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  • Montréal - L'esprit de la Main aux petites heures du matin

    Pour s'imprégner de la Main, il faut y passer 24 heures. «La vie de jour et celle de nuit, c'est deux mondes différents», dit un employé du grill Buns Hamburger House, situé au 3673, qui mitonne des hamburgers sur charbon de bois jusqu'à 4h30 du matin. «Et pas une nuit ne se ressemble.» À 3h du matin, le week-end, la masse des autos et piétons qui gravite autour de la rue Prince-Arthur est aussi dense que la foule dans un marché de nuit asiatique. «Y faut voir ça.» Le boulevard Saint-Laurent entre 3h et 5h? «Tu vas être déçue, m'explique mon fils. Ne t'attends pas à voir des couples de ton âge en veston cravate, robe élégante et talons hauts se promener main dans la main en quête d'un resto où ils discuteront jusqu'au lever du soleil. La population est très jeune, elle a bien bu et déconne complètement. Ça n'a rien de très drôle.» «C'est phénoménal, affirme Henrique Laranjo, propriétaire du restaurant Chez le Portugais. On met tout le monde dehors à 3h. Comme les jeunes ne sont pas prêts à rentrer à la maison, ils continuent à jaser sur les trottoirs, en mangeant pointes de pizza et chow mein pour éponger l'alcool. Dans une ambiance parfois survoltée. Mais en moins de 90 minutes, tout est fini!» Un repérage avant le moment X s'impose donc, question de trouver les bars parmi les plus populaires sur la Main, comme le Gogo Lounge avec ses chaises rouges en forme de main, le Saphir qui attire les clubbers en marge, le Tokyo Bar pour sa terrasse sur le toit. Puis, le Divan orange, les Bobards, le Balattou, le Belmont sur le boulevard... Les attroupements devant les discos en disent parfois long sur la clientèle qui les fréquente. «C'est souvent la musique qui détermine le choix d'un bar», affirme Laure de La Moussaye, agente de développement culturel à la Société de développement du boulevard Saint-Laurent (SDBSL). «Et le prix de l'alcool aussi. Les restaurants plus chic qui se transforment au cours de la soirée en bar sont en général plus coûteux, donc moins fréquentés par les étudiants.» Aussi bien le jour que la nuit, sans s'éloigner trop au nord ou au sud, entre Sherbrooke et Mont-Royal, on a sous les yeux un échantillon fidèle de la vie sur la Main. Cette petite enclave abrite toujours friperies, restaurants et magasins d'alimentation où l'on continue de déguster saucisses et choucroute sur le pouce. Bien sûr, il y a Schwartz's, fondé en 1928 par Reuben Schwartz, un immigrant juif de Roumanie, qui sert jusqu'à tard la nuit ces fameux smoked meat marinés dix jours, sans agent de conservation. À 2h du matin, le samedi, il y a encore la file à l'extérieur. Il y a aussi le Main Deli, où Peter Varvaro Junior, Italien d'origine, perpétue la tradition de viande fumée de son père, jusqu'à 5h du matin, le week-end. Puis, l'Inter-Marché Quatre Frères, ouvert 24h. On trouve aussi la Charcuterie hongroise, qui continue de fumer ses viandes comme il y a 43 ans, et la Vieille Europe, qui propose 300 sortes de fromage, 60 variétés de café et une panoplie d'épices. Bavarder avec ces commerçants est un plaisir en soi. Plusieurs d'entre eux ont installé des chaises en rangée devant la façade de leur magasin. Une invitation à venir jaser de la Main. «Primeiro sê livre; depois pede a leberdade [Commence par être libre; ensuite, réclame la liberté].» On peut lire cette phrase écrite par le poète portugais Fernando Pessoa sur l'un des douze bancs installés de part et d'autre de la Main entre les rues Napoléon et Marie-Anne. Ces sièges modernes de pierre et de paroles soulignent les 54 ans de présence portugaise à Montréal. «Et aussi notre tradition littéraire», précise Henrique Laranjo en ouvrant une bouteille de vin rouge, un Monsaraz 2006. «C'est important de transmettre la culture et l'histoire. Si on ne sait pas d'ou l'on vient, c'est dur de savoir où l'on va. Vous reconnaissez cette statue? C'est saint Antoine de Padoue [enfin, de Lisbonne], car c'est chez nous qu'il est né», dit-il avec fierté. Mis à part quelques essaims de jeunes devant certains bars, c'est dans l'ensemble assez calme sur la Main. «C'est normal, les étudiants de McGill sont en vacances», dit un habitué du Barfly, déçu que l'on ne présente pas de «bluegrass» dans son bar favori ce soir. Aucune file d'attente non plus devant le très «glamour» Macaroni Bar, angle Mont-Royal. «C'est à n'y rien comprendre; d'habitude il y a foule le vendredi, lance le sympathique portier. Demain sûrement.» Par contre, en face, au Belmont sur le boulevard et au Karma, la file des fêtards est longue. En redescendant vers le sud, Lamine Touré, le propriétaire de la boîte de nuit le Balattou, assis calmement dehors, observe les entrées et sorties de ses clients d'un petit air guilleret. Poignées de main chaleureuses, invitation à danser un compas, échange amical. «Où manger à la fermeture des bars?» «Je vous conseille les grillades de Tam-Tam d'Afrique sur Mont-Royal, près de Saint-Denis, le restaurant est ouvert jusqu'à 4h.» À l'angle de l'avenue des Pins, il y a file devant le boui-boui Chez Mein. Pour 2 $ on se procure une pleine assiette de chow mein, nouilles arrosées d'une sauce dont seul le propriétaire connaît le secret. Rue Prince-Arthur, à l'ombre de la Main, on aperçoit une dizaine de voitures de police. Impressionnant contingent de policiers qui attend l'heure cruciale de tombée. «La population a beaucoup rajeuni depuis quelques années et à 3h, le monde a bien picolé, dit un policier. On est là pour décourager les provocateurs. On observe, c'est tout.» Henrique avait raison, le pic du spectacle est à 3h30. Circulation automobile dense. Foule titubante et impatience de manger. Frites Alors, la Belle Province, Bocadillo, Buns Hamburger House, Juste Nouilles... plus d'une dizaine de restaurants desservent la foule affamée. «Ça sent le graillon sur la Main», disait Gloria dans la pièce Sainte Carmen de la Main, de Michel Tremblay, d'ailleurs à l'affiche au Monument-National. Oui, ça sent le graillon. À 4h30, plus rien. Seuls quelques badauds arpentent encore le boulevard jonché de détritus. On dirait l'après-carnaval.

  • Escapade estivale à Lake Placid

    La petite municipalité de Lake Placid, bien connue pour avoir été l'hôte des Jeux olympiques d'hiver de 1932 et de 1980, n'a rien perdu de son âme olympique ni de son accueil ancestral. Située dans l'État de New York, au coeur des montagnes Adirondacks, à deux heures à peine de Montréal, la région a de quoi se mettre sous la dent. Même en été. Mont Van Hoevenberg — Le minibus nous dépose au demi-mille de la piste de bobsleigh, la cime étant réservée aux bobeurs expérimentés. On enfile le casque protecteur. En deux temps, trois mouvements, nous voilà assis dans la coque, pris en sandwich entre le pilote en avant et le freineur en arrière. Les consignes sont claires: s'attacher et garder tête et bras à l'intérieur. Et c'est parti pour un demi-mille de brassage à grande vitesse. Le corps tape sur les parois de la machine. Difficile de garder la tête sur les épaules. On se cramponne avec énergie aux poignées, on ferme les yeux de toutes nos forces. Un premier virage relevé, puis un second. D'abord, on résiste, puis on s'incline. La machine ralentit. Ouf! La course a duré 45,3 secondes. Pas de soulèvement de coeur façon montagnes russes, seule la vitesse impressionne. Et encore là, pas tant que ça. Enfin, facile à dire après-coup. Chose certaine, la descente en bobsleigh sur roues est moins rapide que celle sur patins l'hiver, qui emprunte un tronçon du circuit olympique glacé de 1932. En période estivale, on dévale la piste construite pour les Jeux de 1980. Qu'importe, veni, vidi, vici! On en revient avec une photo souvenir de l'équipe et une carte de membre d'un an à la United States Bobsleigh and Skeleton Federation. À Lake Placid, il n'y a pas que le bobsleigh qui donne des frissons. On a beau se répéter, en regardant les Jeux olympiques d'hiver à la télévision, qu'ils sont fous ces spécialistes du saut à ski dévalant à fond la caisse un tremplin haut de 120 mètres avant de s'envoler dans les airs comme des plumes. «Si vous étiez venus hier, vous les auriez vus pratiquer sur la rampe de 90 mètres qui sert à l'entraînement l'été», dit l'opérateur de l'ascenseur qui mène les visiteurs au sommet du fameux saut. Un revêtement synthétique remplace la neige sur le tremplin et le sauteur atterrit sur du gazon artificiel. On gagne aussi le sommet en téléphérique. Ici, les installations olympiques ne servent pas qu'à des fins touristiques. Les athlètes de haut niveau s'y entraînent toujours. Depuis le début de l'histoire des Jeux olympiques d'hiver en 1924, à Chamonix, au moins un athlète local a représenté la région à l'un de ces jeux. À Turin en 2006, quatre des médaillés américains étaient natifs de la municipalité de Lake Placid. Mirror Lake Inn Le temps de s'enfiler quelques biscuits bien chauds à la réception puis de déposer sa valise dans la chambre et nous voilà au salon pour l'afternoon tea. C'est pour se gâter que l'on vient dans cet hôtel membre du groupe Small Luxury Hotels of the World. Construite dans une maison victorienne du XIXe siècle, Mirror Lake Inn, qui en 1924 portait le nom de Mir-à-Lac, fut la première auberge de Lake Placid. L'hôtel survit à la récession. Les propriétaires de l'époque, M. et Mme Wikoff, l'hivernisent en 1932 pour les Jeux olympiques. La salle à manger date de cette époque. Murs et bibliothèques en acajou, planchers polis, cheminées en pierre, tapis de Boukhara, meubles antiques, chandeliers... le décor rappelle le jeu de Clue. Qualifié d'établissement d'exception et évalué quatre diamants par l'American Automobile Association depuis 25 ans, l'auberge de 128 chambres et 19 suites frappée au sceau du charme victorien et du bien-être continue d'être bichonnée par ses propriétaires actuels, Ed et Lisa Weibrecht. Et à l'instar de Climena Alford Wikoff qui cultivait ses légumes et élevait ses propres cochons pour la fabrication du bacon, les Weibrecht perpétuent la réputation de bonne table de l'établissement. Le 11 juin dernier, The View remportait pour la deuxième année la cote quatre diamants des restaurants recommandés par l'AAA. Dans un aménagement moderne, le spa du Mirror Inn propose des massages suédois, thaïs et aux pierres volcaniques, de la réflexologie, des thérapies crâniennes, du reiki et des exfoliations au sirop d'érable de la région. Piscine, sauna, bain tourbillon et bain d'eau glacée sont situés dans un décor rustique. L'ambiance est aussi chaleureuse que si l'on était dans un chalet en bois rond. Ski alpin, ski de randonnée, piscine intérieure et extérieure, golf, pêche, vélo et randonnées pédestres rythment les saisons du Mirror Lake Inn, qui offre aussi, en été, des sessions de yoga sur le quai et des séances d'aérobie. Des forfaits sont disponibles pour les familles. Tout autour, les Adirondacks. On recense dans ce parc de six millions d'acres 46 sommets de plus de 1000 mètres accessibles à pied. Vingt d'entre eux ne sont pas balisés. Le Mont-Marcy est le plus haut, à 1629 mètres, suivi du Mount Algonquin, à 1559 mètres. Le moins élevé, le Couchsachraga, en a 1164. En quête d'un défi? Grimper ces 46 plus hauts sommets et devenir membre du club Adirondack Forty-Sixters (ADK 46-R). C'est possible! On peut même s'offrir la totale en prenant un cours d'escalade avec l'équipe de guides du High Peaks Mountain, situé au coeur du village de Lake Placid. En quelques heures, le néophyte équipé de chaussures d'escalade, d'un casque, d'une corde, d'un baudrier et de quelques mousquetons est initié à la grimpe d'un rocher de 25 mètres de haut et apprend à faire un noeud en huit, à effectuer un jeter, à évoluer dans une fissure et à descendre en rappel. - Mirror Lake Inn: www.mirrorlakeinn.com. - High peaks Mountain Adventures Guide Service: www.highpeakscyclery.com. - Une descente en bobsleigh sur roues coûte tour de 65 $ US par adulte. - On peut se procurer sur place un passeport pour la visite des différentes installations olympiques au coût de 29 $US: www.whitefacelakeplacid.com.

  • Les mystères des vieilles épaves

    Jonchée d'épaves, de barrotins et de vieux fragments de bois, la rivière Richelieu dévoile en août ses fonds marins aux amateurs d'archéologie. Et pas nécessaire d'enfiler son scaphandre. Regard sur l'histoire du Canada à bord du Pierre-Le-Moyne-d'Iberville. Saint-Jean-sur-Richelieu — Malgré la pluie qui embrouille le paysage dans une buée grise, cap vers l'île aux Noix. Car, beau temps mauvais temps, la croisière s'amuse. Et puis sous l'eau, il fait beau. Et vogue le navire en direction du fort Lennox, première halte de cette croisière à saveur archéologique d'une journée, à bord du Pierre-Le-Moyne-d'Iberville. L'expérience subaquatique, une idée de Sébastian Boulianne, curieux depuis qu'il navigue sur le Richelieu de découvrir le mystère qui plane sur les vieilles épaves et d'en faire profiter ses croisiéristes, est pour la première année au programme du Mois de l'archéologie 2009 qui a débuté samedi dernier. «Aujourd'hui, ce n'est qu'un exemple de ce qui se fait en recherche archéologique au Québec», explique Sophie Limoges, directrice de la conservation et des programmes publics du Musée d'archéologie et d'histoire de Montréal Pointe-à-Callière et présidente du Réseau Archéo-Québec. «Au-delà des sites maritimes, on a des sites militaires, des sites industriels, des sites amérindiens. Durant le Mois de l'archéologie, une centaine d'activités sont proposées dans une soixantaine de lieux dans la province et autour du lac Champlain, dans les États de New York et du Vermont. La participation des Américains à l'événement est aussi une première», note Mme Limoges. Un mois chargé, donc, pour Archéo-Québec, dont les dirigeants sont fiers de constater que l'activité, jadis la chasse gardée d'une poignée de scientifiques, se démocratise. «Toute la famille en profite.» À la conquête des fonds Départ à 9h au quai d'Iberville, à Saint-Jean-sur-Richelieu. Inutile donc d'apporter son maillot de bain puisque c'est assis bien au sec, devant un écran géant, dans la cabine, que les plaisanciers partent à la conquête des fonds du Richelieu. En avant-midi, deux archéologues nous entretiennent d'épaves et d'artefacts de tout genre submergés dans la rivière, entre le lac Champlain, aux États-Unis, et le canal de Chambly: bacs qui servaient à traverser les riverains d'une berge à l'autre; bateaux à fonds plats utilisés au XVIIe siècle; barges qui au XIXe siècle deviennent essentielles au transport maritime intérieur... «Les bateaux sont en assez bon état, affirme Jean Bélisle, professeur d'histoire à l'Université Concordia. On est en eau douce, donc les matériaux se conservent. Si la visibilité le permet, vous en verrez un cet après-midi à l'écran.» C'est lui et Arthur B. Cohn, directeur du Lake Champlain Maritime Museum, qui commentent à bord les images d'épaves retransmises sur le bateau par des aquanautes qui en scrutent les entrailles déchirées par le temps. Mais avant, halte au fort Lennox, le temps qu'il faut pour retourner quelques siècles en arrière et fouler le sol que se disputaient alors Français, Américains et Britanniques. Et d'apprendre que l'aventure française en Amérique du Nord n'a pas pris fin sur les plaines d'Abraham, comme on est porté à le croire, mais sur l'île aux Noix, en août 1760. Quant au fort Lennox, joyau du réseau de Parcs Canada construit entre 1819 et 1829, il avait pour but de protéger la colonie contre une éventuelle invasion américaine par la rivière Richelieu. Mystère Malgré le mauvais temps, l'image est claire. Tiens, un crapet de roche! On dit qu'il raffole des épaves. Là, à tribord, un vieux panneau de cale peuplé de moules zébrées. «Elles aiment bien le métal, explique Jean Bélisle. Ces moules sont l'une des causes de la détérioration des épaves.» À bâbord, des barrotins. «Ils devaient supporter un pont ou un quai.» Voilà le Maraudeur! La barge de bois couverte de sil gît au nord-ouest de l'Île-aux-Têtes, sur un fond argileux. Il s'agirait d'un ancien charbonnier construit au tournant du siècle dernier, aux États-Unis, et qui aurait coulé vers 1940. La barge ayant été pillée en 1970 — depuis, une loi sur les épaves a été votée pour protéger le patrimoine —, on ne sait trop ce qu'elle transportait. Le bois et le charbon étaient toutefois les deux produits à transiter le plus sur le Richelieu. «Le plaisir de pénétrer dans les coulisses de l'archéologie, note Sophie Limoges, c'est qu'on accède à des découvertes qui ne sont même pas répertoriées dans les livres d'histoire.» Comme à bord du Pierre-le-Moyne-d'Iberville où les croisiéristes peuvent donc suivre, sur écran géant, deux plongeurs munis d'une caméra et d'un récepteur audio, filmant dans toutes les encoignures des épaves de barges, de chaloupes, de pontons qui racontent l'histoire de la plus vieille voie d'eau commerciale d'Amérique du Nord, entre le canal de Chambly et Noyan. Parmi les sites fabuleux à visiter pendant le mois d'août en Montérégie, suggère la présidente d'Archéo-Québec, notons le Centre d'interprétation du site archéologique Droulers-Tsiionhiakwatha, à Saint-Anicet. Il s'agit de la reconstitution d'un village iroquoien du XVe siècle. «Vous savez, les Iroquois ont été des pionniers en matière d'horticulture au Québec.» Également, le Parc archéologique de la Pointe-du-Buisson, un complexe composé de 17 sites archéologiques. La Montérégie propose 13 lieux et 29 activités, dont une programmation spéciale pour le 400e anniversaire du passage de Champlain vers le lac qui porte son nom. Archéo-Québec et sa programmation du Mois de l'archéologie: www.archeoquebec.com. Lake Champlain Maritime Museum: www.lcmm.org. Tourisme Montérégie: www.tourisme-monteregie.qc.ca. Pour qui souhaite aller visiter de plus près les épaves à l'île aux Noix, l'un des plus vieux sites archéologiques du Québec, en scaphandre cette fois-ci: www.aquafutur.com.

  • Les voies pénétrables de la Route verte

    De l'Abitibi-Témiscamingue à la Gaspésie, du Saguenay-Lac-Saint-Jean aux Cantons-de-l'Est, la Route verte relie par voies cyclables les quatre coins du Québec. Quatre mille kilomètres de pistes ont déjà été aménagés dans 18 régions touristiques de la province. L'objectif final: 4394 kilomètres. Et maintenant? Eh bien, il faudra veiller à la signalisation, au maintien du réseau et... peaufiner. Car le cycliste dodiché en veut toujours plus. Faire du Québec le paradis du vélo, tel était le rêve des artisans de Vélo Québec à la fin des années 1980. «On publiait des cartes, mais pas vraiment d'itinéraires, explique le directeur général Jean-François Pronovost. Rabouter les voies déjà existantes pour relier le Québec d'est en ouest et du nord au sud: voilà le projet qui germait dans la tête de ces passionnés. «En 1994, nous avons été invités à soumettre l'idée au gouvernement Parizeau. Elle a plu. La mise en marche de la Route verte a débuté en 1995.» Le tracé emprunte deux types de chemins: la piste cyclable, une voie complètement séparée de la circulation motorisée, et l'itinéraire sur route, qui consiste en un accotement asphalté d'une largeur minimale d'un mètre le long d'une route. Quant à la chaussée désignée, il s'agit aussi d'une route à faible circulation et reconnue comme voie cyclable. Compromis entre l'aventure sportive et la découverte d'attraits touristiques régionaux, la formule a du bon: rouler sur les anciennes voies ferrées, traverser les routes d'autrefois, contourner les lacs, longer les rivières, pénétrer dans les villages. Certains cyclistes parcourent la Route verte pour le plaisir de bouffer des kilomètres ou en fonction d'objectifs précis, comme la visite d'un pont couvert, d'une église ou d'un resto coquet. D'autres suivent un thème ou explorent une région. «Vélo Québec a permis aux gens de redécouvrir la bicyclette.» Rédacteur en chef de Vélo Mag, Jacques Sennechael est un témoin privilégié des métamorphoses qui ont transformé le monde du vélo au cours des dernières années: «Le magazine a évolué avec le cycliste. Il y a eu le Tour de l'île, puis le Grand Tour du vélo qui a contribué au développement du cyclotourisme au Québec, ensuite les voyages organisés ici et ailleurs, et la Route verte... Les baby-boomers participent même à des courses chronométrées.» C'est dire combien la pratique du vélo s'est démocratisée. L'association continue de travailler d'arrache-pied sur son projet. De taille, il faut le reconnaître. Mais Vélo Québec n'est pas seul dans la galère: le gouvernement du Québec, des partenaires régionaux, le ministère des Transports mettent aussi la main à la pâte pour que la roue du vélotourisme roule bien, et loin. Et maintenant que la charpente est érigée, reste la finition. Bienvenue cyclistes Les défis pour attirer encore plus de cyclistes locaux et étrangers? Améliorer la signalisation. «C'est capital, dit Jean-François Pronovost, qui cite la Suisse en exemple. Parfois, les gens qui entretiennent les pistes en région ont tendance à oublier que les cyclistes étrangers sont en territoire inconnu et peuvent souffrir d'insécurité. On offre des cours sur la signalisation.» Puis proposer des forfaits organisés dans les villes et les régions avec le transport des bagages, un hébergement de qualité, des circuits et activités connexes. Question d'appâter le cyclotouriste frileux à l'idée d'organiser son propre voyage et de s'éloigner des sentiers battus. Lucie Nobert, présidente d'Ekilib/Les Voyages Fleur de Lys, un voyagiste qui se spécialise entre autres dans les circuits de randonnée pédestre et de vélo autour du monde, commercialise depuis deux ans la vélo-péniche «Latitude Amsterdam» qui offre aux amateurs de vélo des séjours d'une semaine sur le fleuve Saint-Laurent, entre Ottawa et Québec. «La nuit, les voyageurs dorment sur le bateau et le jour, ils font du vélo accompagnés d'un guide qui leur fait découvrir les paysages. Les vélos sont fournis, mais les gens peuvent aussi apporter leur propre monture.» Ronald Houde et Anne Perrault, propriétaires de la péniche — la seule en Amérique du Nord à offrir la formule vélo à partir d'un bateau — sont tombés dans la potion lors d'un voyage aux Pays-Bas, en 2005. Au retour, le couple a racheté un petit navire d'une capacité de 16 passagers et toute une flotte de bicyclettes hybrides Rocky Mountain équipées d'un sac Arkel. Donc, aucun souci de bagages, ni de cuisine, le Latitude Amsterdam s'occupe de tout. Le cycliste parcourt une cinquantaine de kilomètres par jour. «On en donne plus que le docteur en demande», souligne Ronald, passionné d'histoire et de vélo. C'est d'ailleurs lui qui accompagne les cyclistes sur les chemins de la Route verte et qui leur parle patrimoine. Du jamais vu au Québec! Au 819, boulevard de Maisonneuve Est, à Montréal, à 100 mètres de la piste cyclable de la rue Berri, celle qui remonte du Vieux-Port vers le Parc Lafontaine et qui est balisée Route verte, l'auberge Le Pomerol affiche sur son mur extérieur la certification «Bienvenue Cyclistes». Ce jour-là, c'est Chantal qui est à l'accueil. «Ce que signifie l'attestation? Que le cyclotouriste est le bienvenu dans l'hôtel, qu'un espace couvert et verrouillé est prévu pour son vélo la nuit et qu'il peut compter sur une pompe et sur de l'outillage pour les réparations mineures, que de l'information touristique et des repas prennent en considération ses besoins alimentaire.» C'est un minimum! Il n'y a pas que les hôtels à se prévaloir de cette certification. Les terrains de camping aussi. Comme par exemple celui du Pont Couvert, à Milby, dans les Cantons-de-l'Est. Outre les services de base nécessaires à l'entretien du vélo et la mise en disponibilté de bicyclettes pour les campeurs, le propriétaire ne refusera jamais un cycliste qui arrive à l'improviste le soir. À l'origine, seuls les hébergements situés dans un rayon de cinq kilomètres de la Route verte pouvaient obtenir la certification «Bienvenue Cyclistes». Mais les choses ont bien changé ces dernières années. «En fait depuis que les cyclistes se sont mis à déborder des grandes voies pour aller découvrir les rangs de campagne, note Johanne Pépin, copropriétaire de l'auberge L'Été Indien à Brébeuf, dans les Laurentides. Les gens qui viennent nous visiter arrivent soit du Corridor aérobique, entre Morin Heights et Amherst, ou de la piste cyclable du P'tit Train du Nord.» «D'ici 2011, la Route verte qui longe la rivière des Outaouais sera reliée à la piste cyclable régionale du Parc linéaire de la Pontiac Pacific Junction (PPJ)», annonce fièrement Lionel Tessier, copropriétaire du camping Base Macrocarpa situé à la frontière ontarienne, en Outaouais, à 63 kilomètres du début de la fameuse piste cyclable qui traverse son terrain. «C'est en rapport avec ce réseau cyclable (et pour la pêche aussi) que nous avons décidé de nous installer ici.» L'avenir de la Route verte? «Assurer l'uniformité dans la nomenclature, le balisage et la légende, précise Jean-François Pronovost. «Établir des partenariats avec Via Rail», souhaite Jacques Sennechael. «Vendre la route à l'étranger, ajoute Ronald Houde. C'est au tour de l'industrie touristique de prendre la relève et de rappeler les raisons pour lesquelles on vient au Québec: ses grands espaces, ses beaux paysages, son dynamisme, sa grastronomie, son accueil.» L'infrastucture est là, il ne faut rien s'interdire. On peut déjà rouler sa bosse sur plus de 4000 kilomètres au Québec et même quitter le réseau pour emprunter les nombreux sentiers locaux qui s'y greffent. Le choix est vaste. L'Estriade, le réseau des Grandes Fourches, le Petit Témis, la Véloroute des Bleuets, le P'tit Train du Nord sonnent déjà chez les habitués de la Route verte comme une volée de cloches les jours de fête. Mais qu'en est-il du Corridor des Cheminots, de la ligne du Mocassin, du parcours des Anses? Il est essentiel de se procurer le guide La Route verte du Québec, publié aux éditions Vélo Québec, pour les connaître tous. Un travail colossal! En vrac Pour rouler bien préparé sur la Route verte Secrétariat de la Route verte 1251, rue Rachel Est, Montréal 514 521-8356, 1 800 567 8356, www.routeverte.com Vélo Québec 1251, rue Rachel Est, Montréal 514 521-8356,1 800 567 8356, www.velo.qc.ca À lire - Le magazine Vélo Mag, publié par Vélo Québec éditions, pour mieux connaître le monde du cyclisme au Québec et ailleurs.

  • Macadam - Le gardien du phare

    Il balaie le ciel de Montréal depuis 47 ans. Il s'allume à la nuit tombante et s'éteint à 1 h du matin. On peut voir ses rayons lumineux à une distance pouvant aller jusqu'à 58 km. Mais à quoi sert-il au juste ? Le temps est superbe. Pas de brume, pas de smog, pas de vent. On ne pouvait souhaiter mieux comme température pour une petite visite au sommet du premier gratte-ciel de Montréal. «Vous êtes prête à monter sur le toit?», demande André LeCavalier, gestionnaire des installations Édifice à bureaux chez CB Richard Ellis et... «gardien» du gyrophare de la place Ville-Marie. L'ascenseur arrête sa course au 47e étage de l'immeuble de 188 mètres. Terminus. «Il n'y a pas de garde-fou sur le toit, prévient André LeCavalier. Vous devrez vous attacher à un fil métallique.» On enfile un harnais, puis on grimpe les 17 barres métalliques d'une échelle qui mène à l'extérieur par une ouverture étroite. Spectaculaire! On aperçoit les Adirondack à l'ouest et les montagnes vertes au sud. Partout des toits en tout genre et des gratte-ciels magnifiques. Tiens, le 1000 de la rue de la Gauchetière, le plus haut de la ville, à 205 mètres. «Ça ne se voit pas, car il est construit un peu en aval de la place Ville-Marie, dit André LeCavalier. Mais il a quatre étages de plus.» Et le fameux gyrophare dans tout ça! Il est là, perché, côté est du toit. Ses quatre gros yeux ronds nous observent. Il tourne mais n'émet aucun signal lumineux. L'autre soir, sur le belvédère du Mont-Royal, des touristes français essayaient d'estimer sa vitesse de rotation. Trente deux secondes pour un tour complet. «C'est exact, chaque phare met environ huit secondes à parcourir 90 degrés. Si, après huit secondes, le faisceau n'apparaît pas dans le ciel, ça peut vouloir dire qu'une des ampoules est brûlée. C'est une façon de vérifier.» Le dispositif ne requiert pas du tout la présence d'un gardien. Actionné par un déclencheur automatique, le gyrophare s'allume seul dès la tombée de la nuit et s'éteint à 1h du matin. Qu'arrive-t-il en cas de panne? «Rien du tout». Et les avions alors? «Le gyrophare de la place Ville-Marie ne représente aucune particularité pour l'aviation», souligne Jérôme Caillière, pilote de ligne à Air Canada. En fait, on le remarque à peine, sauf par temps couvert. À ce moment-là, il se reflète dans les nuages et crée une lumière rose. C'est plutôt joli.» S'il n'est d'aucune utilité pour les avions dans le ciel ou les bateaux dans le port, alors à quoi sert-il? En réalité, sa fonction n'est que décorative. Une fantaisie de la Banque Royale du Canada, soucieuse dans les années 1957 de souligner la présence de son siège social, alors situé au 360 rue Saint-Jacques. «À l'époque, les quatre lumières étaient installées au quatre coins du toit de l'édifice de la BRC. La force des ampoules dépassait alors 28 fois en intensité celle du plus puissant phare aéroportuaire du Canada.» En 1962, lorsque la Banque Royale déménage ses pénates à la place Ville-Marie, pas question d'abandonner son vieux phare. On s'attache à ses choses. Il ne sert peut-être pas à diriger les avions du haut du ciel, mais il fait partie intégrante du paysage urbain montréalais. N'est-il pas, avec la croix du Mont-Royal et le Q d'Hydro Québec, l'un des emblèmes de la ville? D'ailleurs, le Jour de la Terre, ces icones s'éteignent en même temps en signe de solidarité à la planète. Sinon, le gyrophare roule beau temps, mauvais temps, tous les jours de l'année. La BRC n'a jamais cessé de bichonner son phare. Et continue de le faire. En 1971, les quatre ampoules de 2500 watts sont regroupées sur une plate-forme rotative d'environ trois mètres de diamètre et dotées de quatre miroirs d'une ampleur d'un mètre chacun. «Si le gyrophare ne requiert pas la présence d'un gardien au quotidien, on vérifie à l'occasion la propreté de la structure, puis on change les ampoules en moyenne une fois aux dix-huit mois et le moteur aux cinq ans. L'automatisation se charge du reste.» D'origine allemande, l'ampoule coûte 1500 $ et garantit 1000 heures de lumière. Le changement se fait manuellement. Quant au girophare, il coûte à la BRC de 5000 à 8000 $ par année en frais d'entretien. Ne monte pas au sommet de la place Ville-Marie qui veut! «Avant, les visiteurs pouvaient accéder au toit, mais on a dû cesser la pratique pour cause d'accidents.» Impossible de voir de près le gyrophare à moins d'en faire la demande spéciale. Mais, pour une vue spectaculaire sur Montréal, Altitude 737 est une belle solution de rechange. Longue vie au phare, ne serait-ce que pour mettre en pratique le cours 101 de photographie de nuit. Apparemment, c'est du côté de la Montérégie qu'il faut installer son trépied. Publié dans le Devoir du 21 juillet 2009

  • Camper sous les étoiles

    Autocaravane de classe A, B ou C, caravane à sellette, caravane classique, tente-caravane, caravane portée, accessoires sophistiqués, terrains de camping étoilés... Changements de fond dans les habitudes des campeurs. Ils seraient très nombreux de nos jours à choisir un véhicule récréatif plutôt qu'une tente. Et à fréquenter les terrains étoilés aux allures de club Med. Le «caravaning» ne s'adresse plus qu'aux retraités, les jeunes familles s'y intéressent aussi. Et de plus en plus. Petit aperçu d'une activité en ébullition au Québec. Compton, Qué. - La pluie ruisselle le long des vitres des caravanes et des parois en polyester des quelques tentes plantées sur le terrain. Côté météo, c'est un modeste départ pour les campeurs depuis la fin des classes. «C'est dommage qu'il pleuve, car la vue est spectaculaire par beau temps», s'excuse Aimé Mélix, le propriétaire du terrain Camping de Compton, comme s'il était responsable du mauvais temps qui s'acharne sur le Québec. Quarante-cinq kilomètres de campagne bucolique et le mont Orford en arrière-plan. «Imaginez un peu le coucher du soleil.» L'homme, un Français originaire de Puissalicon, village du sud de la France, «pas trop loin de Pézenas, la ville de Molière», dit-il fièrement, bichonne son terrain depuis le 1er janvier 2000. «Avant d'acquérir ce terrain, ma femme et moi n'avions jamais fait de camping, raconte Aimé. J'ai rencontré Marie-Claude, une Sherbrookoise à l'emploi de l'Agence canadienne de développement international, au Bénin. J'ai travaillé en Afrique 25 ans avant de venir ici.» Propriétaires accueillants, intentionnés et cultivés. Accueil impeccable, beau décor. Haie de cèdres posée sur mur de rocaille et magnifiques rosiers rustiques autour de deux piscines, dont l'une est chauffée. Toilettes et douches rutilantes de propreté. Buanderie avec vue. Terrains de soccer, de basketball, de volleyball, de golf. Spa. Un parc pour enfants monté sur du paillis de cèdre. Des jeux d'eau. Un sentier de randonnée. Des arbres, des fleurs, parfois un nain de jardin. Un beau pavillon de jardin en bois de la région. Jusqu'à l'aménagement topographique qui a été pensé en fonction du visiteur: le site étant construit en paliers, aucune caravane n'obstrue la vue aux autres. Cinq étoiles! Mais non! Bien que Camping de Compton ait remporté une quinzaine de prix d'excellence depuis 2001 — il a entre autres été «lauréat régional des Grands Prix du Tourisme québécois 2009» —, le terrain de 290 emplacements est coté quatre étoiles par le Conseil de développement du camping au Québec (CDCQ). Autrefois fait sur une base volontaire, ce programme de classification est dorénavant obligatoire selon la Loi sur les établissements d'hébergement touristique. «Un système qui rassure les usagers et les aide à faire un choix éclairé», affirme Aimé. «La cinquième étoile n'est pas facile à obtenir, soutient Daniel Leduc, propriétaire du camping quatre étoiles La Clé des champs, situé à Saint-Philippe, en Montérégie, à 20 minutes du centre-ville de Montréal. Les étoiles, c'est avant tout un système de pointage quantitatif. On mesure la nature et la qualité des infrastructures ainsi que l'offre des services complémentaires.» Comme un restaurant sur le terrain, par exemple. «Ce que je ne souhaite pas avoir, déclare Aimé. Nous sommes adossés au charmant village de Compton, reconnu pour son dynamisme dans le domaine de l'agrotourisme. Il y a de très bonnes tables d'hôte, des boulangeries bio, des cafés. Je préfère travailler en complémentarité avec les gens de la vallée de Coaticook.» Pas non plus de gros dépanneur, puisqu'il y a un supermarché et un boucher dans le village de Compton. Et pas de station de propane non plus sur le terrain. Un camion livre le précieux combustible. Adieu la cinquième étoile. En revanche, Daniel et Carole Leduc souhaitent de tout coeur l'obtenir d'ici peu. Eux non plus n'ont pas de restaurant sur leur terrain. «Hot-dogs et patates frites, ce n'est pas le truc de mes caravaniers, qui soignent leur santé.» Une cuisine moderne et équipée est mise à leur disposition dans le chic Club House de la place, qui peut accueillir jusqu'à 300 personnes et offre une vue sur d'immenses champs de soya. Le couple a investi 1,5 million de dollars en rénovation depuis un an et demi. Salle de bains en céramique, bibliothèque avec ordinateur, piscine. Et une panoplie d'activités. Devenir un cinq étoiles, c'est une affaire! «Il y a autant de genres de camping qu'il y a de styles de gens, dit Martial Rivest, ex-propriétaire de terrain de camping et ex-conseiller auprès de Camping Québec. Le cinq étoiles n'est pas un gage de bonheur pour tous.» Infrastructures impeccables et large éventail d'activités et de services, oui, mais à quel prix! D'ailleurs, au Québec, la bénédiction suprême n'a été accordée à date qu'à huit terrains, soit 1 % des établissements sur les 822 campings classés. C'est le bouche à oreille qui fait la renommée du Camping du pont couvert, une entreprise familiale située à Milby, dans les Cantons-de-l'Est. Un deux étoiles, clés en main. Dans ce charmant camping, on n'a pas à ressortir son porte-monnaie sur place. Les douches et les toilettes sont gratuites, comme chez Aimé et chez Daniel. Mais ce n'est pas toujours le cas. Bernard Houle campe en famille depuis 30 ans. «Notre terrain est le résultat de tout ce que l'on n'a pas aimé quand on était campeurs», dit-il. Donc, pas de chaîne stéréo ou de haut-parleurs qui annoncent les activités à venir, pas de routes asphaltées, ni de publicité moralisatrice ou autre. «Je n'ai pas à rappeler à mes clients de ne pas se promener avec des bouteilles en verre sur le site, ils le savent. Je ne couperai pas non plus mes beaux pins centenaires, au risque de perdre les quelques caravaniers qui craignent la sève sur leur véhicule ou le frottement des branches. Je préfère rediriger ces campeurs vers des terrains qui conviendront mieux à leur personnalité.» «L'accueil, la beauté de la nature, la rivière qui nous entoure, les sentiers pédestres, la petite ferme, les chevaux dans le champ... tout ça n'apporte pas beaucoup de points, au moment de la classification, qui se fait tous les deux ans. Mais tous les campeurs ne sont pas à la recherche du club Med», note Bernard Houle. Pour le Franco-Ontarien de Cornwall qui a fait ses études à l'Université de Sherbrooke, un terrain de camping est avant tout un lieu qui facilite un programme de vacances et d'exploration. «Si j'ai tout sur le terrain, mes campeurs ne sortiront pas d'ici.» La grande majorité des terrains de camping accueille aussi bien les campeurs saisonniers que les nomades. Certains propriétaires n'acceptent pas les campeurs sous la tente, les clôtures et les aménagements paysagers kitsch; d'autres, les véhicules récréatifs vieux de plus de dix ans. Une règle qui s'applique aux saisonniers, ces caravaniers qui s'installent sur le terrain pour l'été. Chacun des exploitants impose ses propres règlements. «Quel site, lance Kathleen, une campeuse nomade de Sherbrooke qui, avec son mari et ses enfants, fréquente le Camping de Compton les week-end. Je ne savais pas qu'il y avait un si joli camping près de chez nous. J'aime l'idée d'aller chercher à pied mon pain le matin et que la piscine soit fermée aux enfants durant les heures de repas. J'en ai quatre, ça nous facilite la vie.» «Nous avons déjà été des campeurs nomades», raconte Isabelle Myre, de Brossard, qui avec son mari Martin et sa petite fille Laurie a installé sa caravane à sellette, une Sunset Trail de 30 pieds, chez Aimé et Marie-Claude. Des terrains, ils en ont vu de tous les genres et c'est celui-là qu'ils ont adopté l'année dernière. Professeurs tous les deux, ils ont l'été devant eux. Et ils ne bougeront pas de là. On aime l'ambiance ici et l'on se repose plus en restant sur place. Et qu'adviendra-t-il de leur caravane cet hiver? Eh bien, elle restera entreposée là, jusqu'à l'été suivant. Un privilège pour les clients. Alors que les retraités partiront, telles des oies, vers le Sud. Des préjugés à l'égard de ce mode de vie grégaire? Il y en a beaucoup. «C'est quétaine, c'est pas du camping...» Certes, la vie dans un véhicule récréatif ne s'apparente guère à la vie sous la tente. C'est beaucoup plus confortable. Mais le plaisir d'être dans la nature est le même. On vit dehors. Et c'est plus écologique qu'une grande maison pour qui y vit à temps plein. «Avec le temps, dit Bernard Houle, j'ai réalisé que c'est dans la philosophie de vie que l'on retrouve le vrai campeur et non pas dans le véhicule. En tout cas, sur un terrain de camping, on s'entraide.» En vrac L'Association des terrains de camping du Québec (Camping Québec) représente les exploitants de terrains de camping de la province. Camping Québec a pour mission de promouvoir et de favoriser la croissance et le développement de l'industrie du camping de même que la pratique de cette activité chez nous. Elle offre à ses membres des activités de formation, organise des colloques... www.campingquébec.com La Fédération québécoise de camping et de caravaning (FQCC) défend, depuis 1967, année de sa création, les intérêts des campeurs. Organisme sans but lucratif, elle représente le plus grand regroupement de campeurs et de caravaniers au Québec et au Canada, avec actuellement plus de 45 000 familles membres en provenance de tous les coins de la province. On y obtient, entre autres choses, de l'information pour planifier ses vacances en camping et voyager en sécurité. Une agence de voyages est à la disposition des campeurs. www.fqcc. Le Conseil de développement du camping au Québec (CDCQ) conçoit et offre divers programmes, activités ou services de promotion qui concernent à la fois les membres de Camping Québec et ceux de la FQCC. Le CDCQ agit comme maître d'oeuvre du programme de classification de camping du Québec. Il réalise et distribue le Guide du camping au Québec, un répertoire des terrains de camping, et gère le site Web de Camping Québec. www.campingquebec.com/cdcq/cdcq.shtml La Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ) compte actuellement 22 parcs nationaux, 15 réserves fauniques et neuf centres touristiques. On peut y louer un chalet, un camp rustique, un refuge, une yourte, et tenter l'expérience du nouveau concept de «prêt à camper» en tente Huttopia. www.sepaq.com et www.huttopia.com Pour information sur l'industrie du véhicule récréatif (VR en Amérique): www.gorving.com.

  • Livre - Vivre Montréal intensément

    «Les cordonniers sont souvent les plus mal chaussés.» Qui peut se targuer de connaître à fond le Vieux-Montréal? La maison d'édition Ulysse vient de publier un guide hors série, Plaisirs du Vieux-Montréal, qui invite le visiteur à «battre le pavé de ses rues ravissantes» et à découvrir trésors d'architecture et d'histoire. Cet ouvrage de 127 pages, bellement illustré, se consulte facilement, ses sept têtes de chapitre et son index étant très explicites. «Découvrir», «dormir», «se délecter», «admirer», «se gâter», «s'offrir», «sortir», autant d'invitations à explorer le berceau historique de la métropole. Quel que soit le circuit pour lequel vous optiez — «Tournée des grandes institutions financières», «Est du Vieux-Montréal», «Patrimoine architectural autour du marché Bonsecours», «Basilique Notre-Dame: un chef-d'oeuvre architectural», «Expérience des musées d'histoire» ou «Centre culturel et administratif du Vieux-Montréal» —, chaque chemin dévoile ses charmes et son histoire, ses édifices tricentenaires, ses places animées, et ses terrasses. «Plaisirs du Vieux-Montréal» propose aussi une série d'endroits où aller se restaurer, dans un bistro sympa pour un petit-déjeuner, sur le pouce vite fait pour le lunch ou dans des restos à la mode ou classiques pour un repas romantique. Envie d'une glace avant de prendre d'assaut la quarantaine de galeries d'art du quartier? La crémerie Saint-Vincent, rue Saint-Paul, propose une crème glacée molle garnie de sucre d'érable. Vous pouvez aussi vous arrêter chez Les Glaceurs, rue Saint-Sulpice. Si vous faites partie de ceux qui recherchent les hôtels-boutiques haut de gamme, des auberges de charme et des hôtels d'exception, le Vieux-Montréal en offre plusieurs. Vous apprendrez ainsi que l'hôtel Le Saint-James est le plus chic au Canada et que l'hôtel XIXe Siècle est aménagé dans une ancienne banque à l'architecture Second Empire. Et pour des soirées mémorables, le guide suggère quelques lounges branchés, pubs et boîtes à chansons débridées. Certainement épicuriens dans l'âme, les auteurs de Plaisirs du Vieux-Montréal ont poussé leurs recherches jusqu'à repérer les spas pour la détente et des centres de yoga pour la mise en forme. Le guide propose une dizaine de maisons de santé offrant thermothérapie, sauna et bain vapeur, massage ayurvédique ou amérindien et cours de yoga... à la carte. Ulysse vient aussi de publier la treizième édition de son guide Montréal. L'ouvrage de 304 pages suggère, entre autres, 18 circuits à parcourir à pied, à bicyclette ou en voiture, 80 hôtels, 270 restaurants et 80 bars et boîtes de nuit. Un chapitre complet est consacré aux achats. «Conçu par des Montréalais pour des Montréalais et leurs invités», l'ouvrage pratique permet de personnaliser son exploration de la ville, que l'on soit branché nature, architecture ou histoire.

  • Colorado - La vie en vert à Boulder

    Connaissez-vous beaucoup de villes sur la planète où les habitants s'acquittent d'une taxe sur les émissions de dioxyde de carbone et acceptent volontiers de payer des impôts pour avoir des espaces verts, des stationnements stictement réservés aux voitures hybrides et des conteneurs de produits à recycler sur leurs trottoirs? Bienvenue à Boulder, Colorado. Ici, on n'a pas attendu le plan de relance économique de Barack Obama et ses quelque 71 milliards consacrés à l'environnement pour montrer patte verte. C'est une tradition. Depuis 1898. Boulder — Dans l'Embraer qui amorce sa descente, je colle mon visage au hublot pour mieux voir la montagne. Mais au sol, c'est la plaine qui tient la vedette. Le brun domine. Quelques touffes de verdure esquissent un paysage de Far West. Surprenant! Est-ce bien le vol sur Denver? Alors, où sont les Rocheuses? On les aperçoit enfin qui s'élèvent, net comme un mur. Ce qui frappe, c'est la façon dont la plaine cède carrément la place à la montagne. À partir de l'aéroport international de Denver, la route file presque rectiligne jusqu'à Boulder, située au pied des montagnes. On compte une cinquantaine de minutes pour s'y rendre, une trentaine à partir de Denver. Si le temps ne presse pas trop, un détour dans la capitale du Colorado, au Denver Museum of Nature & Science, permet de tester votre capacité à suivre une expédition en montagne. Votre corps tiendra-t-il le coup jusqu'au sommet du Mount Evans? C'est aussi dans ce musée qu'Obama a signé son plan de relance économique, en février dernier. À 1650 mètres d'altitude, la petite ville de Boulder cultive l'art de vivre écolo depuis toujours. Tout commence au XIXe siècle par l'arrivée dans la région de miniers en quête d'or. Peu de temps après, ces pionniers étrangers fondent la Boulder City Town Company. La petite ville voit le jour en 1859. À l'époque, le commerce ne s'effectue encore qu'entre les différentes villes minières des montagnes. La terre coûte très cher. Puis, l'année 1873 marque l'arrivée du chemin de fer reliant Boulder aux grandes villes américaines. Sept ans plus tard, la population a triplé. Reconnue pour sa qualité de l'air et ses beaux paysages, Boulder se transforme petit à petit en centre de santé et de loisirs. En 1896, un sanatorium voit le jour à Mapleton Hill. Le souci de protéger les espaces verts continue de coller à la peau des 6000 âmes tapies au pied des Flatirons. Une tradition qui se perpétue depuis que le chef Niwot, un Amérindien de la tribu des Arapaho, a transmis aux pionniers son amour pour la nature. En 1898, la Ville fait l'acquisition d'une terre de 26 acres, le superbe Chautauqua Park. Et ses habitants sont les premiers du pays, en 1967, à voter une taxe de 0,4 % sur les ventes pour financer la création d'espaces verts. Depuis, Boulder continue d'être à l'avant-garde de l'écologie. Elle est une sorte de laboratoire à l'écoute de l'environnement. Lorsqu'on entend parler, aux téléjournaux, de la détérioration de la couche d'ozone ou de la fonte anormale de la banquise, il y a de fortes chances que la nouvelle vienne de Boulder. Plusieurs laboratoires de recherche américains y ont établi leurs pénates. On y dénombre 3600 scientifiques qui font de la recherche dans le domaine de l'environnement, comme le National Center for Atmospheric Research (NCAR). Avez-vous vu An Inconvenient Truth («Une vérité qui dérange»), ce documentaire qui traite de changements climatiques, en particulier du réchauffement planétaire? Ce film a valu à Al Gore le prix Nobel de la paix 2007. Grâce à leur travail au sein du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, une bonne douzaine de scientifiques du NCAR ont eu le privilège de partager le prestigieux prix avec l'ancien vice-président des États-Unis. Dans l'espoir de mieux comprendre les enjeux climatiques, je me suis rendue au National Center for Atmospheric Research. L'édifice, conçu en 1967 par l'architecte d'origine chinoise I. M. Pei, surplombe l'extrémité sud de la ville. Le musée présente des expositions sur les changements climatiques, le réchauffement de la planète, El Niño, la sécheresse, l'effet de serre... «Savez-vous que, pour obtenir une livre de boeuf, il faut 200 gallons d'eau et 2000 livres de grains?», demande Tim Barnes, guide au NCAR. Ah bon! Le petit circuit d'interprétation Walter Orr Roberts qui porte sur la météo et le climat, à l'arrière du bâtment, complète bien la visite du laboratoire. Ce qui suprend d'abord au NCAR, c'est qu'il n'y a aucune surveillance. «Un choix, explique Tim Barnes. L'endroit doit être accessible à tous. Le réchauffement global concerne tout le monde, on souhaite le plus de visiteurs possible.» Le site qui est au coeur d'un réseau de randonnée pédestres en montagne attire 100 000 visiteurs par année, dont 80 000 arrivent à pied. À Boulder, on roule à vélo, on marche, on mange bio, on a recours à l'énergie verte, on recycle. Tout le monde y met du sien. Le St Julien Hotel & Spa, au 900 Walnut Street, est sur la voie de devenir un hotel «zéro déchets». En septembre 2010, cet hébergement de luxe avec vue sur les Flatirons, à deux pas de la piste cyclable Boulder Creek Path, aura diminué ses ordures de 90 % , passant de 33 tonnes par mois en 2008 à 3,3 tonnes d'ici la fin de l'été. Qui dit mieux? La long de Pearl Street, magasins et restaurants ont recours à l'énergie verte et recyclent. Comme le restaurant The Kitchen qui carbure à l'éolienne, recycle son huile de cuisine en biodiesel, achète local, redistribue la nourriture non cuite et les restes de bouteilles de vin à ses employés et nourrit les cochons avec les restants de table. Ainsi, les aliments retrouvent le chemin de la ferme d'où ils proviennent. Jusqu'au Wi-Fi, dans les cafés Internet, qui tourne grâce à des panneaux solaires. La ville se targue d'un programme avant-gardiste de transport en commun et de mesures draconniennes anti-CO2. En 1989, le conseil municipal de Boulder lance «Go Boulder» qui lutte pour développer des programmes innovateurs en matière de transport. Leurs efforts portent fruits. Le nombre de passagers à emprunter les transports en commun dans la ville a augmenté de 200 % entre 1990 et 2007. Huit autobus hybrides, équipés d'un support à vélo, sillonnent maintenant la ville d'un bout à l'autre. Ils se nomment Jump, Hop, Skip, Leap, Bound, Dash, Bolt et Stampede. L'Université du Colorado contribue aussi à l'ambiance festive de Boulder. Plus de 25 000 étudiants fréquentent le campus. La ville est un joyeux mélange d'intellos et de sportifs, d'obsédés et de gens cool. Impossible d'y habiter si on ne croit pas à la sauvegarde de la planète ou à la conservation des espaces naturels: 21 500 mètres carrés protégés autour de la ville, 480 kilomètres de pistes cyclables accessibles à Boulder, et cette fameuse taxe sur les émissions de dioxyde de carbonne pour inciter les rebelles à prendre le virage des énergies nouvelles. Patagonia, Recreational Equipment Inc., Title Nine, Whole Foods, RockyMounts... Tous soutiennent à leur façon la planète. Certains d'entre eux misent sur l'architecture de leur magasin, d'autres sur commercial, un stationnement strictement réservé aux voitures hybrides. Un séjour ici ne serait pas complet sans une visite chez Celestial Seasonings. Les amateurs de tisane connaissent sûrement cette entreprise qui a vu le jour en 1969 grâce à une bande de jeunes entrepreneurs passionnés, convaincus que la consommation de tisanes à base de plantes médicinales était le gage d'une vie saine. À l'origine, les herbes étaient cueillies dans les Rocheuses, plus exactement au Chautaugua Park, à Boulder. Le Sleepytime...vous connaissez? Boulder n'est qu'à 30 minutes de Denver et à deux heures de route du fameux centre de ski Aspen. L'été, on y vient pour faire du vélo et de la randonnée en montagne, l'hiver, du ski et de la raquette, mais en tout temps pour se détendre. Chose certaine, Boulder est une expérience. En vrac -Pour faire de la randonnée en montagne: au Chautauqua Park, www.chautauqua.com. -Pour louer un vélo: www.ubikes.com. -À Boulder, le St Julien Hotel and Spa est une bonne adresse. Une très belle piscine permet de faire ses longueurs. L'hôtel offre aussi des vélos. L'endroit est très bien situé, face aux montagnes Flatirons, à deux pas du Boulder Creek Path, la principale artère cyclable de Boulder le long d'un ruisseau et à proximité aussi de la Pearl Street, une jolie rue commerciale avec de beaux magasins et de nombreux restaurants. www.stjulien.com. -Le Boulderado est un très bel hôtel de charme reconnu pour son élégance victorienne. Il est membre du National Trust's Historic Hotels of America: www.boulderado.com. - Au Jax Fish House, non seulement le chef Hosea Rosenberg fait partie des America's Top Chefs mais le restaurant carbure à 100 % à l'éolienne, les restants sont compostés et les contenants pour rapporter la nourriture sont à base de maïs et recyclables: www.jaxfishhouseboulder.com. The Kitchen: www.thekitchencafe.com. On va au restaurant de l'Hôtel Boulderado pour sa table, son choix de vins et son charme. * Air Canada assure la liaison Montréal-Denver: www.aircanada.com. * Colorado Tourism Office: 303 892-3885, www.colorado.com. * Boulder Convention and Visitors Bureau: www.bouldercoloradousa.com. * Go Boulder: http://www.bouldercolorado.gov/index.php?option=com_content&task=view&id=8774&Itemid=2973. * National Center for Atmospheric Research (NCAR): www.eo.ucar.edu/visit. * Celestial Seasonings Herbal Tea & Special Tea Products: www.celestialseasonings.com.

  • Les traditions funéraires, un patrimoine bien vivant

    Si de nos jours le rituel funéraire s'effectue de façon plus discrète dans les grandes villes, il n'y a pas si longtemps encore il occupait une place notable dans le coeur des gens. Présence du prêtre auprès du mourant, derniers sacrements, veillée mortuaire à la maison et cérémonie à l'église étaient des conditions sine qua non de la «bonne mort», la garantie d'une résurrection triomphante. Regard historique sur les cimetières, les rites et l'art funéraire québécois du XIXe siècle et du début du XXe, au Musée du Château Dufresne. Vêtu d'une longue tunique, une balance dans la main droite, un parchemin enroulé dans celle de gauche, l'ange saint Michel, peseur d'âmes, accueille le visiteur. «La balance sert à peser les âmes afin de faire la part entre le bien et le mal et le parchemin enroulé sert à évoquer la liste des justes et des damnés», explique Stéphane Chagnon, commissaire chargé de l'exposition. L'imposante oeuvre en pin du sculpteur Louis Jobin, autrefois située sur le portail d'entrée du cimetière Saint-Joseph Deschambault, à côté de l'ange à la trompette du Jugement dernier, est le point de départ de la petite mais dense exposition Le patrimoine funéraire, un héritage pour les vivants, qui se tient au Musée du Château Dufresne jusqu'au 30 août prochain. Ambiance morbide? Pas du tout! Le sujet n'est pas la mort. Enfin, pas vraiment... «On ne rentre ni dans une église ni dans un salon funéraire, précise Paul Labonne, directeur général du musée. L'exposition jette un regard historique, culturel et ethnologique sur les cimetières, de l'inhumation ad sanctos au centre funéraire d'aujourd'hui via le cimetière paroissial, ainsi que sur les rites et l'art funéraire au XIXe siècle. En parallèle, l'exposition cherche à rendre hommage aux régions du Québec qui ont su conserver leur patrimoine religieux, comme en témoigne ce catafalque blanc d'enfant fabriqué en 1920 par Omer Létourneau, charron de métier à Saint-Joseph-de-Beauce. Ou encore ce petit sarcophage en fonte prêté par le Musée Missisquoi. Bière, cénotaphe, columbarium, enfeu... Le visiteur est initié au lexique funèbre. Puis on entre dans le monde des cimetières. L'exposition a d'ailleurs pris sa source dans le très bel ouvrage publié en 2008 aux Éditions GID, Cimetières - Patrimoine pour les vivants, de l'ethnologue Jean Simard et du photographe et cinéaste François Brault. Avec les photos de ce dernier, des oeuvres d'artisans et d'artistes complètent l'exposition: stèles, mobiliers funéraires... Des pièces signées Alfred Laliberté, Louis-Philippe Hébert, Jean-Baptiste Côté. «Au départ, le cimetière paroissial situé à proximité de l'église demeure le lieu de sépulture pour la majorité de la population, note Stéphane Chagnon. À la fin du XVIIe siècle, on apprend que l'ensevelissement des défunts ordinaires se fait de façon anonyme et souvent dans des fosses communes. C'est seulement dans la première moitié du XIXe siècle que, peu à peu, la concession de lot et le monument vont permettre l'individualisation du site de sépulture. Quant aux cimetières ad sanctos, ils existaient déjà au XVIIe siècle. «Réservé à une certaine élite, l'enterrement sous les églises constituait une source de revenus considérables pour les fabriques mais n'était pas exempt d'inconvénients. Comme dans les anciennes églises il fallait déplacer les bancs et ouvrir le plancher pour procéder aux inhumations, les fidèles risquaient de tomber sur des planchers devenus moins plats à la longue. Sans compter les fortes odeurs qui émanaient du sous-sol. Au XIXe siècle, un interdit judiciaire a mis fin à cette pratique.» L'exposition traite aussi de la façon dont les confessions religieuses se souciaient de leurs morts aux XVIIIe et XIXe siècles. «En 1776, l'une des premières nécropoles juives d'Amérique est inaugurée au faubourg Saint-Antoine, à Montréal, angle nord-ouest des rues Peel et De La Gauchetière. «En 1779 apparaissent le cimetière catholique du faubourg Saint-Antoine et le second cimetière protestant de Montréal. Les premiers immigrants chinois sont inhumés dans les grands cimetières protestants devenus très tôt multiconfessionnels», souligne Stéphane Chagnon. Dans la chambre du mourant, les aiguilles de l'horloge murale sont figées à l'heure du décès. Au pied du lit, un prie-Dieu. «On faisait la toilette du mort, on le recouvrait d'un suaire, on bouchait les châssis, on allumait des cierges. Le jour, on disait le chapelet aux heures, la nuit aux heures et demie», raconte Victor Bélanger, l'un des fondateurs de la municipalité de Saint-Guy, dans les Basques. Il suffit de soulever le récepteur pour entendre le récit du conteur de 94 ans. Par respect pour le disparu, une tradition établie en 1684 interdit de transporter les morts en voiture. Mais la route est souvent longue et compte quelques pentes raides. Il faut régler l'avatar. Les premiers modèles de corbillards hippomobiles apparaissent au milieu du XIXe siècle pour pallier les problèmes causés par de longues processions funéraires dans les campagnes. On peut admirer, en fin d'exposition, un corbillard noir hippomobile sur patins d'acier, utilisé pour des enterrements l'hiver. Peu agrémenté, il servait à des défunts moins fortunés. Le Musée du Château Dufresne offre une série de conférences sur les rites funéraires des grandes religions: judaïsme, hindouisme, bouddhisme et islam, ainsi que des visites commentées des cimetières Notre-Dame-des-Neiges et du Repos-Saint-François-d'Assise, associés au Musée du Château Dufresne pour mettre en valeur le patrimoine funéraire d'ici. - Musée du Château Dufresne: 514 259-9201, www.chateaudufresne.com..

  • Cambodge - Angkor à vélo

    Une journée permet de contempler les temples de grand renom de la cité khmère d'Angkor, comme Angkor Vat, Angkor Thom et Ta Prohm; trois jours, de les découvrir à fond. Une semaine, toutefois, offre le plaisir de s'engouffrer plus en profondeur dans la jungle et d'explorer des lieux moins fréquentés, parfois plus humbles. Le site archéologique le plus vaste au monde abrite des centaines de temples et de vestiges ornés de visages, de bêtes et de corps. À pied, en tuk-tuk, en moto, à dos d'éléphant, en montgolfière, tous les moyens sont bons pour l'arpenter. Nous avons choisi le vélo, comme il est d'usage au Cambodge. Siem Reap — De Phnom Penh, il faut compter six heures en bateau jusqu'au débarcadère de Phnom Krong sur le lac Tonlé Sap. La route sur l'eau, de la capitale, permet d'observer la vie des Cambodgiens tout au long du Tonlé Sap, un affluent du Mékong qui, avec le Bassac, prend sa source dans Phnom Penh, face au Palais royal, au confluent des «Quatre Bras». À l'arrivée, on emprunte un tuk-tuk, direction Siem Reap, porte d'entrée de la fameuse cité khmère d'Angkor (802 à 1432). «Ne pas confondre Khmer et khmer rouge», explique Ladavann Pen, auteure du livre Ladavann, une orchidée sauvage: journal d'une jeune fille handicapée sous les khmers rouges», lors d'une entrevue à l'émission Faites comme chez vous sur Europe 1. «Les Cambodgiens sont des Khmers, alors que les khmers rouges sont des révolutionnaires qui se sont inspirés de l'idéologie maoïste», raconte celle qui, en 1975, âgée de 10 ans et atteinte de polyarthrite rhumatoïde, est chassée avec les siens de la maison familiale. Ses parents sont contraints, comme des millions d'autres Cambodgiens, aux travaux forcés. D'abord transportée de hutte en hutte, elle finit prisonnière de sa paillote. Lada perd sa mère, ses grands-parents et deux de ses frères. Difficile d'aller au Cambodge et de faire fi de l'effroyable génocide. Le pays s'en remet à peine. À Phnom Penh, au Royal Guest House, une pension à prix modeste fréquentée par des routards du monde entier, on présente tous les soirs le film The Killing Fields. Après la visite du charnier de Choeung Ek et du musée Tuol Sleng, la fameuse prison S-21 établie dans un ancien lycée où 15 000 personnes ont été torturées et exécutées dans des «champs de massacre» voisins, sous les ordres de «Douch» — aujourd'hui jugé pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité, torture et meurtre avec préméditation, visionner ce film sur les lieux du drame laisse sans mot. Siem Reap est le cliché de la petite ville grouillante, affairée et bruyante, parcourue en tous sens par des autos, des motos, des tuk-tuks et des vélos. Un peu à l'image de Phnom Penh, mais en plus charmant encore avec ses anciennes maisons de négoces françaises, ses parcs et ses boulevards arborés. Le centre-ville s'articule autour du vieux marché, le psar Chaa. Le coeur de laville se parcourt à pied en une heure ou deux. Et la vie s'improvise sur chaque bout de trottoir. Le Bou Savy Guesthouse, un petit hôtel à prix modique géré par une famille khmère, Mme Bovuth et ses trois fils, est une bonne adresse. Situé dans un jardin de manguiers à proximité du coeur de la ville et de la route principale qui mène aux temples, on y parle le français et l'anglais. La famille Bovuth soutient, à l'instar de bien d'autres, des organismes de charité. Comme, par exemple, The White Bicycles, une agence de location de vélos qui aide les communautées locales à réaliser des levées de fonds pour concrétiser des projets de développement durable. Au Bou Savy Guesthouse, la location d'un vélo coûte 2 $US par jour; de ce montant, 1,50 $ ira directement à un organisme de charité et 0,50 $ servira à l'entretien des vélos. Ainsi va la vie dans ce pays de 14 millions d'habitants dont la survie est suspendue à l'aide internationale. Il n'y a pas d'ordre pour visiter les temples d'Angkor; tout dépend du temps dont on dispose et des goûts de chacun. On suggère toutefois deux itinéraires balisés: le petit et le grand circuits. Le premier, long de 17 kilomètres, commence à Angkor Vat et se dirige vers Phnom Bakheng, Baksei Chamrong, Angkor Thom, Chau Say Tevoda, le Thommanon, le Spean Thma et le Ta Keo. Puis il poursuit vers le Ta Nei, le Ta Prohm et enfin le Banteay Kdei et le Sra Srang. L'autre circuit, d'une longueur de 26 kilomètres, est une extension du premier. Au lieu de quitter la cité fortifiée d'Angkor Thom par la porte est, il emprunte la porte nord et continue jusqu'au Preah Kan, au Preah Neak Poan, au Ta Som, au Mebon oriental et au Pre Rup. Le site d'Angkor s'étend sur 400 kilomètres carrés et abrite 287 temples. On a le choix entre trois forfaits: un jour, trois jours, une semaine. La passe de trois jours permet de visiter l'essentiel du site à la condition d'y consacrer la journée complète et de faire appel à un taxi conventionnel le dernier jour pour aller jusqu'aux sanctuaires les plus éloignés. Celle d'une semaine procure le plaisir de flâner. Une chose est sûre, il faut bien planifier son séjour car ces forfaits sont valables pour des journées qui se suivent. Impossible de proroguer! L'anarchie Au départ de Siem Reap, sur la N6, c'est l'anarchie. Il y a sûrement un code pour cyclistes paumés. Du plus grand au plus petit, peut-être? Ou du plus autoritaire au plus faible? Aller donc savoir! Seule une poignée de feux de circulation tentent de dompter le flot de motos, de tuk-tuks, de voitures. Heureusement, il n'y a que quelques kilomètres à parcourir dans la ville. Une fois sur le site, le chemin est calme et en bon état. Les débutants n'ont rien à craindre, sauf la chaleur. À trois kilomètres à l'est de l'entrée orientale d'Angkor Vat, depuis la route qui relie Angkor Vat à Bantei Kdei, on aperçoit les cinq tours en brique de Prasat Kravan. La décoration intérieure indique que ce temple était consacré à Vishnou. C'est une occasion unique d'examiner la technique khmère de la pose de briques. Le liant était composé de chaux et de poudre de brique. Un peu plus loin, le petit temple bouddhiste Bat Chum a été construit par Kavîndrârimatha, le seul architecte khmer dont on connaisse le nom. Sur les piédroits de chacune des portes, il y a une inscription portant un poème louant le constructeur. Les dernières stances de chaque poème supplient les propriétaires d'éléphants, ces «briseurs de digues», de ne pas faire marcher leurs animaux sur les digues en terre de Srah Srang. Le parcours à vélo est facile, mais avec la visite des temples, l'itinéraire est sportif. On ne fait pas que rouler dans la journée, on marche et on grimpe des escaliers parfois très pentus. Les restaurants ne manquent pas sur le site d'Angkor, sauf qu'ils ne sont jamais là au moment opportun. Mieux vaut prévoir de l'eau et quelques grignotines en cas de baisse subite d'énergie. Le Ta Phrom est spectaculaire. Si les arbres qui ont poussé en entrelaçant les pierres de leurs racines sont des facteurs de destruction, ils créent une atmosphère fantastique. Ce temple est maintenu dans un état de négligence apparente pour montrer à quoi ressemblaient les monuments d'Angkor au moment de leur découverte au XIXe siècle. La décision vient de l'École française d'Extrême-Orient. Le fromager se distingue par ses racines épaisses et sa stucture noueuse; le ficus, plus petit, par son réseau plus ou moins serré de racines plus fines. Étant donné que la cité fortifiée d'Angkor Thom couvre quelque 10 kilomètres carrés, il est préférable d'y consacrer une journée complète. À son apogée, la cité aurait compté un million d'habitants. Les principaux monuments du site, le Bayon, le Baphuon, l'Enceinte royale, le Phimeanakas et la terrasse des Éléphants se regroupent au coeur de l'enceinte fortifiée. Chaque porte a ses statues géantes de 54 dieux d'un côté et de 54 démons de l'autre, un thème provenant de la légende du barattage en mer. Le Bayon enchante, c'est l'un de mes favoris. On dirait le chaos, la fin du monde. On aurait pu y tourner Le Seigneur des anneaux. De façon ultime, on a utilisé la masse des tours à visage pour créer une montagne de pierre avec des pics de plus en plus hauts. Les 37 tours visibles sont sculptées de quatre visages, un à chaque point cardinal. Têtes grimaçantes, souriantes ou impassibles, tout au long de la visite on a l'impression d'être observé. Étrange! Angkor Vat est la cerise sur le sundae: on y accorde facilement une journée complète. Et on se pince pour être sûr de ne pas rêver. Il faut pique-niquer dans ses jardins ou devant la marre aux lotus. Angkor Vat est une ville au plein sens du mot, la «ville qui devint une pagode», construite sous le règne de Sûryavarman II comme temple funéraire en l'honneur de Vishnou, la divinité hindoue à laquelle le souverain s'identifiait. Ses apsaras sont très photogéniques. On peut se restaurer aux abords de la plupart des grands temples. Des dizaines de stands de nouilles sont installés au nord du Bayon et à proximité des temples centraux. Des restaurants aussi, joliment décorés. Partout, on mange très bien. Il faut essayer la kyteow, une soupe de riz de nouilles, la samlor chapek, une soupe de porc parfumée au gingembre, ou la samlor ktis, une soupe de poisson à la noix de coco et à l'ananas. L'aventure peut aussi être très gastronomique. En vrac -Un voyage au Cambodge est réalisable à longueur d'année. Cependant, le moment idéal se situe entre les mois de décembre et février, alors que le taux d'humidité est bas, qu'il y a peu de pluie et qu'une brise rafraîchissante balaie le pays. La saison des pluies dure de mai à octobre. Durant cette période, les déplacements peuvent devenir plus difficiles à vélo. -La devise est le riel (1 $US pour 3968 riels), mais aussi, le dollar américain est utilisé dans l'ensemble du pays. Bien qu'on retrouve des distributeurs d'argent, mieux vaut avoir de l'argent comptant. -On parle officiellement le khmer, mais beaucoup d'inscriptions ainsi que les menus dans les restaurants sont traduits en français. -Le visa obligatoire s'obtient à l'aéroport. Il faut prévoir une photo grandeur passeport. -À consulter pour se préparer: Cambodge, aux éditions Lonely Planet. -Le site Internet de l'agence de location de vélos pour la Charité, The White Bicycles: www.thewhitebicycles.org. -À lire pour se mettre dans l'ambiance: La Voie royale, d'André Malraux. -À visiter à Phnom Penh en guise de préparation. le Musée national des beaux-arts, au nord du Palais royal. Il offre un panorama de l'art khmer du VIe siècle. Plusieurs chefs-d'oeuvre proviennent d'Angkor. Le musée date de 1920. Le Vat Ounalom, un grand temple d'une quarantaine de bâtiments fondé en 1443 et qui abrite quelques moines. Le Vat Phnom, considéré comme le plus ancien temple de Phnom Penh. -À visiter près de Siem Reap. Le plus grand lac d'eau douce du sud-est asiatique, le Tonlé Sap, à une quinzaine de kilomètres au sud de Siem Reap. Reconnu en tant que réserve de la biosphère par l'UNESCO depuis 1997, il est un des plus poissonneux au monde. Pendant la mousson, sa taille passe de 160 kilomètres de long et 35 de large à 250 kilomètres de long et presque 100 de large. Puis, les villages flottants de Kompong Khleang et de Chong Kneas, sur le lac Tonlé Sap. Ces villages se déplacent au gré des saisons. -Restaurants. À Phnom Penh: Friends (www.friends-international.org) pour un bonne cause, mais aussi pour son excellente cuisine. On y prépare d'excellents tapas, des jus de fruits et des cocktails exquis. Friends forme d'anciens enfants des rues aux métiers de l'hôtellerie. À Siem Reap: Dead Fish Tower, où a nourriture est excellente et le décor superbe. On s'y installe sur des coussins de sol, devant des tables basses dans des troncs d'arbre -Hôtel. À Siem Reap: le Bou Savy Guesthouse (www.bousavyguesthouse.com). Peu cher et superbe.

  • Italie - La marche entre art et nature

    À trois heures et demie de Rome en voiture, dans le centre-est de l'Italie, entre la chaîne de montagnes Apennins et la mer Adriatique, se trouve une région d'une grande beauté nommée Le Marche. On dit là-bas que c'est la Toscane en version sauvage. On y découvre en toute tranquillité des tas de collines coiffées de villages romains, des abbayes, des forteresses, des églises romanes, des rangées de cyprès, des vignes, des oliviers... La région se consacre depuis toujours à l'agriculture. Et à l'art! Le Marche est un musée à ciel ouvert. On peut y dénicher une peinture de Raphael, Crivelli ou Signorelli... dans la plus petite église. «L'Italie dans une région», affiche la publicité. Pour cause. San Lorenzo in Campo — En juin 2007, le Musée des beaux-arts de Montréal accueillait les célèbres bronzes dorés de Cartoceto di Pergola. Pour la première fois depuis leur reconstitution, les fameuses statues sortaient de l'Italie. Constitué de deux cavaliers et de deux femmes, le groupe de sculptures monumentales en orichalque, que l'on compare au quadrige de chevaux de Saint-Marc, à Venise, ou à la statue de Marc-Aurèle, à Rome, a été découvert par hasard en 1946 par deux agriculteurs, alors qu'ils étaient en train d'assécher une flaque après une forte pluie, sur le terrain d'une ferme à Cartoceto de Pergola, dans les Marches. Mais quel autre indice pourrait nous en dire un peu plus sur la région du Marche? Bien sûr, l'histoire de Santa Maria Goretti. Combien de fois, enfants, les gens de ma génération ont-ils entendu leur mère raconter la vie de cette jolie jeune fille née en 1890 dans un village italien et assassinée à l'âge de 12 ans à coups de couteau par son voisin Alessandro Serenelli, pour avoir refusé ses avances? Avant de mourir et pour l'amour de Jésus, Maria pardonna à son bourreau. De quoi donner des remords aux plus méchants des bandits! Mais pas à lui. C'est un songe dans lequel Alessandro voit sa victime lui offrir une fleur qui le bouleverse au point d'obtenir le pardon de la mère de Maria, après sa mise en liberté en 1929. Il assistera même à la béatification de sa victime le 27 avril 1947. C'est dans le village de Corinaldo qu'est née Maria Goretti, au nord-est de la ville de Pergola, dans les Marches. Le Marche ou les Marches? On prononce «marqué». À part les bronzes dorés nés sous la Rome antique et exposés au Museo dei Bronzi Dorati, puis l'horrible histoire de Maria Goretti, que sait-on de cette région du centre-est de l'Italie, située à l'est de la Toscane et de l'Ombrie et qui a pour capitale la ville portuaire d'Ancona? À première vue, si l'on pénètre dans l'arrière-pays du Marche via Flaminia, au départ de Rome, on découvre un paysage de montagnes aux massifs rocheux, puis des collines coiffées tantôt de maisons de pierre bordées de cyprès, qui rappellent le décor des peintures du Quattrocento, comme en Toscane, tantôt d'un village médiéval tourné vers les vignobles et les oliviers. Sur les pente des coteaux... des champs et des champs de culture. La région vit en partie de son agrotourisme. Et les oeuvres d'art? C'est petit à petit qu'on les découvre. Et parfois de façon inattendue. On pousse la porte d'un immeuble et c'est une cathédrale qui nous saute aux yeux. San Lorenzo in Campo est le point de départ de notre itinéraire d'une semaine dans la région. À l'abbaye Benedictine, nous rencontrons Don Frederico, vicaire de l'église Saint-Laurent. «Je connais bien le Québec», dit-il en montrant du doigt une sculpture en bois du martyr de la foi, brûlé vif sur un gril en 258. «N'est-ce pas en son honneur que Jacques Cartier a baptisé le fleuve Saint-Laurent?» demande-t-il avant de rejoindre notre guide Giovanni en train de commenter une peinture représentant une étape du chemin de croix. Dans tous les coins de la région, on remarque que la vie des gens est irradiée par l'art. Pénétrer le Marche, c'est comme entrer dans un beau livre d'histoire de l'art de la Renaissance dont le chapitre premier aurait pour titre Urbino, ville natale du peintre Raphaello. Ici, dans cette petite ville universitaire aux ruelles étroites et escarpées, ce qui ne facilite en rien la circulation des véhicules, on ne se targue pas que d'abriter la maison natale du fils de Giovanni Santie, peintre et poète de la cour de Frederic III de Montefeltro, mais aussi l'un des plus beaux exemples de palais style Renaissance d'Italie: le Palais ducal, fondé sous Federico di Montefeltro. Bâti par Luciano Laurana et achevé par Francesco di Giorgio Martini, ce palais abrite la galerie nationale des Marches. C'est dans la salle 25 que l'on découvre les deux oeuvres de Raphaël, La Muta et Sainte Catherine d'Alexandrie. La salle 22, impressionnante par sa taille, présente sept tapisseries réalisées au XVIIe siècle d'après les dessins de Raphaël, dont quatre de la manufacture des Gobelins. Le deuxième étage expose des oeuvres des peintres Frederico Barocci, Alessandro Vitali et Batista Salvi. La visite se termine dans une chapelle en marbre polychromé des XVe et XVIe siècles, une réalisation de l'architecte Bramante. L'Università degli Studi contribue aussi au prestige d'Urbino depuis1506. Les étudiants venus de partout, plus nombreux que les résidants, contribuent à l'ambiance joyeuse de cette petite ville du Moyen Âge, adossée aux montagnes Apennins, si fière de son duc Frédéric de Montefeltro. À Urbino, le visage du mercenaire devient vite familier, le portrait qu'en a fait le peintre et mathématicien Pietro della Francesca étant de toutes les boutiques de souvenirs. Fabriano, ville d'art et berceau de la fabrication du papier en Occident, abrite le Museo della Carta e della Filigrana. L'histoire des papetiers de Fabriano commence au XIIIe siècle avec l'utilisation des chiffons de lin pour fabriquer la pulpe. Trois grandes inventions marqueront l'évolution du papier. Le mortier, utilisé depuis l'invention du papier en Chine, est remplacé par la pile hydraulique qui se charge de pulvériser les chiffons de lin; un liant à base de gélatine qui permet de conserver le papier et de le rendre plus réceptif aux encres d'écriture est mis au point et le filigrane est inventé. Dorénavant, on pourra distinguer les billets de banque. Au début du XVe siècle, on retrouvait à Fabriano plus de 40 moulins à papier le long de la rivière Giano, qui produisaient annuellement près de 200 tonnes de papier. À Fabriano, la fibre de coton est toujours utilisée comme matière première; on y fabrique les pièces de 20 et de 50 euros. Le charme des Marches s'explique aussi par l'accueil et l'art de vivre de ses habitants. Il faut y flâner au hasard des quelque 180 kilomètres de côte, sur la mer Adriatique, de la centaine de villes d'art, des 750 villages et hameaux juchés à flanc de collines, des centaines d'églises, cathédrales et abbayes, des 183 sanctuaires, 34 sites archéologiques et 234 musées. Ouf! Si la période estivale est le moment le plus couru pour visiter l'Italie et déguster un espresso ou une glace sur la terrasse d'une place centrale, l'automne apporte aussi son lot de plaisirs. C'est la période de récolte de la vigne, mais aussi celle de la cueillette des olives. Presque chaque famille a son olivier et fabrique chez elle son huile avec une presse artisanale. Dans cette région où l'on perpétue de façon naturelle les méthodes ancestrales en matière d'alimentation, les olives sont récoltées manuellement et pressées dans les heures qui suivent. La récolte commence fin octobre et dure trois semaines. À l'aide d'un petit râteau, on peigne les branches, ce qui entraîne la chute des olives sur des filets disposés au sol. Le cultivar utilisé dans le Marche est le Raggiola. Il fournit une huile fruitée et d'onctuosité moyenne. Dans le Marche, l'art de vivre s'ouvre aussi sur la gastronomie et l'oenologie. Viva Italia! En vrac - À voir à tout prix: la spectaculaire grotte de Frasassi, dans le parc naturel régional du même nom, découverte le 27 septembre 1971 par un groupe de spéléologues d'Ancona. Un seul des 31 kilomètres peut être parcouru par le visiteur, qui traversera cinq salles de stalactites et stalagmites aux formes magnifiques. Jeux de lumières, jeux d'eau, finesses scénographiques... rien n'est laissé au hasard. La salle 1 est si vaste que la cathédrale de Milan pourrait y être contenue: 200 mètres de haut, 111 de large et 165 de long. www.frasassi.com. -Musée du papier de Fabriano: http://www.cdsl.qc.ca/projets/expo-papier/Histoire_du_papier.htm. -Musées des bronzes dorés et de la ville de Pergola: www.bronzidorati.com. - Suggestions d'hébergement: hôtel Tenuta San Settimio à Palazzo d'Arcevia, www.sansettimio.it; hôtel Symposium Resort à Serrungarina, www.symposium4stagioni.it; Il Giardino à San Lorenzo in Campo, www.hotelgiardino.it. -Suggestions de restauration: Il Marchese del Grillo à Fabriano; Cantina Verdicchio di Matelica à Matelica, classé cépage d'appoint en DOC Verdicchio di Matelica; Al merlo Nero à Mergo; Palazzina Sabatelli à Sant'Ippolito; Fattoria della Ripa à Orciano di Pesaro; La Graticola à Fratterosa; L'Amgolo Divino à Urbino, où l'espresso, servi avec un sucre fouetté au café et une anis étoilée, est un vrai délice. -On trouve très peu d'information dans les guides touristiques sur la région du Marche. Mais un très bon guide détaillé, avec des cartes des routes et des villes, a été publié par le Touring Club of Italy: The Marches, le Marche, Ancona, Pesaro-Urbino, Macerata, Ascoli Piceno. www.touringclub.it. -Pour vous aider à organiser votre voyage, la Sviluppo Marche SpA Development Agency for Marche Region - Italy: www.svimspa.it.

  • Estrie - La petite machine à neige

    «Un jour, j'inventerai une petite machine qui flottera sur la neige.» Tel était le souhait de Joseph-Armand Bombardier, créateur du Ski-Doo. Un rêve qui devint réalité en 1959. L'exposition 50 ans de Ski-Doo, un demi-siècle à la conquête de l'hiver, qui se tient au musée J.-Armand Bombardier, à Valcourt, jusqu'au 14 février 2010, rend hommage à la machine Ski-Doo, de la mise au point de la toute première jusqu'à aujourd'hui. Garage et machines-outils, véhicules chenillés, moules et roues pleines de barbotins, chenilles sans fin, moteurs... Puis une vaste collection de 35 motoneiges provenant de diverses époques et contrées hivernales du monde. L'oeuvre d'un mécanicien inventeur, entrepreneur et visionnaire qui, déjà à l'âge de 13 ans, fabrique des jouets mobiles mus par des mécanismes d'horlogerie. Voilà ce que découvrent en tout temps les visiteurs au musée J.-Armand Bombardier. Mais l'institution présente aussi, en collaboration avec BRP (Bombardier Recreational Products), une rétrospective de l'évolution du Ski-Doo. L'exposition 50 ans de Ski-Doo témoigne d'un demi-siècle d'avancées technologiques que le visiteur peut mesurer en comparant deux véhicules: la motoneige «Ski-Doo K60 1960», et le «Summit 2009», édition 50e anniversaire. Neige abondante, transport impossible à l'hôpital à cause de chemins fermés: c'est la mort de son fils Yvon, d'une péritonite, en janvier 1934, qui déclenche chez Bombardier ce désir de créer un petit véhicule maniable sur la neige. Entêté, le maître d'oeuvre de Valcourt? «Non, tenace», soutient Mario Landry, directeur de la muséologie, des communications et de l'entretien pour la Fondation J.-Armand Bombardier. La quarantaine de brevets obtenus au cours de sa vie en dit long sur sa volonté au travail. Pour le Valcourtois, rien n'est impossible. Même si certains n'y croient pas, à ses inventions. La mise au point, en 1935, d'un système de traction révolutionnaire, le barbotin-chenille, pour lequel il obtient un premier brevet en 1937, et la conception en 1953 du vulcanisateur, un appareil pour fabriquer les chenilles sans fin, ne sont que deux exemples de sa grande détermination. Après avoir fondé en 1942 la société Auto-Neige Bombardier Limitée, spécialisée dans la fabrication des véhicules chenillés destinés au transport sur terrain enneigé, puis contribué aux efforts de la Deuxième Guerre, M. Bombardier s'emploie à faire fructifier son entreprise et poursuit son oeuvre en adaptant ses véhicules aux besoins des industries forestière, minière et pétrolière. Son rêve de développer la fameuse «petite machine» le mène à la production et à la commercialisation de la motoneige «Ski-Doo» en 1959. Un nouveau loisir voit alors le jour au Québec. Le parcours de l'exposition, divisé en cinq zones, raconte l'histoire du véhicule à travers tous ses aspects, de 1959 à 2009: modèles, suspensions, phares, moteurs, casques, vêtements... On rend compte des avancées technologiques qui ont permis aux motoneiges «Ski-Doo» de s'illustrer tant sur les circuits de course que sur les sentiers de randonnée et hors pistes. Le visiteur découvre comment BRP s'attaque aujourd'hui à de nouveaux défis concernant la sécurité et le respect de l'environnement et il est invité à prendre place sur un Ski-Doo et à comparer un modèle 1961 et un autre de 2009. 50 ans de Ski-Doo témoigne également de l'évolution et de la modernisation qui ont propulsé Bombardier inc. — et, depuis 2003, BRP — au titre de chef de file mondial dans la fabrication de motoneiges. En 1959, 229 motoneiges à 990 $ l'unité sont produites à l'usine Bombardier. En 1969, le nombre atteint 255 000 véhicules. Dans les années 1980, Bombardier s'impose comme le plus grand fabricant de motoneiges au monde. La compagnie est désignée fournisseur officiel aux Jeux olympiques d'hiver de Calgary. La flamme olympique effectuera les 3000 kilomètres du trajet pancanadien à bord d'une motoneige «Safari 503». Pour compléter la visite, face au musée J.-Armand Bombardier, le Centre culturel Yvonne L.-Bombardier, fille aînée de l'inventeur et présidente de la fondation, présente jusqu'au 19 avril l'exposition Pérégrinations. Le peintre et sculpteur abstrait Gille Bossé et la peintre animalière Denise Daignault-Bossé y exposent une soixantaine d'oeuvres. La Fondation J.-Armand Bombardier, créée un an après la mort du père du «Ski-Doo» en février 1964 dans le but de perpétuer son oeuvre et de contribuer à la responsabilité sociale de Bombardier inc., continue de jouer un rôle déterminant dans les domaines de l'éducation, du soutien communautaire, de la santé ainsi que des arts et de la culture. - Musée J.-Armand Bombardier: www.museebombardier.com. - Centre culturel Yvonne L.-Bombardier: centreculturelbombardier.com.

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Textes et photos par Hélène Clément 

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