miam Dodo en poche (l'indispensable guide des bons conseils), que ces marcheurs convergent vers la ville de pèlerinage, porte d'entrée officielle de la «Via Podiensis». En 951, c'est à Puy-en-Velay, «Le Puy» pour les intimes, que l'évèque Godescalc entreprit à dos de mule le premier pèlerinage jusqu'à Compostelle. Il n'est donc pas surprenant que la petite cité sacrée, ceinturée de mamelons volcaniques, joue encore le rôle de prélude à l'odyssée. Il faut toutefois savoir qu'il n'est pas nécessaire de commencer son pèlerinage au Puy et qu'il existe quatre voies sacrées qui mènent le randonneur au terme de son pèlerinage, à Saint-Jacques-de-Compostelle. Quatre routes qui fusionnent à Puente-la-Reina, en Espagne: celle de Vézelay, la «Via Lemovicensis», qui traverse le Limousin; celle de Paris, la «Via Turonensis», qui sillonne la Beauce; celle d'Arles, la «Via Tolosana», qui se confond avec le GR 653 et passe par Toulouse; puis la plus ancienne et aussi la plus fréquentée, la légendaire «Via Podiensis», ou GR 65. «La Via Podiensis demeure le chemin d'origine», explique Gilles Robineault, animateur à l'Association du Québec à Compostelle, un regroupement de Québécois qui aident à faciliter la réalisation du pèlerinage en France et en Espagne. «Non seulement le chemin est-il imprégné d'une vie et d'une spiritualité tenaces, mais il dispose aussi d'une infrastructure touristique dont ne bénéficient pas les autres voies: gîtes, restaurants, toilettes, points d'eau... » Le GR 65 traverse sur 750 kilomètres le sud de la France avant de rejoindre le Pays basque. Côté espagnol, c'est le «Camino Francès» qui prend le relais sur une distance de près de 780 kilomètres. Chrétiens, athées, libres penseurs... plus de 100 000 âmes foulent chaque année le chemin de Compostelle. Les motivations sont de tout poil: quête spirituelle, découverte de soi-même, création de liens, résolution de problème, célébration de ses 50 ans...À chacun son chemin. En ce qui me concerne, c'est par intérêt touristique qu'en septembre, sur un coup de tête, sac au dos, capeline et bottes de marche, j'ai pris la route. J'allais rendre compte du phénomène de Compostelle qui dépasse le cadre strict d'un vagabondage religieux, à l'heure où la pratique catholique toussaille. Vingt minutes de marche séparent la gare du Puy de l'Appart'hôtel des Capucins où je logerai ce soir-là. Heureusement que j'avais réservé une place car le gîte d'étape affiche complet. Je serai seule dans ma chambre, un choix judicieux pour mieux dormir après un long voyage qui m'a conduit de Montréal à Genève, puis de Genève à Lyon en train, et au Puy via Saint-Étienne. Demain commencera la vraie vie de dortoir. Et il est clair que je devrai composer avec les ronfleurs. Le Puy charme dès lors qu'on pose le pied sur le quai de la gare. Construite autour d'une série d'éperons rocheux, la ville basse fourmille de restaurants et de boutiques. «On dirait un gros village», remarque Marie, une amie avec qui je ferai un bout de chemin. «Et regarde cette dentelle.» C'est vrai, depuis le XVe siècle, le Puy est l'un des centres historiques de la dentelle au fuseau. Et reconnu aussi pour la lentille verte. Tout est convivial ici. Est-ce sa petite taille qui invite à la courtoisie ou sa tradition d'accueil millénaire chrétienne qui marque les mentalités? Croyant ou pas, l'office du matin à la cathédrale Notre-Dame-de-l'Annonciation est un incontournable pour le randonneur qui en est à sa première expérience sur le Chemin de Compostelle. Un point de départ symbolique avant la grande aventure qui, pour certains, durera deux semaines, un mois tout au plus, et pour d'autres 62 jours jusqu'à terme. D'abord la bénédiction matinale, puis la signature du livre d'or de la sacristie et l'obtention de la credencial, carnet du pèlerin sur lequel est apposé à chaque halte un tampon soit par le gîte d'étape, soit par le curé, la poste... le dernier étant évidemment celui de la cathédrale de Santiago. La «créanciale» permet d'établir sa qualité de pèlerin et d'être accueilli en priorité dans les gîtes. Attention car elle est obligatoire pour pénétrer dans les albergues de peregrinos ibériques et obtenir la fameuse Compostella délivrée à la cathédrale de Saint-Jacques! On descend rue Chenebouterie jusqu'à place du Plot, on bifurque sur la droite pour emprunter la rue Saint-Jacques, puis la rue de Compostelle en direction de Saint-Privat-d'Allier, deuxième étape, 24 kilomètres. Mon sac à dos aurait dû peser entre cinq et huit kilos, il en pèse douze. Mis à part mon sac de couchage prévu pour des températures au-dessus de -25 degrés, tout m'apparaît nécessaire. «Tu transportes tes peurs», me lance d'entrée de jeu Claude, une pèlerine dans la jeune cinquantaine qui en est à sa troisième expérience sur la Via Podiensis. Ah bon! Aux pèlerins de longue durée, souvent les plus authentiques dans leur démarche, comme René, un routier québécois en changement de carrière qui souhaite atteindre Compostelle puis le cap Finisterre début décembre, ou Walter, cet Autrichien de 78 ans qui marche pour la quatrième fois depuis Vienne jusuqu'à Compostelle, s'ajoutent les vacanciers jouant aux pèlerins pendant une couple de semaines, lookant le chemin d'un air de Club Med, surtout entre Puy-en-Velay et Conques. D'où l'importance de réserver les premiers gîtes si on ne veut pas se retrouver à la rue. «Par contre, pas plus de quatre soirs à l'avance», m'expliquait le cinéaste Alain de la Porte, qui présentait récemment au Québec un film et une conférence sur Compostelle, dans le cadre des soirées des Grands Explorateurs. «C'est simple, en réservant plusieurs jours à l'avance, le marcheur prend le risque d'un effet domino s'il ne peut atteindre l'étape au jour et à la date prévus. Ce qui est le cas lorsqu'on se retrouve avec des ampoules terribles.» Au fil des jours, on apprend la vie sur cette route cadencée par les bornes coquillées, sur lesquelles sont peintes les fameuses balises rouges et blanches qui nous rappellent que cette grande randonnée, le GR 65, fait partie du réseau de 180 000 kilomètres de sentiers balisés en France. On traverse des paysages parfois spectaculaires, comme par exemple le plateau désertique de l'Aubrac, perché à 1000 mètres et qui offre aux randonneurs leurs premiers tête-à-tête avec les éléments de la nature à l'état brut. Par mauvais temps, il n'y a rien d'autre à faire que de serrer les dents. On peut tricher sur la Via Podiensis. On a beau se trouver sur des voies de sainteté, le monde reste ce qu'il est. Je le confesse: nous avons (mes compagnes de quelques jours et moi) sauté une étape. À cause d'une erreur de calcul qui nous obligeait à parcourir en une journée 44 kilomètres, entre Aumont-Aubrac et Saint-Chély-d'Aubrac. Pas question! Surtout sachant que pour quelques euros on peut monter à bord d'un transbagages qui nous mènera à l'étape suivante! Du coup, on a expérimenté l'effet domino. Ça va, ça va, on a compris, même les étourdis ont le droit au chemin! Toujours est-il qu'on aurait dû dormir à la Tour des Anglais, à Aubrac, et qu'on a pris une chance de poursuivre jusqu'à Saint-Chély-d'Aubrac, sans réservation cette fois-ci. Et moi qui pensais qu'il était toujours possible de trouver refuge. En tout cas, pas dans le très charmant village de Saint-Chély-d'Aubrac, avec sa Croix du pèlerin sur le pont Vieux, classée depuis peu au Patrimoine mondial de l'humanité. On n'ose pas imaginer le premier week-end de mai, celui de la transhumance, où l'on file l'aligot avec énergie. Personne n'a dormi sur le parvis de l'église mais on a trouvé un gîte tard et payé le gros prix. Néanmoins sans punaises, ni ronfleurs. «Ultreia!», «Va de l'avant!», me lance Claude. Tiens, la voilà! «Ce qui est formidable sur ce chemin, plaisante Antoine, un Français du département de l'Ain venu randonner pour le simple plaisir de la chose, c'est qu'il ne se passe rien d'inouï: on marche, on mange, on parle, on dort. On chemine ensemble quelques jours, on se sépare, on se retrouve. Le matin, on réserve le gîte du soir, le midi, on pique-nique dans le champ avec les vaches ou à l'ombre d'un châtaignier, en après-midi, on réserve son transbagages pour le lendemain. Espalion, Golhinac, Estaing, trois jours sont nécessaires pour rejoindre Conques, l'une des étapes majeures de l'itinéraire. Un incontournable. Et pour moi le terminus. Mais comment sortir d'ici? La prochaine gare se trouve à deux jours de marche, à Figeac; demain, c'est samedi et il y a une telle affluence que tous les transbagages affichent complet. Je sais que je trouverai. Ah oui, Claude ! Ce ne sont pas mes peurs que j'ai transportées dans mon sac, mais mon indépendance. C'est ça, la Via Podiensis: des amitiés, des ronfleurs, un verre de vin sur la place centrale dans un village, une nougatine dégustée dans une pâtisserie, un souper convivial, une rencontre avec un prêtre prémontois coloré à l'abbaye de Conques et... des ampoules aux pieds. Ultreïa! En vrac * Air Canada relie Montréal à Genève, point de départ du GR 65, pour qui veut ajouter ce tronçon à celui de la Via Podiensis débutant à Puy-en-Velay. Le GR 65 pénètre en France dans la partie est de la commune de Saint-Julien-en-Genevois, où l'on trouve la première balise rouge et blanche. Saint-Jacques-de-Compostelle est alors à 1854 kilomètres. De Puy-en-Velay à Conques, on compte près de 200 kilomètres, et de là, 1430 kilomètres jusqu'à Compostelle. Air Canada relie également Montréal à Lyon, plus près de Puy en Vêla * Le meilleur moment pour partir se situe entre avril et octobre. Toutefois, en avril et mai, le temps est instable alors qu'en juillet et août, il fait plus chaud. Au mois de juin, les fleurs abondent dans les champs et les gîtes sont moins fréquentés. Attention à l'année jacquerie, il pourrait y avoir plus de pèleins sur les routes de Compostelle. * Pour vous aider à organiser votre voyage: l'Association du Québec à Compostelle, présente dans toutes les régions, propose conférences, activités et sessions d'information: www.duquebecacompostelle.org. *Pour se loger aux différentes étapes, quelques bonnes adresses: le Gîte des Capucins, à Puy-en-Velay, petit hôtel propret qui offre des chambres individuelles et en formule dortoir (moins cher): www.le-puy.de/fr/nos-divers-modes-d'hebergement/lapparthôtel-des-capucins-67.htm. La Cabourne, à Saint-Privat-d'Allier: www.lacabourne.fr. Mme Ithier & Martins, gîte de France à la ferme, à Saugues: www.chemindecompostelle.com/itiermartins/index.html. La Croix du Plô, gîte d'étape à la ferme, au Rouget: 011 33 4 66 31 53 51. La Tour des Anglais, pour une expérience insolite, à Aubrac: www.aurelle-verlac.com/vaubrac/vaubrac3.htm. L'hôtel de la Vallée, à Saint-Chély-d'Aubrac: www.lavallee-stchely.com. Gîte d'étape Halte Saint-Jacques, à Espalion: www.halte-saintjacques.com. Gîte d'étape L'Orée du Bois, à Golhinac: www.tourisme-entraygues.com/fr/hebergements/gites-etapes-goupes.php. Centre d'accueil de l'Abbaye Sainte-Foy, à Conques: 011 33 5 65 69 85 12. * Entre autres guides, Miam Miam Dodo (magasins Ulysse et La Cordée) et le topo Guide Sentier vers Saint-Jacques-de-Compostelle Le Puy-Figeac.
- Beau livre - Le nouveau Bordeaux
En juin 2007, la ville de Bordeaux était admise au Patrimoine mondial de l'UNESCO à titre d'«ensemble urbain exceptionnel». Et le secteur concerné embrasse 1810 hectares, soit près de la moitié de la municipalité! Bordeaux a restauré, entre autres, son centre historique, ses quartiers résidentiels, son quartier Mériadeck et ses immeubles des années 1970, réaménagé les quais de l'ancien port... De gris et de noir, les murs du XVIIIe siècle sont passés au blond et un tramway sans fil sillonne maintenant la ville. Lorsque la photographe Anne Garde a proposé à Alain Juppé son projet d'un ouvrage de photographies consacré à Bordeaux, le maire n'a eu aucune hésitation. «Un regard extérieur, a fortiori celui d'une photographe de talent, porté sur la ville, paraissait indispensable pour donner la juste mesure de la réalité esthétique de Bordeaux et de sa diversité», écrit-il en préface de l'ouvrage de 192 pages. Bordeaux, capitale lumineuse (Éditions Assouline). À ce titre répondent 91 photos fort intéressantes. Le double regard de la photographe Anne Garde et de l'écrivaine Laure Vernière répond à la nouvelle mise en scène de Bordeaux. Accompagnés de courts textes fictifs et réalistes, ces clichés amènent le lecteur dans un Bordeaux dépoussiéré et rhabillé. Les images ouvrent d'étonnantes perspectives, de jour comme de nuit, sur l'élégance de la ville, ses architectures nobles et populaires et ses espaces redessinés. Mais aussi, la photographe a capté de belles images de ce que l'oeil ne voit pas de Bordeaux, comme les bassins à flots de Bacalan, un quartier portuaire et manufacturier du XVIIe siècle, ou les Chartrons vus des bords de la Garonne. Ce travail à quatre mains devrait particulièrement ravir ceux qui connaissent la capitale de l'Aquitaine mais qui n'y ont pas mis les pieds depuis quatre ans. On y voit une ville métamorphosée. Oui, Bordeaux est devenue très photogénique.
- Échappée champêtre dans les Bois-Franc
Une virée dans la région des Bois-Francs donne lieu à d'agréables découvertes: un presbytère qui vend du fromage; une charcuterie qui propose jambon fumé, saucisses sans gluten, boudin aux pommes; un vigneron primé pour son terroir et une pépinière qui produit bambous, bonsaïs, pachiras et lucky bean. Pied de nez à la grisaille de novembre. À Tingwick, au sud de Victoriaville, non loin de Kingsey-Falls, des employés de la Pépinière Bonsaï s'affairent à trier, à tresser, puis à mettre en terre des pachiras. Les cinq doigts qui composent chaque feuille de ces «petits arbres de la prospérité» symbolisent en Chine les cinq éléments du feng shui: le métal, le bois, l'eau, le feu et la terre. On dit là-bas qu'il a le pouvoir d'attirer ces éléments autour de lui et de les transformer en énergie et en argent. Et le grossiste ne façonne pas que des pachiras! Il produit aussi bonsaïs, bambous et lucky beans pour le compte des dépanneurs, fleuristes, supermarchés et autres grands revendeurs. Qui aurait cru que ces petits végétaux, appréciés des amateurs de feng shui, étaient ensemencés, tressés et bichonnés dans le Centre-du-Québec, à environ deux heures de Montréal? Mystère des «lucky» bambous Créateur de la Pépinière Bonsaï, Daniel Charland, Tingwickois d'origine, tient la barre de son entreprise plantée en pleine campagne depuis presque 25 ans. Un cours d'horticulture à Saint-Césaire, un professeur passionné par l'arbre miniaturisé, originaire de Chine, et un stage au Jardin botanique ont suffi à susciter l'engouement chez l'entrepreneur. «À l'époque, la production se limitait à 5000 petits arbres en pot. Aujourd'hui, elle s'élève à 60 000 bonsaïs et 400 000 bambous, précise Daniel Charland. De six travailleurs que nous étions au début, la Pépinière Bonsaï emploie maintenant 15 salariés permanents, une vingtaine de temporaires et une dizaine d'étudiants.» «Attrait du zen, cocooning et souci de l'environnement sont en grande partie responsables du succès de l'entreprise, dont le chiffre d'affaires continue de grimper depuis quelques années», explique Annick Archambault, directrice des opérations à la Pépinière Bonsaï. Faut-il se surprendre? Comme on ne sait plus trop à quel saint se vouer pour être riche et en santé, miser sur un petit arbre ne fait de mal à personne. Et une plante verte, c'est joli et pas kitsch. Les dépanneurs et les fleuristes ont bien compris la chose et il est plutôt rare de ne pas trouver sur le comptoir, à côté de la caisse, les fameux bambous de la bonne chance. Le cadeau est noble. Trois tiges de bambou représentent le bonheur; cinq, la santé; et neuf, la prospérité. Quant au pachira, il apporte abondance et bonne fortune. Une jolie surprise pour une poignée de dollars. La Pépinière Bonsaï accueille les visiteurs à longueur d'année et propose sur place des visites guidées des serres d'une durée de 45 minutes. Une occasion de percer les mystères de la production de ces plantes tropicales en provenance de Chine, d'Australie, d'Indonésie et des États-Unis et de se renseigner sur l'entretien de chacune. Tout ça creuse l'appétit! Cap vers Sainte-Élizabeth-de-Warwick, à la Fomagerie du Presbytère, pour l'achat de fromages fins. Loger dans un ancien presbytère datant de 1936, en face de la ferme Louis d'Or qui produit les fameux fromages vendus au presbytère, l'arrêt n'est pas banal. Depuis quatre générations, la famille Morin fabrique son fromage de façon artisanale. Sauf que depuis 1980, par souci environnemental, les Morin ont pris le virage de l'agriculture biologique. Un défi bien relevé puisque, l'an dernier, leur fromage fermier Le Bleu d'Élizabeth au lait cru, à pâte semi-ferme, remportait la mention spéciale «meilleur fromage biologique 2008». Le pique-nique n'est pas complet sans un détour à La Jambonnière, spécialiste du jambon fumé à l'ancienne, située à Saint-Rémi-de-Tingwick. Lyne Groleau et Marco Couture acquièrent en 1992 la porcherie des parents de Lyne. Depuis, ils poursuivent à leur manière l'entreprise familiale, qui détient la certification AQC (assurance qualité canadienne). «On y fabrique une trentaine de saucisses, dont quelques-unes sans gluten ni chapelure, et d'autres à l'autruche. Les terrines, la rillette, le boudin aux pommes sont le résultat d'un séjour passé en France. Alors que cretons, tête fromagée, tourtières et saucisses "pépères" viennent de nos aînés.» Un p'tit rouge avec ça ? «Un repas sans vin est une journée sans soleil», dit un proverbe provençal. Le vignoble Les Côtes du Gavet, niché à flanc de coteaux tingwickois, convie les voyageurs à déguster ses célèbres vins issus d'un vignoble couronné «La Star du terroir québécois» par le magazine Les Fidèles de Bacchus. Par contre, les vignerons étant occupés à fabriquer vins et vins fortifiés, les visites guidées du vignoble, qui compte 6000 vignes, ne sont pas au programme en automne. Et si le temps le permet, le mont Gleason, également situé à Tingwick, apparaît comme la place idéale pour aller pique-niquer. D'ailleurs, une randonnée au sommet de cette montagne de 345 mètres d'altitude apparaît comme une bonne idée avant de reprendre la route. Et si le temps est maussade, eh bien, ce n'est que partie remise cet hiver pour venir skier ou y faire de la raquette. Publié dans le Devoir du 14 novembre 2009
- André Trottier, aventurier septuagénaire
Pilote maritime pendant 36 ans, féru de photographie depuis toujours et friand de voyages, André Trottier vise à établir le record Guinness de l'homme le plus âgé à avoir franchi les sept plus hauts sommets de tous les continents. Un grand rêve sur le point de devenir réalité. Rien ne prédisposait vraiment André Trottier à grimper un jour les plus hauts sommets du monde. Rien, sauf un certain goût inné pour le défi et l'émerveillement enraciné aussi solidement dans son âme que l'ancre des pétroliers dans le fleuve, sur lesquels il a travaillé pendant 36 ans. Né à Deschambault le 29 novembre 1940, l'aventurier a grandi face au Saint-Laurent, aux premières loges pour admirer les impressionnants bateaux qui y naviguent. À huit ans, il en est sûr, il deviendra capitaine. Études à l'Institut maritime du Québec à Rimouski. Spécialisation en tant que pilote maritime. Le rêve se concrétise en 1966. À l'âge de 25 ans, André Trottier devient l'un des plus jeunes capitaines à piloter les navires sur le Saint-Laurent. Mais avant d'obtenir son grade, le jeune moussaillon en devenir doit faire ses preuves. Un voyage à bord d'un pétrolier le conduit, à 20 ans, à Aden, au Yémen, où il fait l'acquisition d'un premier appareil photo. « À peine sorti de la boutique, je mitraillais tout ce qui pouvait entrer dans un objectif. Depuis, je ne me suis jamais arrêté. Ma photothèque contient aujourd'hui 75 000 images prises dans 81 pays. » On le devine, l'homme est un passionné. Et l'alpinisme, dans tout ça? Un jour de 1997, un an après avoir fondé, à Lorraine, dans les Basses-Laurentides, un club de marche en montagne, un ami randonneur lui propose, à brûle-pourpoint, l'ascension de l'Everest jusqu'à son camp de base, à 5364 mètres. Rien de moins. L'offre est alléchante pour le photographe en quête constante de beaux clichés. « Pourquoi pas, me suis-je dit, si d'autres ont réussi, je peux réussir aussi. Après tout, c'est dans la tête que ça se passe. » Du randonneur du dimanche qu'il est jusqu'à la réalisation de cette expédition en 1998, il revient enrichi par son périple et malgré une première expérience en altitude très exigeante, il attrape la piqûre de la haute montagne. « Une première expérience qui a marqué le début de nombreux voyages et le désir d'atteindre les plus hauts sommets de chacun des sept continents. » À son retour, il fonde la compagnie Aventuriers du Monde. Avec la complicité de son fils Jean Philippe, qui l'accompagne dans ses expéditions à titre de cinéaste, il multiplie les conférences au cours desquelles il offre un spectacle multimédia des pays visités et des montagnes escaladées. En 2002, il grimpe l'Aconcagua, en Argentine, à 6959 mètres. « C'est après l'ascension de cette montagne, la plus haute d'Amérique du Sud, que j'ai pris la décision de m'entraîner beaucoup plus sérieusement. Question de moins souffrir en haute altitude. » André Trottier se souvient fort bien de sa première séance de course à pied. « Après cinq minutes, je crachais du feu tant l'effort me brûlait la gorge. Dans les six mois qui ont suivi, je suis passé à 15, puis à 20 minutes. J'ai commencé à boire de l'eau et à mieux m'alimenter. Maintenant, je cours une heure par jour, soit 50 kilomètres par semaine. À 50 ans, j'avais la forme d'un septuagénaire, aujourd'hui, j'ai la forme d'un homme de 40 ans. Et je ne crache plus de feu. » Depuis 2002, il pratique aussi le kung-fu qui lui apporte équilibre, endurance, persévérance et capacité d'adaptation. D'ici peu, il sera ceinture noire, en fait aussitôt qu'il trouvera le temps de se présenter à l'examen, qui n'a lieu que deux ou trois fois par année. « Je fais aussi, au quotidien, des étirements et...la sieste. Vingt minutes par jour. C'est ma méditation. » À date, outre le Mont Blanc en France, le Monte Rosa en Suisse, le Gran Paradiso en Italie, le Machu Picchu au Pérou, le Rainier aux États-Unis, le Huayna Potosi en Bolivie, il a aussi grimpé le Kilimandjaro en Afrique, le Denali en Alaska et l'Elbrouz en Russie. Avec succès et sans financement aucun. Pour le simple plaisir de se prouver que tout est possible. Atteindre les plus hauts sommets et établir le record Guinness de la personne la plus âgée à franchir les plus hautes montagnes du globe ne sont que deux des trois objectifs que s'est fixés André Trottier. Plus que jamais, il souhaite amasser des fonds pour le Club des petits-déjeuners du Québec, une cause qui lui tient à coeur. « Avoir faim, au Québec, en 2009, c'est impensable. Et pourtant, combien d'enfants vont à l'école le ventre vide le matin, en ayant mal à l'estomac? » Son prochain grand défi: l'Everest, en mai 2010. Mais l'expédition est coûteuse, ne serait-ce que pour obtenir les permis d'ascension. Impossible de s'en tirer à moins de 50 000 $. « C'est donc dans le but de financer mon projet du monde Guinness et de venir en aide aux enfants du Québec en leur fournissant un petit-déjeuner nutritif que j'ai fini par fonder le Club des 7. J'organiserai aussi des levées de fonds en cours d'année par l'entremise de conférences, de salons et de dégustations en tous genres. Tous les moyens sont bons lorsqu'on croit en quelque chose. » Une fois l'Everest atteint, il restera à André Trottier l'ascension du Kosciuszko en Australie, du Vinson en Antarctique et de la Pyramide Carstensz en Nouvelle-Guinée. Un programme chargé qu'il souhaite avoir complété avant l'âge de 72 ans. Avis aux intéressés!
- La Thaïlande des Chao Kao
Randonner à pied, en canot ou à dos d'éléphant dans le nord de la Thaïlande, une sorte de triathlon exotique au coeur de la jungle, à la rencontre des Chao Khao (« gens des montagnes »). Au programme: belles rigolades, bonnes bouffes, un peu de sueur et... le privilège rare de vivre le quotidien de tribus locales, qui, en dépit de leur faible poids démographique (650 000 personnes environ, soit 1 % de la population du pays), contribuent largement au foisonnement culturel du royaume. Chiang Mai — Changement d'époque, changement de style, la capitale de la province de Chiang Mai — fondée en 1296 par le roi Mengrai comme capitale du royaume de Lan Na, puis la porte d'entrée, dès le XVe siècle, des denrées que transportent des caravanes de Chinois venues de la province du Yunnan — accueille aujourd'hui voyageurs curieux et fringants randonneurs, débarquant presque tous par le tarmac de l'aéroport, situé à trois kilomètres de la cité fortifiée. Deuxième ville en importance après Bangkok, bien que 10 fois moins peuplée que la capitale de la Thaïlande, la ville de Chiang Mai recense plus de 200 temples, ce qui lui a valu le surnom de Cité aux mille temples. Une bonne raison pour s'y attarder un jour ou deux. Notre aventure commence donc par la visite du Wat Phra Sing, non pas le temple le plus ancien de Chiang Mai, la palme revenant au Wat Chiang Mien dont l'élégante façade en bois sculpté remonte au XIIIe siècle, mais le plus richement décoré avec son hall d'or paré de fresques murales du XIXe siècle. Puis par une petite virée dans la plus vieille fabrique thaïlandaise de tissage de la soie, le Shinawatra Thai Silk. Bien que la tradition siamoise de la culture du mûrier et de l'élevage du ver à soi remonte au XIIIe siècle, c'est l'architecte Jim Thompson, disparu dans la jungle malaisienne en 1967, qui redonne à la soie ses lettres de noblesse en Thaïlande. Il fonde en 1948 la Thai Silk Company. À l'époque, seule une poignée de vieux tisseurs du pays travaillent pour l'homme d'affaires. Aujourd'hui, la compagnie emploie 20 000 familles de tisserands. La flânerie se termine par un massage thaï. Prétexte pour se faire dorloter? Pas du tout! En Thaïlande, il fait partie intégrante de l'art de vivre. Même que le massage thaï a été proposé au classement sur la liste du Patrimoine mondial immatériel de l'UNESCO. Tout comme la médecine traditionnelle chinoise, d'ailleurs. C'est le dernier plaisir urbain avant notre séjour en montagne. Pour nous accompagner, deux guides qui maîrisent aussi bien l'anglais que l'art de la gastronomie thaïlandaise. Tree, l'intellectuel qui voulait devenir moine. « Chaque garçon thaï est censé devenir moine pendant un court moment dans sa vie, entre le temps qu'il finisse l'école et le temps qu'il commence une carrière ou se marie. Il n'y a pas d'âge pour être novice, mais on ne peut devenir moine qu'à l'âge de 20 ans. On le reste trois mois en moyenne. Certains décident d'être moine toute leur vie. Comme mes parents travaillaient d'arrache-pied pour gagner leur croûte, j'ai préféré les aider plutôt que de vivre dans un Wat. » Et Sak, l'un des meilleurs kayakistes du pays qui a grandi dans le village montagnard de Bane Sopkai, sur la rivière Maetaeng. C'est un départ Le temps de régler les formalités avec la Police du tourisme qui s'assure de la conformité de l'agence de trekking, question de protéger les randonneurs contre une éventuelle arnaque, et c'est un départ. Le marché ouvert de Mae Malai, notre première étape, n'est qu'à 30 minutes en 4x4 au nord de Chiang Mai. Des fruits et des légumes à perte de vue: longane, mangoustan, mangue, pitaya rose, pomme cannelle, ramboutan, sapotille, aubergine, haricot ficelle, radis chinois... Insectes frits et grenouilles grillées. Chenilles. « Très bon avec le riz », affirme Tree. On goûte, on découvre, on achète fruits et légumes pour l'expédition. Après, ce sera plus difficile, les villages de montagne étant moins bien approvisionnés. Les guides ont déjà prévu les menus pour tout le séjour. Outre le pique-nique du midi, un 4X4 de la compagnie Changmai Adventure transporte vers les différentes étapes l'essentiel pour le repas du soir ainsi que les draps et les sacs de couchage, si nécessaire. Pour quelques baht de plus, nous optons pour une excursion de quatre jours sans autres randonneurs. Avec les guides, nous sommes cinq au total. Une randonnée d'une trentaine de minutes dans le parc national Doi Suthep-Pui nous conduit à la spectaculaire chute Mork-Fa. Baignade. De là, on peut aussi accéder par des sentiers balisés au sommet de deux montagnes: le Doi Suthep qui culmine à 1676 mètres et la Doi Pui, à 1685. On retrouve en Thaïlande 79 parcs nationaux, 89 réserves pour animaux sauvages et 35 domaines forestiers protégés. « L'ensemble de ces parcs couvre 13 % du territoire terrestre et maritime et représente l'un des pourcentages les plus élevés au monde », explique Tree. En route vers la province de Mae Hong Son, on découvre la signification du fameux Triangle d'or, cette région montagneuse qui se situe entre le Laos, le Myanmar et la Thaïlande et qui a été longtemps le centre de production de l'opium consommé sur la planète. Ces réalités rejaillissent encore à ce jour, parfois négativement, sur la situation et l'image des Chao Khao. Transformer le Triangle d'or Mais voilà, depuis la fin des années 1980, la Thaïlande a conclu des accords avec ses voisins pour désenclaver le nord et transformer le Triangle d'or en un quadrangle de croissance. « Des infrastructures aéroportuaires et routières ont été construites et des opérations militaires menées de manière à résorber les foyers insurrectionnels et les zones de non-droit. Cette politique a permis de faire reculer l'insécurité, la déforestation et la production d'opium », écrit dans Geo Voyage Bernard Formoso, professeur d'ethnologie à l'université Paris-X Nanterre. « Mais lourde de conséquences pour les montagnards confrontés aux défis environnementaux et économiques. » Un ailleurs subjuguant défile sous nos yeux. Dans le village Lisu situé aux confins du Parc national Hua Nam Dang, point de départ du trek, la vie semble s'organiser autour d'un quotidien ancestral. On célèbre ce jour-là le Nouvel An chinois. Les femmes nous invitent à participer à leur danse autour d'un bûcher rempli de sacs de cadeaux, qu'on ira porter aux esprits plus tard. Elles portent de longues tuniques multicolores, tandis que les hommes sont vêtus de pantalons flottants bleus ou verts. Originaires du Tibet, les Lisu vivent de la culture du riz, du maïs et de l'opium ainsi que de l'élevage du bétail. Ils vouent un culte aux ancêtres et croient aux esprits. La randonnée commence par une montée escarpée. Sur le chemin, des hommes font griller à même le sol deux immenses cochons pour le repas du soir. Plus haut, dans la montagne, à la sortie du village, un tas de linge a été posé sur le bord du sentier. « Quelqu'un doit être très malade dans le village et on veut chasser les mauvais esprits de ses habits », explique Tree. Les sentiers sont rarement plats, mais sans grande difficulté non plus. Entendons-nous bien, on a l'habitude des randonnées sympathiques entre amis et des joyeuses nuitées en refuge dans le parc du Mont-Tremblant, les Adirondacks et les Montagnes vertes, mais rien d'extrême. Loin de nous le trekkeur effréné. Par contre, ici, la difficulté réside avant tout dans la chaleur. Au fil du chemin, les conversations s'engagent: sur les habitudes des ethnies locales, les Lisu d'abord, puis les Karen que nous rencontrerons en fin de journée dans le village de Baan Mae Jok, et demain dans le village de Baan Pa Khaolam. Avec ses quatre groupes distincts: les Karen blancs, les Pwo Karen, les Karen rouges et les Karen noirs, ces « gens des forêts tantôt animistes, tantôt bouddhistes ou chrétiens qui représentent la plus grande tribu de Thaïlande (322 000 habitants). « On reconnaît la femme Karen par sa tunique épaisse et colorée et son sarong rouge brique dont la teinture est préparée à partir d'une plante locale appelée kho », précise Tree. Il y a des moments qui nous touchent. Les repas préparés par nos guides, le soir, dans les woks, à la lueur de la bougie avec l'aide de la femme, de la soeur, de la fille ou de la belle-fille du chef du village: soupe au poulet et lait de coco, brochettes de porc, d'ananas, de tomates, de poivrons et d'oignons, crevettes au gingembre, sauté de légumes à l'ail et tisane à la citronnelle. On repense à la marche dans les rizières asséchées et au repos le midi dans les huttes de bambous sur pilotis. Au bambou farci de riz collant rouge et grillé sur feu de bois par Ya et son mari New Siam, dans le village de Pa Khaolam. À date, en Thaïlande, nous n'avions mangé que du riz collant sous forme de dessert, cuit dans du lait de coco et servi avec de la mangue fraîche. Aux petits-déjeuners copieux préparés par Sak et sa montagne de rôties; aux poules et aux poussins qui, le jour, se promènent librement et le soir sont rangés par famille dans un petit panier de paille. Au vieil homme qui fabriquait des paniers dans le minuscule hameau de Pâ Klaue. Brume du matin dans le village de Karen de Mae Jok. Les villageois vaquent à leurs occupations. Une femme s'affaire à trier le riz, une autre tisse la soie, un homme travaille le bois, les enfants rigolent, une vieille dame fume sa pipe. Nos guides s'accordent de petites causettes avec les villageois dont le regard oscille entre amusement et surprise. Sur les portes, les poteaux, les clôtures, partout, des portraits du monarque Bhuminol Adulyadej. « Vénéré et craint à la fois, Bhuminol Adulyadej, neuvième de la dynastie de Chakri des Rama, est l'âme de son peuple. » Puis l'excursion se termine par la descente de la rivière Maetaeng en canot pneumatique. Et par une promenade de deux heures à dos d'éléphant. On accède donc à la ferme d'éléphant Pang Paka par la rivière, en pleine jungle. Nous avons le plaisir d'assister au bain de Bsonsoe, un éléphant de 41 ans, et de continuer un petit bout de chemin sur son dos, guidés par Sawang, son maître depuis toujours. Le déboisement étant freiné en Thaïlande, l'éléphant et son cornac n'ont plus de travail en agriculture. Ils se consacrent alors aux touristes curieux de mieux les connaître. Bane Sopkai, terminus. En route vers Chiang Mai, un dernier arrêt dans le village de Hauypong, habité par les Akha. Ces derniers figurent parmi les ethnies les plus pauvres et s'efforcent de résister à l'assimilation culturelle. Les petites huttes de bambou sont équipées de toits en foin. « Ici, on mange du chien », affirme Tree. Il y a des moments qui nous touchent... En vrac On se rend en Thaïlande sous les ailes d'Air Canada jusqu'à Hong Kong, via Toronto. À Hong Kong, on emprunte la compagnie Thaï, via Bangkok, jusqu'à Chiang Mai. C'est une solution. Pour un trek réussi, contacter Chiangmai Adventure: www.chiangmaiadventure.co.th. Le coût d'une excursion dans les montagnes du nord est d'environ 75 $ par jour par personne (nuitée et trois repas quotidiens compris). Nous étions trois, accompagnés par deux guides. La meilleure période pour partir en randonnée se situe entre novembre et février, quand le temps est frais, les pluies quasi inexistantes et les pavots en fleur. De mars à mai, les montagnes sont arides et le temps, très chaud. Le début de la saison des pluies, entre juin et juillet, présente l'avantage de la fraîcheur avant que les sentiers ne soient trop détrempés par les pluies. À ne pas manquer: la visite de Chiang Mai, de ses temples, de ses marchés et de son bazar de nuit. La province forestière de Mae Hong Son, domaine du trekking comme du rafting. La province rurale de Nan, avec ses vallées fluviales fertiles, peuplées de communautés thaï lû. La manufacture (et magasin) Shinawatra Thai Silk, à Chiang Mai: www.shinawatrathaisilk. L'unité monétaire est le baht et le taux de change est d'environ 29,71 B pour 1$ CAN. La famille royale, la religion et la nation sont profondément vénérées dans le pays. Leur manquer de respect est passible de sanctions. La visite des édifices religieux suppose de se déchausser et d'être correctement vêtu. Et le sourire est encore le meilleur moyen de communiquer. À lire: Thaïlande, aux éditions Lonely Planet.
- Allemagne - Thuringen, Au royaume de la Kultur
Publié dans le Devoir du 26 septembre 2009 Lorsque la Thuringe faisait partie de la République démocratique allemande, la clientèle touristique qui la fréquentait provenait avant tout de l’ex-Europe de l’Est. Depuis la réunification, il y a eu redistribution: les voyageurs de l’Est vont maintenant se rincer l’oeil à l’Ouest, alors que ceux de l’Ouest découvrent le joyau thuringien. Comme s’il avait fallu des siècles à ce Land millénaire pour apurer son passé tumultueux et jouir enfin de ses béatitudes. Quoi qu’il en soit, la Thuringe invite les accros de littérature, d’architecture et de musique au dialogue silencieux avec de grands personnages qui ont marqué son histoire. Wilkommen ! Eisenach — Dehors, c’est la grisaille. Et puis après? Pas d’amalgame, le pays de Goethe, c’est pas les Tropiques. Mieux vaut emporter une petite laine ou bien y venir en été. Mais pour l’ambiance des cafés et des restaurants, on met toutes les chances de son côté en automne, en hiver ou au printemps. Le café, le thé et le chocolat chaud ont bien meilleur goût quand ils sont pris dans l’enceinte d’une ancienne maison à colombage éclairée de façon intimiste par des lanternes. Dehors, donc, c’est la grisaille. «Das macht nicht!» Car rien ne peut venir troubler le moment présent. Assise sur une chaise droite, en bois, j’écoute Herr Meissner jouer un extrait de Magnificat, de Jean-Sébastien Bach. Imaginez un peu... un chef-d’oeuvre de Bach joué sur un piano qui date du XVIIIe siècle par un guide allemand passionné qui porte de petites lunettes rondes, entre les murs de la maison même où est né le musicien il y a de cela trois cent vingt ans. Le bonheur est dans le Land Peu de choses manquent au bonheur de ce Land situé en plein centre de l’Allemagne. Peu de choses, car il a presque tout: une forêt de 120 kilomètres de long sur 35 de large qui forme une suite continue de collines arrondies avec son sommet le plus élevé, le Grosser Beeberg, à 982 mètres; le Rennsteig, un sentier pédestre de 168 kilomètres ponctué d’auberges et de refuges qui emprunte les sommets de la forêt de Thuringe le long de la crête principale, d’Eisenach à Blankenstein; une rivière, la Wella, sur laquelle on peut découvrir la région en canot; et des cités médiévales, des châteaux, des cathédrales, d’anciens monastères… «Où trouver tant de bonnes choses réunies dans un espace aussi réduit?», aurait écrit Johann Wolfgang von Goethe à Johann Peter Eckermann, également écrivain allemand devenu secrétaire et directeur de l’édition complète des oeuvres de Goethe à Weimar. L’auteur du roman Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister et du Faust, le fictif, a dominé pendant plus d’un demi-siècle la vie littéraire de l’Allemagne. Appelé à Weimar par le grand duc Charles-Auguste, Goethe a incarné le citoyen universel parfait. Il disait tenir de son père «la conduite sérieuse de la vie», de sa mère «la nature joyeuse et le goût de conter». «Incroyable! Sur une aussi petite parcelle de terre, autant de grands hommes.» Ça, c’est moi qui l’ai dit! Une bonne dizaine de fois depuis mon retour, d’ailleurs, pour expliquer l’intérêt d’aller en Thuringe. C’est tout dernièrement que j’ai appris qu’à Weimar, il y a environ 400 ans, un illustre poète, romancier, dramaturge, scientifique, grand administrateur, voisin et ami du poète Friedrich von Schiller avait prononcé des mots semblables. Eh bien! La Route des classiques D’autres personnages illustres? Sans remonter au Déluge, arrêtons-nous à Martin Luther qui fréquenta la faculté de droit de l’université d’Erfurt, aujourd’hui capitale du Land, avant d’entrer au couvent des Augustins. Après son excommunication de l’Église catholique, Luther se réfugie au château de la Wartburg, à Eisenach, où il traduit le Nouveau Testament en allemand. Même Napoléon a «visité» la région. D’ailleurs, les habitants d’Iéna se souviennent encore de son passage… plutôt tumultueux. À la manière d’Hansel et Gretel, le pain en sus, l’empereur a laissé ses empreintes à maints endroits le long de ce qu’on appelle aujourd’hui la Route des classiques. Un petit musée, Le mémorial 1806, à Cospeda, près du site de la bataille d’Iéna, rend hommage aux soldats prussiens et français. Sacré Napoléon! La Route des classiques permet de sillonner villes et campagnes, entre les maisons à colombage au toit orangé, les monastères, les églises, les demeures somptueuses, les jardins qui ont marqué la vie de Luther, Bach, Goethe, Schiller, et les petites cités médiévales qui tour à tour ont aussi accueilli les Adam Ries, Richard Wagner, Johannes Brahms, Richard Strauss… Le tracé géographique de la Route des classiques ressemble au profil d’une tête d’orignal dont le pif pointe vers l’est. Entre l’oreille et le nez, le long du naseau, on trouve alignées les villes d’Eisenach, Gotha, Erfurt, Weimar et Iéna. La bouche représente Rudolstadt, la gorge Illmenau, la nuque Meiningen et au centre, sur la ligne qui relie Erfurt à Illmenau, se trouve la ville d’Arnstadt. Trois cents kilomètres de Kultur avec un grand K et de Natur. L’idée d’une Route des classiques reliant les villes où ont vécu des personnages dont le souci commun était la perfection, la curiosité et le raffinement a germé dans la tête des responsables de la promotion du tourisme de la Thuringe un peu après la chute du mur de Berlin. Suite à des années d’isolement politique, il fallait trouver une façon de remettre le Land sur la carte géographique des hauts lieux touristiques. Weimar, Erfurt, Eisenach, quelle autre région en Allemagne pouvait mieux que la Thuringe raconter la grande époque du classicisme? Et le reste a suivi. Les hôtels, les auberges et les restaurants poussent comme des champignons. Fortifications, châteaux et monuments font peau neuve; on modernise les musées. Et en périphérie des grands classiques, la petite province allemande ne manque pas d’attraits. Prenez le Kramerbrücke (le pont des Épiciers) par lequel passa la Via Regia, ou route des Marchands (aujourd’hui l’autoroute A4). On parle ici de la construction profane la plus intéressante d’Erfurt. D’une longueur de 120 mètres, ce pont à arches en pierre, construit en 1325, est le seul au nord des Alpes à être couvert de bâtiments encore habités et à abriter une rue commerçante. Le chocolat chaud de la petite manufacture de chocolat qui a pignon sur rue sur le pont même valent à eux seuls le voyage. Je vous jure que la mort perdrait de sa cruauté si l’on pouvait au moins être sûr de trouver une petite chocolaterie du genre au paradis! Et puis, il y a les Biergärten et les brasseries, incontestables piliers de la culture germanique. Sachez qu’un Allemand ingurgite facilement ses 150 litres de bière par année. C’est le soir qu’on savoure encore mieux l’ambiance d’un Stube, au moment où les Allemands eux-mêmes viennent prendre un verre. Au début, ils se montrent prudents à parler une autre langue. Perfectionnisme oblige. Mais il suffit de baragouiner un ou deux mots dans la langue de Goethe pour briser la glace. Après, en anglais ou en français, ils débattront des heures durant de tous les sujets possibles. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, ils ne manquent pas d’humour. À propos de la cuisine locale, n’allez surtout pas croire les mauvaises langues. La gastronomie allemande existe bel et bien. On ne mange pas que de la saucisse, bien que cette dernière soit délicieuse en Thuringe. Le périple proposé par le Musée de la saucisse, qui a ouvert ses portes en mai 2006 à Holzhausen, près d’Erfurt, nous transporte dans l’univers des hachoirs et autres ustensiles tranchants servant à sa fabrication. La découverte en l’an 2000 du plus vieux document officiel attestant son existence est à l’origine de ce musée original. Il s’agit d’une facture datant de 1404, que le propriétaire du musée, Thomas Mäuer, a retrouvée dans le décompte du couvent d’Arnstadt. On dit que Luther et Goethe l’appréciaient beaucoup. Chaque Land a d’ailleurs ses spécialités régionales créées à partir de produits du terroir identiques: chou, porc, boeuf, gibier, betteraves… En Thuringe, on fabrique une pâte à base de pommes de terre que l’on façonne en grosses nouilles rondes avant de les plonger dans une marmite d’eau bouillante pour les faire cuire. Ces Knödels, ou dumplings, accompagnent les ragoûts à toutes les sauces. Si les Thuringiens les mangent surtout nature, certains chefs de la région les apprêtent avec beaucoup d’originalité, de classe, et… d’humour. Autrefois, on choisissait une femme en fonction de la grosseur de ses mains, explique Erhart Kästner en râpant énergiquement les huit kilogrammes de pommes de terre que nous venons d’éplucher pour la fabrication des Knödels qui accompagneront l’agneau du soir. C’est vrai, plus les mains étaient grandes, plus les boules étaient grosses, ajoute Cindy, la femme d’Erhart. Les deux sympathiques propriétaires du restaurant Windmülhe, à Heichelhein bei Weimar, ne se contentent pas de concocter de bons petits plats, ils enseignent également (sur réservation) l’art de la fabrication du dumpling à l’intérieur de leur vieux moulin à grain transformé pour la cause en petite cuisine. Avec, bien sûr, Schnaps à la pomme de terre au forfait! Et, vous l’aurez peut-être deviné, servi glacé dans une moitié de pomme de terre creusée. À quelques kilomètres de la ville des Lumières et de la poésie, sur une colline boisée, une ombre vient toutefois ternir le paysage romantique de la Route des classiques. Buchenwald. Soixante mille personnes y trouvèrent la mort. L’horreur du nazisme à son comble. Sans le visiter, l’image de ce camp de concentration, là-haut dans la belle forêt de l’Ettersberg, reste comme une ombre au tableau, dérangeante mais nécessaire pour enrayer l’amnésie collective. La Thuringe: le plus surprenant de mes voyages en Allemagne. Auf wiedersehen! En vrac - Pour découvrir la vie et l’oeuvre du musicien et compositeur Jean-Sébastien Bach, une visite d’Eisenach, Weimar, Arnstadt et Dornheim s’impose. Pour marcher sur les traces de Goethe et Schiller: la Route des classiques de Weimar à Bauerbach en passant par Iéna, Rudolstadt, Illmenau et Meinigen s’impose. Pour plonger dans l’univers de Martin Luther, étudiant, moine, traducteur de la Bible et réformateur de l’Église, il faut visiter Erfurt, Eisenach et Weimar. Pour découvrir le célèbre mécanicien Carl Zeiss, fondateur de la société du même nom, spécialisée dans l’optique: une visite au Musée de l’optique d’Iéna. - À ne pas manquer, tout au long du mois de décembre en Allemagne, les marchés de Noël, dont celui d’Erfurt, considéré comme l’un des plus typiques du pays; le Festival de Bach, chaque année de mars à avril, dans toute la Thuringe et à Erfurt en particulier; le Festival de musique du monde de Rudolstadt qui transforme la ville en piste de danse et en saison estivale, à Erfurt, la Fête du pont des épiciers, la plus grande célébration populaire de Thuringe.
- Les Comptonales à la cantonade
C'est parti, ce week-end, pour une quatrième édition des Comptonales, qui a lieu dans la vallée de la Coaticook, dans les Cantons-de-l'Est. Amateurs d'agrotourisme, épicuriens, photographes, poètes, artistes, tous les publics, jeunes et moins jeunes, sont invités à participer à cette grande fête jubilatoire dont l'épicentre se situe à Compton. C'est une mégafête champêtre à vous faire oublier tous les tracas du jour. « Un véritable marché à ciel ouvert... réinventé, qui convie le visiteur à goûter, mais aussi à acheter les produits directement auprès du producteur, question de retracer l'histoire des aliments de leur origine à l'assiette », précisent Michèle Lavoie et Lisette Proulx, les forces motrices de l'événement. Les Comptonales, c'est en fait l'aboutissement d'un autre projet cher aux deux dames qui en sont également les auteures: les circuits Photo découverte que le visiteur parcourt depuis 2001, dans la vallée de la Coaticook, en suivant l'un des six itinéraires touristiques et gourmands suggérés dans une brochure, tout en prenant des photos de la vie au quotidien dans la région. « On cherchait une façon de sortir de l'ombre de talentueux artisans de la terre et de l'assiette et d'exposer cette jolie région des Cantons-de l'Est. Le circuit photo nous apparaissait comme un bon prétexte pour attiser la curiosité », explique Michèle Lavoie, présidente de la Table de concertation culturelle de la MRC de Coaticook. Un projet qui a conduit aux Comptonales. Du coup, l'événement champêtre est devenu le tête-à-tête obligé des amateurs de photo, mais aussi d'art, de produits fermiers et de gastronomie. Une grande fête qui réunit plus d'une trentaine de producteurs et d'artisans de la région de Coaticook, soucieux d'accueillir les visiteurs à la ferme, au jardin ou en entreprise, pour des expériences gourmandes et des visuels fascinants. Les nouveautés Parmi les nouveautés qui raviront les passionnés d'images prises sur le vif: le concours Comptonales... sur le vif », en partenariat avec Télé-Québec. Muni d'une carte qu'il se sera procurée au préalable sur le site, le promeneur est invité à sillonner les routes de la région — huit destinations en tout —, à la rencontre de trésors du patrimoine et de visites animées: tressage de l'ail, automassage pour enfants, l'histoire de la tomate, confection de signets, quiz sur les produits laitiers, dans la peau d'un fromager affineur, interprétation des plantes médicinales... Une fois les instantanés traqués, le photographe devra télécharger ses photos à l'un ou l'autre des trois endroits prévus pour l'activité sur le parcours des Comptonales. Les photos seront sitôt mises sur le site web de l'événement et projetées sur des écrans installés à différents endroits sur la route. Le prix du jury sera décerné le 4 octobre, lors du Festin des Grâces. On a même prévu une version Comptonales... sur le vif pour le petit paparazzi en herbe qui sera invité à chercher Pico le clown, en vadrouille sur le parcours, et à le croquer en image. « Tout comme les adultes, il devra télécharger ses photos su place pour être admissible au fameux concours dans la catégorie enfant », souligne Lisette Proulx, directrice générale des Comptonales. De retour cette année sous le thème de l'enfance, le fameux atelier Une photo... un haïku! guidé par Hélène Boissé, auteure du recueil de haïkus Sentir la terre aux éditions David, et Serge Beaudet, photographe-naturaliste. Poème court, diaporama virtuel, photographie, les trois arts réunis décrivent un même instant saisi lors d'une randonnée guidée par la poète et le photographe au coeur de la fête. L'activité a lieu demain à l'Auberge des Beaux Cantons. D'où vient le chocolat ? D'où vient le chocolat? De chez Provigo, avait répondu l'an dernier un enfant à Patrick Duchel, directeur du Réseau Tak Tak, une agence de promotion de l'activité rurale et touristique du nord de la Martinique, venu présenter quelques produits typiques de son île dont le chocolat, la vanille, la cannelle et la muscade. Sur une table, une cabosse, de la vanille, de la cannelle, de la muscade et de grandes photos représentant le cacaoyer, le cannelier, le muscadier et le vanillier. « Non, le chocolat ne pousse pas chez Provigo! » Il suffit de se rendre à Compton, au Lieu historique national du Canada Louis-S.-St-Laurent, et de piquer une petite jasette avec M. Duchel, pour s'en convaincre. De profiter également du moment pour déguster un chocolat chaud martiniquais, une tradition sur l'Île aux fleurs lors d'un baptême ou d'une confirmation. Autres nouveautés: la présence aux Jardins La Val'heureuse, de Carlos Barba, chef au restaurant mexicain Los Dorados, à Sherbrooke, qui cuisinera quelques légumes d'ici à la façon mexicaine. D'une chef colorée, au verger le Gros Pierre, qui concoctera de petites douceurs avec pommes et fromages. Et puis de deux des trois auteures de l'ouvrage Recevoir simplement, invitées à venir mitonner des recettes de leur livre avec les produits régionaux. Développement durable Deux curiosités attirent aussi l'attention... Le concert de Nathalie Champagne sur vaisseaux de cristal et le didgeridoo dépeint par Patrick Huard, deux activités présentées chez Menthe Fraîcheur, Atmosphère et Spa, à Coaticook. Un moment idéal pour rencontrer Annick Savaria, la propriétaire, une passionnée de menthe dont l'histoire de vie porte à réflexion. Dans une perspective de développement durable qui vise le zéro déchets, contenants compostables, bacs de compost et de récupération ainsi que brigade verte seront en poste sur tous les sites. À Compton, un petit stand invite les visiteurs à rencontrer Monique Clément, responsable de la gestion des déchets surs le parcours gourmand. N'oubliez pas votre glacière! Les Comptonales: www.comptonales.com Publié dans le Devoir du 14 novembre 2009

















