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  • Taiwan - Entrée en douceur dans le monde chinois

    Lorsque Tchang Kaï-chek prend le contrôle de Taiwan en 1949, l'île porte le nom de Formose, du mot formosa qui signifie «magnifique». Telle est l'appellation donnée au XVIe siècle par des navigateurs portugais éblouis par cette montagne verte qui surgit de la mer. Bien que les sites naturels soient restés intacts depuis, l'île, mieux connue pour son industrie bas de gamme made in Taiwan que pour sa montagne, ses plages, sa jungle, ses bains thermaux, ses plantations de thé, ses 16 000 temples, ne fait pas partie des destinations touristiques des Occidentaux. Pourtant, jolie et accueillante, à la fois ancienne et moderne, l'île de Taiwan se révèle une porte d'entrée en douceur dans le monde chinois. Taipei — Je n'aurais peut-être jamais envisagé de passer trois semaines à Taiwan si ma fille de 24 ans, qui enseigne l'anglais dans une école de Shanghaï, ne m'en avait pas fait la proposition en août dernier, alors qu'elle faisait une virée en Asie durant ses vacances d'été. Avec ma fille à Taiwan! Pourquoi pas? Après tout, il faut savoir sauter sur les occasions quand elles passent. Nous convenons de nous rencontrer deux semaines plus tard à Taipei, et de là, nous organiserons ensemble notre périple autour de l'île. Je n'avais pas voyagé sac au dos, en auberge de jeunesse, en bus et en train, depuis des lunes, mais l'idée me plaît. «N'apporte pas trop de bagages, dit Stéphanie, on trouve tout là-bas. Et tu verras, les marchés de nuit sont fabuleux.» Grâce à son expérience acquise en Chine depuis six mois, j'ai vite appris à me sentir à l'aise sur cette île conviviale. À Taiwan, il suffit de sortir une carte touristique pour recevoir de l'aide. Les Taiwanais sont sensibles au fait que l'on visite leur pays. «C'est du bonbon par rapport à la Chine, explique Séphanie. Ici, les gens sont détendus, souriants, curieux et extrêmement accueillants. Sans compter que les prix sont fixes et les vendeurs, peu agaçants.» Dans l'avion, entre Vancouver et Taipei, mes voisins, un couple âgé qui habite Kaohshung, dans le sud de l'île, me souhaitent la bienvenue et me remercient de venir visiter Taiwan. Je réalise qu'il y a peu d'Occidentaux qui se rendent en République de Chine pour le simple plaisir de découvrir cette île d'une longueur de 394 kilomètres et d'une largeur maximale de 144 kilomètres, traversée du nord au sud par une imposante chaîne de montagnes de 270 kilomètres de long et de quelque 200 sommets atteignant plus de 3000 mètres. Le plus haut de la Cordillière centrale, la montagne Yushan, culmine à 3952 mètres. Taiwan se trouve à environ 130 kilomètres du continent chinois. «Si trouver son chemin dans Taipei est plus facile aujourd'hui qu'il y a dix ans», lit-on dans le guide Lonely Planet, il n'en demeure pas moins ardu de repérer la petite auberge paumée dans le chaos d'une capitale asiatique de trois millions d'habitants. Oui, la signalisation routière est en chinois et en anglais, mais les gens ne parlent pas toujours la langue de Skakespeare. Il est donc conseillé d'avoir l'adresse de son hôtel écrite en caractères chinois, que l'on aura trouvée sur Google Map, de façon à pouvoir montrer le bout de papier au chauffeur de taxi en arrivant à l'aéroport. Pour ces derniers, déchiffrer l'anglais, c'est du chinois! Un voyage à Taiwan commence presque toujours par sa capitale. Et une semaine, ce n'est pas trop pour visiter Taipei, quartier par quartier. L'imposant mémorial à la gloire de Tchang Kaï-chek, devenu en 2007 le Mémorial national de la démocratie de Taiwan, dans le quartier de Zhongzheng: son exposition pemanente retrace la vie et les réalisations du premier président de la République de Chine; le temple de Longshan, l'allée des serpents ou des herbes médicinales, dans le quartier de Wanhua, le plus vieux secteur de Taipei; la tour Taipei 101 et le mémorial du docteur Su Yat Sen, considéré par les Taiwanais comme le fondateur de la Chine moderne dans le quartier de Xinyi, centre névralgique des affaires à Taipei. Ou encore le Musée national du Palais, dans le quartier de Shihlin, qui abrite une collection remarquable d'objets de la Cité interdite de Pékin, accumulés au fil des siècles par les empereurs chinois. C'est Tchang Kaï-chek qui, au moment de la révolution chinoise, décide de faire venir quelque 650 000 pièces rares. Des oeuvres parfois d'une frappante modernité qui privilégient des lignes épurées, comme ce bol à thé de l'époque Song et Yuan (960-1368) en céramique noire, dont la grâce naturelle révèle le raffinement de la vie quotidienne de certaines dynasties. Taipei ne dort jamais. Vraiment jamais! Il y a foule dans les rues, le jour comme la nuit. Impossible de s'ennuyer, de déprimer ou de crever de faim dans cette ville aux larges avenues envahies de néons multicolores, de panneaux-réclame gigantesques, de restaurants, de bars branchés, de boutiques de vêtements et de marchés nocturnes. Ces derniers sont nombreux, sont partout et sont parfois impressionnants par leur grandeur, comme celui de Shihlin, qui abrite dans son immense bâtiment à étages au moins 380 boutiques d'alimentation. Spectaculaire! Une sorte de kermesse continue ou de fête gastronomique, que l'on retrouvera dans toutes les villes de l'île. Le métro de Taipei est une pure merveille. Il semble avoir été fait pour assurer un maximum de confort aux voyageurs. Les stations, spacieuses et lumineuses, disposent presque toutes d'arcades commerciales, de toilettes d'une propreté méticuleuse et d'espaces pour changer bébé. Certaines stations accueillent des kiosques d'information touristique, des oeuvres d'art, de belles plantes. Les informations sont affichées et diffusées en chinois et en anglais. Ses sept lignes permettent d'accéder aux différents quartiers de Taipei et à sa proche banlieue. Un thé à Taiwan L'omniprésence des montagnes frappe à Taiwan et Taipei n'échappe pas à la règle. En conséquence, dans un rayon de 60 minutes du brouhaha de la capitale en transport en commun, un tas d'attraits touristiques permettent de s'évader en nature et de vivre des expériences étonnantes sur les flancs de la fameuse Cordillière centrale. Comme par exemple la visite des plantations de thé de Mujha, dans la vallée de Maokong, au sud-est de Taipei. On accède aux différentes terrasses par un téléphérique qui parcourt quatre kilomètres en une quarantaine de minutes, le temps de jouir d'une vue saisissante sur les collines couvertes de thé, sur un temple taoïste et sur la capitale. Des chemins de randonnée traversent les plantations parsemées de maisons de thé traditionnelles. Taiwan produisait déjà du thé à la fin du XVIIe siècle, mais depuis la prise du pouvoir, en Chine continentale, par les communistes en 1949, les Taiwanais en ont diversifié et augmenté la production. Très fertile, l'île présente des conditions de culture idéales. Le Musée du thé dans le village de Pinglin, à une heure en bus au sud-est de Taipei, nous enseigne toute l'histoire de la théiculture en Chine. Les plantations de thé qui s'étendent autour de Pinglin fournissent un thé particulier, le paochong, d'un goût plus léger que son cousin, le oolong, au fumet plus fort. C'est avec l'aide précieuse d'une joyeuse bande de jeunes Taiwanais de l'agence de voyages Lion Travel, située à la gare de train (Taipei Main Station), que nous organisons notre périple des deux prochaines semaines sur l'île. «Welcome and thank you for visiting Taiwan», disent-ils en choeur. Avec leur soutien, nous choisissons et réservons tous les hébergements. Reste à coordonner le tout avec les horaires de train, de bus et de traversier. Pour faciliter la tâche du préposé à la billetterie, plus habitué à servir des Chinois et des Japonais que des Occidentaux, une employée du Visitor Information Center de la gare inscrit sur papier, en chinois, tous les horaires des moyens de transport pour les deux prochaines semaines. Le préposé sourit, il a tout compris! Après Taipei, nous voilà en route pour Chiayi, dans le centre-ouest de Taiwan. Le réseau ferré de l'île est étendu, efficace et bon marché. Ce premier tronçon de trois heures et demie en train rend compte de l'agriculture: rizières, champs de canne, melons, arachides, mangues, ananas, bananes et maïs. Chiayi abrite quelques temples, dont celui de Chenghuang, remarquable pour ses sculptures de démons, de mauvais génies et de dragons. La petite ville est le point de départ d'excursions dans le parc national d'Alishan. Pour se rendre en montagne, il faut emprunter le train, tant pour les paysages que pour la prouesse technique qu'a représentée sa construction. L'ascension de 72 kilomètres commence à 30 mètres au-dessus du niveau de la mer pour atteindre 2274 mètres en trois heures et demie. À 20 kilomètres à l'est de la ville d'Alishan, les promeneurs ont accès à des sentiers pédestres, dont le plus populaire, qui mène au sommet de la montagne de Jade, à 3952 mètres. De Chiayi, deux heures de train suffisent pour atteindre Kaohsiung, deuxième ville de Taiwan et plus grand port de l'île. Nous apprenons, lors de la visite du temple de Tianhou, sur la petite île de Cijin, face à la ville moderne, que Taiwan célèbre ses fantômes. Selon la tradition chinoise, le septième mois du calendrier lunaire, le mois d'août, donc, marque l'ouverture de la fête. Durant cette période, les esprits des morts retenus en enfer sont relâchés sur Terre. Pour honorer leur présence et nourrir les morts, on empile un tas de nourriture et de boissons diverses sur une table, on brûle de l'encens et de la fausse monnaie pour leur permettre d'acheter ce dont ils ont besoin dans l'au-delà. Les Taiwanais, bien que modernes, sont très attachés à leurs coutumes. Puis, escale dans le magnifique parc national de Kenting, à l'extrémité sud de l'île, avant de remonter la spectaculaire côte est via l'île Verte et ses fameuses sources chaudes de Jhaorih. Selon le Guide de voyage Taiwan de la National Geographic, il n'y a que deux autres lieux au monde qui possèdent des sources ayant la particularité d'être alimentées par de l'eau de mer. À ne pas manquer aussi, sur l'île Verte, la visite de la prison où des milliers de prisonniers politiques ont été détenus alors que Taiwan vivait sous la loi martiale. Et à ne pas oublier dans sa valise... son certificat de plongée. On retrouve là-bas plus de 176 variétés de coraux. En vrac - Le nouveau dollar taiwanais est l'unité monétaire. Le taux de change tourne autour de 28 TND pour 1 $CAN. Un repas composé de deux plats copieux pris dans un bouis bouis coûte environ 120 TND. Les billets de métro coûent entre 20 et 60 TND, selon la distance. - Taiwan se visite à l'année mais le moment le plus plaisant se situe entre août et novembre, alors que l'humidité est moindre, que le soleil brille et qu'il ne pleut que rarement. - Renseignements: www.taiwantourisme.com. - À lire pour préparer son voyage: le Lonely Planet sur Taiwan (très précis et bons conseils) et le Guide de voyage Taiwan, de National Geographic, qui offre de belles illustrations. - À ne pas manquer avant de quitter Taiwan: la visite des gorges de Taroko. Comme l'indique la National Geographic, même les plus blasés ont les yeux écarquillés à la vue de ces gorges spectaculaires: canyons de marbre, torrents, falaises, temple perché à flanc de montagne, source chaude... l'endroit est simplement magnifique. La route transinsulaire centrale qui traverse le parc national est un miracle de génie civil. - La population de Taiwan est estimée à près de 23 millions de personnes rassemblées sur une surface de 36 300 kilomètres carrés... l'une des plus fortes densités de population au monde. Elle est composée de 98 % de Chinois Han et de 2 % d'Aborigènes. - Taiwan se trouve dans l'océan Pacifique, ayant pour voisins immédiats la Corée et le Japon, au nord, ainsi que Hong Kong et les Philippines, au sud. - L'île Verte se trouve à 33 kilomètres de la côte orientale. Des traversiers assurent le lien entre la ville de Taitung et la petit île. On compte sur les doigts de la main le nombre de voitures qui y circulent sur la seule route longue, de 17 kilomètres, qui ceinture l'île. Les visiteurs doivent louer scooter ou voiture électrique pour s'y déplacer.. L'île est à l'origine d'un règlement des Aborigènes du groupe Amis, qui forme le plus grand des 14 groupes aborigènes reconnus par la République de Chine.

  • Montérégie - Coup de main pour un pied de nez à l'hiver

    À Saint-Joseph-du-Lac se trouve un verger qui tombe dans les pommes, même au mois de janvier. L'idée? Récolter dans l'arbre les fruits gelés qui serviront à la fabrication du cidre de glace. Pour un second et dernier week-end, la famille Lafrance invite le public à cueillir les pommes gelées au goût de caramel et à percer quelques secrets de la confection de son cidre. À pied, à ski de fond, en raquettes, au choix! Saint-Joseph-du-Lac — Dehors, le mercure indique -12 °C. On ne pouvait espérer plus belles conditions climatiques: soleil resplendissant, ciel turquoise, neige en abondance, température parfaite. Car la récolte de pommes gelées destinées à fabriquer le cidre de glace Domaine Lafrance, Cuvée spéciale, ne peut se faire que si le thermomètre oscille entre -5 et -12 °C. On cueille mais on croque aussi dans les pommes glacées, rabougries et brunes qui goûtent la pomme caramélisée selon les uns et le sorbet aux pommes pour les autres. «C'est la température qui décide si la cueillette collective de pommes gelées aura lieu ou non», explique Éric Lafrance, propriétaire des Vergers Lafrance. Comme les autres producteurs de cidre de glace du Québec, le cidriculteur de Saint-Joseph-du-Lac vit la hantise du temps doux. «C'est pour mettre toutes les chances de notre côté que nous avons choisi les week-ends des 10-11 et 17-18 janvier pour inviter le public à notre fête hivernale.» Éric est tombé dans les pommes à la naissance, comme Obélix dans la marmite, assimilant d'abord le métier de pomiculteur de son arrière-grand-père Wilfrid, de son grand-père Georges-Étienne, puis de son père Yves. «Je suis de la quatrième génération de pomiculteurs de la famille Lafrance à posséder et exploiter le même verger qui, au fil des ans, a pris de l'expansion.» Aujourd'hui, le domaine — l'un des plus imposants de la région —, s'étend sur 30 hectares, compte 12 000 pommiers et 17 variétés de ce fruit. Éric est toutefois le premier de la lignée à pratiquer l'agrotourisme et la commercialisation de la pomme sous toutes ses formes, du sol à l'assiette. Un défi qu'il relève avec son épouse Julie depuis le début des années 1990, avec un souci constant d'innovation et de perfection. «Jusqu'à ce moment-là, toutes nos pommes étaient vendues à l'entreprise Steinberg, démantelée en 1992. Pour assurer la continuation, j'ai alors compris l'importance d'une diversification des produits et d'une bonne mise en marché.» Passionné par son métier, le jeune homme se lance dans la fabrication de jus de pommes de qualité. Après quelques années de pratique à concocter des nectars de pommes et de belles rencontres avec une clientèle raffinée et curieuse, le couple décide de se lancer dans la production de cidre. En 1999 débute la grande aventure. En 2001, les premiers cidres sont commercialisés. Depuis, le couple collectionne les variétés de cidre... et les médailles. En 2008, les cidres de glace Domaine Lafrance, Cuvée spéciale et Bouquet sur Glace ont remporté quatre médailles d'or lors de concours de calibre international comme la Coupe des Nations Canada, les Vinalies internationales de Paris, la Finger Lakes International Wine Competition à New York, les Sélections mondiales des Vins Canada. L'appellation Domaine Lafrance a aussi décroché la médaille Grand Or au Mondial des cidres de glace du Québec 2008. On retrouve également le fameux cidre de glace dans plus de 96 Monoprix en France, et les Japonais en raffollent. «Environ 60 pommes, ou près de 12 kilos, sont nécessaires pour produire une bouteille de cidre de glace de 375 ml Domaine Lafrance, Cuvée spéciale», explique Éric. À la différence des autres cidres de glace constitués d'un assemblage de pommes cueillies en automne, après les premiers gels, et conservées au froid jusqu'au moment de la presse, la Cuvée spéciale est composée à 100 % d'un assemblage de pommes gelées et cueillies sur l'arbre en janvier. Si le temps très froid est un préalable au succès de la fabrication de la fameuse Cuvée spéciale de cidre de glace, la variété de pommes a aussi un grand rôle à jouer. Seules quelques-unes parviennent à rester solidement accrochées à l'arbre jusqu'en janvier, contre vents et tempêtes, comme la Golden Russet, la Cortland, la McIntosh, l'Empire et la Spartan. «En gelant de façon naturelle dans l'arbre, la pomme subit une sorte de cuisson qui lui donne ce goût de caramel. En partie déshydratée par le froid, le sucre s'y concentre. Les pommes cueillies séjournent au froid, dehors, jusqu'au moment de la presse. En fait, elles sont rentrées une ou deux heures avant cette étape pour ne pas endommager le pressoir. Une fois extrait, le jus fermente dans des cuves de six à huit mois avant de devenir cidre de glace.» L'objectif des Lafrance: cueillir un million de pommes gelées qui serviront à fabriquer environ 15 000 bouteilles de cidre. La cueillette collective donne un bon coup de pouce aux propriétaires, tout en permettant aux visiteurs d'apprécier le processus d'élaboration du cidre de glace. Éric et Julie produisent environ 120 000 bouteilles de cidre de glace par année. Au-delà de la cueillette des pommes gelées, de la rencontre avec la mascotte Pépin La Pom, des balades en tracteur et de la visite de la cidrerie, les Lafrance ont aménagé pour l'occasion une piste de ski de fond de deux kilomètres, un sentier pour la raquette et une glissade. On peut aussi se procurer, à la Boutique du domaine, tous les cidres de la maison, des produits cuisinés sur place, des beignets, des tartes, de la gelée, du jus de pomme, du vinaigre de cidre...

  • Martinique - L'Île aux Fleurs - derrière les cocotiers

    Mer, palmiers, cocotiers... Les images de carte postale demeurent en Martinique. Et avec raison! Comme promis, l'eau turquoise est là avec sa barrière de corail, ses poissons multicolores, ses plages de sable blanc, ses belles fleurs. L'île aux Fleurs. Y aller et faire fi de la mer n'aurait pas de sens. Sauf qu'à toujours associer Martinique et plages, on en vient à oublier que ce département français des Petites Antilles est aussi un pays de l'intérieur avec une histoire, une culture, une agriculture, des montagnes, une forêt, un peuple... Un peuple fier, qui aimerait qu'on aborde son île autrement que comme une simple destination soleil. Fort de France — «Aimé Césaire disait souvent: "Nous sommes une petite île avec la soif d'un grand continent"», raconte Manuel Césaire, neveu du grand poète, écrivain martiniquais et directeur du Centre martiniquais d'action culturelle (CMAC), joint par téléphone la semaine dernière, en plein festival de jazz. «Vous savez, en Martinique, nous ne faisons pas que dans le "doudouisme" [mer, plage, boutiques de pacotille...]; il y a ici un foisonnement d'activités culturelles et patrimoniales», dit-il, avant de dérouler la longue liste de musiciens du monde qui participaient il y a dix jours au Martinique Jazz Festival. Des noms tels que les Martiniquais Chyko Jéhelmann, Yaléva, Bibi Louison, Charly Trio; les Cubains Bellita y Jazztumbata et Gonzalo Rubalcaba; les Américains Marcus Miller, Dave Samuels & the Carribean Jazz Project et la chanteuse jazz et gospel La Velle; puis Mokhtar Samba, Ibrahim Maalouf, Craig Adams... «Les Martiniquais adorent la musique. Toutes les musiques!» Bélé, mazurka, valse, biguine, zouk, jazz... Riche de multiples influences, l'univers musical antillais est inépuisable. Surprenant? Non, pas dans une contrée où toutes les cultures du monde, à un moment ou à un autre de l'histoire, y ont déposé semences, paysages et rythmes. D'abord les Arawaks, puis les Caraïbes, les Européens, les Africains, les Indiens, les Chinois... C'est connu, les grands hôtels ont leurs spectacles et leur animation. Mais l'un n'empêche pas l'autre! Et l'autre, c'est souvent derrière les cocotiers qu'on le retrouve. Il faut oser. Oser franchir la porte d'une case créole qui vibre au son du tambour, d'un boui-boui au toit de tôle, d'un bistro de quartier. On vous regardera, c'est normal. De la pure curiosité. On se comporterait de la même manière. On n'a tout simplement pas l'habitude de voir un touriste hors des sentiers battus. À Fort-de-France, dans le quartier de Terres-Sainville (jadis appelé le quartier des Misérables), angle de la rue Voltaire et du Vieux Chemin, le Nectar est une bonne adresse. Les vendredis soir, les habitués de ce petit restaurant, des amis d'enfance musiciens dans l'âme, se réunissent en toute simplicité pour un «boeuf musical» (pot-pourri de musique) dans une ambiance martiniquaise d'antan. On en perd le souffle tant leur musique prend aux tripes. Au marché de Sainte-Anne, les haut-parleurs diffusent Les Anges dans nos campagnes... sur un rythme antillais. On a tout de suite envie de se déhancher. «Doudou, viens goûter à mon Schrubb», lance une vendeuse vêtue d'une robe en madras. Cette liqueur à base de rhum et de pelures d'orange fait partie des traditions de Noêl. Une bonne façon d'utiliser les mandarines et les oranges, abondantes sur l'île à cette époque de l'année. Bien que l'on soit début décembre, les Martiniquais fêtent Noël depuis le lendemain de la Toussaint. Jusqu'au 24 décembre, ils se réuniront les week-ends, en famille ou entre amis, pour chanter Nwel. Dormir chez l'habitant permet d'entrer rapidement dans le vif du sujet. On y découvre tout de suite les modes de vie, l'accueil, les traditions. On y vit les fêtes patronales, les bals de campagne, les festivals et les états d'âme. On nous présente des circuits thématiques, des suggestions de randonnée pédestre, et il se peut même qu'on nous initie au balari chen. «L'expression créole signifie "errer au gré du vent et des fantaisies"», explique Léon Tisgra, propriétaire du gîte agrotouristique le Hameau du Morne des Cadets, situé à Fonds Saint-Denis, dans le nord de la Martinique. Il s'agit d'une virée à saveur antillaise qui commence en début de soirée par une visite chez les amis pour le ti-punch et les accras, se poursuit au restaurant puis par une visite by night des différents quartiers de Fort-de-France, un zouk chez un cousin, un chanté Nwel chez une cousine ou une soirée carnaval chez le voisin, une grillade et un bain de mer au ti-matin ou une traditionnelle pêche à la senne, au lever du soleil. Après le dimanche de l'Épiphanie, place au carnaval, la plus délirante des fêtes populaires. «La meilleure façon pour un touriste d'aborder la chose, assure Lylyane Razin, artiste peintre martiniquaise, c'est dans la rue, derrière un char ou dans un groupe. Ça, c'est vraiment le carnaval. Tu suis la cadence, tu danses, tu t'habilles avec ce que tu as, et si tu n'as rien, il y a plein de marchandes qui proposent de petits accessoires marrants et pas chers. Quand tu en as marre, tu t'arrêtes, tu regardes et, quand tu le ressens, tu repars avec un autre groupe.» Au dire de plusieurs, la parade du Sud, le lundi, vaut vraiment le déplacement; le mardi est le plus beau jour car tous les groupes descendent à Fort-de-France, défilent, chantent et dansent habillés de vêtements multicolores; le mercredi est le jour le plus triste. Vêtu de noir et de blanc, on porte le deuil. Celui de Vaval, le roi du carnaval, brûlé à la tombée de la nuit sur le front de mer à Fort-de-France. Le carnaval se termine à minuit et gare à celui qui chante une chanson grivoise après cette heure, car la période du carême vient de commencer. Et ça, c'est du sérieux! Pendant 40 jours, les Martiniquais mettront le holà aux fêtes et à la danse. «Nous sommes une petite île avec la soif d'un grand continent.» La Martinique mesure 70 kilomètres dans sa partie la plus longue et quelque 30 kilomètres dans sa partie la plus large. Y vivent environ 400 000 personnes. Pas un point de l'île n'est éloigné de plus de 12 kilomètres de la mer. Le site le plus élevé se trouve à 1397 mètres d'altitude, au sommet de la montagne Pelée. Si Aimé Césaire, chantre de la «négritude», a cherché à revaloriser l'homme noir et la culture africaine, Édouard Glissant fut le chef de file de «l'antillanité». «L'Antillais doit retourner au lieu vrai et se recentrer sur sa propre culture.» Ses réflexions ont inspiré toute une génération de jeunes écrivains antillais autour du concept de «créolisation», dont Patrick Chamoiseau, Ernest Pépin et Raphaêl Confiant, les auteurs du manifeste Éloge de la créolité. «Une petite île avec la soif d'un grand continent.» Une littérature riche, une musique riche, une architecture remarquable et des arts plastiques qui connaissent depuis quelques années un boom étonnant. Toute une génération d'artistes plasticiens anime le paysage de la création, comme Alain Dumbardon, Victor Anicet, Hector Charpentier, Habdaphaï... Attiré par les masques, les totems et les symboles, ce dernier travaille à créer un langage de traces et de signes pour raconter son vécu martiniquais. On peut voir ses oeuvres au Marin, à la galerie Ôdis7, au Cho'rum atelier expo et à la galerie Habdaphai, ainsi qu'à la Maison Galerie, aux Anses d'Arlet. Une histoire palpitante aussi. Celle des Arawaks chassés par les Caraïbes, du père Labat qui fit de l'habitation Saint-Jacques un haut lieu de l'histoire du sucre, de l'esclavage, de Joséphine de Beauharnais née aux Trois-Îlets, du séjour passionné de Gauguin, de l'explosion de la montagne Pelée qui, en 1902, a rayé de la carte Saint-Pierre et 30 000 de ses habitants. Mode d'emploi La voiture est le meilleur moyen de transport pour visiter la Martinique. Un très beau réseau routier sillonne l'île, avec des routes nationales à plusieurs voies, des départementales à une voie ainsi qu'une multitude d'étroits chemins de terre, parfois tortueux et pentus, qui traversent champs, forêt tropicale, mornes et montagnes. Il faut les prendre pour y découvrir des quartiers insoupçonnés, des moulins, des rhumeries, des plages charmantes. En Martinique, on trouve facilement un restaurant, une station d'essence, une épicerie, quelqu'un pour nous aider. On s'y sent chez soi, et dans la langue de Molière. Vous avez une crevaison: on vous aidera. Vous souhaitez manger une noix de coco: on grimpera dans un cocotier pour vous en offrir une. Tout est possible sur l'île aux Fleurs, pourvu qu'on respecte le rythme local. Pourquoi, alors, reproche-t-on si souvent à la Martinique son accueil particulier? «Parce que ici, la relation avec l'autre est beaucoup plus importante que les affaires», explique Patrick Chamoiseau, écrivain et gagnant du prix Goncourt 1992 pour son roman Texaco. «Les Martiniquais aiment rendre service mais sont moins habiles à en fournir. Il admet, toutefois, que les réactions affectives de son peuple prennent parfois le dessus sur la gentillesse professionnelle. Il n'en demeure pas moins qu'au pays du zouk, un sourire est un vrai sourire.» Derrière les cocotiers, il y a aussi la jungle et la montagne qui ne demandent qu'à rivaliser avec le bleu de la mer caraïbe et les plages de sable blanc. Une vingtaine de sentiers balisés conduisent vers des villages, une cascade, des jardins, une habitation. La balise rouge et blanche représente un itinéraire de plus de douze kilomètres, la bleue, entre trois et douze kilomètres et la jaune, entre un et trois kilomètres. Parmi les sentiers incontournables en forêt tropicale: Prêcheur-Grand Rivière. Comme le sentier de 17 kilomètres longe la mer des Caraïbes, le randonneur peut accéder par des pistes secondaires à de jolies criques sauvages à flanc de montagne. La baignade y est délicieuse. Pour le retour, on a recours au service de yoles offert par les pêcheurs. Sinon, une nuit chez tante Arlette donne l'occasion de vivre l'ambiance du village le plus septentrional de l'île: partie de dominos dans les épiceries-buvettes, départ des pêcheurs avant l'aube, appel de la corne de lambis à leur retour.

  • France - L'estuaire de la Gironde - De vigne, de pierre et d'homme

    Né au Bec d'Ambès de l'alliance de la Garonne et de la Dordogne, l'estuaire de la Gironde jette ses eaux dans l'Atlantique, entre Royan et Verdon-sur-Mer, près du phare de Cordouan. En bordure de la presqu'île, des routes semées de vignes, de villages anciens, de clochers romans, de grottes et de moulins se découvrent à petites doses. Médoc sur la rive droite, Blayais sur la rive gauche. Margaux, Pauillac, Saint-Estèphe... Autant de noms qui sonnent aux oreilles des épris de vin comme une volée de cloches les jours de fête. Mais la culture du vin ne s'adresse plus qu'aux virtuoses. Depuis quelque temps, bon nombre de châtelains bordelais ouvrent leurs portes et leurs caves. Le but: sensibiliser les touristes de façon ludique aux procédés de vinification en toute simplicité. Bordeaux — Les chiffres parlent pour le département de la Gironde: 120 000 hectares de vignes s'épanouissent sur 500 communes, 57 appellations d'origine contrôlée, 8000 châteaux et 13 000 viticulteurs, dans un rayon de 110 kilomètres d'ouest en est et de 130 kilomètres du nord au sud. Cinq routes des vins sillonnent le Bordelais: Saint-Émilion, l'Entre-deux-Mers, la région de Blaye et de Bourg, la région des Graves et celle de Médoc, qui possède les plus prestigieux des grands crus classés de Bordeaux ainsi que des crus bourgeois. De quoi faire tourner les têtes! «Il était temps, ici, qu'on démocratise l'univers du vin», croient certains vignerons qui, en transmettant leur savoir-faire, souhaitent redorer le blason de la viticulture bordelaise, victime de la concurrence des vins du Nouveau Monde et des nouvelles habitudes de consommation. C'est qu'on boit de moins en moins de vin en France, les jeunes lui préférant les cocktails colorés. Philippe Raoux, héritier de quatre générations de vignerons et propriétaire du château d'Arsac, a réagi à la crise de la filière viticole en créant à Arsac-en-Médoc, en 2007, la Winery. À l'instar des modèles anglo-saxons qu'il a découverts il y a 30 ans dans la Napa Valley, en Californie, le complexe d'oenotourisme revisite l'art de la dégustation et propose une approche accessible et personnalisée du monde du vin. Ici, pas de château ni de cave traditionnelle. La structure de verre et d'inox plantée dans un parc de 26 hectares représente une serre à l'envers, où l'homme est à l'intérieur et la nature à l'extérieur. Situé à 30 minutes de Bordeaux, le long de la route touristique qui mène aux vignobles, le bâtiment très design est étonnant dans la vitisphère française du Médoc, encore attachée à la conservation de ses codes. La démarche de Philippe Raoux s'inscrit dans la continuité du château d'Arsac, sa propriété viticole de 112 hectares en AOC Margaux et Haut-Médoc qui abrite une collection d'oeuvres signées Niki de Saint-Phalle, Bernard Pagès, Vincent Monthier... Philippe Raoux continue donc, à la Winery, de mettre «de l'art dans son vin» en s'engageant dans une démarche d'acquisition d'oeuvres sculpturales. Pour témoigner de la fantaisie des lieux, L'Arbre du soleil, une immense sculpture de 15 mètres en acier rouge, créée par l'artiste japonais Susumu Shingu en hommage aux éléments naturels du Médoc, balise le chemin d'accès au resort. Assise à l'une des longues tables blanches d'une salle ultramoderne et ensoleillée de la Winery, avec trois verres à vin vides disposés devant moi et un élégant crachoir pour dégustation à partager avec mon voisin, je m'apprête à découvrir de façon ludique mon «signe oenologique»: «Sensuel, esthète, explorateur, insoumis, éternel, musclé, tendance, gourmand?» «Vous n'êtes pas là pour juger mais pour trouver le sommelier qui sommeille en vous», explique Julien Bolo, l'homme qui orchestre la dégustation de six vins de caractère différent. «Le jeu consiste à apprendre à déguster le vin, à en explorer la complexité et la richesse aromatique, à en apprécier sa robe, à mettre des mots sur ses sensations. Sentez l'odeur du cerf, on l'entend quasiment bramer. Goûtez le boisé.» D'abord sentir, puis goûter. Zut, impossible de voir les étiquettes sur les bouteilles! De toute façon, elles ne garantissent pas l'assurance d'un bon vin. À l'aide d'un boîtier électronique, les participants donnent leur appréciation de chaque vin goûté. Les informations sont par la suite analysées grâce à un logiciel spécial «qui a nécessité deux ans de conception et de mise au point», explique Julien Bolo. Qu'on se révèle «gourmand», «éternel» ou «musclé», on repart avec un livre de cave personnalisé nous guidant vers les vins qui nous conviennent parmi les 1000 références proposées, en fonction de notre budget. Tout a été pensé, jusqu'à la quantité de vin servie lors de la dégustation, qui ne dépasse pas le quota permis par le code routier français. Car n'allez pas penser que l'on recrache la chose! Vin rond, gourmand, élégant, aux tanins onctueux; vin suave dont l'opulence séduit à toute heure; vin solide comme du roc; vin gorgé de soleil; vin boisé, floral, fruité, animal, minéral, épicé, balsamique, végétal; vin anguleux, bourru, loyal, généreux, troublé, capiteux, dentelle, cristallin. Que de beaux mots et... de bons vins! Quelques heures passées à la Winery suffisent pour enrichir son vocabulaire d'un grand nombre de vocables et de taxons oenologiques. Un séjour dans l'estuaire de la Gironde commence d'ordinaire par la visite de Bordeaux, porte d'entrée naturelle aux vignobles de la région. Au coeur de la ville, la Garonne, dont les berges ont servi pendant plusieurs siècles un port marin, est considérée par les Bordelais, déjà ou encore, comme l'appendice de l'océan. Impossible de se mirer dans l'eau tellement elle est brune. Depuis quatre ans, de grands travaux de nettoyage et de modernisation ont considérablement transformé le coeur de Bordeaux. La ville s'est littéralement métamorphosée. Un tramway, sans fil visible, relie maintenant les deux rives. Remodelée dans son ensemble, la place Pey-Berland est devenue piétonne, tout comme l'une des artères principales, le cours de l'Intendance, où l'on fait du lèche-vitrine en toute quiétude. Jusqu'aux pierres de la cathédrale Saint-André qui sont redevenues blanches après avoir été astiquées de bord en bord. Sur les quais, rive gauche, on a aménagé avec bonheur une promenade pour les piétons, les cyclistes et les adeptes de rollers. Restaurants et guinguettes bordent la promenade. Autres attraits des quais: le marché fermier du dimanche et le marché bio du jeudi, ainsi que le miroir d'eau, une surface de quelques centimètres où se reflètent bâtiments et fontaine des Trois-Grâces. Il n'est vraiment pas surprenant que la partie de la ville qui correspond à l'intérieur des boulevards jusqu'à la Garonne, y comprise, ait été classée l'année dernière au Patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO. Le maire de la ville, Alain Juppé, a vraiment le vent dans les voiles. C'est au restaurant La Tupina, à Bordeaux, qu'on rencontre le comédien bordelais Éric Sanson. Le cadre est parfait pour une mise en scène digne de l'artiste, amoureux du vin et des mots. Impossible de ne pas craquer pour l'élixir rouge ou blanc, sec ou liquoreux, et le gigot de 7 heures ail en chemise du chaleureux restaurant de Jean-Pierre Xiradakis, élu deuxième bistro du monde par l'International Herald Tribune. Éric Sanson est né dans une région de vignes, à Ambès, dans l'Entre-deux-Mers, assimilant sans retenue l'abécédaire de la fabrication du vin de son grand-père. L'artiste dira que l'amour du vin passe par le terroir. «Dès l'âge de quatre ans, mon grand-père me mettait dans la baste [panier dans lequel on verse le raisin avant qu'il ne soit introduit dans la cuve] en chêne pour fouler le raisin.» Du terroir, Éric Sanson en a donc avalé. Sa pièce Sanson dans le vin, présentée en période estivale à la Compagnie théâtrale du Mirail, à Bordeaux, témoigne de cette passion. Un détour obligatoire pour se mettre d'emblée dans l'ambiance des chais avant de prendre le chemin des vignobles. Après l'escale bordelaise, cap vers Saint-Yzans-de-Médoc, au château Loudenne, pour une nuitée chez «le châtelain» en bordure de l'estuaire. On y accède par la route D2 qui coiffe les bourgs de Margaux, de Pauillac, de Saint-Estèphe. Avant de prendre le chemin royal, on privilégie un détour à Arcachon, avec son fameux bassin, le temps d'embarquer sur une pinasse, direction Grand Piquey, pour une dégustation d'huîtres dans le petit village de la presqu'île de Lège-Cap Ferret. «C'est un rite de venir à la cabane même déguster quelques huîtres sur le pouce, explique Bruno Fabri, ostréiculteur à Grand Piquey. Vous remarquerez qu'elles sont très laiteuses parce que nous sommes en pleine saison de reproduction.» Les Fabri cueillent leurs huîtres autour de l'île aux Oiseaux deux heures avant la marée basse. «Sur l'ensemble de la France, on produit en moyenne 100 000 tonnes d'huîtres par an et l'ostréiculture fait vivre près de 300 000 personnes. Rien que sur le bassin d'Arcachon, selon la direction départementale de l'Agriculture et de la Forêt de la Gironde, cette culture concerne 380 entreprises travaillant sur 780 hectares de parcs ostréicoles. La production globale d'huîtres de taille marchande oscille entre 8000 et 10 000 tonnes par an», lit-on dans le magazine Arcachon. Un autre point fort de la région: la dune du Pyla, la plus haute d'Europe. La vue sur la mer ouverte est sublime et on devine que celle-ci offre des vagues d'enfer pour le surf. Longue de 2700 mètres, la montagne de sable, qui culmine entre 104 et 107 mètres, délimite au sud l'entrée du bassin d'Arcachon. En période estivale, les téméraires y font du ski, du deltaplane, du parapente. Puis on reprend la route vers Pauillac en suivant l'estuaire de la Gironde. Les paysages entre les deux rives sont totalement différents. Sur la gauche, de Macau à la Pointe-de-Grave, on retrouve une plaine alluviale où domine un paysage viticole. Sur la droite, de grandes falaises et des collines. Les vignes se font plus rares. Ah oui, mon profil oenologique! Eh bien, je suis «sensuel» ascendant «explorateur». J'aime les vins de fruits, faciles d'accès, souples, pas trop vieux. Mais loin de moi les tanins agressifs. Parmi les cépages, le Merlot se situerait en tête de classement. Tiens, tiens, un cépage bien bordelais. En vrac «On comprend mieux le vin quand on a participé à ses phases d'élaboration, après avoir vendangé, sélectionné les grappes de raisin sur une table de tri et assemblé différents cépages.» Tel est le message de Florence Lafragette, propriétaire du château Loudenne, qui en ouvre les portes aux visiteurs curieux. Pour une nuitée royale ou un plus long séjour, le très joli château est une bonne adresse. www.lafragette.com. Le bassin d'Arcachon est le domaine de l'huître depuis l'Antiquité. Une route thématique permet de découvrir ce patrimoine. On y apprend la différence entre la gravette sauvage de l'huître japonaise, comment les ostréiculteurs récoltent les naissains sur les tuiles creuses et chaulées avant de les transférer dans le bassin où ils resteront deux ou trois ans. www.bassin-arcachon.com. L'Hostellerie des Ducs, à Duras (www.hostellerieducs-duras.com), est une bonne adresse si vous planifiez de séjourner dans le bourg. La famille Blanchet a mis toute sa passion pour transformer un ancien couvent en un établissement de charme. On y mange bien. À quelques pas de l'hôtel, le château (www.chateau-de-duras.com) et la Maison des vins de Duras (www.cotesdeduras.com). Le vignoble des Côtes de Duras fut le premier à obtenir la mention AOC en 1937. Dans un décor rustique et charmant, un repas et une nuitée au Moulin de Cocussotte, à Saint-Pierre-sur-Dropt, ne laisse personne indifférent. Il s'agit d'un vieux moulin sur le Dropt transformé en chambres d'hôte labellisées «Destination Vignoble». www.cocussotte.com. Visite de la grotte de Pair-non-Pair à Prignac-et Mercamps, à 32 kilomètres au nord de Bordeaux. Si un chien a ouvert la voie de la grotte de Lascaux, à Pair-non-Pair, 60 ans plus tôt, c'est le sabot d'une vache qui s'est coincé dans un puits de jour. Classée monument historique en 1900, la fameuse grotte daterait de la période aurignacienne (entre 33 000 et 26 000 ans avant Jésus-Christ). La richesse des gravures sur les parois réside dans l'utilisation des accidents et reliefs de la grotte pour donner vie et volume aux animaux représentés: bouquetins, chevaux, bisons, ours. www.pair-non-pair.monuments-nationaux.fr. Visite de la Winery et animation «Signe oenologique»: www.lawinery.fr. En amont du phare de Cordouan, le plus vieux phare en activité, accessible en bac à marée basse seulement, quelques îles en pleine renaissance n'attendent que de présenter leurs atours. L'île de Patiras vaut la visite. Sur réservation, on peut s'offrir un repas gastronomique au refuge de Philippe Lacourt. Édifié sur 18 pilotis posés à 20 mètres de profondeur sur le lit de l'estuaire. Magnifique au coucher du soleil. www.gensdestuaire.fr. À voir à Couthures-sur-Garonne: la scénovision Gens de la Garonne. Le spectacle inédit témoigne de l'amour des riverains pour leur fleuve. Un must. www.gensdegaronne.com.

  • Belgique - Rouler sa bosse en région wallonne et bruxelloise

    Sur le chemin des «plus beaux villages de Wallonie» et au coeur de la région bruxelloise, enfourchez votre vélo et partez à la découverte de recoins de Belgique insoupçonnés. Une façon active d'explorer à fond un petit pays qui en a long à raconter. Mecque de la bande dessinée, de la dentelle, du chocolat, de la frite et de la bière, la Belgique ne se limite ni à sa capitale, ni à ses stations balnéaires sur la mer du Nord. Il y a bien plus. Vierves-sur-Viroin — Sous un ciel couvert, nous roulons bon train en direction de Matagne-la-Petite. C'est dimanche, il n'y a pas âme qui vive dans les champs. Les quelques rares voitures rencontrées sur la route nous contournent. Juste heureux, nous sommes emportés par le silence et la beauté de la campagne wallonne. Loin de nous l'idée d'une crevaison. À la vue du pneu arrière à plat, on se regarde d'un air hébété. Bien que l'aventure ne vienne pas avec une garantie, le moment est bien mal choisi! Au sein de notre groupe de six, aucun ne sait vraiment réparer une crevaison. Que fait-on maintenant? Nous avons une chambre à air de rechange, de la colle, une rustine, mais pas d'outils ni de savoir-faire. L'entreprise de location ne répond pas et nous n'avons aucune idée de la distance qui nous sépare du prochain village. Il nous a fallu marcher pendant 30 minutes pour atteindre Matagne-la-Petite. Tout ce qu'on sait de ce village, c'est qu'il est situé à deux kilomètres de Matagne-la-Grande, à cinq kilomètres de Villers-en-Fagne et à neuf kilomètres de Roly. Qu'en ce dimanche gris de mai, ses habitants semblent vivre au rythme des parties de couillon au café du coin et qu'aucun d'entre eux n'a l'intention d'interrompre sa partie de cartes pour venir en aide à des cyclistes québécois paumés en matière de pneu crevé. Par chance, il y a Marylène dans son jardin pour nous épauler. On ne pouvait mieux tomber, car Marylène est la mère de Paul, un garagiste. Coup de fil à son fils qui habite à côté, et en un tour de main, le pneu est réparé. Et Paul ne veut pas d'argent pour le service rendu. La Wallonie, qui autrefois vivait de ses mines, foisonne de gens fiers et drôles et de petits villages charmants qui se parent de leurs plus beaux atours pour accueillir le visiteur curieux. La Wallonie est l'une des trois régions constituant l'État fédéral belge. La région englobe les provinces du Hainaut, de Namur, de Liège, de Luxembourg et du Brabant. On y parle bien sûr le français ainsi que l'allemand, et parfois même le picard, le gaumais et le champenois. On reprend la route en direction de Fagnolles, Dourbes et Vierves-sur-Viroin. Descentes et montées s'y succèdent sans laisser trop de répits; quelques montées sont carrément pénibles. On les parcourt aux trois quarts à vélo, on les finit à pied. Comm pour les montées interminables sur la route 55, en bordure du Saint-Maurice, entre La Tuque et Shawinigan, il faut un bon vélo! Et dire qu'on pensait rouler en terrain plat! La province de Namur n'a rien à voir avec la chanson de Jacques Brel, Le Plat Pays, qui parle «de cathédrales pour uniques montagnes et de noirs clochers comme mâts de Cocagne». Va pour la côte flamande et Bruxelles-capitale, mais pas pour la Wallonie. Et il paraît que plus on descend vers les Ardennes, pire c'est! Surtout du côté du Parc naturel des Hautes-Fagnes, sur les flancs du Signal de Botrange, point culminant du pays à 694 mètres, où les montées sont de redoutables mises en jambes. Vierves-sur Viroin n'échappe pas à la règle du relief accidenté. L'un des 22 «plus beaux villages de Wallonie» — label fondé en 1994 qui reconnaît le patrimoine, le caractère unique et l'authenticité d'un village wallon — niche dans le Parc naturel Viroin-Hermeton, à flanc de coteau. C'est Marcel Gillard, guide-nature, qui nous initie aux rues et ruelles escarpées du hameau datant du XIXe siècle, avec ses quelques maisons dont la plus ancienne remonte au XVIIe siècle. «L'ancien presbytère abrite le Centre Marie-Victorin, un centre d'étude, de recherche et d'éducation pour la conservation de la nature dédié à votre savant botaniste québécois, explique fièrement Marcel Gillard. Lors d'un voyage à Montréal, en 1954, le fondateur du centre et président actuel, Léon Woué, s'est inspiré de l'un des nombreux Cercles de jeunes naturalistes fondés par Marie-Victorin et Adrien Rivard depuis 1931, pour créer les Cercles des naturalistes de Belgique. On y organise des cours de guides-nature, des classes nature, des stages d'éducation à l'écologie et à la protection de l'environnement, des séminaires...» En Wallonie, le cycliste a l'embarras du choix, mais l'itinéraire de trois jours conçu par le programme L'Échappée Belle dans la région des Vallées des Eaux Vives, au sud-ouest de la province de Namur, constitue un incontournable. Le circuit, fignolé sur mesure, traverse trois des plus beaux villages de Wallonie: Fagnolle, Soulme et Vierves-sur-Viroin. Le parcours évite les axes routiers importants au profit de chemins de campagne. Un voyage qui passe par ses gîtes. On y découvre à quel point la Wallonie est riche de traditions. Bruxelles en selle À l'heure des soucis de circulation et autres tracas de mobilité reliés à l'environnement, le vélo est un moyen efficace d'explorer Bruxelles. Parmi les prestataires de services qui offrent des tours guidés, Pro Vélo propose plus d'une trentaine de circuits d'au moins trois heures: Bruxelles des Amoureux, Cafés et bande dessinée, Les francs-maçons à Bruxelles, Moambre et thé à la menthe, Bruxelles la nuit, Bruxelles insolite et secret, Bières et brasseries, Fontaines et sculptures... Le rassemblement pour le départ a lieu à la Maison des cyclistes, rue de Londres 15. La consigne de Cécile Dubois, notre guide, est claire: rouler deux par deux, pas trop près des voitures, se méfier des tramways et des rails, respecter les règles de sécurité. On enfourche nos hybrides et on ajuste la selle. Ici, pas nécessaire de porter un casque. «Les voitures ont moins tendance à nous coller si l'on n'en porte pas», assure Cécile Dubois. Pro Velo initie, organise, encadre et perfectionne. Le but ultime: accroître le nombre de cyclistes dans les rues et sensibiliser les automobilistes au respect des «plus faibles». Des cours sont disponibles dans les écoles pour les enfants âgés de six à douze ans, dans les parcs pour les débutants jeunes et moins jeunes et pour les femmes qui souhaitent profiter des avantages de la bicyclette comme outil d'émancipation et de liberté, entre autres les femmes de certaines communautés arabes qui souhaitent se déplacer à vélo en ville. Du parc de Bruxelles, l'itinéraire «Architecture (Art nouveau) et espaces verts» rejoint la commune de Schaerbeek, située à mi-chemin entre les centres internationaux de l'OTAN et de l'Union européenne, la maison Autrique, l'avenue Louis-Bertrand, les parcs Josaphat et du Cinquantenaire, le quartier des squares et le parc Léopold. Bien que l'on éprouve toujours du plaisir à revoir les monuments classiques qui font de Bruxelles la ville qu'elle est, loin de nous la Grand-Place, le Manneken Pis, les galeries Saint-Hubert, la cathédrale Saint-Michel. Ce qui ne nous empêche pas de déguster une kriek dans un estaminet typique, une frite mayonnaise dans un friktot ou une gaufre au chocolat. À proximité du complexe de l'Union européenne, le pouls du quartier de Matonge bat à un autre rythme. Il est le point de chute des migrants venus d'Afrique, en particulier du Congo. Le quartier se situe entre la chaussée du Wavre et les rues d'Édimbourg et de Dublin. Matonge doit son nom au quartier commerçant de Kinshasa, qui porte le même nom. Nous roulons au beau milieu de la chaussée, sûrement pour éviter de nous prendre une portière d'automobile dans le front. Notre guide fonce à toute allure dans le trafic; pas facile de la suivre. Mais pour le moment, les voitures ne s'en formalisent pas trop. De toute façon, elles devront patienter et faire attention. C'est ainsi à Bruxelles. Le cycliste doit s'imposer. À la sortie du très beau jardin d'Egmont, nous empruntons le passage Marguerite-Yourcenar. On peut y lire, gravées dans la pierre de France, 14 citations tirées de son roman L'Îuvre au noir, paru en 1968, qui lui a valu le prix Femina. L'écrivaine, poète, traductrice, essayiste et critique a vu le jour rue Louise, à Bruxelles, le 8 juin 1903. Rue des Quatre-Bras, parc du Petit-Sablon, place Royale... Puis on lunche au Pain Quotidien, rue de Tongres. Alain Courmont, chef dans un restaurant prestigieux de Bruxelles, n'arrivait pas à fournir à sa clientèle du pain de qualité. Il a donc décidé de le fabriquer lui-même. Sa recette est simple: de l'eau, de la farine, du sel. En 1990, il ouvre à Bruxelles le premier Pain Quotidien. En 1993, il y a 16 franchisés en Europe. Il faut attendre l'année suivante pour que le concept traverse l'océan et s'installe au coeur de la ville de New York. La table commune est le point central de ce restaurant au pain de farine biologique. Philippe Gérard, guide de vélooccasionnel, remplace Cécile qui doit nous quitter. Féru d'histoire, l'artiste plasticien a la jasette facile. Cet après-midi, dans sa commune de Saint-Gilles, se déroule un parcours d'artistes dont les oeuvres sont exposées dans plus de 300 maisons du quartier. Il faut préciser que la Belgique est championne, et ce, aux quatre coins du pays, en matière de circuits touristiques de tous genres. Philippe a prêté sa maison pour les besoins de la cause. «Il faut encourager les artistes», dit-il en enfourchant son vélo, direction parc du Cinquantenaire, puis Maison Autrique, premier hôtel construit par Victor Horta, architecte et novateur de l'Art nouveau. Terminus de ce circuit vélo de 15 kilomètres. En vrac Air France assure la liaison en avion jusqu'à Paris et en train à grande vitesse (TGV) de Paris à Bruxelles (90 minutes). La gare d'embarquement ferroviaire se situe à l'aéroport Charles-de-Gaulles. Aussi simple qu'un transfert en avion. www.airfrance.fr. La Maison des Cyclistes-Pro Velo Bruxelles: % 02.502.73.55, www.provelo.org. Un circuit en Union européenne (rue de la Loi et rond-point Schuman) permet de mieux comprendre le rôle des institutions européennes: le Berlaymont, la Résidence Palace, le Conseil de l'Union européenne (bâtiment Le Juste Lipse), la place Jean-Rey, le Comité des Régions, le Parlement européen, ou Caprice des Dieux, ainsi surnommé à cause de sa forme). Pour une nuit royale, le Château de Tromcourt, une ancienne ferme-château du XVIIe siècle, est un bon choix. La propriété de charme est située à Couvin, dans une région boisée. % 060.31.18.70, www.tromcourt.com. À Couvin, le restaurant Nulle Part Ailleurs est une bonne adresse. Toute la Wallonie y est présentée à table. L'escabèche a valu au chef Frédéric Corman un coq de cristal. % 060.34.52.84, www.nulle-part-ailleurs.be. Programme l'Échappée Belle: location de vélos, balade combinée à une ou plusieurs visites des plus beaux villages de Wallonie, dont Vierves-sur-Viroin. www.valleesdeseauxvives.be. Restaurant Le Petit Mesnil à Vierves-sur-Viroin: www.lepetitmesnil.be. Chambres d'hôte fort sympathiques à l'Aubergesves, à Gesves: www.aubergesves.be.

  • Centre-du-Québec - La canneberge, du sol à l'assiette

    La région des Bois-Francs est en fête. De Villeroy à Saint-Louis-de-Blandford via Baie-du-Febvre, la vallée du Saint-Laurent célèbre ses canneberges. Atoca, cranberry, airelle, canneberge: quatre appellations, un même produit. Le Québec s'est bel et bien réapproprié la petite baie rouge pourpre au goût aigrelet, cousine du bleut sauvage aux multiples vertus médicinales. Aujourd'hui marque le début du 14e Festival de la canneberge de Villeroy. Une occasion de découvrir une cannebergière. Saint-Louis-de-Blandford — Dans l'eau glacée jusqu'aux genoux, les cueilleurs de l'entreprise Canneberges Québec rassemblent les petites boules rouges de 10 à 20 mm de diamètre dans un boudin flottant, jusqu'à former un immense tapis rouge. L'estacade facilite le transport des fruits d'une extrémité à l'autre du bassin, vers des camions où ils sont pompés et transportés au lieu de tri et de nettoyage. Dans le bassin d'à côté, on aperçoit une batteuse. Elle agite l'eau, les fruits se décrochent des rameaux et flottent puisqu'ils sont remplis d'air. À leur tour, demain, ils seront rassemblés, nettoyés, triés et transportés vers l'usine de transformation. Et ainsi va la vie dans les cannebergières en temps de récolte de la canneberge, du début octobre au début novembre. Mais ne se présente pas chez le producteur d'atocas qui veut! Il faut y être invité. L'occasion est donc très bonne ce week-end de profiter du Festival de la canneberge de Villeroy pour percer le secret de la baie rouge pourpre: travail au champ, récolte, transformation de la canneberge en jus, fruits séchées, poudre pour cosmétiques, médicaments. Il y a 20 ans, la quasi-totalité des canneberges du Québec étaient exportées aux États-Unis puis transformées en jus, fruits séchés, gelées... Qui ne connaît pas la marque Ocean Spray? «Mais les choses ont changé depuis les années 1990, les producteurs d'atocas du Québec ont profité de l'économie frileuse du moment et d'un élan de créativité, explique Simon Bonin, agronome à Fruit d'Or. Depuis, on a assisté au Québec à l'ouverture de trois usines de transformation de la canneberge, dont Fruit d'Or, située à Notre-Dame-de-Lourdes. De loin le plus important transformateur de produits d'atocas biologiques en Amérique du Nord, Fruit d'Or, dont le chiffre d'affaires tourne autour de 40 millions, offre aussi des produits certifiés biologiques par l'organisme Écocert, kasher par le Conseil de la communauté juive de Montréal, en plus de Japanese Accreditation System (JAS) qui atteste que les produits exportés par l'entreprise sont non seulement biologiques mais issus de fermes biologiques. Si, durant le week-end de l'Action de grâce, le Centre d'interprétation de la canneberge, situé à Saint-Louis-de-Brandford, travaille de concert avec le festival de Villeroy, on y propose aussi aux visiteurs, jusqu'au 19 octobre, la tournée de leur chapiteau suivie d'une sortie guidée dans une cannebergière pour assister au grand spectacle de la récolte à l'eau. L'industrie de la canneberge est devenue la plus importante culture fruitière au Québec, devançant les bleuets et les pommes. Pour la présente saison, les producteurs, majoritairement du Centre-du-Québec, espèrent obtenir une récolte d'environ 34 millions de kilos. Si les vaches n'aiment pas trop brouter un sol marécageux et acide, la canneberge en raffole. Outre les visites guidées dans les champs de canneberges, le programme du festival prévoit la présence d'une vingtaine de producteurs agricoles de la région, une exposition d'oeuvres d'artistes du Centre-du-Québec, des cours de danse country, des spectacles, des concours de recettes à la canneberge, des activités pour les enfants, des matchs d'improvisation, une messe animée, un bingo et un souper gastronomique, sur réservation bien sûr. Regard sur les oies Alors que notre petit groupe s'affaire à observer dans le bassin de deux hectares (cinq acres) les cueilleurs de canneberges chaussés de grosses bottes isothermiques, on aperçoit, haut dans le ciel, une volée d'oies blanches des neiges. «Elles sont en retard cette année, explique Christian Hart, président de la Réserve de la biosphère du Lac-Saint-Pierre. Les premières arrivées sont des ados sur le party, on le voit par leur couleur beige.» Ce sont donc les oies qui n'ont pas couvé qui arrivent les premières au Québec, suivies des familles qui attendent les petits inexpérimentés. Et cette année, pour une raison ou une autre, elles tardent. Une explication possible: des températures plus clémentes dans le Grand Nord. Selon Christian Hart, c'est l'eau qui les pousse à migrer vers le sud. La glace ne les intéresse pas. Mais tout ça change rapidement. Qui sait, elle arriveront peut-être par milliers ce week-end au lac Saint-Pierre, lui préférant la verdure dont elles se nourrisent à celle de Montmagny ou du Cap Tourmente. Quoique la grande migratrice a plutôt l'habitude d'atterrir dans cette région du Centre-du-Québec au printemps. Mais rien n'empêche d'aller jeter un coup d'oeil du côté de la passerelle du Centre d'interprétation de Baie-du-Febvre, sur la rive sud du lac Saint-Pierre ou sur la passerelle de l'Anse-du-Port, à Nicolet. À défaut d'oies des neiges, il y a de superbes canards. Festival de la canneberge de Villeroy: www.festicanne.ca. Tourisme Centre-du-Québec: www.tourismecentreduquebec.com. Centre d'interprétation de Baie-du-Febvre: www.sarcel.com.

  • Estrie - Chanter la pomme au Gros Pierre

    Pomme écrabouillée, pomme débarbouillée, pomme pressée, tarte aux pommes, baluchon aux pommes, gelée de pommes et pomme tout court. Pourquoi ne pas profiter du week-end pour aller chanter la pomme au verger Le Gros Pierre, à Compton? Summered, Lobo, McIntosh, Cortland... on y cueille, mitonne, transforme, conditionne, explique la pomme, avec générosité, au nez et à la vue des visiteurs. Un verger pas tout à fait comme les autres ! La terrasse-crêperie du Gros Pierre domine le verger et ses 8000 pommiers chargés du fruit mythique. Au loin se dessine le profil du Mont-Orford, qui se découpe joliment sur le ciel bleu. Une odeur de pommes chaudes nous titiller les narines. Impossible de ne pas craquer pour la tarte aux pommes paysane, la crêpe pomme et chocolat ou la crêpe Gros Pierre fourrée au fromage. «Que retient-on le plus d'un voyage» , interroge Diane Goyette, copropriétaire du verger Le Gros Pierre, à Compton? «L'accueil et les rencontres», affirment celle qui dans une autre vie fut enseignante au cégep. «En voyage, il doit y avoir des rencontres, et c'est souvent autour d'un repas qu'elles se font. C'est donc ce que nous avons voulu créer ici, une ambiance conviviale.» Selon la pomicultrice, «si on néglige cet aspect en agrotourisme, on loupe tout.» Et bien ce n'est pas loupé au Verger Le Gros Pierre, où Diane Goyette, son associé, Gaétan Gilbert, et leur petite équipe se préoccupent de bien recevoir les gens, comme autrefois, et de communiquer de façon généreuse leur savoir-faire de pomiculteur. Si l'idée n'est pas nouvelle — la maison mère Ben & Jerry, au Vermont, dévoile ses secrets de cuisine aux visiteurs depuis des lunes déjà — elle n'en n'est pas moins avant-gardiste. Au Gros Pierre, on examine la pomme sous tous ses angles, du «sol à l'assiette», depuis son origine, il y a plusieurs millions d'années, jusqu'à sa métamorphose complète, sous forme de tartes, de baluchons, de gelée, de compote, de jus. Jusqu'à présent, le verger Le Gros Pierre est le seul centre d'interprétation de la pomme reconnu par le ministère du Tourisme du Québec. C'est en France, vers la fin des années 1970, que Diane Goyette et Louis Poulain ont appris le métier de pomiculteurs. «Ce n'est pas d'hier que l'on s'intéresse à la pomme, là-bas, explique Madame Goyette. Si nous avons été les premiers Québécois à planter en 1980 des pommiers nains, ils existaient déjà au pays de l'Hexagone sous Louis XIV.» Selon elle, la France et la Hollande se distinguent par leur technologique avancée en matière de culture de la pomme. Balade en tracteur, sentier d'interprétation, aires de jeux, cueillette, dégustations, rien n'est laissé au hasard dans ce verger des Cantons-de-l'Est. À l'instar de l'économusée, qui fait revivre les vieux métiers, Le Gros Pierre ouvre les portes de sa cuisine pour permettre l'observation du processus de transformation de la pomme, en tartes ou en baluchon (pomme entière caramélisée, farcie de raisins au rhum, enveloppée d'une pâte feuilletée). Beaucoup de pommes Au Gros Pierre, on pèle encore les pommes à la main, soit environ 180 kg par jour. À elle seule, l'épaisse tarte campagnarde nécessite 900 grammes de pommes en gros morceaux, et pour sa fabrication, qui est artisanale, on n'utilise aucun procédé chimique. Plus spectaculaire encore: la fabrication du jus de pommes avec une presse hydraulique manuelle au lieu d'un procédé industriel. Durant la fin de semaine, on engage des étudiants pour peler les pommes et tourner la manivelle du presse-jus artisanal, dont la capacité de production est de 1200 gallons par jour. Saviez-vous que c'est en 1617 que le premier pommier cultivé a fait le grand voyage vers l'Amérique ? Que Louis Hébert en planta les premiers arbres, près de Québec ? Et que la McIntosh est une pomme «détestable»? «Les gens n'aiment pas que l'on dise du mal de la McIntosh, qui représente la pomme "de référence" chez nous, raconte Diane Goyette. Mais pour la pomicultrice, cette pomme mi-sucrée, mi-acidulée, découverte en Ontario par John McIntosh en 1796, se comporte comme un adolescent. «C'est une variété difficile à travailler, un arbre qui ne veut pas s'arrêter de grandir. La pomme est croquante et juteuse lorsque cueillie à point, mais après deux semaines elle devient molle. En plus, elle contracte toutes les maladies. Par contre, la McIntosh est un bon parent et compte parmi ses petits la Spartan, la Cortland et l'Empire.» Club de production «Le verger n'est pas certifié biologique, mais "Production fruitière intégrée (PFI)", une attestation un cran sous le bio, explique Diane Goyette. Ici, on tolère les petites taches brunes sur le fruit. Les abonnés au PFI tiennent un cahier des charges et interviennent avec des pesticides moins résiduels. «Comme Le Gros Pierre fait aussi partie d'un club de production, un technicien passe régulièrement pour nous informer des nouveautés dans le domaine de la pomiculture.» Parmi les variétés de pommes croquantes, on trouve au Gros Pierre la Summered, la Lobo, la McIntosh, la Cortland, la Red Cort, la Spartan et la Honeycrisp. «Cette dernière, qui atteindra sa maturité autour du 20 septembre, est la pomme de demain, affirme la pomicultrice passionnée. Chair jaune, croustillante, au goût de miel... C'est un coup de coeur.» Si la tendance se maintient, ce week-end pourrait être celui de la Cortland, une variété qui parvient à maturité aux environs du 19 septembre. «Grosse, ferme, blanche, peu acide avec une chaire à gros grain, elle est bonne à cuire, donne des tartes et des compotes sublimes, et résiste au brunissement.» Le Gros Pierre, 6335, route Louis-S.-St-Laurent (route 147), Compton. Pour en savoir plus sur la pomme, la variété du jour et ses activités: % 1 819 835 - 5549 et www.grospierre.com

  • Montérégie - Ça brasse au festibière de Chambly

    C'est parti ce week-end pour une septième édition de La Fête bières & saveurs, sur le lieu historique national du Fort-Chambly. L'événement, d'inspiration Nouvelle-France, invite le public à une découverte de la bière et des produits du terroir québécois. Un moyen éducatif de réunir des foules de tout âge autour d'une même quête: le plaisir épicurien. Jongleurs, magiciens, musiciens, acrobates, échassiers, conteurs, cracheurs de feu, chefs, tous sont prêts à accueillir les festivaliers du Québec. La fête commence à 13h aujourd'hui et se poursuit jusqu'à lundi soir, à Chambly, alors que la Corporation récréotouristique du bassin de Chambly présente la Fête bières & saveurs. «On annonce du beau temps», assure Nicole Vincelette, directrice du festival, qui souhaite accueillir quelque 60 000 visiteurs. La Fête bières & saveurs, en association avec la Société des chefs, cuisiniers et pâtissiers du Québec, portera au pinacle, bien sûr, la bière, celle du Québec et d'ailleurs, mais aussi des vins et des cidres du pays et une fine gastronomie composée de produits du terroir québécois. «Cet événement n'est pas une foire, mais un lieu où le savoir-vivre incite au développement de la culture épicurienne, au réveil des sens et de tous les plaisirs organoleptiques», déclare le chef et copropriétaire du restaurant Fourquet Fourchette, François Pellerin, président d'honneur de la Fête bières & saveurs, qui juge l'événement sur le site du Fort-Chambly comme la plus belle fête champêtre du Montréal métropolitain. D'un stand à l'autre L'événement a donc lieu aux abords du bassin de Chambly, renommé pour son fort, ses écluses, son canal et sa bière brassée par Unibroue, partenaire de l'événement. Trois jours durant, les festivaliers pourront butiner d'un stand de produits de dégustation à l'autre, goûter aux bières artisanales et de microbrasserie, aux vins et aux cidres, aux produits du terroir et à de bons petits plats de restauration. On pourra également assister à une trentaine de conférences sur des thèmes tels «Bières et chocolat», «Pains biologiques», «Bières et fromage», «Bières et dessert», «Découverte du Québec gourmand», «Faites vivre votre barbecue», ainsi qu'à de nombreux spectacles présentés sur l'une ou l'autre des cinq scènes prévues pour l'occasion, happenings ouverts à tous et gratuits. Dieu du ciel À cela s'ajouteront des démonstrations culinaires en compagnie d'une trentaine de chefs, dont Yves Davignon, Jean-Paul Grappe et Bruno Gagné, et de petites confidences culinaires entre le président d'honneur, François Pellerin, et le porte-parole de la fête, Jeff Boudreault. «Ils nous parleront entre autres de leurs secrets pour réussir un barbecue», dit Nicole Vincelette. Chaque année, la fête met en valeur une nouvelle bière. Les artisans brassicoles ont donc été invités à concocter une «belle brune» de leur cru. Pour aider le jury à déterminer la meilleure et la plus savoureuse des 16 bières mitonnées, le public est invité à les goûter, puis à voter. Cette année, on a choisi comme bière officielle de l'événement, la «Brune», de couleur acajou et au goût de malt, fruitée en bouche, créée par la microbrasserie Dieu du ciel. Quant aux jeunes, ils n'ont pas été laissés pour compte. La Scène des petits seigneurs propose un programme de danses, de contes et de spectacles où les enfants sont invités à bouger, rigoler et chanter. Par des ateliers dynamiques et éducatifs, ils seront invités à goûter aux plaisirs de la table et aux produits du terroir. Sous la supervision d'un chef cuisinier membre de la Société des chefs, cuisiniers et pâtissiers du Québec, ils apprendront à composer des mets simples, rapides et rigolos. Une halte-répit sans frais animée par des moniteurs à été prévue pour les petits de deux ans ou plus, tout comme une aire spéciale pour les nourrissons, avec table à langer, chaises berçantes, salles d'allaitement et équipement pour réchauffer les biberons. Il y aura également un gigantesque stand de bière présenté par Unibroue, un stand de restauration aux saveurs du Fourquet Fourchette, de la danse et du folklore populaire, de la musique, des spectacles et des contes d'antan ainsi que, aux abords du Richelieu et du fort Chambly, un grand marché public pour faire ses courses, comme à l'époque de la Nouvelle-France. Dans une perspective de développement durable qui s'intègre au virage Chambly VERT l'avenir, les festivaliers sont invités à utiliser le service de navettes locales offert gratuitement aux visiteurs. Le départ des autobus aura lieu dans le stationnement situé au coin du boulevard Industriel et de la rue Simard, aux demi-heures les samedi et dimanche, entre 11h et 20h30, et le lundi de 11h à 19h. Quant aux Montréalais qui désirent se rendre en autobus sur le site de la fête, ils pourront emprunter le service-ajout de Navette Express entre Montréal et le fort Chambly. Le départ se fera du terminus Centre-Ville, situé au 1000, rue de la Gauchetière. - La fête bières & saveurs: www.biereetsaveurs.com. Pour l'horaire et les prix de la Navette Express à partir de Montréal: www.citcrc.amt.qc.ca.

  • Le village Innusit - Expérience autochtone

    Entre les mois de mai et octobre, la Seigneurie du Triton, située en forêt haute-mauricienne, offre aux touristes la possibilité de vivre une expérience autochtone éducative: une nuitée en tipi pimentée d'un souper aux saveurs locales et de contes et légendes amérindiennes. À proximité donc de la ravissante pourvoirie en bois au toit vert, le village Innusit — reconstitution fidèle d'un village autochtone — composé de six tipis pouvant accueillir entre 2 et 12 personnes, d'une tente à sueur, d'une bâtisse en bois, d'installations sanitaires et de cabines individuelles, propose à partir de 85 $ la possibilité de vivre 24 heures à l'amérindienne. Les propriétaires actuels de la Seigneurie du Triton, la famille Tremblay, n'ont pas ménagé leurs efforts pour préserver le caractère unique de l'ancien club américain qui, au siècle dernier, comptait parmi ses membres les présidents américains Theodore Roosevelt, Harry Truman, Winston Churchill et des riches industriels comme les Rockfeller et les Molson. Aucune route ne dessert la Seigneurie du Triton et le village Innusit, situé à Lac-Édouard, à environ 45 km au nord de La Tuque. C'est là son charme. Impossible d'accéder à l'ancien club Triton Fish and Game Club, fondé en 1886 par l'ingénieur ferroviaire Alexander Luder Light, par la route. On y vient en train ou en auto jusqu'à Lac-Édouard. D'une façon ou d'une autre, un guide vient chercher les visiteurs en bateau. Le trajet sur l'eau se fait en 15 minutes. Cette échappée au nord à bord du Saguenay, un train de la compagnie Via Rail, a un parfum d'aventure. De gare en gare, sur 510 km, la nature occupe le devant de la scène dès que nous quittons Montréal et ses banlieues. Tout d'un coup, on se voit guetter l'ours brun, titiller le saumon, attaquer les rapides de la rivière Batiscan. Cohorte de fantasmes? D'accord, ça fait partie de l'aventure. En autant qu'on ne loupe pas la petite gare Club-Triton au kilomètre 90,7. Il faut faire la demande d'arrêt spécial au moment de l'achat du billet, 48 heures avant le départ. À l'arrivée, les visiteurs sont accueillis par la conteuse professionnelle membre de la nation huronne Wendat, Yolande Okia Picard, vêtue de son costume traditionnel. En guise de bienvenue, Mme Okia Picard propose à ses invités une tisane à base de sapin accompagnée de banique (pain sans levain) de sa confection. Pendant la dégustation, elle parle de ses origines, du respect des traditions et de la façon de monter un tipi, même si l'ingénieux abri n'a jamais été utilisé par les peuples autochtones du Québec, mais par ceux des Prairies et de l'Ouest américain. Après la collation, libre à chacun de faire ce qu'il veut! Outre la pêche et la baignade, les activités sont nombreuses au village Innusit, allant de la randonnée sur les sentiers d'interprétation aux promenades en canot ou en rabaska, avec visite des frayères et observation de castors. En été et en automne, on y offre des cours de pêche à la mouche ainsi que des cours de mycologie. En soirée, autour du feu de camp, Yolande Okia Picard entonne des chansons huronnes accompagnées de son tambour. Le moment est fort. La conteuse de renom transporte son auditoire en pays amérindien dans un monde où les animaux ont la parole. Elle prend plaisir à être Ours, Renard, Cerf... Son but: transmettre par le jeu des valeurs de base comme le respect, le courage, la persévérance... En fin de représentation, elle invite le public à chanter et à danser.

  • France - Le Roussillon français Chevauchée en pays cathare

    Au-delà de l'aventure sportive, une chevauchée de dix jours en pays cathare dans les Pyrénées orientales françaises se veut aussi une aventure culturelle. Qui sont donc ces «Bons Hommes» qualifiés d'hérétiques qui ont vécu 210 ans de répression sous le règne de 11 rois de France et de 35 papes? En chemin, nous voyons les châteaux de Montségur, Lagarde, Puivert, les grandes forêts du Pays de Sault, le lac de Montbel, la mine de talc de Luzenac, incongrue au milieu de l'univers pastoral... Bref, un voyage pas comme les autre Escueillens, France — Soixante-dix kilomètres de goudron séparent le village de Saurat de celui d'Escueillens, point de départ de notre chevauchée. Sur la route, des panneaux indiquent les villes de Foix, Mirepoix, Toulouse: la «ville rose» n'est qu'à une heure au nord. En arrière-plan, les Pyrénées. Nous sommes dans le Midi de la France, en pays cathare. Ici, dans les régions du Languedoc-Roussillon (Aude et Pyrénées-Orientales) et de Midi-Pyrénées (Ariège, Haute-Garonne et Hautes-Pyrénées), l'adjectif «cathare» revient souvent dans les discussions. On marche le «Sentier cathare», une randonnée longue de 200 km qui relie la Méditerranée aux Pyrénées; on découvre à pied ou en voiture la quinzaine de châteaux cathares; on fait une chevauchée cathare... Dominique Porato, propriétaire du centre équestre Caval'Rando, admet que le vocable est utilisé à toutes les sauces. «C'est une façon de promouvoir la région. L'industrie touristique a compris qu'il y a de fervents adeptes du retour sur les traces d'une époque révolue, d'un personnage mythique, d'un écrivain.» Bien que les Cathares en fugue aient séjourné dans certains châteaux de la région comme ceux de Puivert et de Montségur, les férus d'histoire savent que l'Église hérétique n'a jamais rien construit, sauf de petits châteaux ignorés du public et dont les frêles vestiges sont à l'écart des routes touristiques. Et des Cathares, il y en avait bien au-delà d'Albi! Au détour de l'an 1000, la vieille église n'en finit pas de repousser les tentatives de réforme. Nombreux sont ceux qui veulent revenir aux préceptes fondamentaux du Christ et qui rejettent la liturgie de l'Église officielle. Sachant répondre aux doutes des gens de l'époque, les «Bons Hommes», ou «Bons Chrétiens» comme ils se qualifient, attirent de nombreux adeptes par la seule force de leur parole. Ils soutiennent que le coeur de l'homme est la seule Église de Dieu et que ce n'est pas Dieu qui fait les belles récoltes, mais le fumier qu'on met dans la terre. Pour eux, toutes les âmes humaines, d'hommes ou de femmes, de princes ou de pauvresses, d'hérétiques ou de prélats, d'infidèles, de juifs ou de moines cisterciens, sont bonnes et égales entre elles, sans discrimination, et ouvertes à la promesse du salut. On rejette l'eucharistie, on refuse le baptême des petits enfants et l'idée que le Christ soit né de la Vierge Marie, lit-on sur le site du château Lagarde, situé sur la rive gauche de l'Hers, en Ariège. Toujours est-il que ces nouvelles idées attirent les foudres de l'Église romaine accrochée à ses pouvoirs. D'un débat théologique, on en vient à une crise ouverte. Le pape Innocent III, exaspéré par l'obstination et l'anticléricalisme intransigeant des Cathares, en appelle à la croisade contre eux. Au printemps 1209, au nom de la religion, le pays est ravagé. Côté nord des Pyrénées, la guerre prend fin en 1229 avec la défaite du comte de Toulouse. On signe le traité de Meaux qui laisse le champ libre à une répression méthodique de la religion interdite. On assiste à la naissance de l'instrument de répression le plus terrible de l'histoire: l'Inquisition. La ferme de Gilles Bodeau, spécialiste de la culture et de la vente du foin, constitue le point de départ de cette randonnée équestre. C'est ici, dans les coteaux du Razès, à 328 mètres d'altitude, que les chevaux de Dominique et Christine passent les cinq mois d'hiver. À Saurat, petit village d'une vallée des Pyrénées ariégeoises où habite le couple, il y a trop de neige. Depuis novembre, donc, première sortie pour les chevaux de Caval Rando, tous de magnifiques mâles ibériques de pères andalous. «Ils ont du sang, mais ils sont dociles et faciles», promet Dominique. On m'attribue Abrazo, un beau brun à l'oeil vif. Âgé de neuf ans, il a l'habitude des chemins boueux, rocailleux et escarpés, des chiens jappeurs et des écuyers... apprentis. Une fois brossé, bien sellé, collier de chasse et croupière ajustés, Abrazo, excité par l'imminence du départ, prend vite place derrière Suerto, un cheval expérimenté mais parfois «boqué» et qui aime tester son cavalier. Surtout lorsque celui-ci tente de l'immobiliser pour la photo! C'est que l'habile quadrupède au sang espagnol n'aime pas regarder ses collègues s'éloigner. Pour l'instant, le pas tranquille des chevaux nous amène à travers des vallons vers le village de Lagarde, à sept kilomètres de Mirepoix, une ville bien connue pour sa cathédrale dont la nef serait la plus large de France. Implanté dans un paysage paisible de plaine, le squelette famélique déchiqueté et troué d'orbites du château féodal de Lagarde paraît grand et fier dans son agonie. «On dirait un noble vieillard qui ne s'est pas résigné à perdre les attributs de son rang», écrit dans son livre Histoire du Château Lagarde en Ariège l'architecte et restaurateur de monuments historiques Patrice Le Breton. Rencontré sur place, le retoucheur de vieilles pierres raconte fièrement son partenariat avec l'École des métiers de la construction de Montréal, qui aurait collaboré au projet de restauration des ruines de la résidence seigneuriale ariégeoise. Puis, nous arrivons dans le village médiéval de Camon et au Domaine de Falgas, la ferme-hôtel où nous passons la nuit. Enfin quelques heures de repos! Le soir, la fatigue se fait durement sentir. Les Pyrénées et leurs épuisants dénivelés marquent nos organismes peu habitués à passer six ou sept heures en selle. Certains cavaliers ont leur truc pour pallier la douleur, comme Patrick, qui court et court des heures durant à côté de sa monture pour se dégourdir les fesses. Au gîte d'étape, nous sommes accueillis par les propriétaires, le couple Morat. Monsieur est à l'accueil et s'occupe de l'apéritif, madame est à la cuisine. Ça sent le rôti de sanglier. Nos hôtes gèrent cette ferme-auberge depuis 38 ans, la toute première de la région. On y parle évidemment cheval, puisque les Morat en sont fous. Ils font l'élevage de chevaux arabes. Donc, ils se prêtent au jeu de la balade à cheval et sont équipés pour accueillir les bêtes. D'ailleurs, partout où nous logerons, c'est la condition: être en mesure d'héberger notre fidèle compagnon de route. À Montségur, c'est à l'hôtel Costes, une jolie demeure des Pyrénées, que nous logeons. Le propriétaire et chef cuisiner, originaire de Normandie, admet qu'il faut être spirituel pour vivre dans la région. Étant lui-même adepte du bio, son menu est composé strictement de produits du terroir. Comme les truites bio de la ferme aquacole des Viviers cathares du lac Montbel. Cette ferme du massif du Plantaurel en produit 20 000 par an. Chaque jour apporte son lot de plaisirs pour les sens: de vieux sentiers empierrés, des cabanes de pierre, les vestiges d'un château, un détail de fontaine, des églises romanes, une montée raide dans la pierre, un village charmant, les aboiements du Grand Patou «qu'on aime tant, depuis longtemps...» à l'approche du troupeau de moutons. Eh oui, il s'agit bien de Belle dans l'émission Belle et Sébastien! Le gros chien blanc de montagne est originaire des Pyrénées. Tout d'un coup, Abrazo, mon fidèle destrier, dilate les narines, redresse l'encolure, tend les oreilles, écarquille l'oeil. Et si c'était un ours! Non, ce n'est que l'ombre des godets suspendus à un câble aérien et qui transportent le produit de la mine de talc de Luzenac à l'usine du village. La précieuse poudre blanche, gérée par le groupe minier Rio Tinto, servira à fabriquer du saucisson, du maquillage, de la gomme à mâcher, des savons, des poudres pour bébé... Un voyage vraiment pas comme les autres! Choisir le cheval comme moyen de déplacement pour aller s'enquérir de l'histoire cathare — l'un des grands drames de la chrétienté médiévale — dans les pâturages de l'Ariège et de l'Aude, n'est pas chose banale. C'est simplement génial. Et nul besoin d'être d'un bon niveau en équitation pour goûter au tourisme équestre. «Juste une petite initiation avant de partir, histoire d'apprendre à monter et descendre de son destrier, à tourner et freiner, puis à maîtriser les trois allures: la marche, le trot, le galop», conseille Diane Authier, propriétaire de l'école d'équitation Mille Cent Un, située en Montérégie, et adepte fervente de ces longues randonnées. Ces quelques connaissances de base permettent simplement d'établir plus vite une complicité entre le mammifère ongulé et herbivore et l'écuyer en herbe. Dans l'avion, mon esprit vagabonde, retourne en arrière. L'entrée à cheval dans la cour intérieure du château de Puivert: il ne manquait que Sir Lancelot... Le spectacle de rapaces en vol libre au château de Lordat, juchés sur un piton rocheux à 956 mètres... Plus d'une trentaine de buses, chouettes, hiboux, faucons, aigles, vautours, bichonnés par le fauconnier de la place... Les chants et l'accordéon qui traversent le portail de bois et les murs de pierre de l'église rupestre de Vals, classé monument historique depuis 1910... Et finalement, plus que tout, la rencontre avec les gens et les chevaux. En vrac Le centre de tourisme équestre Caval'Rando en Midi-Pyrénées, à 60 minutes de Toulouse et à proximité de l'Espagne et de l'Andorre, propose plusieurs formules de voyage dans les Pyrénées (printemps et automne) et à travers le monde toute l'année: Argentine, Chili, Costa Rica, Pérou, Kirghizistan, Mongolie, Éthiopie, Jordanie, Turquie, Maroc, Corse, Espagne, Irlande, Italie... Dominique et Christine: % 011.33.5-61.03.86.37, www.cavalrando.com. Le château Lagarde: www.chateau-lagarde.com. Le château de Montségur: www.montsegur.org. Le château de Puivert: www.chateau-de-puivert.com. Renseignements sur le tourisme équestre et l'équitation de loisir: Québec à Cheval, % 450 434-1433 Pour s'initier au tourisme équestre et de loisir à proximité de Montréal: École d'équitation Mille Cent Un, à La Présentation en Montérégie, % 450 796-5993, www.ecoledequitation1101.com Publié dans le Devoir du 14 juin 2008

  • Les Caraïbes - Îles Vierges britanniques, entre terre et mer

    Mélange de cayes et d'îlots inhabités, d'îles volcaniques au mode de vie british, de milliers de petites baies à l'eau turquoise idéales pour le mouillage, les îles Vierges britanniques semblent avoir été façonnées par la main de Dieu lui-même à l'époque où il ne créait que des paradis terrestres. Véritable terrain de jeux pour le navigateur et éden pour le plongeur, c'est en approchant des BVI (British Virgin Islands) en voilier, au rythme des alizés, que le voyageur en découvre la beauté et le sens. Un grand nombre de Nature's Little Secrets bien gardés, comme l'indique le slogan sur les plaques des voitures là-bas. Tortola — Arrivée sans fanfare, début de voyage calme. À l'aéroport international de Beef Island, pas de kitsch, pas de musique, pas de colliers de fleurs autour du cou ni de harcèlement de quiconque pour nous emmener à nos lieux d'hébergement respectifs, qui n'auront rien du tout-compris aux airs de Club Med. Que des douaniers gentils au sourire aussi large que le canal de Sir Francis Drake sur lequel nous naviguerons en voilier pendant une semaine. Le chauffeur de taxi envoyé par la petite entreprise québécoise Vacances sous voiles nous accueille, pancarte à la main. «Are you from Montreal?», demande-t-il dans un anglais cassé. I beg your pardon? Hum... Pas facile à comprendre! Il est vrai qu'ici, sur ce territoire d'outre-mer du Royaume-Uni situé à l'est des Antilles, on ne parle pas le créole mais le broken english. Surprise. Le volant et la conduite des voiture sont à gauche. Bizarre comme effet... À quelques kilomètres de l'aéroport, nous traversons un pont, puis c'est Tortola. L'île centrale des BVI loge la capitale, Road Town, ainsi que les trois quarts de la population totale du pays, qui atteint 20 000 habitants. Les îles Vierges britanniques comptent 60 îles dont 16 habitées. Douze heures se sont écoulées depuis notre départ de Montréal. Inutile de dire que le wrap au poulet et à la mayo, acheté à bord de l'avion, est déjà bien loin. Ça nous apprendra à ne pas avoir prévu de lunch, sachant pertinemment que la compagnie American Airlines n'offre même pas de cacahuètes pour accompagner le jus de tomate! Et comment se fait-il que le restaurant de l'hôtel Nanny Cay, situé à la marina où nous embarquerons demain à bord du Bleu Turquoise, soit déjà fermé? Pourtant, il n'est que 22h. Devant nos mines basses, le chauffeur de taxi nous propose un snack aux couleurs locales, à une demi-heure de voiture de l'hôtel. Et voilà pour l'initiation aux BVI: un hôte adorable à l'image des habitants des îles, du poulet épicé goûteux, des frites, quelques tomates et une bonne Guinness. Sainte Ursule et les onze mille vierges est la légende préférée de Keith, le chauffeur de taxi chargé de nous faire découvrir Tortola avant notre départ en voilier. Il raconte qu'au début du IVe siècle, une jeune fille nommée Ursule, fille d'un roi chrétien breton, aurait été demandée en mariage par un prince païen d'origine germanique. Ursule voulait demeurer vierge et chrétienne. Comme un refus pouvait attirer de graves ennuis à son père, la jeune fille et 11 de ses amies vierges décident de s'enfuir. Embarquées à bord d'un navire sur le Rhin, elles sont capturées à Cologne par les Huns, un peuple nomade venu d'Asie centrale, puis martyrisées et mises à mort pour avoir refusé de trahir leur foi. C'est au début du XIe siècle que le nombre de vierges qui accompagnaient Ursule est fixé à 11 000 par une mauvaise interprétation de la numération romaine. L'inscription «XI martyres et vierges» aurait été interprétée comme «XI mille vierges». Comme l'anniversaire de la mort d'Ursule et de ses amies a été fixé au 21 octobre par le calendrier grégorien et que Christophe Colomb a découvert les BVI un 21 octobre 1493, il avait décidé de baptiser ces îles des Antilles les Îles vierges en hommage à la jeune fille et aux 11 000 vierges martyrisées avec elle. Comme pour toute île montagneuse dans l'océan, impossible d'échapper aux routes escarpées de Tortola. Heureusement, car on se priverait d'une palette de points de vue à couper le souffle sur la mer et les baies. On dit que les plus beaux se trouvent au pinacle du Mount Sage National Park, le plus haut sommet du pays, à 543 mètres. À la fois centre gouvernemental et commercial des BVI, la plus grande des îles mesure 22 kilomètres de long par trois de large. Elle abrite la capitale Road Town, deux fois centenaire, charmante avec ses maisons de bois et de pierres mais chaotique à l'heure de pointe, surtout à l'arrivée d'un bateau de croisière. Si la baie de Brewers, dans la région de Cane Garden Bay, fait le bonheur des plongeurs et la plage de Cane Garden celui des baigneurs, les belles vagues et la houle, à Apple Bay, attirent quant à elle les surfers. Va aussi pour une visite de la rhumerie artisanale Callwood Distillery et une pause chez Sammy's Ital Place, à Carrot Bay, où Rose, une Australienne mariée à un rasta vous concoctera un bon jus de goyave, de corossol, de mangue ou de coco. Ça y est, on prend la mer, laissant derrière nous le confort de Nanny Cay Marina. Le vent est bon. On hisse la grande voile et le foc. Bien que l'itinéraire se décide au jour le jour, en fonction des humeurs de chacun et des aléas météorologiques, nous côtoierons de près ou de loin Norman Island, Peter Island, Salt Island, Virgin Gorda Island et Jost Van Dyck Island. Chaque île a sa petite histoire. La Norman aurait été un repaire de pirates, comme toute la région d'ailleurs. Il pourrait s'agir de l'île où se cache le trésor dont il est question dans le roman de Robert Louis Stevenson, Treasure Island (L'Île aux trésors). En tout cas, nous n'avons pas trouvé d'or ni rencontré de pirates, mais The Caves est idyllique pour la plongée en apnée. Peter Island correspond à l'idée qu'on se fait d'une île déserte. Elle compte un seul hôtel et un spa de luxe intégrés à la nature sans se donner de grands airs. On y accède du mouillage à la nage. Salt Island, qui compte neuf habitants, a ses histoires de taxes payées avec des sacs de sel. D'ailleurs, les bassins y fonctionnent toujours, comme il y a 200 ans. Quant à Jost Van Dyke, en plus d'être charmante, l'île est le berceau du fameux Painkiller, un genre de punch à base de rhum-pays que le capitaine du Bleu Turquoise prépare merveilleusement bien. Un bateau, un capitaine, une hôtesse L'entreprise québécoise Vacances Sous Voiles organise depuis quatre ans des croisières en voilier dans les BVI, avec ou sans équipage. C'est à bord du Bleu Turquoise, un joli Bénéteau 50, que notre petit groupe de six personnes vivra sa première expérience dans la mer des Antilles. «Environ 90 % de nos clients n'ont jamais fait de voile, affirme Michel Guerra. Le canal de Sir Francis Drake dans les BVI est ce qu'il y a de plus sécuritaire pour commencer. La disposition des îles brise la houle, on navigue toujours à vue, on est protégé du vent, les mouillages sont sûrs. Il n'y a ni bourrasque ni turbulence. Et la moyenne des vents tourne autour de 15 noeuds.» Les habitués du canal de Sir Francis Drake apprécient aussi ses ancrages nombreux et peu éloignés les uns des autres. On peut donc décider d'un itinéraire court ou plus long, au choix, et trouver à tout moment un mouillage pour un arrêt-baignade ou une plongée en apnée. Avant de prendre la mer, on se familiarise avec les installations, on range tout ce qui traîne dans les chambres et sur le pont pour que rien ne se brise si l'on gîte. Puis le capitaine nous indique les endroits ouù l'on peut se placer sur le bateau sans risquer de recevoir la bôme sur la tête. Et advenant qu'un matelot en herbe passe par-dessus bord, le premier qui voit la personne à l'eau doit garder l'oeil dessus jusqu'à ce que le naufragé soit en possession d'une bouée. Michèle Riva et Michel Guerra ne forment pas qu'un couple sur le bateau, ils le sont aussi dans la vie. Les deux passionnés de voile naviguent depuis plus de dix ans dans les Îles Vierges britanniques. Michel est le capitaine, tandis que Michèle joue le rôle d'hôtesse et de chef cuisinière. Cependant, lors de manoeuvres délicates, surtout au moment de jeter l'ancre, elle devient son bras droit sur le pont, et vice-versa; lors de la préparation des repas, s'il n'est pas à la barre ou en train d'enseigner à ses passagers à manier le gréement, Michel donne un coup de main dans la cuisine. Les joyeux naufragés Que peut-il arriver de plus désastreux à un capitaine de bateau de croisière qu'une transmission brisée? D'accord, un accident! Mais admettons tout de même qu'un bris mécanique, c'est irritant. Et peut-être encore plus dans ces Antilles où le rythme est «autre». Mais la joyeuse bande de six que nous formons ne se laissera pas abattre pour si peu. Nous mouillerons à Tatch Bay et non à Virgin Gorda Island comme prévu. Le hic: cette baie achalandée est à proximité de l'aéroport: loin d'être idéal pour la baignade et le farniente. Le capitaine nous suggère de prendre le traversier pour Virgin Gorda Island ou Orlando, le chauffeur de taxi associé à Vacances Sous Voiles nous accueillera pour une tournée de l'île. Aussitôt dit, aussitôt fait. Nous voilà sur la navette, en route vers l'île en forme de serpent d'une longueur de 13 kilomètres, dominée au nord par le Virgin Gorda Peak qui atteint 414 mètres. Après avoir exploré le site The Baths, un paysage d'immenses roches formant une série de grottes flanquées en bord de mer turquoise, l'un des dix plus beaux sites de plongée des BVI, puis visité les vestiges de Copper Mine National Park, une mine de cuivre qui a fait vivre l'île entre1838 et 1867, et enfin après avoir photographié les huit églises de l'île, il faut décider si l'on passe la nuit ici ou si l'on retourne sur le bateau, au risque d'égrener la soirée dans une marina bruyante. C'est décidé, on dort ici! Au Little Dix Bay, Rosewood Hotels & Resort. Une folie, bien sûr. Et après? La vie est courte. Mais ce cinq-étoiles conçu par Laurance S. Rockefeller au début des années 1950 nous acceptera-t-il ainsi vêtus d'un simple maillot de bain et d'un short? Après tout, nous sommes des naufragés. Mais de joyeux naufragés qui ont eu la brillante idée d'apporter leur carte Visa. Qui dit mieux dans un pays fréquenté en majorité par des touristes américains? Peu importe la destination, un voyage en voilier est avant tout une expérience humaine. On doit composer avec des inconnus dans un espace réduit en perpétuel mouvement, prendre des décisions de groupe éclairées, endosser les imprévus inhérents à la météo, accepter de se réveiller à une autre adresse le lendemain matin à cause d'un grain subit durant la nuit... Mais tout ça s'apprivoise très bien pour déboucher sur une belle aventure qui nous enseigne à lâcher prise. En vrac -American Airlines assure des liaisons entre Montréal et l'aéroport international de Beef Island, via New York ou Miami et Porto Rico. www.aa.com. -Vacances Sous Voiles: l'entreprise québécoise établie dans les Îles Vierges britanniques se spécialise dans la location de voiliers avec ou sans équipage. Pour réserver, contacter Michèle Riva: à Montréal, 514 999-9142; aux Îles Vierges britanniques, 284 499-1711. www.vacancessousvoiles.ca. -Renseignements sur les Îles Vierges britanniques: www.bvitourism.com. -La monnaie aux Îles Vierges britanniques est le dollar américain. -À propos de Jost Van Dyke Island... La rue principale, c'est la plage. On y retrouve plusieurs petits restaurants amusants et très colorés ainsi que des boutiques de souvenirs. Une fois le bateau ancré, on rejoint la plage de sable blanc à la nage ou en annexe. C'est sûrement la plus grosse décision qu'on a à prendre dans la journée. Tout dépend si l'on veut acheter des breloques ou s'offrir un Painkiller au Soggy Dollar Bar, qui tient son nom des clients qui venaient sur l'île à la nage et qui arrivaient avec des billets mouillés. Pour protéger sa fortune, mieux vaut prendre l'annexe, sinon à l'eau... On peut manger au Soggy Dollar Bar un délicieux potage de coque, du poulet Jerk et des sandsichs au poisson volant, grande spécialité de la place. Le Painkiller est un planter à base de rhum Pusser's (produit aux BVI), de jus d'ananas, de jus d'orange, de crème de coconut, saupoudré de muscade. Pas mal à l'heure de l'apéro. Publié dans le Devoir du 15 décembre 2007

  • La France au pas

    En 1947 naissait sur le cours de la Loire, entre Orléans et Beaugency, le premier GR, deux lettres qui sonnent aux oreilles des virtuoses de la marche comme une volée de cloches les jours de fête. De 28 kilomètres en 1947, le GR 3 atteignait une longueur de 1300 kilomètres 30 ans plus tard, de Mont-Gerbier-de-Jonc à Guérande. Puis naîtront les GR 4, 5, 20, 65... et tout un réseau de 180 000 kilomètres de sentiers qui sillonnent le pays. Les initiateurs du projet se doutaient-ils que les deux petites bandes blanc et rouge peintes sur les arbres et les rochers allaient devenir les balises les plus populaires de France? La signification des deux lettres GR correspond à ceci: «G» pour grande et «R» pour randonnée, tout simplement. Midi-Pyrénées — Devant l'arc roman du tympan de la basilique Sainte-Foy, à Conques, le frère Jean Daniel explique à des pèlerins la scène du Jugement dernier sculptée dans la pierre, entre le linteau et l'archivolte du portail: 124 personnages sur 42 panneaux amovibles. Une oeuvre d'art magistrale. Puis on franchit en silence la porte de l'abbatiale. Dans l'ancien réfectoire se profile alors un trésor d'orfèvrerie dont la pièce principale est la statue reliquaire de sainte Foy, celle qui est à l'origine de la prospérité de cette église. «Sainte Foy est une petite martyre de la ville d'Agen qui a vécu au début du IVe siècle, raconte la guide. Ses reliques furent volées et ramenées ici par Avarisus, un moine d'un monastère du vallon de Rouergue. La translation aura pour effet d'attirer nombre de pèlerins et, pour accueillir tout ce monde, il faudra édifier une église de pèlerinage. C'est ainsi que Conques atteint une certaine renommée, portée par les chemins jusqu'à... Saint-Jacques-de-Compostelle.» Conques, sur la liste des plus beaux villages de France, n'est qu'une des villes-étapes traversées depuis plus de mille ans par le fameux chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, la via Podensis, qui va du Puy-en-Velay aux Pyrénées. Classé au patrimoine mondial de l'UNESCO, le chemin du plus célèbre pèlerinage du monde traverse sur une distance de 750 kilomètres le sud de la France, soit les régions de l'Aubrac, du Lot et de Tarn-et-Garonne, avant de rejoindre le Pays basque. On emprunte le GR 65 pour retrouver l'esprit qui animait les pèlerins du Moyen Âge, parcourir une des plus belles et des plus vieilles régions de France, profiter de la qualité des balises du chemin mythique et goûter à la gastronomie de la région. Avant d'être homologué GR par la Fédération française de randonnée pédestre, précise Alain Nevière, vice-président du Comité régional de la randonnée pédestre, un itinéraire doit s'acquitter de certaines conditions, comme emprunter le plus possible les chemins du domaine public, ne pas dépasser 30 % de surface goudronnée, offrir un balisage discret et efficace, des sentiers entretenus et jalonnés de lieux d'hébergement distancés d'une vingtaine de kilomètres en terrain plat et de six heures de marche en montagne. Les topos-guides estiment qu'en montagne, où on raisonne en heures plutôt qu'en kilomètres, un randonneur couvre 300 mètres de dénivelée à l'heure. Six mille bénévoles entretiennent les 180 000 kilomètres de sentiers: 65 000 de sentiers GR et 115 000 de tracés de promenade et randonnée. On distingue les GR qui traversent la France de façon linéaire sur de longues distances, que le randonneur peut fractionner ou ne suivre qu'en partie: les GRP (de pays), des boucles qui permettent de découvrir en quelques jours une région, et les PR (promenade et randonnée), qui proposent des itinéraires de quelques heures. Sentiers de découverte, circuits thématiques ou historiques, sentiers d'interprétation, balades gourmandes... Le randonneur peut varier les thèmes de connivence avec la nature. Et il a l'embarras du choix! Des exemples, il y en a des centaines: randonnées historiques en Loire, chemin des douaniers et des fées en Bretagne, châteaux vosgiens, volcans en Auvergne, sentiers romanesques en forêt d'Île-de-France, sur les traces des écrivains (George Sand et Alain Fournier dans le Berry, Colette en Bourgogne, Chateaubriand dans la Vallée-aux-Loups), transhumance en Provence... Tout autant de jeux de piste qui entraînent les visiteurs sur des routes d'autrefois et qui font parler les rivières, les arbres, les ponts, les châteaux... Zoom sur les grands classiques Il y a le GR 65, mais il y a aussi le GR 3, premier de la série également inscrite au patrimoine mondial de l'UNESC) Mais s'il est le premier, qu'en est-il des GR 1 et GR 2? «En fait, le GR 3 est le premier sentier de grande randonnée balisé blanc et rouge de France, sauf qu'il en existait déjà deux à Paris: le GR 1 et la Seine, et le GR 2, le Tour de l'Île-de-France», explique Alain Nevière. Et, bien que le GR de Loire ait gagné en vitesse le balisage des sentiers de la région parisienne et que son premier tronçon, d'une vingtaine de kilomètres, ait doublé les Parisiens, il n'occupe que le troisième rang dans la numérotation. Le GR 3 suit, dans la mesure du possible, le cours de la Loire sur 1300 kilomètres entre Mont-Gerbier-de-Jonc, dans le Massif central, et Guérande, en mer Atlantique. Les paysages très variés passent de la montagne en Ardèche en territoire de viticulture autour de Sancerre, de la forêt à Orléans puis de châteaux dans la vallée, jusqu'à Nantes, avant de rejoindre Guérande. Orléans a longtemps été réputé pour la fabrication de son vinaigre. Dès le Moyen Âge, les vins d'Anjou et de Touraine étaient transportés par gabare sur la Loire et, à cause de la lenteur du transport et de la mauvaise qualité de la production, le liquide virait au vinaigre à peu près à hauteur d'Orléans. Les vins piqués étaient alors transformés en vinaigre. Certains GR réclament une bonne condition physique pour mener à terme les efforts répétés sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines. À titre d'exemple: la traversée de la Corse par le GR 20, une odyssée de deux semaines plutôt casse-pattes en haute montagne. C'est un sentier étroit, escarpé et pierreux sur l'arête faîtière de la haute montagne, 10 000 mètres de dénivelée, des zones d'éboulis, des ponts suspendus, plusieurs passages équipés de câbles pour éviter au randonneur de succomber au vertige. On dit que c'est l'expérience de randonnée la plus difficile d'Europe. En tout cas, en ce qui concerne le passage dantesque du cirque de la Solitude, on ne peut qu'être d'accord avec le guide Sentier de Corse - Le grand chemin, qui écrit: «Il est du genre à rester gravé au chapitre des exploits mémorables du brave randonneur.» Je lai fait au grand complet et oh que oui, on sen souvient ! Trois autres classiques? D'abord le GR 10, qui traverse la cordillère pyrénéenne de l'Atlantique à la Méditerranée sur environ 870 kilomètres de sentiers balisés. Une aventure en 50 étapes que beaucoup de randonneurs, comme dans le cas du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, décideront d'accomplir en plusieurs séjours. Puis le GR 54, une boucle d'une dizaine de jours qui fait le tour du massif de l'Oisans, entre l'Isère et les Hautes-Alpes. Enfin, le GR 5, ou sentier Hollande-Méditerranée, du lac Léman au mont Blanc, la portion savoyarde du sentier de 2600 kilomètres qui part de la mer du Nord, aux Pays-Bas, pour rejoindre la Méditerranée, à Nice, via la Belgique et le Luxembourg. Moins minérale, moins extrême, plus romantique, la randonnée littéraire permet de découvrir un auteur à travers des paysages qui ont inspiré ses oeuvres. La France compte nombre de ces sentiers, parmi lesquels le GR de Pays des Maîtres Sonneurs, dans le Berry, une randonnée en boucle de 185 kilomètres à la découverte des héros du fameux roman de George Sand. Le chemin de Stevenson se confond au GR 70. Le 22 septembre 1878, l'écrivain écossais Robert Louis Stevenson part à pied du Monastier-sur-Gazeille, en Haute Loire, avec Modestine, une ânesse qu'il achète au père Adam pour 65 francs et un verre de gnôle. Il atteint Saint-Jean-du-Gard 12 jours plus tard. Ici, un âne de location est idéal pour porter les bagages. Les départements français d'outre-mer (DOM) ont aussi leurs sentiers de grande randonnée. À la Réunion, il faut compter de trois à six jours pour parcourir, à une altitude moyenne de 1750 mètres, le GR R1, d'une soixantaine de kilomètres. Le sentier fait le tour du piton des Neiges en passant par les cirques de Salazie, Cilaos et Mafate. Certains cols atteignent près de 2000 mètres d'altitude. Quant au GR 2, d'une longueur de 150 kilomètres, il propose une grande traversée de l'île, du nord au sud-est, en passant par Mafate et Cilaos et le volcan du piton de la Fournaise. Plus près de nous, en Martinique, dans les Petites Antilles françaises, on retrouve la fameuse balise blanche et rouge sur la montagne Pelée ainsi que le long du sentier de 17 kilomètres «Prêcheur-Grand Rivière», situé au nord de l'île. Le randonneur qui a tout son temps peut accéder, par des sentiers secondaires, à de jolies criques entaillées à flanc de montagne. Quant au sentier des Caps, un des plus beaux de la Caraïbe, il longe sur 28 kilomètres les plages de l'extrême sud, de la mer des Caraïbes à l'est à l'océan Atlantique à l'ouest. Élémentaire, écologique et peu coûteuse, la randonnée permet d'accéder à ce qu'on ne voit pas lorsqu'on voyage en autobus, en train, en auto: des modes de vie, un lac de montagne, une cascade, une orchidée, un pigeonnier. C'est vrai, on en revient en sueur et les ongles sales mais la tête pleine de souvenirs. Et pour qui s'intéresse au sort de la planète et à la pollution, qui sait, marcher deviendra peut-être un jour un moyen d'accumuler des crédits de carbone? Préparer son voyage - Pour obtenir les ToposGuides des différents GR, GR de pays et PR, contactez la Fédération française de la randonnée pédestre: tél: 01 44 89 93 90, www.ffrandonnee.fr. - Pour les randonnées en Martinique, joignez le Comité martiniquais du tourisme au Canada, www.lamartinique.ca. Pour l'île de la Réunion, www.la-reunion-tourisme.com. - Si vous avez envie de coudoyer les sentiers d'altitude, vous pouvez faire appel à des accompagnateurs de montagne. La France compte autour de 2600 professionnels de la montagne, du milieu naturel, patrimonial et urbain. C'est le professionnel de toutes les formes de randonnée: à pied, à ski, à vélo, avec des animaux de bât... www.lesaem.org. - Si vous planifiez une escapade sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, procurez-vous le livre Miam miam dodo - Le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, le Puy-en-Velay / Saint-Jean-Pied-de-Port, GR 65, et le Topo Guide Sentier vers Saint-Jacques-de-Compostelle via Le Puy. Si vous n'avez que deux semaines et souhaitez parcourir le GR 65 par tronçons, celui entre Le Puy via Conques, Figeac, Lauzerte, Moissac, Ostabat et Saint-Jean-Pied-de-Port est certainement un des plus beaux de la partie française. - À lire: Les Maîtres Sonneurs, George Sand, Éditions Gallimard Folio, et Voyages avec un âne dans les Cévennes, Robert Louis Stevenson, Éditions Flammarion. - Maison de la France au Canada, Montréal, tél: 514 288 4264, www.franceguide.com.

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Textes et photos par Hélène Clément 

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