Recherche
227 résultats trouvés avec une recherche vide
- Québec - Au temps des sucresMa cabane à Saint-Prosper
À Saint-Prosper-de-Champlain, entre Sainte-Geneviève-de-Batiscan et Sainte-Anne-de-la-Pérade, en Mauricie, se trouve une petite érablière qui perpétue la tradition des sucres avec tout le charme et la poésie d'autrefois. Ici, pas d'artifice, ni fla-fla, ni musique à tue-tête. On y entend couler les érables, jaser les mésanges à tête noire et résonner le souffle du cheval tirant la tonne. Et à moins de grande fraîcheur ou d'une prochaine tempête des corneilles, il ne reste que deux semaines pour aller s'y sucrer le bec et rencontrer le sucrier de la place. Gaétan est né dans une tonne, assimilant sans retenue l'abécédaire de la fabrication du sucre de ses aïeux, dont le premier descendant serait arrivé au pays en 1710. «Je suis de la dixième génération de sucriers de la famille Massicotte à posséder et à exploiter la même érablière», explique-t-il. Et c'est un des rares acériculteurs à résister à la modernité. La famille Massicotte perpétue la tradition dans une petite cabane rouge et blanche chauffée au bois et éclairée au fanal. On y fait donc bombance à la lueur de la bougie et à la chaleur des fours à bois. Aussi, par souci de véracité historique et de transmission exacte de la coutume, l'eau d'érable ne bouillira que si la récolte le permet. Pas d'eau, pas de réduit! À la Sucrerie J. L. Massicotte, aucune machinerie, aucun conduit tubulaire ne ternit le décor de l'érablière. On recueille l'eau d'érable à bras d'homme et en raquettes, en compagnie d'amis de la région venus spécialement pour aider, puis on transvide le contenu des seaux dans un baril de chêne. C'est Totoune, un beau cheval de labour costaud, qui assure le transport de la tonne de mélasse de 90 gallons impériaux recyclée jusqu'au réservoir d'entreposage de la cabane, où l'eau est pompée du baril à la cuve à l'aide d'une ancienne pompe marine actionnée à la main. Gaétan Massicotte raconte qu'enfant, lorsqu'il revenait de l'école à l'époque des sucres, toute la région était couverte de vapeur d'eau d'érable en ébullition. Bien que chaque fermette ait eu sa petite érablière autrefois, on dénombre encore aujourd'hui à Saint-Prosper une trentaine de cabanes à sucre en activité, soit une cabane pour 18 habitants. La cueillette de l'eau s'étire généralement sur un mois, mais pas tous les jours. Cela dépend de la température. Les érables coulent grâce à l'action du gel et du dégel. L'idéal? Moins cinq degrés la nuit et plus dix ou douze degrés le jour. Il arrive qu'une saison complète se fasse sur cinq jours. «Nous en sommes à la cinquième cueillette depuis le début de la saison, qui a commencé le 20 mars. Une bonne récolte annuelle est de l'ordre de 55 gallons de sirop. À date, j'en ai récolté 28. J'ai 700 arbres entaillés pour une possibilité de 2000.» Dans la région, les aînés disent que les récoltes de l'année suivent le modèle de la première récolte, celle des petits poissons des chenaux. Si la pêche est bonne, les autres récoltes le seront aussi. Comme on a assisté à un départ lent de la pêche et des érables, on en conclut que les foins tarderont aussi. «Quoi qu'il en soit, la pêche a été bonne, et bien qu'un peu en dents de scie, c'est aussi une bonne année pour le sirop d'érable», affirme Gaétan Massicotte. «Par contre, c'est difficile d'établir une période fixe pour le temps des sucres. D'expérience, les sucriers québécois savent que la saison débute aux alentours du 20 mars, mais encore là, ça dépend des températures. C'est mon pif qui m'indique à partir de quand entailler les arbres. Le feeling, lorsque tu sors et que ça sent le printemps. C'est également délicat de prédire la fin des sucres. S'il neige encore et qu'on a de la fraîche, les érables continueront de couler.» L'homme au regard pétillant n'est pas seulement un passionné de l'érable. Il se donne aussi un mal fou pour la survie des petites fermettes au Québec. Pour se sentir un peu moins seul dans sa bataille, le sucrier de Saint-Prosper a décidé d'adhérer au Convivium Slow Food de la Vallée de la Batiscan, un organisme qui lutte contre la malbouffe, qui favorise la production locale, biologique et durable et qui tente d'éveiller le public aux plaisirs d'une alimentation diversifiée, éthique et conviviale. Afin de continuer dans la tradition, le repas de la cabane, mitonné par Monique, n'utilise que des produits frais de la région. Les recettes tirent leur origine de la mère, de la grand-mère et de l'arrière-grand-mère Massicotte. La farine biologique moulue sur meule de pierre provient de la minoterie Les Brumes, à Sainte-Geneviève-de-Batiscan; l'omelette est montée au four et servie épaisse; les crêpes en dentelle, spécialité du comté de Champlain, sont légères, épaisses et croustillantes; on grille le pain de ménage sur le poêle à bois; on sert les pommes de terre en pelure, le jambon de la région et les fèves au lard maison. Sans oublier... les oreilles de crisse! De l'animation? Niet! Par contre, libre à chacun d'apporter guitare, harmonica, accordéon, flûte et bonnes histoires, question d'agrémenter l'après-midi et la veillée. La très coquette salle à manger, dépourvue d'électricité pour la cause et chauffée par deux poêles à bois d'époque, accueille confortablement une quarantaine de personnes autour de ses trois tables de bois. Et, qui sait, peut-être aurez-vous aussi la chance de goûter au p'tit réduit de Gaétan, une de ses spécialités à base de réduit et de rhum qui ne peut que vous apporter joie et... prospérité. D'ailleurs, chaque sucrier de Saint-Prosper-de-Champlain a son petit trou «prospère». La cabane offre trois services les week-ends, sur réservation: 10h, 13h et 17h. On reçoit aussi les groupes en semaine. La saison chez les Massicotte se termine fin avril. Last call, donc! *** Sucrerie J. L. Massicotte et filles Gaétan Massicotte et Monique Tremblay 101, route 159, P.R. Saint-Prosper-de-Champlain tél: 418 328 8790 www.laperade.qc.ca/massicotte Publié dans le Devoir du 13 avril 2007
- Québec - L'Eau à la bouche a de la gueule
Après 27 ans, la chef Anne Desjardins et son mari Pierre Audette, les propriétaires de l'Eau à la bouche, s'investissent toujours avec autant de passion dans l'entreprise familiale: chambres redécorées, hall principal rénové, ajout d'un café-salon dans l'hôtel et ouverture l'automne dernier d'un spa nordique. «Après les événements du 11 septembre 2001, nous avons réalisé que le monde était fragile, explique la chef. On sentait que les gens avaient besoin de réconfort. Pourquoi pas un spa qui serait spécifiquement voué à leur bien-être? D'abord, un jeune couple diplômé en géographie achète en 1979 une petite maison au bord de la route 117, à Sainte-Adèle. Puis, ce sera la transformation de la maison en restaurant style bistrot. Commencent alors les cours à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec, à l'École hôtelière des Laurentides à Sainte-Adèle, à la Fondation Auguste-Escoffier à Cannes... En 1987 vient la décision d'accoler au resto un hôtel de 25 chambres et de devenir, deux ans plus tard, membre de la prestigieuse chaîne Relais & Châteaux. Et pour couronner le tout, on a récemment ajouté un spa nordique qui a maintenant pris son rythme de croisière. Ce qui a permis aux tenanciers de développer des programmes aux noms évocateurs comme le Volupté, le 7e ciel, Adam et Ève, l'Évasion d'un jour, la Remise en forme: des forfaits d'une journée incluant le petit-déjeuner ou le déjeuner, l'accès aux bains nordiques, de même que les massages, exfoliations et enveloppements. En matinée, les enfants de 5 à 12 ans accompagnés d'un adulte ont accès aux bains et peuvent tester un massage suédois de 30 minutes. Au rythme des saisons Dans un aménagement moderne complètement neuf, le spa de ce Relais & Châteaux propose des massages suédois et aux pierres volcaniques, mais aussi des exfoliations au riz biologique ou au sucre d'érable à base de sève, et un enveloppement au beurre d'érable avec la gamme de produits B. Kamins, un chimiste qui, lors d'un voyage dans le Grand Nord, constatait que les érables demeurent vigoureux malgré un climat très revêche. Il en conclut, après 30 ans de recherche, que la sève d'érable contient des produits réparateurs, toniques, hydratants. À l'exception du bain de vapeur, il faut s'aventurer à l'extérieur, entre bouleaux et sapins, pour accéder au sauna, au bain tourbillon et à sa cascade, ainsi qu'au bain d'eau froide. Bassins en pierre, chaises longues, barbecue, joli boisé et atmosphère calme... tout a été pensé pour faire une pause, hiver comme été. Et c'est fou comme la ville apparaît loin derrière! Ski alpin, ski de randonnée, promenade en traîneau, piscine extérieure, randonnée pédestre, golf, pêche, équitation et vélo rythment les saisons de l'Eau à la bouche. Des forfaits variés sont aussi offerts aux gens d'affaires, qui trouvent sur place tous les services indispensables au bon fonctionnement d'un congrès, d'un séminaire ou d'un conseil d'administration. C'est pour se gâter qu'on vient à l'Eau à la bouche, dont la réputation repose avant tout sur sa table et sa carte des vins. On peut difficilement résister au menu découverte composé d'un trio d'huîtres de Colville Bay, de l'Île-du-Prince-Édouard, d'un filet d'omble chevalier poêlé, d'un foie gras frais de la Montérégie poêlé, d'un sanglier braisé comme dans un tajine, d'un Alfred le fermier, un fromage cru de Compton, et d'un dessert exotique, le tout arrosé de cinq vins différents. L'Eau à la bouche possède une cave à vin de plus de 4000 bouteilles. Anne Desjardins renouvelle sa carte quatre fois l'an, au rythme des saisons et en harmonie avec les produits du terroir québécois. Une quête permanente, mais primée. Les honneurs Depuis 1986, l'Eau à la bouche multiplie la récolte d'honneurs: prix d'excellence du Wine Spectator, accession au prestigieux titre de relais gourmand de la chaîne Relais & Châteaux, prix Renaud-Cyr qui récompense les efforts d'un chef québécois à établir des liens avec les producteurs, et le titre de chevalier de l'Ordre national du Québec décerné pour la première fois à un acteur du domaine de l'hôtellerie et de la cuisine. La chef, géographe de formation qui rêvait de journalisme, mijote maintenant ses petits plats en compagnie de son fils Emmanuel, tombé dans la marmite à sa naissance. Il est d'ailleurs possible, les vendredis et samedis, de participer à un stage en cuisine orchestré par la mère et le fils, un forfait comprenant veste de cuisinier personnalisée, hébergement, petit-déjeuner, cours de cuisine, souper gourmand et certificat de stage. Un séjour très convoité. Tout pour donner l'eau à la bouche. Publié dans le Devoir du 7 avril 2007
- Honduras - Un petit pays, trois mondes
Trois mondes: lesquels? La civilisation précolombienne qu'on découvre à travers les ruines mayas de la cité antique de Copan, une culture hispano-américaine agrémentée d'une joie de vivre latine et une nature tropicale abritant une faune et une flore riches. Une destination soleil moins connue que le trio classique Mexique-Cuba-République dominicaine mais qui, parions-le, sera plus fréquentée et appréciée à sa juste valeur dans quelques années. Profitons-en pour prendre une longueur d'avance sur les touristes qui bientôt envahiront le Honduras. Du moins, c'est ce que recommande Pierre Couture, propriétaire de l'hôtel Maya Vista à Tela, une petite ville portuaire située au nord-ouest du pays, sur la côte caraïbe: «Les plages sont belles, les îles de la baie sont entourées d'une superbe barrière de corail, la deuxième plus grande au monde, le site archéologique de Copan est spectaculaire, les gens sont sympathiques, on mange bien, les prix sont accessibles et il y a peu de touristes.» Mais ça risque de changer. Car, depuis une dizaine d'années, on voit pousser de plus en plus d'hôtels dans le pays. Et avec raison. Après tout, ce petit pays d'Amérique centrale au tourisme balbutiant, baigné par la mer des Caraïbes au nord et à l'est, le Nicaragua au sud, l'océan Pacifique et le Salvador au sud-ouest et le Guatemala à l'ouest recèle mille et un trésors dont certains ont jusqu'à 10 000 ans d'histoire. Pas étonnant que les Honduriens, frappés à leur tour par la fièvre du tourisme après des années de vaches maigres, aient envie de présenter leurs joyaux. Tela est une ville tropicale entourée de plages et de réserves naturelles. L'ancien port de bananes est encore loin de faire partie des grandes stations balnéaires du monde mais développe tout de même son potentiel touristique avec un enthousiasme décapant. Et communicatif aussi! «Nous avons vite été séduits par le rythme latin et la gentillesse des gens d'ici», expliquent Pierre et Suzanne Couture, qui gèrent depuis 1995 un petit hôtel rouge perché au sommet d'une colline, face à la mer. «Nous sommes arrivés à Tela en décembre 1992 avec nos deux enfants, alors âgés de 9 et 12 ans. Coup de foudre. Un an plus tard, on ouvrait un petit restaurant dans notre maison puis, comme l'expérience avec les gens nous plaisait, on a décidé d'acheter un terrain et de construire l'hôtel. Aujourd'hui, on gère en famille le complexe hôtelier. Les enfants ont tenté un retour au Québec mais ils ont déchanté. Le Honduras est leur pays d'adoption.» À l'ouest de la ville, l'hôtel Villas Telamare attire d'abord les fervents de la formule tout-compris mais aussi... notre attention. Cette «ville dans la ville», comme la décrit le guide Ulysse, propose 17 appartements, 42 villas et 40 chambres dispersées sur un vaste terrain bordé d'une longue plage. Autrefois, on logeait ici les directeurs de la United Fruit Company et leur famille. Vers les années 1890, les magnats américains de la banane ont fait du Honduras le plus grand exportateur mondial de ce fruit. L'United Fruit Company et la Standard Fruit Company gouvernaient alors certaines portions du pays comme de véritables fiefs. On imagine le pouvoir économique et politique que ces entreprises exerçaient sur l'ensemble du Honduras. Bien que la société ait depuis longtemps rompu ses liens avec le chemin de fer en question, la principale filiale active de Chiquita Bands au Honduras s'appelle encore la Tela Railroad Company. Il aurait fallu quelques jours de plus à Tela pour découvrir les villages garifunas de San Juan, Tornabé, Miami et Triunfo de la Cruz. Celui de Corozol, à l'est de la Ceiba, sera ma dernière chance de rencontrer les uniques descendants des Arawaks caribéens à ne pas avoir vécu l'esclavage. Huit mille âmes, la plus grande concentration garifuna du pays, y vivent de pêche. C'est à Finca Santa Isabel, dans une plantation de café nichée à flanc de montagne près de Copan, que j'ai bu l'un des meilleurs cafés de ma vie. Le propriétaire et concepteur Don Raul Welchez gère l'entreprise de 80 hectares depuis 1963. La visite, qui dure un peu plus d'une heure, se déroule dans la vieille partie de la plantation, à l'ombre de vieux pins et de vénérables acajous, domiciles rêvés d'une grande variété d'oiseaux. Le moment est peut-être opportun d'apercevoir le quetzal ou le guacamaya, ce magnifique perroquet rouge aux ailes jaunes et bleues. C'est aussi dans cette plantation de café qu'on découvre le caco, un arbre énorme dont le tronc répand une odeur de merde si forte qu'aucun insecte n'ose s'en approcher. Une façon certes naturelle d'éloigner les belligérants à six pattes sans tout l'arsenal classique d'insecticides. D'ailleurs, la plantation de café de Don Raul a pris pour objectif la certification Rainforest. L'architecture et les rues pavées et pentues de Copan Ruinas rappellent tout à fait le Mexique colonial et confèrent à la fameuse petite ville de montagne un charme européen indéniable. Les habitants de la place se targuent même d'occuper l'endroit le plus visité du Honduras. Copan, situé à 13 kilomètres du Guatemala, dans la province de Santa-Barbara — le Honduras est divisé en 18 provinces — , est aussi un des derniers villages à l'ouest du pays à avoir de l'électricité. «À vingt minutes d'ici, c'est à la bougie qu'on s'éclaire», raconte Roger, notre guide. Par bonheur, le Museo de Esculptura de Copan, au départ de l'Acropole, prépare à la visite des ruines. Le bâtiment lui-même se veut un hommage au symbolisme maya. Les visiteurs entrent par la bouche d'un serpent et se retrouvent dans le musée à l'intérieur du corps tortueux du reptile. La salle d'exposition évolue autour du remontage, grandeur nature, du temple Rosalila. Ce musée permet au voyageur de mieux faire connaissance avec cette grande civilisation du premier millénaire de notre ère et ses structures monumentales: pyramides, temples, sculptures. Le genre de visite qui reste à jamais gravée dans la mémoire! D'autant que le site de Copan compte plus de hiéroglyphes, de stèles et de marches que tout autre site du Nouveau Monde. Il est également le plus étudié du monde maya, ajoute Roger. On comprend le redoutable flibustier Henry Morgan d'avoir établi, un certain temps du moins, ses pénates sur l'île de Roitan, à quelques kilomètres de la côte du Honduras. Et on comprend aussi Piero Dibattista, président du Henry Morgan Resort, d'avoir quitté son Italie natale pour cette île charmante baignée par les eaux turquoise de la mer des Caraïbes et entourée d'une barrière de corail à donner des frissons aux mordus de plongée sous-marine. Apportez vos maillots de bain et vos souliers de course, c'est la seule consigne. On monte dans la voiture, et en route pour un tour de l'île. «Il y a 17 ans, il n'y avait pas de route à Roatan, la vie se jouait au bord de l'eau, voilà pourquoi les maisons sont sur pilotis», raconte Piero. Coxen Hole est le principal centre économique de l'île où l'on peut échanger de l'argent et acheter ses billets de traversier ou d'avion. C'est aussi là que se trouve l'orphelinat où Piero investit un peu de son temps. Il fournit de la nourriture et une fois par semaine invite les enfants à venir se baigner à l'hôtel. C'est que notre propriétaire de resort fait dans le tourisme équitable. Puis, vers midi, le véhicule s'arrête au coeur d'un chantier de construction en pleine forêt tropicale. Nous descendons. On emprunte un sentier pédestre jusqu'à une petite anse sauvage. «C'est ici», lance Piero. Dans la baie à 100 mètres de la plage, un magnifique catamaran est ancré. C'est là que nous déjeunerons. On s'y rend à la nage. Jamais n'ai-je vu une eau aussi claire! Brochettes de crevettes grillées et salade de pieuvre composent le menu. «La plus grande des Islas de la Bahia regorge de fruits de mer, tous les homards de chez Red Lobster viennent de Roitan, poursuit Piero. Pour éviter des problèmes d'insalubrité, je ne sers que des produits frais à l'hôtel. Même la glace est faite maison.» On entrevoit ici le petit côté raffiné italien... Et le chantier de construction? Eh bien, c'est le sien! D'ici l'année prochaine, l'espace vierge et sauvage que l'on contemple du bateau depuis une bonne heure sera transformé en un tout-compris. «Mais pas n'importe lequel», rassure Piero. Un hôtel écologique, tout en bois de la région, où les arbres continueront de pousser à travers terrasses et balcons. Il y aura 120 bungalows et six suites avec vue sur la mer, trois cafés avec jacuzzi et un restaurant végétarien. De toute façon, la terre était à vendre, aussi bien qu'elle tombe entre les mains de cet Italien raffiné. Voilà, c'est ça, un voyage au Honduras: un cocktail caraïbe d'étrangeté tropicale et d'urbanité européenne, une terre peuplée de 6,5 millions d'habitants coincée entre trois pays dont les noms demeurent dans notre imaginaire synonymes d'agitation politique et le souvenir d'un ouragan dévastateur. Mais, en prime, de belles plages, quelques beaux sites, un peuple sympathique et une nature magnifique. En vrac - Lecture: le guide Ulysse Honduras. - Le Honduras se visite à l'année. La saison des pluies se limite aux mois de novembre à décembre. L'été, il est fait beau et chaud. On peut facilement organiser son voyage à la carte ou choisir l'un ou l'autre des nombreux tout-compris. «Les transports en commun sont très bien organisés (et dès l'arrivée à l'aéroport) dans le pays, mieux qu'au Costa Rica, affirme Pierre Couture, propriétaire de l'hôtel Maya Vista à Tela. - La location de voiture est possible mais on recommande plutôt de prendre autobus et taxi afin d'éviter les désagréments causés par un bris de véhicule. Un taxi coûte environ 60 $CAN pour la journée. À quatre, c'est intéressant. - Parmi les agences réceptives fiables au Honduras, mentionnons Garifuna Tours. www.garifunatours.com. - Hébergement. Tela: hôtel Maya Vista, www.mayavista.com (service de bus attitré); hôtel Villas Telamar, www2.hotelvillastelamar.com. Roitan: Henry Morgan Resort. www.henrymorganroatan.info. La Ceiba: The Lodge at Pico Bonito. www.picobonito.com. - Il y a trois heures de décalage entre le Honduras et le Québec. Lorsqu'il est 21h ici, il est 18h à Tegucigalpa, la capitale du pays. - La devise est le lempira: environ 16 lempiras pour 1 $CAN. Publié dans le Devoir du 31 mars 2007
- Québec - Ciel, la relâche
Les enfants en relâche scolaire et leurs parents sont invités dès demain à prendre la Route des sciences de Laval. Au menu de la semaine: observation d'une éclipse lunaire, ateliers sur le système solaire, chasse aux étoiles, partie de pêche blanche, jeu sur le thème du brassage des gènes parentaux... Décidément, Tourisme Laval, en partenariat avec le Cosmodôme - Camp spatial, le Musée Armand-Frappier, le parc de la Rivière-des-Mille-Îles, le Centre d'interprétation de l'eau et le Club des astronomes de Laval, a concocté là un bien beau programme pour stimuler neurones et muscles. Objectif Lune... pour commencer! C'est en voyant son ombre sur la Lune, lors d'une éclipse totale, que les Anciens ont découvert que la Terre était ronde. Aujourd'hui, c'est la pollution de la planète qu'on peut observer en scrutant le disque lunaire voilé de brun foncé. Les éclipses lunaires fascinent. Elles se produisent lorsque le Soleil, la Terre et la Lune, dans cet ordre, se trouvent presque alignés. Pouvait-on rêver mieux qu'une éclipse lunaire, dans la nuit de samedi à dimanche, comme préambule à la première Route des sciences à Laval (www.tourismelaval.comroutedessciences), organisée dans le cadre de la semaine de relâche scolaire, du 3 au 11 mars? Avant de prendre le chemin de l'observatoire du Centre de la nature pour observer l'éclipse en compagnie des membres du Club des astronomes amateurs de Laval à Sainte-Rose, le Cosmodôme invite, à 14h, enfants et parents à une conférence sur le thème «L'éclipse de lune démystifiée». Question de mieux comprendre le phénomène! Le Cosmodôme propose aussi aux jeunes, pendant la relâche, une traversée du système solaire à l'échelle des planètes. Par la même occasion, ils pourront voir une véritable roche lunaire ainsi qu'un scaphandre des missions Apollo de la NASA. Un camp de trois jours donne également aux enfants prêts à décoller un aperçu de ce qu'est l'exploration spatiale: essai d'une chaise multiaxe (garder sa concentration en étant assis là-dessus n'est pas une mince affaire!), réalisation d'une mission spatiale, essai de simulateurs d'entraînement et dégustation de nourriture spatiale. Quant aux enfants de cinq à huit ans, ils sont conviés à la découverte de l'univers par des jeux et des bricolages sur le thème de l'espace. De gènes et de microbes Toute la semaine, les activités se poursuivent au Musée Armand-Frappier. Seul musée dédié exclusivement aux biosciences au Québec, ce petit bijou, animé par des étudiants universitaires à la maîtrise ou au doctorat en biosciences, célèbre l'oeuvre du docteur Armand Frappier, microbiologiste pasteurien et apôtre de la médecine préventive. À l'âge de 19 ans, la mère d'Armand Frappier meurt de tuberculose. Le passionné de chimie ne sera pas chimiste mais médecin. Il se rend compte que le succès de la lutte contre la tuberculose réside dans la prévention et non dans la recherche d'un traitement. À l'Institut Pasteur de Paris, il sera l'élève des découvreurs du vaccin antituberculeux BCG: Albert Calmette et Camille Guérin. En 1975, il fonde l'Institut Armand-Frappier qui, depuis 1998, fait partie de l'Institut national de la recherche scientifique (INRS), organe de l'Université du Québec. Le Musée Armand-Frappier propose son exposition MicroZoo qui, notamment, présente le monde des micro-organismes ainsi que leurs méfaits, leur utilité et leurs habitats. D'Antonie van Leeuwenhoek, qui découvrit protozoaires et bactéries à l'aide de microscopes de sa confection, à Montagnier et Gallo, les investigateurs du virus du sida, petits et grands scientifiques en herbe maîtriseront plutôt bien le monde de l'infiniment petit à la fin de leur visite. Sur le thème de la génétique et de l'hérédité, les guides du musée tenteront, à l'aide du jeu Un air de famille, d'expliquer comment un trait physique se transmet d'un parent à son enfant et pourquoi nous avons les yeux bleus, bruns ou verts. À l'aide de boîtiers représentant parents et bébés, les participants auront le mandat de reconstituer leur génotype et leur phénotype. De la rivière à la table Pour sa part, le Centre d'interprétation de l'eau de Laval organise des visites guidées de son usine de traitement de l'eau potable à Sainte-Rose, salle de contrôle et laboratoire au programme. L'accent sera mis sur les mesures adoptées pour contrer parasites, bactéries et virus indésirables dans l'eau de consommation. Le matériel de démonstration mis à la disposition des jeunes présentera les étapes successives du processus de traitement de l'eau. Après la visite commentée, les jeunes et leurs parents sont invités à jeter un coup d'oeil sur des pièces de collection uniques au Québec qui seront exposées dans le nouveau musée du C.I.EAU, dont l'ouverture est prévue pour octobre 2007. La Route des sciences se poursuit à l'extérieur, au parc de la Rivière-des-Mille-Îles, avec une initiation à la pêche blanche. Toujours sur le thème de la découverte, les participants apprendront à préparer brimbale et dandinette, à percer un trou dans la glace et, bien sûr, à taquiner perchaude, grand brochet, doré et omble de fontaine. Et grâce au programme «Pêche en herbe» de la Fondation de la faune du Québec, les jeunes qui auront participé à l'activité recevront un permis de pêche qui sera valide jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 18 ans. Le programme se prolongera ainsi toute la semaine avec diverses activités spéciales. Par exemple, la Ville de Laval, qui participe aussi à la Route des sciences, présentera des animations dans ses bibliothèques. Sujets abordés: écosystèmes, espèces animales et végétales, espèces en péril et cohabitation de l'homme avec la nature. À mettre à l'agenda, donc, les ateliers «À la découverte du système solaire» pour une initiation aux planètes, aux comètes et aux astéroïdes... Publié dans le Devoir du 2 mars 2007
- Charlevoix, Québec - Sueurs froides en canot à glace
Des valeureux «traverseux» de l'époque à la fièvre contemporaine des défis sportifs à saveur historique, la Grande Traversée Casino de Charlevoix entre l'île aux Coudres et Saint-Joseph-de-la-Rive a réussi sa reconversion. Si les canots ont perdu en pittoresque depuis le XIXe siècle, la course longue de huit kilomètres entre glace, frasil, courants et marées conserve un parfum d'antan. Rendez-vous, donc, à Baie-Saint-Paul, le week-end prochain. Baie Saint-Paul — Vendredi soir, le 26 janvier, marquera le début de la 17e Grande Traversée Casino, la fameuse course en canot à glace de Charlevoix. Et si le ciel ne neige pas, eh bien, tant pis! La municipalité se chargera d'enneiger la rue Saint-Jean-Baptiste sur une longueur de 350 mètres. Lors de cette soirée de qualification, les canoteurs, canot en main, devront parcourir en un temps record la rue illuminée de mille feux. Un véritable contre-la-montre qui déterminera la position des canoteurs lors du départ de la course, le lendemain. Apparemment, l'effort d'endurance est tel que même les spectateurs entendent le pouls des coureurs battre contre leurs tympans. La Grande Traversée Casino rappelle le travail des postiers qui, avant l'invention du traversier, allaient quérir le courrier sur le quai de Saint-Joseph-de-la-Rive à partir de l'île aux Coudres. Le canot à glace a longtemps été un élément essentiel dans la vie des insulaires et des riverains du fleuve Saint-Laurent. Pendant l'hiver, c'était le seul moyen de communication entre les deux rives. Postier... un métier difficile, périlleux et épuisant, en particulier entre Baie-Saint-Paul, les Éboulements et l'île aux Coudres, où les courants sont très puissants et les vents parfois violents. Une course haute en couleur La course s'effectue sur un parcours de huit kilomètres entre l'île aux Coudres et Saint-Joseph-de-la-Rive dans des conditions souvent difficiles. On rame, on pousse, on trotte dans la «gadoue» tout en interprétant le fleuve. «Si la glace, les courants, la marée créent des difficultés, c'est le frasil qui complique le plus la vie» des participants, explique Anie Harvey, auteure et directrice générale de la Grande Traversée. Mais l'endurance physique n'est pas tout, il fait aussi faire preuve de stratégie pour trouver le meilleur passage dans ce magma de glace. Et attention aux trous, qui sont de redoutables pièges! L'équipage d'un canot à glace est formé de quatre rameurs et d'un barreur responsable de diriger le canot en eau libre. La durée moyenne de la course est de deux heures, à condition que le fleuve ne soit pas trop emcombré par les glaces, que les courants ne soient pas trop puissants et que le vent ne souffle pas trop fort. Samedi prochain, 40 équipes prendront le départ de cette course spectaculaire, la seule du genre sur le circuit québécois à se dérouler en eau salée. Et pour recréer la pratique d'antan, chaque équipage devra récupérer un sac de poste sur le quai de Saint-Joseph-de-la-Rrive avant de reprendre le chemin de l'île aux Coudres. «Une vraie lettre est destinée à chacun des participants, lance fièrement Anie Harvey. Elles ont été écrites par les élèves des écoles de l'île aux Coudres et de Baie-Saint-Paul.» La première Grande Traversée Casino de Charlevoix remonte à 1991: neuf équipes avaient alors pris le départ. On peut observer la course des quais de l'île aux Coudres et de Saint-Joseph-de-la-Rive, du traversier entre l'île et la rive et, pour les skieurs qui seront dans la région, du sommet du Massif... avec un télescope. Et la neige? Elle est au rendez-vous. Renseignements - Tourisme Charlevoix Tél: (418) 665-4454, poste 231 ou sans frais: 1-800 667-2276, www.tourisme-charlevoix.com - La Grande Traversée 2007 www.grandetraversee.com - Traversée l'île aux Coudres-Saint-Joseph-de-la-Rive (service offert toute l'année) Tél: 1 (877) 787-7483 Publié dans le Devoir du 20 janvier 2007
- Coaticook - Québec - Voyage à travers l'objectif
Les circuits touristiques à thème se multiplient depuis quelques années au Québec: il y a par exemple la Route des navigateurs, la Route des vins, la Route des parcs, pour n'en nommer que quelques-uns. Pour sa part, la Table de concertation culturelle de la MRC de Coaticook, qui regroupe 12 villages, propose une activité en six circuits «photo découverte» à la rencontre de cette région de l'Estrie. Amateurs d'images, à vos boîtiers! Un vent chaud souffle au sommet de la Montagnaise, une tour d'observation haute de dix mètres. Le moment est propice pour capter les couleurs de la campagne, plutôt jolie dans ce coin de pays: une botte de foin, une vieille grange, une vache. Tiens, un oiseau sur la balustrade. Cadrage et mise au point rapide. Trop tard, il s'envole. Personne n'a dit que la photo était chose facile. Au loin, le soleil décline. Qu'aurait pensé le moine gallois Malo devant tant de beauté, lui qui a donné son nom à cette paroisse nichée à 585 mètres d'altitude? Les Malouins se targuent d'ailleurs d'habiter le village le plus élevé au Québec. Il est 17h lorsqu'on franchit les portes de l'église Saint-Venant-de-Paquette. Son grand jubé entièrement construit en bois, sculpté et verni, abrite une exposition permanente sur les us et coutumes de la vie religieuse d'autrefois. La galerie La Sacristie expose les oeuvres du sculpteur Roger Nadeau, auteur d'une centaine de personnages nés de la fusion de son savoir-faire en céramique, joaillerie, dessin, sculpture, modelage et soudure. Tout à côté, on ne peut rater le sentier poétique, une idée fantaisiste de l'artiste Richard Séguin qui voit s'inscrire dans le paysage de son village le rayonnement du poème au vent. On y découvre les plus grands poètes des Cantons-de-l'Est et du Québec à travers des aménagements mariant des arbres et des arbustes à des sculptures et des poèmes. Un environnement très photogénique. Le circuit photo découverte «Par monts et poésie» traverse les paroisses de Saint-Malo, Saint-Venant et East Hereford. Non pas que ce parcours soit plus photogénique ou plus intéressant d'un point de vue culturel que les autres mais parce qu'il aboutit à East Hereford, la capitale du sapin de Noël de la région. Saviez-vous que c'est un sapin baumier d'East Hereford qui illumine les soirées de quelque 750 000 New-Yorkais et touristes fréquentant Bryant Park, à Manhattan, pendant la période des Fêtes? L'arbre quinquagénaire de 14 mètres de hauteur provient des Plantations Réal Beloin. Bichonné pendant des années par Jean-Luc Beloin, il a fallu une journée complète et trois hommes pour couper le mastodonte d'une envergure de six mètres et beaucoup de précautions pour le transporter jusque dans la grande métropole du BosWash, 42e Rue. On peut aussi traquer quelques beaux instantanés d'arbres de Noël givrés au jardin Sapins et Merveilles, rue de l'Église, entre le presbytère Saint-Henri et l'école primaire Saint-Pie-X, à East Hereford. Le site propose un sentier pédestre bordé de 14 panneaux d'interprétation qui racontent l'histoire, la culture et les légendes de ce roi de la forêt québécoise. Peu importe le circuit choisi, l'aventure commence à Coaticook, au bureau d'accueil touristique les jours de semaine ou à la boutique-restaurant Le Coffret de l'imagination le week-end. On récupère d'abord la brochure comprenant le chemin à suivre, une carte routière et le bulletin de participation au concours de photo. Puis son panier à pique-nique (sur réservation seulement) garni de produits du terroir. On fait le plein d'essence. Et c'est un départ. «Libre à chacun de faire de la photo ou pas. On peut très bien partir sur les routes de ces différents circuits sans participer au concours. Ce n'est absolument pas un préalable!», explique Michèle Lavoie, présidente de la Table de concertation culturelle de cette MRC des Cantons-de-l'Est, à 150 kilomètres de Montréal, en bordure des frontières du Vermont et du New Hampshire. «L'idée, c'est de faire découvrir, été comme hiver, la région de Coaticook avec ses beaux paysages bucoliques, ses personnages, son histoire et son agrotourisme.» Et la photo? Un simple prétexte pour attiser la curiosité et rendre encore plus amusante cette tournée culturelle calquée sur le rallye automobile, stress de la vitesse en moins. Une sorte de voyage habité pour amateurs de culture, de nature et d'agriculture. Publié dans le Devoir du 30 décembre 2006
- Les beaux-livres - Ode à la beauté
Voilà un autre album sur nous, mais cette fois-ci par un photographe d'origine allemande fou du Québec qui, depuis 25 ans, en capte les splendeurs sauvages d'un oeil ébloui. Si on devait ne recevoir qu'un livre à Noël, ce pourrait être celui-là. Pour la beauté, la précision, les couleur, qui transmettent bien l'ambiance et la personnalité des paysages et des animaux. Un défi bien relevé par Heiko Wittenborn dont le but avoué est d'«éveiller la sensibilité du lecteur et de l'inciter à protéger son environnement Profondément attaché à notre Québec sauvage, le photographe qui a grandi dans une petite banlieue de Hambourg, en Allemagne, en montre tous les dessous: entre feuillus et conifères; le long des cours d'eau et des lacs; sur les rives du Saint-Laurent maritime; sur l'île d'Anticosti; au Nunavik. Chaque page nous arrache un «Ah! que la nature est belle chez nous!». Parlant de nature, d'ailleurs, son père lui disait, quand il était petit: «Écoute et observe attentivement et tu la verras, tu la sentiras tout autour de toi.» Dans mon pays, à l'époque, écrit Wittenborn en préface, les arbres étaient plus nombreux que les maisons et il y avait des animaux dans la forêt, mais ce n'est plus le cas. Le Québec, lui, possède encore ces splendeurs sauvages que l'Europe a presque entièrement perdues. À nous d'y faire attention! Les textes bien documentés de Jean-Pierre Sylvestre transpirent un constant souci écologique: «Pour protéger quelque chose, il faut l'aimer. Pour aimer, il faut comprendre. Et pour comprendre, il faut voir. Voilà pourquoi les parcs existent: pour nous faire voir les beautés de notre monde, dans l'espoir que nous comprendrons la nécessité de les protéger.» - Splendeurs sauvages du Québec, textes de Jean-Pierre Sylvestre, Les Éditions de l'Homme, Montréal, 2006, 190 pages. Publié dans le Devoir du 16 décembre 2006
- Jardin botanique de Montréal - La fine fleur de Noël
Il était une fois, au Mexique, une jeune fille du nom de Pépita. Elle marchait tristement vers l'église en cette veille de Noël. Pépita pleurait; elle ne pouvait, comme tous les autres enfants, offrir un cadeau à l'Enfant Jésus. Un sage la console: «Pépita, je suis sûr que même le cadeau le plus humble, donné avec amour, sera grandement apprécié.» Consolée, la petite fille cueille sur le bord de la route un bouquet de feuilles d'un arbuste commun. Ô miracle, aussitôt déposées près de la crèche, les feuilles se transforment en bractées d'un rouge intense. Ainsi le veut la légende du poinsettia, devenu la plante de Noël. Sept mille lumières de Noël, 550 poinsettias dont la très populaire variété da vinci (rien à voir avec le Code!), 350 cyclamens, 120 plumbago indica, jolie petite plante à floraison rose saumon, 10 sapins baumiers, une épinette bleue du Colorado garnie de cyclamens roses, de magnifiques orchidées et un méga-arbre de Noël au centre de la grande serre. Sacré décor! Ainsi le veut la tradition au Jardin botanique qui, depuis 1956, nous en met plein la vue et l'odorat. «Le rouge, le vert et le blanc, c'est une coutume chez nous. Je me rappelle qu'une année, nous avions opté pour un Noël méditerranéen mais le thème avait déçu les habitués, note la porte-parole Marie-Joëlle Filion. Les gens veulent du poinsettia, des sapins et des flocons de neige. Ces derniers sont d'ailleurs notre thème cette année.» Le clou de l'exposition: un arbre de Noël géant composé de 200 poinsettias blancs. On dirait vraiment qu'il est couvert de flocons de neige. Trois ouvriers ont travaillé une journée entière pour ériger l'impressionnante pièce. Ils ont d'abord dû monter une structure en bois de 13 étages sur laquelle sont posés les poinsettias. Au centre, un tuyau pour l'irrigation. Chaque plant a son goutteur lui fournissant l'eau dont il a besoin. On imagine que le poinsettia est une fleur. Erreur! En fait, l'euphorbia pulcherrima est un arbuste qui appartient à la famille des euphorbiacées. Les parties vivement colorées sont des bractées, feuilles modifiées qui entourent les vraies fleurs, petites, jaunes et peu spectaculaires. Si les bractées rouges dominent le marché, on en retrouve des roses, des blanches, des orangées, des marbrées, des tachetées et même des ondulées. Originaire du sud du Mexique et d'Amérique centrale, la plus populaire de nos plantes décoratives de Noël atteint parfois, dans son habitat naturel, plus de trois mètres de hauteur. Ce qui n'est pas le cas dans nos maisons. Pour ajouter à l'esprit des Fêtes, le Jardin botanique a greffé cette année à son exposition florale un programme culturel musicalement riche. Les spectacles commencent ce week-end par des cantiques de Noël, interprétés demain par l'Ensemble vocal Dorval et dimanche par le Choeur Laurentien. Quant au conte musical Casse-Noisette, qui vise les enfants de trois à neuf ans, il prendra place les 17, 29 et 30 décembre. Ce n'est pas tout: les réjouissances se poursuivent même après Noël en compagnie de l'Ensemble musical Renaissance qui, du 26 au 30 décembre, fera revivre les Noëls anciens au rythme des luth, viole de gambe et flûte, et du groupe Duo Jazz en fête du 1er au 5 janvier 2007. Une fois comblé par tant de culture, on ne manquera pas de visiter les jardins extérieurs, photogéniques même sous un couvert de neige. Dix-huit mille lumières de Noël ornent les majestueux sapins de Douglas et les épinettes. Givrés, les arbres à fruits persistants ont de la gueule et encore plus lorsque fréquentés par un jaseur ou un durbec. Les postes d'alimentation pour oiseaux distribueront cet hiver plus d'une demi-tonne de graines que mésanges, sitelles, pics, cardinaux, chardonnerets se partageront sous l'oeil des observateurs aguerris ou néophytes. Et, comble du bonheur, on peut même brûler quelques calories en profitant des 18 kilomètres de sentiers de ski de randonnée qui sillonnent le parc Maisonneuve et le Jardin botanique, à partir du bâtiment administratif jusqu'au Biodôme, en passant par la Maison de l'arbre, l'Insectarium, le Pavillon japonais, le Jardin de Chine et les serres Louis-Dupire. Une fois son fou lâché, on ne manquera pas de visiter la boutique L'Orchidée qui demeure, entre autres, le meilleur endroit pour acheter son poinsettia ou recevoir des informations sur son entretien. La seule règle: les bichonner chez soi avec autant d'amour qu'au Jardin! Et peu importe la légende, les poinsettias demeurent pour les Mexicains les flores de la Noche Buena ou les «fleurs de la Nuit Sainte». Autrefois, dans leur médecine populaire, on appliquait les feuilles en cataplasme pour traiter les maladies de la peau. On les broyait et les incorporait aussi à une boisson pour accroître la production de lait chez les femmes qui allaitaient et on utilisait les bractées rouges dans la fabrication d'une teinture cramoisie. Mais, autres temps, autres moeurs, ici, on attribue au poinsettia une certaine toxicité. On conseille donc, par mesure de précaution, de garder la plante hors de la portée des enfants. ***Jardin botanique de Montréal, grande serre d'exposition, www.museumsnature.ca. Publié dans le Devoir du 15 décembre 2006
- Beaux livres - Leçons de Géo
Depuis la publication de son premier album, 20 ans d'images Géo, l'équipe rédactionnelle du magazine français du même nom n'a pas chômé. Outre son magazine mensuel qui, depuis 1981, nous fait découvrir la Terre dans ses moindres recoins, Géo a maintenant à son actif une collection de 36 albums cartonnés, sur papier glacé, abondamment illustrés, qui permettent à tous les explorateurs potentiels de mettre leurs propres pas dans ceux de ses reporters (journalistes, écrivains, peintres...), de s'interroger, de s'affliger et de s'enthousiasmer avec eux. À la collection s'ajoutent de nouveaux titres: La Corse et La France fortifiée. Kallistê, «la plus belle». C'est ainsi que les Grecs appelaient la Corse. C'est ce qu'écrit d'emblée Jean-Luc Marty, rédacteur en chef de Géo, dans la préface du livre d'Eva Sivadjian, La Corse, qui y va des plus beaux qualificatifs pour la terre natale de Napoléon. L'ouvrage de 128 pages et autant (et même plus) de photos authentiques, invite les curieux et les épris de belles images à pénétrer les secrets de l'île de Beauté sans prendre l'avion. L'auteur, journaliste et écrivain-voyageur, archéologue et ethnologue de formation et collaboratrice de Géo, raconte avec mille détails l'histoire de «cette forteresse de rocs aux vertigineux à-pics, ourlées d'écume, où l'homme a su dresser ses remparts et ses tours». Les photos font rêver de randonnée pédestre sur le Monte Cintu, le plus altier de tous les sommets — la Corse que l'on associe surtout aux belles plages est avant tout un pays montagneux. Avec une altitude moyenne de 508 mètres et plus de 100 sommets de 2000 mètres ou plus, l'île mérite son qualificatif de montagne dans la mer. La France fortifiée suggère une France moins connue, plus pointue. Déjà, les titres du sommaire le suggèrent: les châteaux forts, au coeur du pouvoir féodal; les «bonnes villes» à l'abri des remparts; les ports fortifiés, sauvegardes du littoral; des forteresses pour la «paix de Dieu»; le siècle de Vauban et son héritage... Autant de titres qui, dès la première page, attisent la curiosité. Le texte de la journaliste et écrivaine Catherine Guigon, collaboratrice de Géo, constitue en soi une leçon d'histoire. Saviez-vous, par exemple, que le siège de Château-Gaillard, une forteresse stratégique construite sur la Seine par Richard Coeur de Lion, permet au roi de France de conquérir la Normandie? Autre exemple de ce qu'on peut y apprendre: non content de fortifier le Louvre, Philippe Auguste entreprend de corseter Paris, l'enfermant dans une enceinte construite de part et d'autre de la Seine. Défendre sa vie et ses richesses par tous les moyens! Les documents photographiques hauts en couleurs et en détails illustrent bien le texte et sont d'une belle qualité. «Ces châteaux qu'on ne qualifiait pas de "forts" avant le XIXe siècle préservent l'immense pouvoir de nous faire rêver et voyager dans le temps.» Tout comme Géo! *** - La Corse par Géo, Ève Sivadjian. La France fortifiée vue par Géo, Catherine Guigon, Éditions Solar, Paris 2006, 128 et 143 pages. Publié dans le Devoir du 9 décembre 2006
- Martinique - Entrevue - La créolité revisitée
On reproche souvent aux Martiniquais leur comportement parfois qualifié d'antitouristique. Pourtant, la Martinique a besoin de son tourisme pour vivre. Du moins, c'est ce que l'on pense généralement. L'écrivain Patrick Chamoiseau, l'un des trois auteurs d'Éloge de la créolité et gagnant du prix Goncourt 1992 pour son roman Texaco, donne son point de vue sur ce sujet, de même que sur l'identité créole. Le Diamant — Il suffit de prononcer le mot Martinique pour se mettre à rêver de hamacs et de madras suspendus entre deux cocotiers ou de poissons multicolores autour d'un banc de corail. Pas surprenant puisque c'est le marketing que l'on a fait de la destination depuis le jour où il est devenu aisé d'y entrer et d'en sortir. Au même titre que les autres îles des Antilles, l'île aux Fleurs demeure dans notre esprit un lieu pour touristes fuyant les frimas de l'hiver. «Un vieux cliché un peu colonialiste, dira Patrick Chamoiseau. Mer, palmiers, cocotiers et sable blanc, ce sont là les grands points de repère que les Occidentaux continuent d'entretenir sur la Martinique», constate tristement l'écrivain et juriste qui, par la même occasion, admet que les réactions affectives de son peuple prennent parfois le dessus sur la gentillesse professionnelle avec les touristes. Car, aussi touristique que soit son image de carte postale, les bonzes de l'industrie des destinations soleil reprochent à la Martinique son prix et parfois même... son accueil. «Pas étonnant!», s'exclame l'écrivain, qui termine actuellement un livre portant sur le relationnel, un sujet qu'il affectionne. «Ici, la relation avec l'autre est beaucoup plus importante que les affaires. On aime rendre service, mais on est moins habile à en fournir», explique-t-il, en admettant que quelques cours en tourisme permettraient aux Martiniquais d'être un peu plus conformes au reste du monde. Il n'en demeure pas moins qu'au pays du zouk, «un sourire est un vrai sourire». Grandeur des petites gens L'auteur d'une douzaine de livres signait en 1989 avec Jean Bernabé et Raphaël Confiant Éloge de la créolité, un manifeste qui invente une nouvelle langue née du mélange de la rhétorique française apprise à l'école avec la richesse vernaculaire des parlers populaires. Les trois écrivains martiniquais s'engageaient alors à écrire des oeuvres authentiques aptes à exprimer la réalité de leur peuple, depuis l'arrivée des Arawaks jusqu'à l'ascension des Blancs créoles en passant par l'importation d'esclaves noirs d'Afrique, puis d'Indiens et de Chinois. Un projet pour mieux comprendre qui est l'Antillais dans une langue qui fait naître un nouveau genre littéraire. Éloge de la créolité a conduit Patrick Chamoiseau à écrire six romans, dont Texaco pour lequel il obtenait le prix Goncourt en 1992. Son oeuvre met en scène la grandeur humaine des petites gens et explore les fondements de la culture de l'île. «Une étape nécessaire pour assumer son identité», affirme le quinquagénaire indépendantiste, qui tient au passé pour aller de l'avant. Nés dans la colonisation de l'autre continent, créolisés dans l'esclavage puis départementalisés... mais comment fonctionner quand on se sent dépossédé de sa souveraineté? «La domination, même furtive, altère l'imaginaire, paralyse l'aptitude à la créativité, refoule l'audace, croit Patrick Chamoiseau, dont les romans transpirent l'obsession liée à l'indescriptible identité antillaise tiraillée entre la francité fantasmée, la créolité méprisée et la dure mémoire du passé d'esclavage. «Mon oeuvre a l'ambition d'aider les Martiniquais à renouer avec ce passé pour acquérir la confiance qui permettra à tous de sortir de cette logique de dominés.» Se réinscrire dans la réalité de son pays pour ne pas perdre la richesse de sa terre: une étape nécessaire pour assumer son identité, croit-il. Dépendance et indépendance À la croisée de tous les chemins planétaires — caraïbes, africains, français, anglais, espagnols, chinois, indiens, syriens —, la Martinique a accueilli toutes les cultures du monde. Un monde dont l'unicité n'est pas la vertu première mais qui assume quand même ses différences. «Ce n'est pas parce que j'ai la peau noire que le mot nègre me résume, poursuit l'écrivain. Mon imaginaire est habité par le monde amérindien, par la réalité des Amériques, par la présence de la solidarité que j'ai avec l'histoire de l'Afrique noire, par le monde indien qui me traverse, par le monde européen qui m'a dominé et qui continue de le faire.» Indépendantiste, l'auteur de Texaco? «Oui, mais de manière responsable et souveraine. Je ne conçois pas l'indépendance comme une rupture symbolique pour constituer un territoire clos. Nous sommes tous dépendants les uns des autres. Le Canada est dépendant des États-Unis, des cours du pétrole, du dollar... une dépendance régularisée par une souveraineté canadienne, explique celui qui se qualifie de Créole américain, avant d'ajouter que «la Martinique a trop peu de contacts avec l'Amérique avec qui elle partage pourtant le même espace naturel». «Éloge de la créolité, 15 ans après», tel était le thème d'un colloque organisé à Montréal il y a quelques semaines par le directeur de Poexil, Alexis Nouss, et qui réunissait l'un des signataires de l'Éloge, Jean Bernabé, et l'écrivain guadeloupéen Ernest Pépin. La rencontre avait pour but de faire le point 15 ans après la publication du manifeste. Éloge à la créolité, selon M. Pépin, aurait largement contribué à homogénéiser le melting-pot martiniquais et guadeloupéen: première étape d'auto-estime. «Notre écriture doit accepter sans partage nos croyances populaires, nos pratiques magico-religieuses, notre réalisme merveilleux, les rituels liés aux "Milan", aux phénomènes du "majo", aux joutes de "ladja", aux "koudmen" [des réalités créoles]. Écouter notre musique et goûter notre cuisine. Chercher comment nous vivons l'amour, la haine, la mort, l'esprit que nous avons de la mélancolie, notre façon dans la joie ou la tristesse, dans l'inquiétude et dans l'audace.» Retour de savoir-faire N'est-ce pas un peu de cette créolité décrite par les trois écrivains dans l'Éloge que les Martiniquais souhaiteraient avant tout partager avec les visiteurs? Comprendre le passé pour trouver les ressources permettant de répondre à leur désir d'enracinement et d'avenir? Il suffit de les observer pour constater qu'ils adorent échanger des idées, qu'ils sont fiers de leur patrimoine, très curieux et accueillants... à leur manière. «D'ailleurs, si vous êtes sympathique, ils vous inviteront facilement chez eux pour un ti-punch, un repas en famille ou un zouk. L'accueil est ancestral ici, et les gens ne se contenteront jamais de sourire pour affaires», répète Patrick Chamoiseau. Depuis quelques années, en Martinique, les touristes curieux ont pu assister à un certain retour du savoir-faire gastronomique, architectural, musical. Danses, tambours, outils, courses de yoles... ces richesses apparaissent comme les témoins de la spécificité antillaise. «Il nous faudrait aussi apprendre à développer des projets communs, croit l'écrivain. Par exemple, on pourrait faire de la Martinique le premier pays biologique de la Caraïbe», rêve-t-il tout haut. «Le bio, ce n'est pas que la bouffe, ça touche également aux domaines de l'architecture, du cosmétique... C'est de la matière grise que la Martinique a besoin», ajoute celui qui a écrit les scénarios de quatre des films du cinéaste martiniquais Guy Deslauriers — Exil du roi Behanzin (1994), Passage du milieu (2000), Biguine (2004) et L'Affaire Aliker (actuellement en tournage). Il est beaucoup plus facile de dire «Welcome» quand on est maître chez soi, conclut Patrick Chamoiseau. Publié dans le Devoir du 4 décembre 2006
- Canada - L'île de Vancouver Entre le surf et l'afternoon tea
Publié dans le Devoir du 2 septembre 2006 D'un côté, d'immenses forêts, des arbres géants, des pics enneigés, des anses et des écueils à faire damner les marins, des vagues à faire suer les surfeurs. De l'autre, le chic empesé d'une coquette ville aux couleurs et traditions britanniques, des jardins magnifiques, des parcs, des pubs et l'afternoon tea que même un tremblement de terre ne saurait ébranler. Où qu'on soit sur l'île de Vancouver, on vit la nature, on vit la vie à pleine puissance. Île de Vancouver — «Nous survolons le détroit de Georgia et la ville devant vous, c'est Nanaïmo, deuxième en importance après Victoria et ville-étape du traversier qui amène quotidiennement, depuis Vancouver, des milliers de vacanciers. Ensuite, nous traverserons la chaîne de montagnes qui sépare le nord et le sud de l'île de Vancouver avant d'atteindre la côte ouest du Pacifique», explique le pilote, qui connaît sa ligne caillou par caillou. Nous sommes dans le petit avion de KD Airlines qui fait la liaison Vancouver-Tofino, sur la côte ouest de l'île. De prime abord, on n'imagine pas l'île de Vancouver aussi montagneuse: «Le plus haut sommet est le Golden Hinde (2220 mètres), dans le parc Strathcona, au centre de l'île ; le second est le mont Elkhorn (2194 mètres) et le troisième, le mont Colonel Foster (2133 mètres). Et la montagne, là-bas, au-dessus de Port Alberni, c'est le mont Arrowsmith (2000 mètres).» Que sait-on, au juste, de l'île de Vancouver ? Que Victoria est la capitale de la Colombie-Britannique ; que les riches habitants de Vancouver passent leur week-end à Victoria pour échapper à la pluie ; que les Chinois ont joué un grand rôle dans le développement de Victoria en participant à la construction du chemin de fer ; que le Chinatown de Victoria est le plus vieux quartier chinois au Canada ; qu'on retrouve à Victoria le plus haut totem du monde... Soit, mais l'île se limite-t-elle à sa capitale provinciale ? Un oeil sur les pics enneigés, un autre sur une cascade qui chute du haut d'une falaise d'une soixantaine de mètres et un autre encore sur le pilote déterminé à s'approcher le plus près possible du rocher pour que nous ne perdions rien du spectacle, nous écoutons attentivement l'étrange leçon de géographie qui dépasse la simple énumération de lieux et de chiffres. Saviez-vous que le Dinghy Dock Pub, un pub flottant amarré au quai de l'Île Protection, à Nanaïmo, sert les meilleurs fish and chips de l'île ; que le Harbour Quay de Port Alberni est un endroit sympathique pour prendre un café et s'informer de l'horaire des bateaux vers la réserve du parc national Pacific Rim ; que les sapins de Douglas du MacMillan Provincial Park-Cathedral Grove atteignent parfois 80 mètres ; que le mont Washington, situé dans la vallée de Comox, à 31 kilomètres à l'ouest de Courtenay, est la deuxième destination de ski après Whistler ? Mais où est donc Tofino ? Seuls les surfers et les écolos semblent connaître Tofino. Les premiers pour sa superbe plage de 15 kilomètres, Long Beach, où les vagues peuvent atteindre jusqu'à huit mètres en hiver ; les seconds pour avoir entendu parler, dans les années 1980, du premier barrage routier au Canada établi par les Amérindiens et le reste de la population pour protester contre le projet de coupe commerciale de billes de bois dans la vieille forêt pluviale de l'île de Meares. En 2000, un territoire de quelque 350 000 hectares est enfin déclaré réserve de la biosphère de l'UNESCO. Le temps, à Tofino, semble s'être arrêté au début des années 1970. Il n'est donc pas rare de croiser dans la région des hippies à bord de leur Westfalia transportant trois ou quatre planches de surf sur le toit. En voiture, de Montréal, on met cinq jours et sept heures pour atteindre ce Malibu canadien: cinq jours jusqu'à Vancouver, deux heures de ferry jusqu'à Victoria et cinq heures de route de la capitale provinciale au royaume de la vague. À Tofino, tant pis s'il pleut ! Il en faut un peu plus pour annuler une «rando» en forêt pluvieuse, une leçon de surf ou une sortie en kayak de mer. D'ailleurs, c'est sous la pluie qu'on observe les plus beaux spécimens de limaces «bananes», les plus grosses du monde, qui peuvent mesurer jusqu'à 25 centimètres de long et trois centimètres de diamètre. Un mollusque géant d'un beau jaune... citron. Où que vous soyez dans les environs de Tofino, si vous n'êtes pas debout dans l'eau salée, vous êtes dans la forêt pluviale. La réserve du parc national Pacific Rim, entre Ucluelet et Tofino, propose à ceux qui n'ont nullement l'intention de s'enfoncer sur la West Coast Trail neuf sentiers balisés de moins de cinq kilomètres, tous accessibles par la navette Tofino Beach Bus. Vive le mauvais temps ! Au Wickaninnish Inn, une élégante bâtisse en bois de cèdre dressée sur un promontoire face au Pacifique, les propriétaires ont fait de la pluie et du mauvais temps leur marque de commerce. Et ça marche ! Particulièrement entre novembre et février, alors que les clients de l'hôtel peuvent observer de leur chambre une tempête tous les trois ou quatre jours. Cet établissement Relais & Châteaux en bordure de la forêt pluviale est pure merveille. La décoration des 75 chambres et suites a été réalisée avec grand soin. Du support à papier de toilette au savonnier en passant par les tuiles, les lampes, les meubles, chaque matériau provient de la nature. La pierre, le bois et les tissus aux couleurs de terre dominent avec la cheminée, la baignoire profonde et les baies vitrées. L'engagement est total avec l'extérieur. On trouve donc à Wickaninnish Inn une clientèle entichée de nature venue bénéficier tant des activités de plein air que des plaisirs de la table. Le restaurant The Pointe, installé dans une salle octogonale entourée de baies vitrées et qui laisse voir les jours de tempête un panorama grandiose, fait dans la gastronomie. Le chef, un Gaspésien d'origine, propose une cuisine typiquement Pacific Northwest d'influence locale, composée de produits fermiers et biologiques. Un thé à Victoria Au centre de Victoria, face au port, se trouve l'Empress Hotel, un établissement style château construit pour le Canadien Pacifique au début du XXe siècle par l'architecte Francis Rattenbury. Aucun des salons de thé de la ville ne rivalise avec l'atmosphère distinguée de son afternoon tea. Concombre, saumon fumé et curry de poulet et de mangue garnissent les petits sandwichs. Confiture de fraises et crème Devon accompagnent les scones. Théière ancienne, vaisselle victorienne, service royal... tout est fait pour que l'expérience reste ancrée dans la mémoire. Le coût de cette collation beau chic beau genre: 45 $CAN. Les Amérindiens occupaient l'Île de Vancouver depuis 8000 ans lorsque les premiers Européens y débarquèrent au XVIIIe siècle. D'abord signalée par les explorateurs espagnols en 1774, puis visitée par James Cook en 1778, l'île fut baptisée en l'honneur du capitaine (et cartographe) George Vancouver qui en fit le tour en 1792. Cinq décennies plus tard, la Compagnie de la Baie d'Hudson établit un comptoir de traite de fourrures à Fort Victoria, la pointe sud de l'île, aujourd'hui le site de la capitale de la Colombie-Britannique. À 20 kilomètres au nord de Victoria, sur la péninsule de Saanich, se trouvent The Butchart Gardens. Nés en 1904 de la désaffection d'une carrière à chaux, ces jardins centenaires superbement fleuris ravissent l'oeil en particulier l'été, lorsque la floraison atteint son apogée. Jardin de roses, jardin italien, jardin japonais, mare à nénuphars, rhododendrons et bégonias couvrent les 22 hectares de ce terrain superbement aménagé de fontaines, de sculptures et de bancs qui invitent à la flânerie. On peut aussi se promener sur la Saanich Peninsula, une presqu'île qui se trouve également au nord de Victoria. On y découvre une série de petites zones résidentielles à l'architecture victorienne ainsi que de beaux bâtiments de style Tudor. À Mount Douglas Park, l'ascension de la colline jusqu'au sommet offre une vue panoramique sur les Gulf Islands, le détroit de Georgie, le détroit Juan de Fuca et les sommets enneigés de la chaîne de montagnes Olympic Range, dans l'État de Washington. Et peut-être la chance d'apercevoir un orque ! Mille et une choses encore... Les Provincial Legislature Buildings, où siège le gouvernement de la Colombie-Britannique et qui voisinent l'Empress Hôtel ; le Bastion Square avec son marché artisanal en plein air ; une promenade à Chinatown pour découvrir l'arche Tong Ji Men qui représente l'esprit de coopération entre les cultures chinoise et canadienne ; les habitations flottantes à Fisherman's Wharf ; et le restaurant Barb's Place qui comblera votre envie de manger au coucher du soleil des fish and chips bien gras servis dans du papier journal. Beautiful British Colombia ? C'est d'accord ! À consulter - Les guides Ulysse Vancouver, Victoria et Whistler ou le guide Ulysse Ouest canadien. - Renseignements: Tourism Vancouver Island, Nanaïmo, (250) 754-3500, www.islands.bc.ca.
- Québec - Tout baigne sur le Saint-Maurice
Ce soir marque le début de la 73e Classique internationale de canots. Cet événement sportif parmi les plus enracinés au Québec, qui se déroule sur le cours du Saint-Maurice entre La Tuque et Trois-Rivières, rassemble les meilleurs canoteurs du monde. À cette compétition se greffe une cyclo-randonnée qui invite les mordus de vélo à suivre sur la route 155, entre Saint-Roch-de-Mékinac et Shawinigan, le parcours des canots. Ce week-end, la rivière Saint-Maurice est en fête. De La Tuque à Trois-Rivières, la vallée célèbre sa Classique internationale de canots, dont l'origine remonte à 1934. Plus de 130 canoteurs participeront à cette course en trois étapes: La Tuque - Saint-Roch-de-Mékinac, Saint-Roch-de-Mékinac - Shawinigan et Shawinigan - Trois-Rivières. On peut applaudir les efforts des participants un peu partout le long de la route 155 mais aussi à partir du pont Matawin, à Saint-Roch-de-Mékinac, du boulevard Saint-Maurice, à Shawinigan, et de l'île Saint-Quentin, à Trois-Rivières. Bien qu'exigeante (le trajet fait 193 kilomètres), la Classique était encore plus difficile à l'époque de la drave: les canots étaient lourds, le parcours se faisait en deux étapes, l'équipage devait transporter matériel de camping, bagages et nourriture et les billes de bois entravaient la rivière à tous les détours. Époque révolue ! De nos jours, le Saint-Maurice est nettoyé de sa pitoune, les canots pèsent à peine 35 kilos et les canoteurs dorment dans un lit. À cette compétition se greffe depuis septembre 2004 une cyclo-randonnée qui permet à 400 mordus de vélo de pédaler en toute quiétude sur le tronçon de la route 155, entre Saint-Roch-de-Mékinac et Shawinigan. Pendant que les canoteurs avironneront à une vitesse de 12 ou 13 km/h, les cyclistes inscrits au parcours-découverte de 72 km pédaleront à une vitesse moyenne de 22 km/h tandis que ceux qui ont opté pour le parcours sportif rouleront à 28 km/h. Le départ se fait du pont Matawin et se termine au coeur même de l'action à Shawinigan, où les curieux assisteront à un portage très impressionnant le long du boulevard Saint-Maurice et à un feu d'artifice en soirée. Encadrée par la Sûreté du Québec, la Cyclo-Mauricie est donc une occasion unique d'aller rouler sa bosse en toute sécurité sur une des plus belles routes du Québec — mais aussi la favorite des camions de pitounes — sans subir les coups de vent des autos et des camions. En organisant cette randonnée en parallèle à la Classique de canots, Marie-Josée Gervais, ex-championne québécoise de vélo et présidente de la Cyclo-Mauricie, se doutait bien que l'événement plairait et que ce serait probablement le début d'une autre belle histoire le long du Saint-Maurice. Pari gagné ! Le taux de participation a triplé en trois ans et la bonne nouvelle s'est répandue jusqu'en Europe. Depuis l'année dernière, la Cyclo-Mauricie est jumelée avec le Cyclo Tour du lac Léman, en Suisse. La Classique de canots sort ainsi de l'ombre grâce au vélo. Cette année, d'autres activités se sont greffées à celles qui existaient déjà, comme la participation de la Société paramilitaire des pontonniers de Bex, en Suisse. À bord de deux nacelles pesant 350 kilos chacune, les 16 Suisses (huit par embarcation), âgés de 19 à 79 ans, suivront le même parcours que la Classique. Tout un défi ! Ça comprend la descente de quatre rapides et le franchissement de trois barrages, portages à la clé. De la terrasse de l'auberge Le Montagnard, à Saint-Roch-de-Mékinac, on aperçoit le rapide de Manigance. Si on aime l'action à saveur helvétique, c'est là qu'il faudra se poster, ne serait-ce que pour rencontrer le propriétaire, Edgar Borloz, un sympathique Suisse qui fait dans la raclette et la fondue si on le lui demande à l'avance. Lui-même ancien pontonnier, on peut parier qu'il a quelque chose à voir avec la participation de nos amis suisses cyclistes et navigateurs. Parmi les nombreux attraits touristiques le long du parcours de la Classique de canots, notons le Musée du Bûcheron, à Grandes-Piles. Une vingtaine de bâtiments y retracent l'époque de la drave et la vie de ces hommes qui, chaussés de souliers à crampons, faisaient rouler le bois flotté. Ils ne savaient même pas nager ! Le parc thématique de la Cité de l'énergie, à Shawinigan, raconte l'histoire du développement de cette ville industrielle tandis que l'église Notre-Dame-de-la-Présentation expose les oeuvres du plus grand peintre religieux canadien, Ozias Leduc. La cyclo-randonnée aura lieu dimanche. L'embarquement des vélos se fera au stationnement de l'aréna Jacques-Plante de Shawinigan dès 6h, et le départ pour Saint-Roch-de-Mékinac, à 7h. Les cyclistes partiront du pont Matawin à 8h30 pour le peloton de 72 km et à 9h pour le peloton de 82 km. On peut s'inscrire sur place, mais il faut confirmer sa présence au plus tard demain avant 16h en téléphonant au (819) 247-1414. - Renseignements généraux: www.cyclomauricie.com ; www.classique.icotech.ca. - Auberge Le Montagnard, www.aubergelemontagnard.ca. - Auberge du Domaine de la Baie, www.domainedelabaie.com. Publié dans le Devoir du 1er septembre 2006

















