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  • Photo du rédacteurHélène Clément

États-Unis - Il était une fois le Nevada


Formation d’argile au Cathedral Gorge State Park

Le Nevada ne se résume pas qu'à ses établissements de jeu, qu'à ses bases militaires ou qu'aux discours de Sara Palin. Le 36e État des États-Unis fourmille de lieux inusités où la nature joue sans retenue des matières et des couleurs. Au-delà de Las Vegas, c'est dans le détail qu'il faut approcher ce territoire bordé par la Californie, l'Oregon, l'Idaho, l'Utah et l'Arizona et dominé par le désert du Grand Bassin. Des paysages tels que les ont découverts les premiers pionniers.


Grand Bassin — La route 93, qui relie Las Vegas au «Great Basin National Park» au nord, tourne le dos aux édifices en verre de la capitale du jeu, qui tient maintenant du mirage. Place au désert du Grand Bassin, le troisième en importance aux États-Unis. Si je devais décrire l'État du Nevada, en dehors de Las Vegas et du lac Tahoe, deux mots suffiraient: désert et montagne. Ici, nul besoin de parapluie. On peut compter sur 300 jours de soleil. Et il tape fort!

À peine sortis de «la cité aux mille tentations», nous apercevons à l'ouest le sommet enneigé du mont Charleston, qui culmine à 3633 mètres. Qui aurait cru le ski alpin possible à 70 km du Strip? Treize pistes pour tous les niveaux, en activité de décembre à Pâques.

«Le Nevada détient le plus grand nombre de chaînes de montagnes aux États-Unis», précise Chris Chrystal, directrice des relations de presse à la Nevada Commission on Tourism. «On dénombre dans cet État plus de 300 montagnes sur un territoire couvrant 286 351 kilomètres carrés. Elles sont omniprésentes.» Le sommet le plus élevé, le Boundary Peak, culmine à 4005 mètres.

Sans crier gare, nous nous engageons dans un désert austère, parsemé de rochers arrondis, d'armoise, de genévriers, d'arbres rabougris, de cactus. Un décor qui rappelle le Far West de Lucky Luke. «I'm a poor lonesome cow-boy...» Facile, ici, d'imaginer un convoi de diligences brinquebalantes dans une vallée assoiffée, les cris du cocher à la vue du truand, le troupeau de mustangs au grand galop soulevant un épais nuage de poussière. Les clichés ont la vie dure!

«As-tu vu le Grand Canyon?», demande une amie. Non, j'étais au Nevada, pas en Arizona. C'est qu'on a tellement l'habitude du combiné Las Vegas-tour d'hélicoptère à Grand Canyon qu'on en perd sa géographie. Mais j'ai vu Ely, Baker, McGill, Elko...

On traverse le Nevada depuis la conquête de l'Ouest, mais sans trop s'y attarder. Sauf si l'argent est en jeu. Comme ce fut le cas en 1859, lors de la découverte du filon d'argent de Comstock, près de Virginia City. Ou de l'or, quarante ans plus tard, à Tonopah, Goldfield et Rhyolite. De nos jours, on y vient surtout pour Las Vegas. On a donc qu'une mince idée de cet État long de 790 km, large de 515 km, peuplé de 2 600 167 habitants et sans accès au Pacifique.

Route de charme

La route 93, ou «Great Basin Highway», nous tient sous le charme d'un bout à l'autre. Le «sagebrush» domine l'ensemble du paysage. C'est d'ailleurs ce qui a valu au Nevada le surnom de «Sagebrush State». Mais l'armoise n'habille pas seule le paysage. Le sol est aussi parsemé de fleurs colorées, de cactus à l'allure de saguaro, d'arbres de Joshua et de pins de Bristlecone.

Jusqu'à Ely, ville située à 425 km au nord-est de Las Vegas, la «Great Basin Highway» courtise les épris de villes fantômes au nom aussi charmant que Pioche. Au temps de la conquête de l'Ouest, cette ville minière, sans lois et sans scrupules, abritait douze «saloon» et un cimetière... bondé de défunts meurtriers. Pioche, qui exploitait ses mines de fer entre deux coups de fusil, fut prospère jusqu'en 1871, année ou elle fut — lors d'une fête en mémoire de l'indépendance du Mexique, littéralement pulvérisée par l'explosion d'une cargaison de 300 tonnelets de poudre, tuant une douzaine de ses habitants et laissant tous les autres sans adresse. Aujourd'hui, on y trouve deux musées et un cimetière «Boot Hill» où seraient enterrés, comme le veut la légende de l'Ouest, ivrognes et joueurs tués dans une bagarre et inhumés bottes aux pieds.

Les comtés d'Eureka, de Lincoln et de White Pine comptent une cinquantaine de villes fantômes nées de la conquête de l'Ouest. Des villes abandonnées à la suite d'une catastrophe naturelle, du retrait brutal des voies de communication ou d'une activité économique grippée. Elles se nomment McGill, Eureka, Prospect, Logan City, Cherry Creek, Diamond City... Parfois on n'y trouve qu'un tas de pierres, une vieille pharmacie, une ancienne prison, un hôtel ou un opéra retapé. Mais le paysage demeure, celui qui a alimenté le rêve d'aventures de notre enfance.

Étape à Caliente, célèbre pour ses sources thermales et son ancien dépôt ferroviaire. D'abord établie comme communauté d'élevage de bétail pour soutenir les villes minières de Pioche et de Delamar, Caliente devint ville ferroviaire à la suite de la construction de la ligne de chemin de fer «Los Angeles, San Pedro et Salt Lake». Nous pique-niquons au parc provincial Kershaw-Ryan, un magnifique site traversé par un étroit et profond canyon que les randonneurs peuvent contempler du haut d'un observatoire en suivant un sentier de deux kilomètres.

Parmi les six parcs provinciaux recensés dans le comté de Lincoln — le Nevada est divisé en 16 comtés et une ville indépendante, celle de Carson City —, «Cathedral Gorge», situé à une vingtaine de kilomètres au nord de Caliente, est une halte obligatoire. Le genre de merveille qui reste dans la voûte céleste des étrangetés de la nature. Imaginez pinacles et grands murs d'argile, sorte de badlands aux formes originales de cathédrale, de forteresse, de dragon... uniques survivantes de l'érosion dans un immense désert de poussière. On se demande comment un tel miracle survient.

God bless America

Au croisement des routes 6, 93 et 50, Ely est la dernière localité importante avant d'atteindre la frontière de l'Utah. À l'entrée de la ville, une grande murale sur le mur d'un dépanneur représente la tête de l'aigle royal. On y lit: «God bless America.» «Ici, les gens sont très fiers, très famille et très près de la terre», explique Chris Chrystal. C'est à Ely, d'ailleurs, que nous rencontrons nos premiers cow-boys. Ils ont toutefois remplacé leur cheval par un 4X4 et leur fusil par un téléphone cellulaire.

Une petite laine est de mise ce soir. Pas surprenant, la localité étant située à 1900 mètres d'altitude! Ses habitants disent qu'il y a risque de gel jusqu'à la fin de juin. Nous profitons des derniers rayons de soleil pour faire le tour des fameuses murales peintes sur les murs des édifices de la rue principale. Elles représentent l'histoire du comté de White Pine, de l'époque amérindienne à celle où Ely vivait de son élevage de bétail et de son industrie minière.

Au restaurant Jailhouse Dining Hall, Ed Spear, un cow-boy du coin, nous entretient de course attelée sur la neige, le «Cutter and Chariot», où deux chevaux tirent un triqueballe à deux roues conduit par un homme. Une activité répandue dans l'Ouest. Le Jailhouse semble un point de rencontre populaire à Ely. Il faut dire que l'endroit est original. Ce n'est pas tous les jours que l'on mange dans la cellule d'une ancienne prison du Far West.

Les motards ont pris d'assaut le coloré hôtel Nevada. Ils sont nombreux à se rendre à Elko pour le jamboree annuel de moto qui a lieu tous les mois de juin. Comme nous, ils emprunteront la route 80 reliant d'est en ouest l'Utah à la Californie, le long de la Humboldt Trail (un tronçon de la California Trail). Combien de pionniers ont emprunté ce chemin à bord de vieux véhicules surchargés? Et combien de motards avons-nous rencontrés en chemin? Beaucoup!

De la route, on ne voit pas les ranchs, on les devine blottis au pied des Ruby Mountains, essayant de survivre tant bien que mal. C'est que, de nos jours, les gens mangent moins de boeuf. Donc, pour s'en tirer, certains propriétaires ouvrent leurs portes aux touristes qui souhaitent vivre la vie de cow-boy. Mais n'est pas John Wayne qui veut. Les journées commencent tôt et se terminent tard. On rassemble le bétail, répare les clôtures, traverse des rivières. Et tout ça... à cheval!

Elko appartient à l'Ouest, l'authentique. Les cow-boys que l'on croise dans la rue ne sortent pas d'un film western. L'élevage fait partie des premières richesses de la région. On fabrique des selles reconnues dans le monde entier. Il paraît même que Teddy Roosevelt, Ronald Reagan et Harrison Ford commandaient les leurs à l'atelier Capriola, au 500 Commercial Street. Se tient aussi à Elko, en janvier, un festival de poésie cow-boy. Romantiques, les buckaroos!

Nous soupons au restaurant basque The Star. Qui aurait imaginé la présence de Basques à Elko? Ils sont pourtant nombreux à vivre au nord du Nevada depuis le début du siècle dernier. «Les Basques sont venus ici pour y faire l'élevage de moutons, comme il est de tradition dans les Pyrénées, précise Chris Christal. Travailleurs acharnés, ils sont très appréciés dans le pays.»

Et bons vivants! La coutume à The Star, comme dans les dix autres restaurants basques de la région, est de ne choisir que son plat principal. Le reste... on s'en charge. On nous apporte d'abord la soupe, le panier de pain, l'immense bol de salade. Puis, le plat de pâtes, l'assiette de haricots verts et les frites. Alors qu'on est sur le point d'exploser, on nous sert le plat principal. Le tout arrosé de vin rouge, bien sûr. Et en finale, la crème glacée. Un «all you can eat» basque.

Ouf! Demain, nous attaquons un tronçon de la désertique route 50, que l'on surnomme «the loneliest route in America». Il paraît qu'on n'y rencontre que deux villages, issus de l'exploitation minière. Et peu de stations d'essence. «I'm a long long way from home...»

En vrac

- Y aller: avec Air Canada, qui offre un vol direct vers Las Vegas. De là, louer une voiture ou une moto. Pourquoi pas? Les routes s'y prêtent bien et dans ce grand désert le sentiment de liberté atteindra son apogée.

- Se loger: à Las Vegas, au Tropicana Las Vegas (www.troplv.com/#/home), reconnu pour sa grande piscine. Vous y rencontrerez sûrement le comédien américain Brad Garrett (Everybody Loves Raymond), qui y tient son club de comédie. À Alamo (150 km de Las Vegas), à Cowboy's Dream (www.cowboysdream.com), pour une expérience de luxe dans un ranch; à Ely (450 km de Las Vegas), à l'historique hotel Nevada (www.hotelnevada.com); à Elko (750 km de Las Vegas), au Red Lion Inn (elko.travelnevada.com).

- Où manger: à Ely, au Jailhouse (www.jailhousecasino.com). À Elko, au restaurant basque The Star, 246 Silver Street, % 775 738-9925. À déguster au bar: leur spécialité, le Picon Punch.

- À faire: la visite des grottes de Lehman dans le parc national du Grand Bassin (www.nps.gov/grba/). Une virée au Lamoille Canyon (www.travelnevada.com/tourist-attractions/info/lamoille-canyon-scenic-byway.aspx), à Lamoille. La visite du Western Folklife Center (www.westernfolklife.org), du magasin Western Capriola et de son atelier de selles (www.capriolas.com) et du California Trail Interpretive Center (www.blm.gov/nv/st/en/fo/elko_field_office/blm_programs/blm_special_areas/california_trail_historic.html ), à Elko. Pour les sportifs, une semaine d'équitation au 71 Ranch, à Lamoille (www.71-ranch.com). Et finalement, la visite de l'Opera House d'Eureka (http://eureka.travelnevada.com)

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