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  • Photo du rédacteurHélène Clément

Les traditions funéraires, un patrimoine bien vivant




Si de nos jours le rituel funéraire s'effectue de façon plus discrète dans les grandes villes, il n'y a pas si longtemps encore il occupait une place notable dans le coeur des gens. Présence du prêtre auprès du mourant, derniers sacrements, veillée mortuaire à la maison et cérémonie à l'église étaient des conditions sine qua non de la «bonne mort», la garantie d'une résurrection triomphante. Regard historique sur les cimetières, les rites et l'art funéraire québécois du XIXe siècle et du début du XXe, au Musée du Château Dufresne.


Vêtu d'une longue tunique, une balance dans la main droite, un parchemin enroulé dans celle de gauche, l'ange saint Michel, peseur d'âmes, accueille le visiteur. «La balance sert à peser les âmes afin de faire la part entre le bien et le mal et le parchemin enroulé sert à évoquer la liste des justes et des damnés», explique Stéphane Chagnon, commissaire chargé de l'exposition.

L'imposante oeuvre en pin du sculpteur Louis Jobin, autrefois située sur le portail d'entrée du cimetière Saint-Joseph Deschambault, à côté de l'ange à la trompette du Jugement dernier, est le point de départ de la petite mais dense exposition Le patrimoine funéraire, un héritage pour les vivants, qui se tient au Musée du Château Dufresne jusqu'au 30 août prochain.

Ambiance morbide? Pas du tout! Le sujet n'est pas la mort. Enfin, pas vraiment... «On ne rentre ni dans une église ni dans un salon funéraire, précise Paul Labonne, directeur général du musée. L'exposition jette un regard historique, culturel et ethnologique sur les cimetières, de l'inhumation ad sanctos au centre funéraire d'aujourd'hui via le cimetière paroissial, ainsi que sur les rites et l'art funéraire au XIXe siècle. En parallèle, l'exposition cherche à rendre hommage aux régions du Québec qui ont su conserver leur patrimoine religieux, comme en témoigne ce catafalque blanc d'enfant fabriqué en 1920 par Omer Létourneau, charron de métier à Saint-Joseph-de-Beauce. Ou encore ce petit sarcophage en fonte prêté par le Musée Missisquoi.

Bière, cénotaphe, columbarium, enfeu... Le visiteur est initié au lexique funèbre. Puis on entre dans le monde des cimetières. L'exposition a d'ailleurs pris sa source dans le très bel ouvrage publié en 2008 aux Éditions GID, Cimetières - Patrimoine pour les vivants, de l'ethnologue Jean Simard et du photographe et cinéaste François Brault. Avec les photos de ce dernier, des oeuvres d'artisans et d'artistes complètent l'exposition: stèles, mobiliers funéraires... Des pièces signées Alfred Laliberté, Louis-Philippe Hébert, Jean-Baptiste Côté.

«Au départ, le cimetière paroissial situé à proximité de l'église demeure le lieu de sépulture pour la majorité de la population, note Stéphane Chagnon. À la fin du XVIIe siècle, on apprend que l'ensevelissement des défunts ordinaires se fait de façon anonyme et souvent dans des fosses communes. C'est seulement dans la première moitié du XIXe siècle que, peu à peu, la concession de lot et le monument vont permettre l'individualisation du site de sépulture.

Quant aux cimetières ad sanctos, ils existaient déjà au XVIIe siècle. «Réservé à une certaine élite, l'enterrement sous les églises constituait une source de revenus considérables pour les fabriques mais n'était pas exempt d'inconvénients. Comme dans les anciennes églises il fallait déplacer les bancs et ouvrir le plancher pour procéder aux inhumations, les fidèles risquaient de tomber sur des planchers devenus moins plats à la longue. Sans compter les fortes odeurs qui émanaient du sous-sol. Au XIXe siècle, un interdit judiciaire a mis fin à cette pratique.»

L'exposition traite aussi de la façon dont les confessions religieuses se souciaient de leurs morts aux XVIIIe et XIXe siècles. «En 1776, l'une des premières nécropoles juives d'Amérique est inaugurée au faubourg Saint-Antoine, à Montréal, angle nord-ouest des rues Peel et De La Gauchetière.

«En 1779 apparaissent le cimetière catholique du faubourg Saint-Antoine et le second cimetière protestant de Montréal. Les premiers immigrants chinois sont inhumés dans les grands cimetières protestants devenus très tôt multiconfessionnels», souligne Stéphane Chagnon.

Dans la chambre du mourant, les aiguilles de l'horloge murale sont figées à l'heure du décès. Au pied du lit, un prie-Dieu. «On faisait la toilette du mort, on le recouvrait d'un suaire, on bouchait les châssis, on allumait des cierges. Le jour, on disait le chapelet aux heures, la nuit aux heures et demie», raconte Victor Bélanger, l'un des fondateurs de la municipalité de Saint-Guy, dans les Basques. Il suffit de soulever le récepteur pour entendre le récit du conteur de 94 ans.

Par respect pour le disparu, une tradition établie en 1684 interdit de transporter les morts en voiture. Mais la route est souvent longue et compte quelques pentes raides. Il faut régler l'avatar. Les premiers modèles de corbillards hippomobiles apparaissent au milieu du XIXe siècle pour pallier les problèmes causés par de longues processions funéraires dans les campagnes. On peut admirer, en fin d'exposition, un corbillard noir hippomobile sur patins d'acier, utilisé pour des enterrements l'hiver. Peu agrémenté, il servait à des défunts moins fortunés.

Le Musée du Château Dufresne offre une série de conférences sur les rites funéraires des grandes religions: judaïsme, hindouisme, bouddhisme et islam, ainsi que des visites commentées des cimetières Notre-Dame-des-Neiges et du Repos-Saint-François-d'Assise, associés au Musée du Château Dufresne pour mettre en valeur le patrimoine funéraire d'ici.

- Musée du Château Dufresne: 514 259-9201, www.chateaudufresne.com..



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