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  • Mexique - Les grands classiques du Chiapas

    Publié dans le Devoir du 15 novembre 2014 L’État du Chiapas, au sud-est du Mexique, regorge de splendeurs. À commencer par les villes coloniales San Cristobal de las Casas et Chiapa de Corzo, puis le site maya de Palenque, mais aussi les villages indigènes San Juan Chamula et Zinacantan, le canyon de Sumidero ou encore les cascades Agua Azul et la chute Misol-Ha. De Tuxla Gutiérrez à Palenque, une invitation à communier avec la musique, la gastronomie, la nature, l’architecture, l’histoire. De la capitale de l’État du Tabasco, Villahermosa, nous ne verrons que son aéroport international qui dessert depuis peu le site maya de Palenque, dans l’État du Chiapas. C’est ici que prend fin notre voyage, qui a débuté dans la capitale chiapanèque, Tuxla Gutiérrez. Cinq jours nous ont permis de découvrir les classiques de cet État méridional du Mexique, bordé au sud-ouest par l’océan Pacifique, à l’est par le Guatemala, au nord par l’État du Tabasco et à l’ouest par les États d’Oaxaca et de Veracruz. Une région montagneuse à forte culture indigène. Comme nous voyageons sur les ailes d’Aeromexico et que seule la compagnie aérienne mexicaine Interjet (low cost) dessert l’aéroport de Palenque — ouvert à l’aviation civile depuis février 2014 —, nous parcourons en minibus les 115 kilomètres qui séparent Palenque de l’aéroport international Carlos Rovirosa Pérez. Il faut compter pas moins de deux heures pour s’y rendre. C’est d’ailleurs pour accéder plus facilement à la fameuse cité maya que cet aéroport a vu le jour. Une sorte de pied de nez à une infrastructure routière pas toujours des plus modernes. Inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1987, le site de Palenque attire annuellement un million de visiteurs et se classe au quatrième rang des principaux sites archéologiques mexicains. Puis, une fois à Palenque, les voyageurs aventureux oseront peut-être tâter plus en profondeur cet État peu populaire auprès du touriste fuyant les frimas de l’hiver. Il est vrai que les tout-compris pleins d’étoiles ne courent pas les rues ici. Et qu’une petite laine est fort appréciée le soir. Aussi, on dit bien des choses sur le Chiapas. Qu’il est dangereux. Qu’il est pauvre. Synonyme d’agitation politique. On se souvient de la révolution zapatiste de 1994. Et tout ça inquiète. Oui, le Chiapas est pauvre. C’est même l’un des États les plus pauvres du Mexique, bien qu’il soit l’un des mieux pourvus en ressources naturelles. Grand fournisseur d’hydroélectricité, de pétrole et de gaz naturel, il est aussi le premier producteur de café, de cacao, de mangues et de bananes. Une richesse mal partagée qui a mené à la révolte du 1er janvier 1994, jour de l’entrée en vigueur du traité de l’ALENA. La façon zapatiste d’attirer les regards du monde sur les piètres conditions de vie des indigènes, dont le nombre représente un quart de la population du Chiapas. Mais le calme est revenu dans cet État de plus de quatre millions d’habitants. Et le Chiapas est au nombre des États mexicains qui ne font l’objet d’aucune mise en garde du gouvernement canadien. Pas étonnant que les Chiapanèques, frappés à leur tour par la fièvre du tourisme, aient envie de présenter leurs joyaux. Et ils sont d’autant plus accueillants si le visiteur respecte certaines consignes, dont celle de ne pas prendre de photos sans le demander. Au rythme du marimba Il est 19h30 lorsque nous traversons le centre-ville de Tuxla Gutiérrez. Une foule joyeuse afflue au Jardin de la Marimba où, tous les soirs de la semaine, entre 19h et 21h, se réunit au kiosque à musique un groupe de marimbistes venus battre de la baguette. Et l’on y danse, et l’on y danse au son des marimbas, cousin du xylophone africain, l’instrument national du Chiapas et du Guatemala voisin, où il prend sa forme la plus sophistiquée. Les couples se forment et virevoltent sur le sol. Alors que jeunes et vieux se déhanchent dans une ambiance conviviale, vendeurs de ballons et de barbe-à-papa cherchent à se frayer un chemin dans la cohue. Les palmiers décorés de lumières rouges ajoutent à la magie du moment. Le marimba est partout au Chiapas, dans les restaurants, les bars, les dancings, la rue, et toujours envoûtant. Rien n’exprime mieux la joie de vivre chiapanèque que ces sessions de danse sur les places centrales, alors que les étoiles apparaissent une à une dans le ciel. Nature et culture Les superlatifs ne manquent pas à l’évocation du Canon del Sumidero, à quelques encablures de Tuxla Gutiérrez. C’est la raison pour nous de passer cette première nuit dans la capitale chiapanèque qui se trouve à mi-chemin entre l’aéroport Angel Albino Corzo et la petite ville coloniale Chiapa de Corzo, point de départ de l’expédition vers le canyon sur le rio Grijalva. Bien qu’on puisse visiter le parc naturel d’en haut par la route, le meilleur moyen de voir Sumidero est en bateau. L’expédition d’une trentaine de kilomètres dure deux heures. Notre lancha s’enfonce entre des parois rocheuses qui atteignent parfois une hauteur de 1000 mètres au-dessus de la rivière. Par endroits, le paysage semble extrait du Monde perdu de Conan Doyle. Il faut de l’imagination pour repérer en cours de route de petits sites archéologiques. Et des yeux de lynx pour localiser la grotte de la Vierge de Guadalupe, planquée au coeur d’un rocher au fond d’une petite baie. Et un sacré bon guide pour raconter l’histoire de ces lieux tout en montrant du doigt des singes hurleurs pendus aux arbres, des crocodiles endormis sur la berge, des vautours, des iguanes, des hérons, des tortues, des aigrettes, des pélicans et des canards. « Sumidero est entré dans l’histoire vers 1525, lors de la bataille de Tepetchia », explique notre guide Murielle Copin, une Belge installée à San Cristobal depuis 10 ans. « Plutôt que de se rendre aux conquistadores espagnols, les Indiens chiapanèques ont préféré se jeter dans le canyon du Rio Grande de Chiapas. Une bataille qui restera tristement célèbre ici. » À même le mur vertical d’une haute falaise, on aperçoit une formation naturelle faite d’une cascade de mousse. Elle rappelle curieusement un immense arbre de Noël. Difficile de rendre en images la beauté de ce canyon, les parois étant si proches que le soleil a du mal à se faufiler. En fin de circuit, le lac atteint 265 mètres de profondeur. L’expédition prend fin près du barrage hydroélectrique de Chicoasén, l’un des plus grands fournisseurs d’électricité du Mexique. Quant à l’antique ville de Chiapa de Corzo, fondée en 1400 avant Jésus-Christ, il s’agit de la plus ancienne du Chiapas. « C’est ici que se déroule en janvier la Fiesta Grande de Enero, l’un des événements culturels, gastronomiques et religieux les plus importants de l’État », explique Murielle Copin. Une fête inscrite au Patrimoine immatériel de l’humanité à l’UNESCO. Selon la légende, tout a commencé au début du XVIIIe siècle avec l’arrivée ici de Dona Maria de Angulo, une femme fortunée d’origine espagnole, et de son fils malade. N’ayant trouvé aucun remède efficace en Europe, elle entreprend un voyage en Nouvelle-Espagne pour sauver son enfant. C’est finalement grâce à la médecine locale qu’il guérira. Dona Maria témoignera à jamais de sa gratitude envers les villageois en leur offrant des présents. En remerciement, la population décide de divertir son enfant en élaborant une danse joyeuse. Mais certains affirment que l’enfant aurait pris peur en voyant les indigènes danser. Les habitants décident donc de se déguiser et de porter un masque en bois laqué de couleur rose, imitant la peau de l’Espagnol, et une perruque de paille représentant la couleur claire des cheveux européens. C’est ainsi que le masque Parachicos est devenu l’icône de Chiapa de Corzo. Villes magiques La route qui mène de Tuxla Gutiérrez à San Cristobal de las Casas grimpe et grimpe. Une cinquantaine de kilomètres séparent les deux villes. La capitale chiapanèque niche à 550 mètres, San Cristobal de las Casas à 2200 mètres. Nous sommes au coeur des hautes terres du Chiapas (los altos). Pas surprenant qu’une petite laine soit appréciée pour les promenades le soir. San Cristobal rappelle un peu Antigua, au Guatemala : piétonne, colorée, branchée, bien pourvue en restaurants, hébergement, cafés sympathiques, bars et magasins. Et riche d’expatriés européens intéressés au sort des indigènes et dont la vie prend son sens dans les rues pentues et les marchés colorés de cette ville coloniale magique, où se croisent tzotzils et tzeltals. Pourquoi magique ? San Cristobal — comme Chiapa de Corzo et une cinquantaine d’autres villes mexicaines —, est certifiée « Pueblo Magico » par le ministère du Tourisme mexicain. « Une qualification exigeante et difficile à obtenir, mais qui donne aux voyageurs le gage d’un village authentique et intégré dans une région riche en excursions et en sites touristiques », explique Manuel Montelongo, directeur du Conseil de promotion touristique du Mexique. À la fois traditionnelle et contemporaine, cosmopolite et autochtone, coloniale et verte, on y vient du monde entier pour travailler comme bénévole dans des organisations internationales spécialisées en environnement, éducation, droits de la personne ou soins de santé. Jusqu’à l’hôpital de la ville qui reconnaît tant la médecine traditionnelle que moderne. Une indigène peut s’y présenter avec sa sage-femme pour accoucher de façon naturelle. D’un côté, donc, on soigne avec plantes et massages, de l’autre avec médicaments et machines. Une excursion jusqu’à San Juan Chamula permet de mieux comprendre les us et coutumes des Mayas toztiles. La grande attraction : l’église du village. Les Chamulas y laissent entrer le visiteur, mais interdit de prendre des photos ou même des notes. Sous l’allure d’une église catholique à l’extérieur se cache un formidable spectacle à l’intérieur, qui n’est pas sans secouer. D’abord, pas de banc, ni d’autel, ni de Christ, mais une statue de Saint-Jean. Et des aiguilles de pin sur le sol, symbole de la montagne. Des bougies et de la fumée, si bien que l’air ambiant est irrespirable. De l’eau et de la nourriture pour les saints implorés. De la musique et des enfants qui jouent. Et on prie. Pour une bonne récolte, un membre de la famille, une meilleure santé. Quant aux poules utilisées pour les rituels, elles ne ressortent jamais vivantes de l’église. Les Chamulas se disent catholiques, mais si le pape entrait ici, il y perdrait tête et tiare. On n’y célèbre aucune messe, on prie directement les dieux et les saints quand on a besoin de quelque chose. L’église est un centre pour guérisseurs. On y entre pour soigner les maladies de l’âme. Le village voisin de Zinacatan est spécialisé dans le tissage et la broderie de textile. Les costumes que portent les habitants sont différents de ceux de Chamula. Tant les hommes que les femmes et les enfants sont habillés avec des tissus fleuris, brodés avec soin à la main. Femmes et enfants accueillent chez eux le visiteur avec courtoisie et acceptent de se faire prendre en photo. EN VRAC S’y rendre. Aeromexico offre un vol Mexico-Tuxla Gutiérrez au moins quatre fois par jour. La compagnie de type low costInterjet propose un vol Mexico-Palenque deux fois par semaine. Manger. Le restaurant Las Pichanchas à Tuxla Gutiérrez. La nourriture (tasajo, pollo en molle, puerco en pipian…) y est succulente et le service, impeccable. Un spectacle de danse raconte l’histoire du Chiapas. Et pour un « El Pumpo », il suffit de sonner la cloche au-dessus de la table pour qu’on vous serve le fameux drink composé de vodka, de lime et d’ananas. À San Cristobal, le resto de la jeune chef chiapanèque Marta Zepeda, Tierra y Cielo, qui niche dans l’hacienda ayant appartenu à ses grands-parents. Elle y cuisine une gastronomie chiapanèque succulente dont la soupe azteca, mon coup de coeur. Et le restaurant familial Antojitos Carmelita pour ses chalupas (tortillas garnies), panes compuestos (pains fourrés), tacos dorados (tacos frits) et son agua de Horchata, mélange d’eau, de riz, d’amandes moulues, de cannelle et de sucre. À faire. À San Cristobal. Une dégustation de café en compagnie d’un barista au Café Carajillo, rue Real de Guadalupe 24. Sillonner les andadores turisticos du centre-ville pour magasiner un bijou en ambre ou déguster une tequila au rythme du marimba dans un bar. Grimper jusqu’à l’église de la Guadalupe, perchée au bout d’un interminable escalier ; la vue sur la montagne environnante y est très belle. Marcher dans les rues pentues de Barrio del Cerrillo (le quartier de la petite colline). Flâner au marché Merposur ou au très impressionnant Mercado municipal Jose Castillo Tielemans, qui vend de tout. À côté de l’église San Francisco, prendre une boisson « ponche » à base de jus de fruits chaud auquel on ajoute pain et posh, cet alcool de maïs et de sucre de canne. Visiter le Museo Na Bolom, en fait l’ancienne résidence d’un couple d’archéologues qui ont consacré leur vie à la protection des indigènes ainsi qu’à la jungle du Chiapas. Outre une collection d’objets, on y trouve une bibliothèque de 9000 livres sur l’histoire des Mayas, ouverte au public. C’est aussi un hôtel de charme. Vers Palenque. Les magnifiques cascades d’Agua Azul et la spectaculaire chute de Misol-Ha valent un arrêt pique-nique et baignade. De San Cristobal au site de Palenque (environ 215 kilomètres), il faut compter au moins six heures d’une route assez éprouvante. Tournis garanti si vous êtes assis derrière dans le minibus. C’est que l’on traverse, par la très sinueuse route 199, le Los Altos. Très beau ! Planifier son voyage. Pour un guide, faire appel à l’Association des guides indépendants du Chiapas : guides.chiapas@gmail.com. Certains voyagistes comme Traditours et Canandes proposent le Chiapas dans leurs circuits au Mexique.

  • Province de Québec - Les attraits méconnus du Pontiac

    Publié dans le Devoir du 2 août 2014 La MRC la moins touristique du Québec réserve pourtant bien des surprises. On les découvre en parcourant la route 148 Ouest, entre Quyon et Sheenboro, via Fort-Coulonge. En se perdant aussi sur les chemins de traverse où le passant non initié farfinera, mais sans regret, pour trouver une église, une ferme, un gîte, un village, les meilleures ailes de poulet au monde ou le fantôme d’Al Capone. Un comté mystérieux au tourisme balbutiant, mais prometteur. On se rappelle peut-être avoir ouï le nom durant un bulletin météo ou lors d’une soirée d’élection, mais sans plus. Qui pourrait en un tournemain pointer sur une carte du Québec cette région située à 40 minutes à l’ouest de Gatineau ? Ou nommer une petite localité parmi les 18 qui composent cette municipalité régionale de comté (MRC) ? Le Pontiac ? Dépaysant, calme et insolite. Le Far West québécois, mais sans Lucky Luke. Les paysages du Bouclier canadien y sont ravissants. On y parle français mais l’anglais domine. Le Pontissois fait ses courses tantôt en Ontario, tantôt au Québec, en fonction du prix de l’essence ou de la proximité de son village d’avec le centre commercial. Puis, la plupart des petites villes de ce comté agricole et forestier d’une superficie de 14 170 kilomètres carrés longent la rivière des Outaouais, qui elle-même sépare l’Ontario du Québec. Donc, pour des raisons d’histoire, de géographie et d’économie, le Pontiac a longtemps vécu tourné vers l’Ontario. Pas étonnant que la langue de Shakespeare règne sur l’ensemble du territoire. Ce Pontiac presque absent du radar québécois n’a pas subi les ravages habituels du tourisme de masse. Les infrastructures touristiques restent discrètes et en (trop) petit nombre et quasi aucun panneau publicitaire n’obstrue la vue sur l’horizon le long des routes. Si bien que, sans carte routière précise du coin, il est certain que le visiteur se trompera plus d’une fois. Et il est patent aussi que ce même visiteur tombera sur une jolie ferme en bois équarri, une maison géorgienne, un hôtel digne d’un village fantôme du Nevada, une coquette auberge au toit rouge vif, une plage de sable, une église à la façade parsemée d’oeils-de-boeuf, une houblonnière, un cimetière allemand ou un bar d’où résonne une mélodie irlandaise. « Vous aurez l’impression de venir là où personne ne vient jamais et vous n’aurez pas tort », note Manon Leroux, auteure du guide de découverte du patrimoine L’autre Outaouais. Et on ne peut que donner raison à l’historienne : une seule visite ne suffit pas pour saisir le Pontiac. D’ailleurs, comme les guides touristiques sur le Québec n’abordent à peu près pas la région, le voyageur qui s’intéresse à l’identité et au patrimoine de ce canton agricole devrait se procurer cet excellent ouvrage. Le livre de 400 pages, qui fournit aussi quelques pistes pour l’hébergement, la restauration et les activités, s’avère vite un compagnon de route précieux. Un texte historique porte sur chaque municipalité et fournit quantité de données sur les éléments du patrimoine bâti toujours existants. Un passé qui remonte aux Algonquins, à Champlain, à la traite des fourrures, aux colons britanniques et américains, à la drave, au commerce du bois équarri, à l’arrivée des francophones, des Écossais, des Allemands, des Irlandais, des Polonais. Mode d’emploi Dans le Pontiac, voyager en mode slow travel — une méthode qui suppose de prendre le temps de découvrir en profondeur une destination et de s’ouvrir à l’environnement local — prend tout son sens. Comme les attractions touristiques et culturelles ne sautent pas aux yeux ici, c’est en parlant aux gens que l’on découvre davantage ce comté qui débute historiquement à Quyon, là où le dernier traversier en service sur l’Outaouais supérieur mène à Fitzroy Harbour, en Ontario. Mais l’itinéraire historique de 113 kilomètres proposé par Pontiac en Outaouais débute, lui, à Bristol, à la croisée de la 148 — la seule route qui traverse d’un bout à l’autre le Pontiac d’est en ouest — et du chemin Wyman. Le prenant circuit mène jusqu’à Isle-aux-Allumettes, terminus de la 148. Nous posons nos valises au Spruceholme Inn, propriété de Jane Toller, l’arrière-petite-fille de l’ancien propriétaire des lieux, George Bryson Jr. De là, nous badauderons quatre jours à la recherche des dix panneaux historiques qui jalonnent le fameux circuit le long de l’Outaouais. La situation géographique de Fort-Coulonge, à mi-chemin entre Bristol et l’Îsle-aux-Allumettes, fait de ce village associé à une grande famille de marchands au milieu du XIXe siècle, les Bryson, un hubidéal. Si le nom n’évoque encore rien pour le profane, Jane Toller se chargera de l’initier. Chaque pièce de sa jolie demeure de pierre, jadis fréquentée par Sir Wilfrid Laurier, est un musée. Photos d’époque, meubles anciens, vaisselle… Tout raconte ici l’époque des Bryson. « Le parcours de George Bryson est un parfait exemple du petit commerçant de bois indépendant se taillant une place de choix dans ce commerce. Il consacre d’abord dix ans à établir sa domination sur la Coulonge. Il établit son contrôle sur la circulation du bois en construisant sur cette rivière un glissoir : tout commerçant coupant du bois sur l’un des affluents doit payer un droit de passage par bille », explique Manon Leroux dans L’autre Outaouais. Passage obligé pour qui s’intéresse au passé de la vallée de l’Outaouais, le site des chutes Coulonge met très bien en valeur glissoir et estacades. Un sentier d’interprétation ponctué d’outils de drave et de bateaux raconte l’histoire du flottage du bois, de la construction du glissoir, du mode de vie des bûcherons, des débuts de l’exploitation forestière dans le Pontiac et des compagnies impliquées. Une via ferrata de 600 mètres, épicée de passerelles, de poutres et de longues tyroliennes, permet de photographier le beau canyon du haut d’un mur rocheux. Ouf ! La belle époque Mais avant de pousser l’exploration plus loin vers l’ouest, un retour sur Bristol s’impose. La municipalité héberge le plus ancien centre de villégiature de l’Outaouais, Norway Bay. Fait unique : l’endroit a été créé par des vacanciers et non par un noyau villageois ou d’un autre lieu. « Cette colonie de vacanciers est née une cinquantaine d’années avant la grande vague post-1945 qui a permis à des milliers de Québécois de se bâtir ou d’acheter un petit chalet pour la famille », précise Manon Leroux. L’architecture de certains chalets remonte aux années 1910. L’hôtel Pine Lodge, un imposant bâtiment de billes construit par Charlie Russel, propriétaire d’une scierie, mérite le détour. La décoration intérieure rappelle les années 1930. Bien que moins à la mode, le lieu est toujours prisé des amateurs de golf, de motoneige et de ski de fond. Dommage que personne ne songe à revitaliser ce lieu historique Un peu au nord de l’hôtel se trouve l’ancienne salle de danse Coronation Hall où les vacanciers de Norway Bay et du Pine Lodge ont dansé au son d’un orchestre jusqu’en 1963. « Aujourd’hui, on y présente concerts et pièces de théâtre et on y célèbre des mariages », explique le propriétaire Greg Graham. Tout à côté se trouve la cidrerie Coronation Hall où la famille fabrique cidre artisanal, tartes et confitures avec les pommiers de son verger. L’expression « mérite le détour » n’a jamais été aussi pertinente que dans le Pontiac. Ladysmith est une bourgade allemande, dans la municipalité de Thorne, à 20 kilomètres de Shawville. S’y trouvent la plus vieille église luthérienne du Québec, Saint John et son cimetière allemand, une vingtaine de lacs, une forte concentration de bâtiments de ferme traditionnels bien conservés et l’hôtel Ladysmith qui sert les meilleures ailes de poulet de la région. Il était une fois dans l’ouest L’originalité niche aussi à l’Isle-aux-Allumettes. « Autrefois partie intégrante du Pontiac, arrêt parmi d’autres dans la route vers les forts, les chantiers ou les terres du Témiscamingue ou de la Madawaska, l’extrême ouest du Pontiac est depuis la fin du XIXe siècle « le bout du monde », là où le train s’arrête, où la grand-route devient simple chemin », écrit Manon Leroux. C’est aussi la petite Irlande et la fin des terres cultivables. Malgré l’absence de balises touristiques, l’endroit demeure une terre de symboles, celle du vieux fort des Allumettes, du Rocher à l’oiseau, des mélodies irlandaises et du fantôme d’Al Capone. Oui, Al Capone ! « Un matin de 1930, une Oldsmobile noire fait irruption chez l’artiste Albert Demers à Desjardinsville, raconte Manon Leroux. Deux « armoires à glace » en sortent, arme sous le manteau, et l’informent que quelqu’un veut le rencontrer. Yeux bandés, on l’emmène chez le patron, le grand bandit Al Capone, qui possède un pavillon de chasse au nord des Rapides-de-Joachims. Capone a entendu louanger le travail du peintre. L’homme recherché dans toute l’Amérique annonce à Albert qu’il ira peindre des scènes sur les murs de son manoir à Chicago. Le jeune artiste lui demande en tremblant une rétribution de 100$ ; Capone rétorque en lui offrant… 10 000$. À Chicago, Albert décore deux salles sous la garde d’hommes armés… » En vrac Dormir. Au Spruceholme Inn de Fort-Coulonge. Une occasion en or de loger dans une des maisons de la famille Bryson et de jaser avec Jane Toller, l’arrière-petite-fille de George Bryson Jr et propriétaire du gîte. La sympathique Torontoise est une encyclopédie ouverte et fait de l’histoire de sa famille la thématique principale de son hébergement. Aussi, à la coquette auberge Northfolk, une halte de quiétude inattendue dans l’arrière-pays de Chichester. On dort dans une vieille maison de ferme qui surplombe l’immensité du paysage et qui est tenue impeccablement par la famille Fleming. La propriétaire, l’artiste Frances, a transformé la vieille grange à toit rouge en salle de spectacle. L’auberge se trouve à proximité de Fort William, de Chapeau et de l’Isle-aux-Allumettes. Manger. Au Café 349 de Shawville. Comme le souligne l’auteure Manon Leroux, ce restaurant est « un petit miracle culinaire et une bouée de sauvetage pour le voyageur dans le Pontiac ». Car il faut admettre que la gastronomie n’est pas encore le point fort de la région. Mais Ruth Smiley-Hahn, chef propriétaire du lieu, tente de remédier à la situation en cuisinant avec des produits locaux et les légumes de son jardin. La gazpacho y est excellente. Aussi, à la ferme cynégétique Livamia, où la chef copropriétaire Vanessa Zhivkov propose un service de traiteur. Super pour les campeurs ou les amateurs de pique-niques. Elle et son mari Stéphane Labine concoctent les meilleurs méchouis du Pontiac : sanglier, porc, boeuf et agneau. Également aux tables d’hôte fort honnête du Spruceholme Inn Restaurant à Fort-Coulonge et de l’auberge Northfolk à Chichester. Enfin, au restaurant Bateau Royal de Portage-du-Fort, le décor maritime donne l’impression d’être carrément au bord de la mer. On y mange entre autres de très bons sish chips. Se ravitailler. En légumes, fruits, gelées et confitures, marinades et sauces à spaghetti, à la ferme bio El Camino de Chichester. Pour les mitaines, tuques, foulards : à la ferme d’alpagas Willow Lane de Bristol. Prendre un verre. Au bar George’s Regal Beagle de Chichester. C’est le lieu de rencontre des musiciens irlandais de la région. Soirée des violoneux le mercredi. Prendre le thé. À la maison culturelle George Bryson, qui propose des visites guidées du musée, des recherches en généalogie et un salon de thé. Le Pontiac à vélo est une piste cyclable aménagée sur l’ancienne voie ferrée de la Pontiac Pacific Junction (Cycloparc PPJ) et qui serpente le comté sur 92 kilomètres entre Bristol et l’Isle-aux-Allumettes. Huit circuits thématiques, à partir de la PPJ, mènent vers des attraits touristiques tels que le musée du Pontiac à Shawville, le site des chutes Coulonge, son sentier d’interprétation et sa via ferrata, la maison culturelle George-Bryson, le pont couvert Félix-Gabriel-Marchand, Chapeau et son église, Fort William et sa plage… Randonnée pédestre. Le sentier de huit kilomètres (aller-retour) du Rocher-à-l’Oiseau, dans la municipalité de Sheenboro. Des panneaux d’interprétation jalonnent ce sentier situé en territoire algonquin. Il donne accès à une jolie plage de sable. Mais pour voir les pictogrammes peints en ocre-rouge sur les rochers par les Premières Nations, il faut y aller en bateau ou en kayak. Le sentier d’interprétation du site des chutes Coulonge et sa via ferrata permettent d’apprécier le site d’un autre point de vue. Rafting. L’entreprise de kayak et rafting Horizon X propose les soirs de pleine lune une expédition dans les eaux blanches de la rivière des Outaouais. Un moment idéal pour percer le secret des loups-garous et de la légende à Cadieux. La prochaine pleine lune : le 10 août. Mais Horizon X sort jusqu’à cinq jours avant et après. L’entreprise située à l’Ile-du-Grand-Calumet offre toute une panoplie d’activités. À ne pas manquer. La 158e Foire agricole de Shawville, du 28 août au 1er septembre. L’Oktoberfest de Ladysmith, du 3 au 5 octobre. Ainsi que les ailes de poulet de l’hôtel Ladysmith, le 5e Championnat canadien de course de chiens Bristol Dryland, sur terre battue, organisé par Tour Timberland (également spécialisé dans les tours de traîneaux à chiens pour toute la famille, été comme hiver), les 1er et 2 novembre, à Bristol. Catégories de courses : scooter, canicross, bikejoring, chariot à quatre, six ou huit chiens. Lire. Le précieux ouvrage de Manon Leroux, L’autre Outaouais. Pour se procurer le livre : piecesurpiece.ca/publications.html. Renseignements sur l’Outaouais en général : tourismeoutaouais.com ; sur le Pontiac en particulier : tourisme-pontiac.com/index.htm.

  • Kirghizistan - Chevauchée céleste dans les Tian Shan

    Publié dans le Devoir du 12 avril 2014 Vallée de Sasyk Bulak — L’été, les bergers kirghizes montent au jaïloo (pâturage) avec leur bête et y établissent leur campement pour quatre mois. Là-haut, le cheval est plus que jamais un compagnon de labeur. Banni sous le régime soviétique, qui n’avait que faire d’un grimpeur économe et, qui plus est, nomade, alors que Moscou prône la sédentarité, le cheval kirghiz renoue avec sa culture. Chevauchée dans les Tian Shan, à la rencontre de ces nomades et de leurs coutumes. Un fracas amplifié par l’écho de la montagne déchire le silence du matin. Le claquement des fouets résonne, suivi du martèlement des sabots qui fait trembler le sol. Puis, des hommes lancent des cris à tout rompre, encouragés par les petits qui tentent d’imiter les adultes. Mais à quoi rime tout ce boucan, alors que c’était si calme dans la vallée ? À une partie de buzkachi (sorte de polo qui se joue avec le corps d’une chèvre morte), si populaire en Asie centrale ? Ou à l’arrivée d’une armée de descendants du souverain Genghis Khan, venus tout droit de Mongolie imposer la « grande yasa » (loi) dans la vallée de Sasyk Bulak ? Ce n’est qu’une fois hors de la tente que l’on comprend que ce sont les tchabanes (gardiens de troupeaux) qui, comme tous les matins, rassemblent juments et poulains laissés libres durant la nuit pour les conduire vers un jaïloo voisin, plus vert, où le troupeau passera la journée. Les rites de l’hospitalité Devant la porte d’entrée de la yourte voisine de notre campement, une fillette d’à peine huit ans tient un bébé dans ses bras, tandis qu’une femme trait une jument. Le samovar fume. Le visiteur n’a qu’à s’approcher du bozu (la yourte kirghize) pour être tout de suite invité à prendre le koumys ou le thé, accompagné de pain, de crème, de confiture et de miel. Rien ne flatte plus nos hôtes que de leur dire que leur koumys est le meilleur. Et rien ne les vexe plus que de refuser leur invitation. « Si les Kirghizes ne pratiquent plus un grand nomadisme depuis l’époque soviétique, ils demeurent des bergers et des montagnards accueillants qui ont à coeur de renouer avec les traditions ancestrales », dit Dominique Porato, directeur de l’entreprise Caval Rando, une agence de voyages française spécialisée dans l’organisation de vacances à cheval à travers le monde. « Leur vie en montagne est rythmée par le quotidien du troupeau. Tandis que les hommes surveillent les bêtes et chassent, les femmes s’occupent de l’éducation des enfants, de l’organisation de la yourte, de la traite du bétail et de la préparation des produits laitiers. » Comme le koumys, par exemple, cette boisson traditionnelle consommée quotidiennement par les bergers et dont on dit qu’il a de grandes vertus thérapeutiques. Les Soviétiques croyaient d’ailleurs aux propriétés curatives du lait de jument fermenté. Au point de créer des industries pour le commercialiser à grande échelle. Mais depuis 1991, elles ont toutes fermé leurs portes. Devant un bozu, une femme verse du lait de jument dans une grande outre en cuir qui contient déjà le ferment du lait de la veille. Ce lait sera ensuite battu régulièrement à l’aide d’un moussoir pour obtenir une bonne fermentation qui titrera entre trois et cinq degrés d’alcool. Du jaïloo voisin arrive sur un petit cheval brun un homme en complet gris, coiffé du traditionnel ak kalpak. Il vient aux nouvelles. Son large sourire dévoile une série de dents en or. Nous lui proposons thé et sandwich. Ainsi va la vie, de bozu en bozu, dans les monts Célestes. Et quel incroyable panorama ! Succession de cimes enneigées et de sommets effilés, belles rivières, lacs turquoise, immenses pâturages tapissés de fleurs, troupeaux de chevaux en liberté, moutons… Plus dur à voir : des loups, des moutons Marco Polo, des léopards des neiges. On ne soupçonne pas l’ampleur des montagnes en Kirghizie. Impressionnant ! La plupart des massifs culminent entre 4000 et 5000 mètres. Certains sommets dépassent 7000 mètres. En fait, un atlas est plus que nécessaire pour situer ce pays d’Asie centrale huit fois plus petit que le Québec, situé entre le Kazakhstan, la Chine, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. Et où vit une population bigarrée composée d’Ouïgours, d’Ouzbeks, de Tadjiks, Kirghizes, Kazakhs, Turkmènes, Karakalpaks, et une panoplie de « minorités » originaires de toute l’ex-URSS. Le village de Barskoon, sur la rive sud du lac Issyk Koul, constitue le point de départ de cette randonnée équestre de huit jours. Nous sommes chaleureusement accueillis par Gulmira, Ishen et Rash Obolbekov, les propriétaires de l’entreprise touristique Shepherd’s Way Trekking. Ces descendants de nomades pratiquent depuis quelques années de l’écotourisme à cheval dans les montagnes entourant le lac Issyk Koul. Des voyages accompagnés par des guides locaux totalement en osmose avec la nature et qui connaissent le Tian Shan comme le fond de leur poche. D’abord, un bain dans un hammam traditionnel chauffé au bois et une visite du jardin en compagnie du père de Gulmira, un berkoutchi(chasseur à l’aigle royal) à la retraite. Puis, un repas généreux suivi d’une nuitée dans une yourte traditionnelle aménagée avec tapis de feutre, tentures bigarrées et paravents tressés. Un repos bien mérité après deux jours de voyagement. De l’Issyk Koul, on retient qu’il est le deuxième plus grand lac d’altitude au monde après le Titicaca, qu’il peut atteindre jusqu’à 695 mètres de profondeur, qu’il est chaud, salé et agréable pour la baignade, que ses eaux représentent une richesse au même titre que le gisement d’or des monts de l’Altaï et que les autorités kirghizes en assurent le développement touristique. Une brève visite à la coopérative de yourtes de Barskoon, où des femmes effectuent le feutrage des shyrdaks — ces tapis colorés couverts de motifs prédécoupés et assemblés à partir de laine de mouton ayant subi des semaines de lavage, de séchage, de teinture et de traitement vermifuge —, puis nous prenons le chemin des montagnes Célestes. À cheval, comme les nomades ! Le cheval céleste Confortablement assis sur une selle recouverte d’une peau de mouton, en aucun moment nous avons souffert de douleurs au dos ou aux jambes. Pourtant, nous passions en moyenne cinq à six heures par jour à cheval. Et tout un montagnard, que ce cheval pas très beau ! Il grimpe agilement dans la moraine, à 4000 mètres d’altitude, sans s’essouffler, traverse les rivières houleuses d’un pas assuré et dévale des sentiers escarpés et boueux avec un aplomb admirable. Un peu à l’image du Kertag, ou cheval de Prjevalski, du nom du naturaliste d’origine polonaise et officier de l’armée impériale russe Nikolaï Mikhaïlovitch Prjevalski, qui a découvert en Djoungarie, à la fin des années 1870, des ossements du petit cheval sauvage. Les chercheurs ont d’abord pensé que c’était un âne sauvage, mais il a finalement été identifié comme le premier des équidés (Equus Przewalski), le plus ancien d’une race primitive sauvage dont on croit qu’il serait à l’origine de tous les chevaux domestiques du monde. À Karakol, à quelques kilomètres à l’est de Barskoon, le musée Przevalski rend hommage à l’illustre explorateur tsariste dont le souhait était d’être enterré face au lac Issyk Koul. « Si la culture kirghize demeure liée au nomadisme, le cheval en est la source vitale », écrit l’exploratrice et journaliste française Jacqueline Ripart dans son livre Terre des chevaux célestes. « Le cheval est le frère, le double de l’homme : sans lui, le berger kirghiz n’existe pas. La nature et les siècles en ont fait un animal frugal, de petite taille, au pied sûr, à la résistance extraordinaire. » Pourtant, le petit cheval a bien failli disparaître des monts Célestes sous le régime soviétique. Un producteur de lait et de viande était bien plus utile. Pour favoriser cette industrie, les zootechniciens des années 1950 cherchent à augmenter la taille et le poids du cheval kirghiz en le croisant avec des races importées d’Occident. Le cheval Novokirghiz voit le jour. « Lorsqu’en 2000 j’ai commencé à m’intéresser au cheval des nomades kirghiz tant vanté dans les épopées, les poèmes, les récits des explorateurs et les livres d’histoire, personne en Europe n’en avait jamais entendu parler, raconte Jacqueline Ripart. Je suis donc partie à sa recherche sur les pistes des monts Célestes. J’ai compris que tous les Kirghiz, sans exception, déplorent la disparition du cheval intimement lié à leur culture. Tous le portent dans leur coeur. » Depuis, Jacqueline Ripart fait du sauvetage de la culture et du cheval kirghiz un objectif de vie. Elle crée, et dirige depuis 2004, la fondation Kyrghiz Ate qui a pour mission la réhabilitation du cheval et des traditions qui lui sont liées, aussi bien dans les secteurs agricole que culturel, sportif, touristique et artisanal. Elle est à l’initiative du premier et fameux festival équestre At Chabysh. Le soleil est au bout de sa course. Avant qu’il ne disparaisse derrière les montagnes, nos sympathiques guides installent le camp, tels des nomades. En une heure, les tentes sont dressées, le feu est allumé, les brochettes d’agneau prêtes à être grillées. C’est l’heure du thé dans le jaïloo ! *** En vrac Transport. La compagnie aérienne Turkish Airlines, partenaire de Star Alliance, propose à partir du 3 juin prochain une nouvelle liaison entre Montréal et Istanbul, à raison de trois départs par semaine. De là, un grand choix de vols est offert à destination de l’Asie centrale. Autre solution : Paris avec Air France, puis Aeroflot (partenaire de Sky Team) jusqu’à Bichkek via Moscou. Organiser son voyage. Le meilleur moment pour aller au Kirghizistan se situe entre la mi-juin et la mi-septembre. C’est à cette époque, l’été, que les semi-nomades transhument vers les jaïloos. Caval Rando, basé dans les Pyrénées, en France, organise de très sympathiques voyages à cheval en Kirghizie. Les prochains départs se feront de l’aéroport Charles-de-Gaulle les 22 et 29 juin 2014. On peut aussi passer directement par la compagnie kirghize Shepherd’s Way trekking, à Bichkek. Les propriétaires parlent l’anglais et ont l’habitude des visiteurs étrangers. Ils viennent chercher leurs clients à l’aéroport de Bichkek pour les mener au point de départ, à Barskoon (cinq à six heures de voiture). L’agence de voyages Uniktour propose l’Asie centrale dans son programme à la carte, dont la Kirghizie (guide chauffeur, circuit axé sur la vie nomade avec séjour dans les yourtes, chasse au faucon…). Il est aussi possible de combiner plus d’un pays. Consulter Charles Antoine Cancedda, le spécialiste de la région. 514 722-0909. Pour qui souhaite randonner à pied en Kirghizie, Terres d’Aventure au Canada propose plusieurs circuits, dont « Trekking au coeur des monts Célestes » : 16 jours dont 7 de marche, accompagné. Renseignements supplémentaires et autres articles sur le Kirghizistan.

  • Maroc - Échappée berbère dans le Haut-Atlas

    Publié dans le Devoir du 2 novembre 2013 Tzigui — Partout, des ksour (forteresses) et des casbahs (forts) sur de hauts plateaux hérissés de mesas rougeoyantes et rainés de gorges et de vallées étonnantes où nichent des oasis. Falaises vertigineuses, sable, roches, ruines, tout est ocre à perte de vue. Puis se détache une touffe verte dans une mer de beige : c’est la palmeraie de Tinghir, l’une des plus belles au royaume du Maroc. Bienvenue dans la vallée du Todra, porte d’entrée du Haut-Atlas. Une quinzaine de kilomètres séparent la ville de Tinghir du village de Tizgui, dernier de la série des agglomérations le long de la palmeraie de Tinghir. Après, surgissent les fameuses gorges du Todra. Ici, l’esprit berbère des montagnes prédomine : fierté et accueil chaleureux. Et une sagesse aussi vaste que le Moyen-Atlas, le Haut-Atlas et l’Anti- Atlas réunis. J’avais déjà traversé la vallée du Todra lors d’un précédent voyage, et gardé en mémoire les hautes falaises de calcaire rose tombant à pic dans l’oued Todra. Mais, comme la plupart des touristes qui voyagent au Maroc, je n’avais fait que passer dans ce Far-West hallucinant, en route vers les villes impériales : Fès, Rabat, Meknès au nord, Marrakech à l’ouest. Je m’étais promis de revenir dans ce « Grand Canyon marocain ». Pour passer quel ques jours dans l’univers abrupt, déchiqueté et aride des rochers aux formes bigarrées et aux couleurs gorge-de-pigeon, selon la position du soleil. Pour flâner dans les ruelles des casbahs, siroter un thé sucré au miel parmi les Berbères du Haut-Atlas, marchander quel ques tapis… Nous sommes le 10 mars 2963 d’après le calendrier amazigh ; le 10 mars 2013 selon le calendrier grégorien. « Le calendrier amazigh est le calendrier agraire utilisé par les Berbères, explique Mohammed, notre guide. “ Yennayer ” correspond au premier jour de janvier du calendrier julien, qui est décalé de 13 jours par rapport au grégorien, soit le 13 janvier de chaque année. L’an 0 correspond à l’an 950 avant J.-C. » Nous sommes donc en 2963. Oui, les Berbères sont fiers. Dans leur discours, ils nous rappellent qu’ils furent les premiers habitants du Maghreb. Depuis dix ans, leurs revendications identitaires connaissent un foisonnement culturel avec le soutien du roi Mohammed VI, lui-même d’origine berbère. Il y a deux ans, le monarque a consacré le langage berbère « tamazight » seconde langue nationale après l’arabe. Il a également réhabilité, en 2003, le « tifinagh », un ancien alphabet utilisé par les Touaregs. « Une version modernisée de cet alphabet est d’ailleurs enseignée maintenant dans certaines écoles du Maroc comme écriture berbère de référence », explique Mohammed. L’image romanesque populaire dépeint le Berbère com me un nomade qui traverse le désert à dos de chameau et qui dort sous la tente. Pas seulement ! En fait, on le rencontre partout. À Fès, Marrakech, Casa blan ca, Rabat… Et ailleurs dans le monde. Il vit majoritairement dans les grandes villes et exerce aussi bien le métier d’avocat, de médecin, d’entrepreneur ou de commerçant, que celui d’agriculteur en campagne, d’éleveur de moutons et de chèvres sur les sentiers des Atlas… Les Berbères représentent plus de 40 % de la population du Maroc, estimée à un peu plus de 32 millions d’habitants. « Mais l’identité des Berbères urbains s’est beaucoup diluée avec l’exode rural, et la langue est en perte de vitesse malgré son apparition au programme des écoles et de certaines universités », écrit Thierry Oberlé dans Le Figaro.fr. C’est au hasard que nous avons choisi de loger au Dar Ayour. Sur le Web, la maison d’hôte située à Tizgui s’affiche comme riad. Et on con naît le charme fou de ces maisons où bois peint, cuivre, tapis, coussins, banquet tes et lumière tamisée se mélangent pour donner naissance à un univers ensorcelant, di gne d’un conte des mille et une nuits. Ambiance feutrée garantie ! Et puis, c’est pratique, Tizgui étant à un kilomètre de marche des immenses murs de pierre hauts de 300 mètres, où l’humain ressemble à une toute petite fourmi. Dans sa partie la plus spectaculaire, le passage routier fait à peine dix mètres. Du ciel, on ne voit qu’une étroite bande. Les rives de l’oued Todra, qui serpente le long de la route escarpée, comporte des sentiers pour les randonneurs de tous les niveaux et pour les grimpeurs. Hallucinant ! « C’est au fond de ces gorges que coule la source aux poissons sacrés, une source d’eau chaude où vivent des poissons que nul n’a le droit de pêcher, explique Mohammed. Et ici, c’est la source des femmes stériles. Selon la tradition, son eau guérirait les femmes infécondes. » Le Dar Ayour accueille ses clients selon la tradition berbère : thé à la menthe, petits gâteaux, amandes… On se sent tout de suite bien dans ce gîte. Pas le grand luxe, mais joli, propret, et un personnel intentionné. La maison dispose de 14 chambres avec vue sur l’oued, la montagne et les jardins où poussent palmiers, figuiers, amandiers, oliviers, grenadiers… « Je suis né dans la casbah en bas de la route, explique Adnan, le propriétaire. Avant d’ouvrir le Dar Ayour, en 2007, j’ai travaillé à La Fantasia de Marrakech, au restaurant Il mare d’Essaouira et à l’hôtel La Vallée de Ouarzazate. C’est aussi dans cette dernière ville [une étape touristique bien connue], à l’école hôtelière, que j’ai fait mes études en tourisme. » Le Dar Ayour est une entreprise familiale berbère. Il y a Françoise, Mohammed, Houssaine, Slinane et les autres… On y offre une vaste gamme de services pour vraiment faciliter la vie des visiteurs : accueil à l’aéroport de Ouarzazate (à 160 kilomètres) ou à celui de Marrakech, repas, cours de peinture, randonnées en montagne ou dans les palmeraies, balades à cheval, excursions dans les gorges du Dadès, dans la vallée des mille casbahs et dans le désert. Et, sur place, il y a la balade à pied d’une quinzaine de kilomètres dans la palmeraie de Tinghir, qui mène en trois ou quatre heures à Tinghir. On y apprend tout sur les méthodes d’irrigation de ce jardin d’éden et on en revient en sueur, mais la tête pleine de souvenirs. À Tizgui, une coopérative de femmes perpétue la fabrication artisanale de tapis berbères. Bien sûr, les gens sont conviés à leur rendre visite, mais rien ne les oblige à acheter. Rien à voir avec le marchand de tapis des souks qui, « pour le plaisir des yeux », emmène sa « proie » à l’arrière de son échoppe et offre à profusion du thé à la menthe pendant qu’il étale sur le plancher sa centaine de tapis, dont on ne connaît souvent rien de leur fabrication ou de leur provenance. « Seules les femmes fabriquent les tapis, seuls les hommes les commercialisent », explique Ammed. Il faut trois mois pour en tisser un. Le métier nomade est vertical et donne un tapis à un seul côté frangé. Les couleurs traditionnelles sont faites à partir de végétaux : le safran pour le jaune, l’indigo pour le bleu, le coquelicot, la garance, le henné, la cochenille pour le rouge. » Les motifs des tapis berbères représentent la vie, les traditions, les croyances… Le scarabée est le symbole de la protection contre le mauvais oeil ; les losanges désignent les quatre points cardinaux ; la fibule, symbole amazigh, est une arme ; les dromadaires incarnent la dot et le moyen de chercher une nouvelle vie. La pyramide évoque la maison, le douar ou la grande tente avec les trois générations sous le même toit : parents, fils, belles-filles et petits-enfants. Les Berbères de la région de Tinghir sont particulièrement accueillants : un sens de l’hospitalité légendaire et une sagesse aussi vaste que le Moyen-Atlas, le Haut-Atlas et l’Anti-Atlas réunis. Si la majorité vivent dans les villes, plusieurs continuent de perpétuer un nomadisme pastoral traditionnel autour de la tente en poils de chèvre. Comme Hammo, ses enfants et ses petits-enfants, dont le modeste campement est installé au-dessus de Tizgui et de ses palmeraies. Une boucle de trois heures permet de se rendre à ce campement. Mieux vaut entreprendre cette marche avec un guide, et le matin, lorsque le soleil éclaire le fond des gorges qui prennent un éclat doré. Vraiment photogénique ! À l’entrée des gorges, des grimpeurs se lancent à l’assaut du pilier du Couchant, haut lieu d’escalade pour les plus aguerris. Un peu plus loin, là où commence la randonnée, la Petite Gorge offre des voies plus courtes qui conviennent mieux aux débutants. Le sentier de randonnée, emprunté par des ânes et des mules, est assez bien tracé et évolue tout en hauteur dans un paysage montagneux de roche et de sable. Pas beaucoup de verdure ici. Rien de très difficile, mais il faut tout de même de bons souliers. Et du souffle. L’hospitalité est sacrée ici ; on ne refuse pas une invitation à boire le thé, c’est une insulte, et on n’est pas trop regardant sur l’éclat des verres… L’eau se fait rare dans ces montagnes arides. C’est en compagnie de Hammo, le papa aux yeux et au turban bleus, de son fils Joseph et d’Abiscia, sa petite-fille, que nous prenons le thé au thym. Hammo élève des chèvres. C’est un nomade. Sa famille vit modestement dans une tente en poils de chèvre. Il ne parle pas le français. Quelques secondes d’émotion au terme de quatre heures de marche en montagne. Un moment intime difficile à décrire, mais qui va s’inscrire durablement dans la mémoire. Comme l’image de ce cortège funèbre en route vers le marché de Tinghir. Que des hommes. « C’est eux qui accompagnent le mort au cimetière, les femmes restent entre elles à la maison », dit Mohamed. À Tinghir, il y a le marché des femmes et celui des hommes. Puis une foule de petites boutiques isolées dont on ne devine pas l’existence. Un guide est apprécié. Pour comprendre! En vrac Se rendre au Maroc. Un vol direct assure la liaison Montréal-Casablanca sur les ailes de Royal Air Maroc. L’aéroport Mohammed-V offre une panoplie de loueurs d’autos pour qui parcourt le Maroc en autonomie. Sinon, des vols vers Marrakech ou Ouarzazate y sont proposés régulièrement. Aussi, Transat Découvertes, qui vise l’authenticité et le voyage « autrement », offre quatre itinéraires marocains pour 2014. Organiser son voyage. Plusieurs voyagistes proposent le Maroc à leur programme. Comme Sultana Tours, par exemple, qui offre des parcours classiques comme « Le grand tour du Maroc », « Les villes impériales », « Le grand sud et les casbahs », « Escapade désert et randonnée berbère entre Marrakech et Zagora via Ouarzazate ». Mais, encore plus authentique et hors des sentiers battus, le voyagiste Karavaniers propose de belles randonnées pédestres aussi bien dans le désert que dans les Atlas. Là où peu de gens vont. Ces randonnées muletières s’adressent à tout le monde, y compris les familles avec enfants. Les treks sont organisés en fonction des saisons : l’hiver dans le désert, l’été dans l’Atlas. Si, en général, chez Karavaniers, les randonnées sont de niveaux 1 à 5, elles ne dépassent pas 3 au Maroc. Un mulet sera mis à la disposition des familles avec un enfant de deux ou trois ans. On se rend dans les vallées reculées, on prend le temps d’observer, de regarder vivre l’autre. Rien n’est écrit d’avance, rien n’est commandé, les guides provoquent les rencontres, qui ne seront jamais les mêmes. Voilà de la randonnée qui revêt une dimension humaine et qui s’adresse à tous. Pour en savoir plus : Christine Plaisant, chez Karavaniers. Où dormir dans les orges du Todra. Le Dar Ayour est certainement une bonne adresse. En plus de nombreux services, on y propose mille et une activités qui permettent aux voyageurs d’entrer en communication avec les gens du pays. Ainsi, on vous parlera danse, musique et coutumes. Tous les repas sont pris dans un joli salon à l’ambiance feutrée, ou dehors sur la terrasse, face à la montagne, aux jardins et à l’oued de Todra. Visiter Tinghir, son marché et sa casbah en ruines, mais aussi, à proximité, les gorges du Dadès et la palmeraie de Skoura, classée au patrimoine de l’UNESCO. Goûter au tagine, une spécialité bien berbère devenue emblème de la cuisine marocaine. Il s’agit d’un plat de viande, de poisson ou de légumes cuit à l’étouffée et délicieusement parfumé. Le tagine est aussi le contenant en terre surmonté d’un couvercle conique dans lequel le mets cuit de façon traditionnelle. Habituellement, il est placé sur un brasero dont on entretient les braises au fur et à mesure, pour une diffusion régulière de la chaleur. Renseignements : Office national marocain du tourisme, 1800, rue McGill College, Montréal, 514 842-8111.

  • Maroc - La fascinante histoire de Fès

    Publié dans le Devoir du 6 avril 2013 Au sud, la ville nouvelle, au centre, la ville royale de Fès el-Jedid, et au nord, la médina ou vieille ville de Fès el-Bali. Classée dans sa totalité au Patrimoine mondial de l’humanité, cette dernière fascine. C’est que la cité médiévale, avec ses souks, ses minuscules échoppes, ses centaines d’artisans et ses nombreuses fondations pieuses, n’a rien perdu de son âme. La plus belle des aventures? S’égarer dans ses 9400 ruelles. Pour ça, il faut y séjourner un bon moment. À peine franchies les limites de la nouvelle ville, au premier feu de circulation, un homme à motocyclette s’approche de notre voiture. « C’est votre première fois au Maroc ? Soyez les bienvenus à Fès. Mon nom est Brahim. Aujourd’hui, il y a beaucoup de circulation car le roi Mohammed VI est en visite ici. Il y a la police, l’armée, la garde royale. Vous cherchez un endroit en particulier ? Bab (porte) Aïn Azliten. Ryad Mabrouka. Je connais, suivez-moi. » Même scénario à Rabat il y a deux jours ! Le racoleur guette sa « proie » aux abords des grandes villes. Ces faux guides repèrent vite le visiteur un tantinet perdu. Faut dire qu’avec la carte routière dépliée sur les genoux, le Lonely Planet bien en vue sur le siège et nos visages interrogateurs, difficile de passer pour autre chose que trois touristes paumés à l’entrée d’une ville où la circulation est un chouïa anarchique. Mais rien ne nous empêche de dire non. Depuis quelques années, des brigades touristiques parcourent la médina. « Toute personne opérant comme guide non officiel encourt une peine de prison ou une forte amende », lit-on dans le Lonely Planet sur le Maroc. Mais fuir de façon systématique les rabatteurs est un peu exagéré. « T’inquiète, c’est gratuit », poursuit Brahim. Ah oui ? Tu sauras, Brahim, que rien n’est gratuit au Maroc. Mais c’est d’accord, nous te suivons. Et, bien franchement, tant pis si ça coûte quelques dirhams, un tel service est apprécié. Puis, c’est la façon de faire marocaine à la vue des touristes. On s’y habitue. Pour une option plus reposante, surtout si on déteste le négoce, mieux vaut prendre les services d’un guide privé ou opter pour un voyage organisé en groupe. La ville nouvelle Ça fait plaisir de circuler sur les boulevards de la ville nouvelle bordés d’arbres et de verdure. Avenue Hussein-de-Jordanie, boulevard Mohammed-V, avenue de la Liberté et d’Hassan II, avenue des Almohades, des Saadiens… Des noms de rues qui racontent l’histoire de Fès. Et quelle histoire ! C’est à Idriss II qu’on attribue l’édification de Fès vers l’an 808. Nous longeons d’abord l’enceinte entourant le Palais royal, aujourd’hui sous grande surveillance policière vu la visite du roi du Maroc. Puis les vieux remparts de la fameuse médina. On aperçoit sur une colline le Borj Sud, l’un des neuf bastions édifiés par le sultan Ahmed al-Mansour au XVIe siècle. Ces constructions militaires avaient pour objectif de renforcer l’enceinte mérinide de Fès el-Jedid. La majorité de ces borjs sont orientés vers la médina. Le Borj Sud offre un beau panorama sur la cité et sur le Djebel Zalagh, qui culmine à 902 mètres. Le regard converge vers les centaines de tombes blanches sur les collines parsemées d’oliviers qui entourent la médina. Un cimetière après l’autre. Lequel est celui de Bab Ftouh, décrit par l’écrivain fassi Tahar Ben Jelloun dans son roman La prière de l’absent ? Où est le vieil olivier où se réfugient, quand il pleut, Sindibab et Boby, les personnages principaux ? Situé au sud de la médina, le Bab Ftouh est un lieu de promenade paisible pour qui cherche à fuir le grouillement de la médina. Tout comme le cimetière juif et la synagogue Habarim, sur la colline qui se trouve au sud-ouest du mellah (quartier juif), à Fès el-Jedid. Dans la médina Un circuit touristique de dix kilomètres permet aux visiteurs de découvrir les portes et les places les plus célèbres de la médina. Quatorze portes d’accès à la cité : porte du Palais Royal, Bab Sbaä (Porte du lion), Bab Sagma, qui tire son nom de la pieuse Amina Sagma enterrée là, en 1737, Bab Mahrouq (Porte du brûlé), Bab Chems (Porte du soleil), Bab Ftouh (porte de la victoire)… «Murailles et fortifications » est l’un des six circuits thématiques créé par l’Agence pour la dédensification et la réhabilitation de la médina de Fès afin d’aider le visiteur à retrouver son chemin dans la médina et à découvrir les joyaux dissimulés derrière les murs, au fond des impasses, dans l’obscurité des arrière-boutiques. À l’exception de ce circuit qui s’étend sur près de dix kilomètres, les autres (« Rive andalouse », « Fès Jedid », « Palais et jardins andalous », « Monuments et souks », « Artisanat ») représentent environ deux kilomètres de marche et débutent à proximité d’un stationnement. Chaque circuit est indépendant, bien qu’ils se croisent de temps en temps. Si « Rive andalouse » propose de découvrir la partie historique la plus ancienne de la médina où se sont installées les premières communautés d’immigrés provenant de l’Espagne musulmane (IXe siècle), le « Monuments et souks » mène vers les édifices de grande valeur architecturale et artistique. Comme le complexe Nejjarine et la mosquée Qaraouiyine. Chaque quartier possède son four à pain communal, sa mosquée, son école coranique, son hammam. Ici, le quartier des menuisiers (les nejjarine), là, des fabricants de peigne (méchatine), des épiciers (attarine), des teinturiers (chemaïyine), des dinandiers (seffarine), des babouchiers (chrablyène). Peuplée d’artisans et de commerçants, la médina a l’allure d’une cité médiévale. Ânes, mules et bourricots Si Fès est un beau livre d’histoire, une expérience spirituelle, c’est aussi une épreuve physique. Dans ses 9400 ruelles, dont certaines sont si étroites qu’il faut se plaquer sur les murs pour circuler, on apprend l’art difficile de se faufiler entre jeux de dames, grilleurs de brochettes, vendeurs de menthe, enfants qui galopent avec une balle de soccer, étals de dattes, ânes et mules. « Balek ! Balek ! » Le cri familier des âniers résonne dans les ruelles pentues de la cité. « Balek ! » Place aux ânes qui apportent la matière première aux artisans. Ferrailles, balles de coton, planches de bois, bonbonnes de gaz tiennent en équilibre précaire sur le dos des bourricots. Les transports s’y font encore de manière archaïque, à dos d’âne. Ruelles étroites, topographie rebelle et interdiction aux autos et motos de circuler, la médina n’a pas la vie facile. Même l’utilisation d’une charrette tirée par un homme est difficile dans les côtes et les impasses. Chargés… comme des mules, les bourricots croupissent sous la charge. Maltraités, ils sont blessés et malades. Et pourtant si indispensables au paysan et au petit commerçant. Mais vu leur faible revenu, impossible d’assurer à la bête le suivi médical nécessaire. D’où l’intervention du Fondouk américain, qui, depuis 1927, fournit les soins gratuits aux animaux de travail de Fès. « Avant, on traitait les chiens et les chats, mais maintenant, uniquement les ânes et les mules appartenant à des gens qui ne peuvent se permettre le vétérinaire local, explique la directrice de l’hôpital, Dre Gigi Kay. Nous traitons une vingtaine d’équidés par jour et une autre vingtaine qui sont hospitalisés dans nos stalles. » L’établissement, créé il y a 86 ans par l’Américaine Amy Ben Bishop en vacances à Fès, dispose d’une salle de chirurgie, d’un laboratoire d’analyses, d’une ambulance équipée pour le transport animal, d’un entrepôt de stockage pour les aliments et d’un bloc de convalescence. Pour le propriétaire de l’âne ou de la mule dont la survie de sa famille repose sur le travail de la bête, la mort de cette dernière est catastrophique. « Le rôle du Fondouk est de redonner la santé à l’animal pour qu’il puisse continuer. Et que deviendrait la médina sans ses bourricots ? Quelque 900 ânes et mulets parcourent quotidiennement les ruelles de la cité. » Ryad Mabrouka Au stationnement Aïn Azliten, Brahim fait signe à un porteur. En moins de deux minutes, nos bagages sont empilés dans un chariot. Notre guide, vrai ou faux, ne réclame aucun dirham mais nous propose les services d’un guide pour le lendemain. Nous aurions pu dire non mais l’offre, faite avec subtilité, est difficile à refuser. Et une fois dans le système, tout semble logique. Ryad Mabrouka est situé dans la médina, à deux minutes à pied du stationnement AÏn Azliten et de la rue Talaa K’bira qui mène à l’accès principal de la médina : Bab Boujloud. Difficile de deviner l’existence de ce petit palais restauré dans le plus grand respect de l’architecture du pays. Un bijou caché au fond d’une impasse, derrière une porte de bois clouté. Labellisé La Clef verte, en référence à sa gestion environnementale, le bâtiment aux épais murs en pisé est construit autour d’un patio central ouvrant sur un magnifique jardin tout en fleurs, inspiré du jardin andalou. « D’ailleurs, le mot riad signifie jardin en arabe, explique le Lyonnais d’origine Pierre-Marie, copropriétaire avec sa femme Caroline de ce riad depuis 1999. « La légende veut que le riad soit la représentation du jardin d’Éden. Il est en réalité le jardin des maisons de Fès, conforme au jardin arabe traditionnellement organisé dans sa forme, son architecture, sa décoration et sa végétation selon des règles esthétiques immuables. Ou si peu ! » Une fois à l’intérieur de cette maison de charme, la frénésie de la médina est loin derrière. Le patio, construit dans la pure tradition avec ses plâtres, ses zelliges et des portes de cèdre sculptées, s’ouvre sur un jardin de roses, de bougainvilliers et d’orangers. Une petite piscine invite à la baignade. Une jolie terrasse sur le toit offre une vue sur la médina et la campagne autour. En plus de l’hébergement et du petit-déjeuner, Ryad Mabrouka propose le repas du soir sur réservation et des services de guide si nécessaire, en plus de fournir des conseils pour le succès d’un séjour prolongé à Fès et environs et des cours de cuisine. « J’aspire de plus en plus à la philosophie du slow travel, explique Pierre-Marie : prendre son temps et s’immerger dans le lieu à visiter. Boire un café au resto du coin, s’imprégner de la culture des gens qu’on visite, s’adapter aux aléas climatiques et acheter local, bien sûr. » Président de la Commission des visites de l’Association des maisons d’hôtes de Fès (ARMH), Pierre-Marie travaille actuellement sur un projet de randonnées guidées de trois heures avec dîner chez l’habitant, autour de Fès et sur le mont Zalagh (la montagne qui domine la médina). Et la raison du passage du roi Mohammed VI à Fès ? Eh bien, « pour présider la cérémonie de signature de conventions relatives à la restauration des monuments historiques et au traitement du bâti menaçant ruines dans la médina », lisait-on dans le quotidien Le Matin du 5 mars 2013. Car ce n’est pas tout d’avoir une cité dont l’histoire remonte au IXe siècle, une vieille ville au patrimoine inestimable. Depuis une cinquantaine d’années, Fès est laissée à l’abandon. Les touristes le remarquent à peine, souvent plus préoccupés de parcourir vite fait quelques-unes des milliers de ruelles de ce haut lieu du monde musulman. Des maisons menacent de s’écrouler, les médersas (universités) rendent doucement l’âme, les tanneries auraient besoin d’un second souffle… Mais la réhabilitation est amorcée. Inch Allah ! En vrac Se rendre. Un vol direct assure la liaison entre Montréal et Casablanca sur les ailes de Royal Air Maroc tous les jours en période estivale. L’aéroport Mohammed V offre toute une panoplie de loueurs d’autos. Europcar proposait récemment un très bon rapport qualité-prix. Se loger. Les riads sont les demeures traditionnelles de la médina. Il en existe 200 à Fès, dont une soixantaine répertoriés. Ryad Mabroukacompte six suites et deux chambres. On y mange très bien, dans un décor digne des mille et une nuits, et les propriétaires ainsi que leur équipe (Brahim, les deux Fatima, Ghita, Khalid, Saïda et Hassania) feront tout pour rendre le séjour agréable. Ils sont une source inestimable de conseils. Se nourrir. La cuisine fassie est renommée au Maroc et constitue l’un des plaisirs du voyage. Mezze, couscous, tajines tanjia… Les riads sont de bonnes adresses car la cuisine y est concoctée par des femmes du pays qui en connaissent les petits secrets. Le choix est grand. Par contre, pour un café aux épices, un lait chaud aux amandes ou la traditionnelle soupe fassie, la b’sara (soupe de haricots blancs à l’ail) et de délicieux gâteaux, le Café Clock est une bonne adresse. Son programme Clock Culture comporte des cours de calligraphie, des conférences et des concerts à la tombée de la nuit. La terrasse sur le toit est charmante comme tout. Lire. Un voyage réussi à Fès demande une bonne préparation pour ne rien perdre de son séjour. La médina est complexe, les activités nombreuses, le choix des restaurants immense, les palais, médersas, parcs, fontaines et fondouks sont nombreux et souvent cachés. Je conseille l’achat du guide Maroc aux éditions Lonely Planet, la lecture du livre La prière de l’absent de l’écrivain fassi Tahar Ben Jelloun et le roman Rêves de femmes-Une enfance au harem de Fatima Mernissi, dont la trame prend place dans la médina de Fès des années 1940. Se procurer. Sur place, le Guide des circuits touristiques de Fès publié par l’Agence pour la dédensification et la réhabilitation de la médina de Fès, auprès des propriétaires de riads, dans les hôtels, en librairie ou à l’Office de tourisme du Maroc, à Fès ou à Montréal. Visites hors médina. Le Fondouk américain (hôpital vétérinaire). Les donations sont appréciées. Volubilis, à 70 kilomètres de Fès et 33 kilomètres de Meknès, le site archéologique d’une quarantaine d’hectares qui retrace les différentes étapes de l’histoire antique du Maroc, à partir de l’époque maurétanienne (IIIe siècle avant J.-C.). Renseignements. Office national marocain du Tourisme, 1800, rue McGill College, Montréal. 514 842.8111

  • Du musée au yoga à la galerie d'art

    Voici un aéroport qui a le souci de vouloir « instruire » les voyageurs en attente d’un vol. Unique en son genre aux États-Unis, l’aéroport international de San Francisco (SFO) dispose dans son enceinte d’une importante zone muséale, le SMO Museum, reconnue officiellement par l’American Association of Museum, qui propose des expositions dans ses quatre terminaux. Article publié dans le Devoir du 30 mars 2013 Le passager en transit pour une durée supérieure à deux heures et qui a des fourmis dans les jambes peut donc visiter les nombreuses galeries d’art réparties dans les salles d’attente, les espaces commerciaux et les couloirs de l’ensemble des terminaux de l’établissement. Sans compter la soixantaine d’oeuvres d’art, peintures, gravures et sculptures à l’architecture parfois audacieuse qui en ornent les murs et les plafonds. L’église de style baroque bâtie entre 1690 et 1710 fut dédiée à saint Antoine, protecteur des mineurs de fond et des objets perdus. La chapelle Saint-Antoine, à 63,8 mètres de profondeur, est le plus ancien sanctuaire souterrain protégé de Wieliczka. On y célébra la première messe en 1698. Le Musée Louis-A.-Turpen Situé dans l’aire internationale, le Musée Louis-A.-Turpen, consacré à l’histoire de l’aviation, mérite la visite. Comme la bibliothèque de la Commission de l’aviation qui met quelque 6000 ouvrages à la disposition des voyageurs. Créée à partir de la salle d’attente de l’aéroport datant de 1937, les architectes y ont intégré des éléments rappelant le bâtiment original : arcades, plancher de marbre et médaillons en fer sculpté parent l’escalier et les balcons. Conçu dans le respect de l’environnement, le terminal 2 est le premier, aux États-Unis, à avoir obtenu la certification LEED OR (Leadership in Energy and Environmental Design), un programme qui encourage la construction de bâtiments de haute qualité environnementale. Dans la zone de détente Recompose, située juste après le contrôle des bagages du terminal 2, on retrouve un spa et une salle de yoga au design inspiré des jardins zen japonais. Aussi, des installations d’artistes locaux rythment l’espace. Et dans ce terminal, on mange local. Une panoplie d’activités permet d’occuper les enfants en transit : aires de jeux interactifs, trois aquariums, expositions, location de films et de lecteurs DVD portables. On peut même s’adonner, muni d’un plan, à des autotours d’une trentaine de minutes alliant la visite d’un terminal et un jeu-questionnaire pour mieux comprendre le monde de l’aviation. Une promenade à bord de l’AirTrain est une expérience en soi. En service 24 heures par jour, ce train qui transporte les passagers entre les terminaux offre une belle vue sur les pistes. Cet aéroport est situé à 22 kilomètres du centre-ville de San Francisco. Son terminal international est le plus gros édifice au monde construit sur une structure spécialement conçue pour résister aux tremblements de terre. Le site Internet du SFO, efficace et instructif, est un réel plaisir à consulter : flysfo.com/web/page/index.jsp. Trafic passagers : 44,5 millions par année.

  • Compostelle vu des airs

    Chrétiens, athées, libres penseurs… Plus de 100 000 âmes foulent chaque année le chemin de Compostelle. Quête spirituelle, découverte de soi, création de liens, résolution de problème, célébration de ses 50 ans… À chacun son chemin. Article publié dans le Devoir du 12 janvier 2013 Et à chacun sa façon de parcourir cette route mythique, historique et culturelle qui s’inscrit dans la grande tradition des pèlerinages chrétiens médiévaux. On marche la route, on la cavale à dos d’âne ou à cheval, on la roule à vélo, en auto ou en camping-car. En deux semaines ou en trois mois. C’est selon. Mais je n’avais encore jamais entendu parler de sillonner le plus célèbre pèlerinage au monde par la voie des airs. Une façon inédite de découvrir la mythique route. C’est ainsi qu’Hervé Tardy, photographe, éditeur et grand voyageur a parcouru, à mi-hauteur et à basse altitude, les quelque 1530 kilomètres de la Via Podensis (GR 65), entre Puy-en-Velay et Saint-Jacques-de-Compostelle. Alors qu’il survolait les Pyrénées pour un repérage, il a observé une colonne d’hommes et de femmes progressant lentement sur les pentes. Touché par la beauté de la scène, le photographe est convaincu qu’il doit suivre le chemin dans sa totalité. Puis Tardy rencontre la peintre-sculpteure Mino, à qui il raconte son projet de Compostelle par la voie aérienne. Avant son départ, Tardy reçoit d’elle un joli dessin qui l’imagine dans les airs. L’idée d’accompagner ses photos de dessins créés par Mino et illustrant la vie des pèlerins sur la Via Podensis plaît au photographe. Quant aux textes sur les 16 étapes du chemin de Compostelle, ils ont été rédigés par l’historienne Claire Lemoyne, auteure, entre autres, de Dans les pas des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle (France Loisir). Résultat : un très bel ouvrage de plus de 200 vues aériennes, qu’accompagnent les dessins de Mino.

  • Marcheur des bois

    Pour apprécier l’hiver et éviter de s’encabaner des semaines durant, rien de tel que de pratiquer un sport d’hiver. Pourquoi pas la raquette ? Bien que plus exigeant que la marche, l’instrument, une fois fixé aux arpions, permet d’aller là où à pied c’est impossible. Fameux pour se mettre en forme ! Article publié dans le Devoir du 11 janvier 2013 Ouache ! Mais non, rien d’odieux ici. C’est le nom du sentier de raquette sur lequel nous évoluons. Nous sommes dans le parc du Mont-Tremblant, secteur de la Diable, en route vers le lac Malard, puis vers le refuge de La Ouache. Un sentier intermédiaire de 6,4 kilomètres aller-retour. La Ouache (ou Malard) était jusqu’à l’an dernier réservée aux skieurs de fond, mais cette année le parc a décidé d’ouvrir ce circuit doté d’un refuge d’une capacité de six personnes aux amateurs de raquette. « On a voulu créer un équilibre entre notre clientèle qui pratique la raquette (souvent en famille) et les fondeurs qui bénéficient déjà de plusieurs beaux sentiers dans le parc, explique Jean-François Boily, délégué commercial, Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ), parc national du Mont-Tremblant et Réserve faunique Rouge-Matawin. Les fervents de la raquette ont donc de quoi s’amuser dans le parc national du Mont-Tremblant, où la neige semble toujours au rendez-vous. Plus de 48 kilomètres de sentiers sillonnent les secteurs de la Diable et de la Pimbina. Des parcours prévus aussi bien pour la famille que pour les plus expérimentés : huit sentiers du côté de la Diable et six sentiers ainsi qu’une zone de raquette d’environ un kilomètre carré du côté du secteur de la Pimbina. Toujours est-il que nous randonnons cet après-midi sur le sentier La Ouache, accessible par le stationnement du lac Malard, à quelques kilomètres du centre de services du Lac-Monroe. Un parcours tout en montée, au coeur d’une belle forêt de bouleaux, d’érables et d’épinettes géantes aux allures de momies, qui mène au lac Malard, puis au joli petit refuge La Ouache. Sauf que La Ouache n’était pas notre intention première, qui était de parcourir la boucle de 9,2 km du sentier du Centenaire. Ce superbe sentier (paraît-il), tracé en 1995 sur les crêtes du massif de la Vache noire pour souligner les 100 ans du parc, devait nous permettre de profiter de beaux points de vue sur le massif de Tremblant, la vallée de la rivière du Diable, Saint-Donat… Et aussi de randonner en boucle un bon quatre heures d’affilée. Nous avons l’habitude de la randonnée en montagne à pied comme en ski de fond, donc pour nous ce trajet en raquettes, que l’on dit un sport relativement facile, représenterait un certain effort, mais rien d’alarmant. L’hiver à sa plus sincère expression Sauf que, ce jour-là, il neigeait. Abondamment même. Et si le sentier du Centenaire est bien balisé, il n’est pas damé mécaniquement. Donc, les premiers raquetteurs qui arrivent ouvrent la piste. Et ce matin-là, nous étions les premiers. Dix-huit centimètres de nouvelle neige sur une grande accumulation de neige et la raquette devient un sport exigeant, à ne pas sous-estimer. Et certes moins naturel que la marche, bien que l’idée soit la même : mettre un pied devant l’autre. Après une heure à tourner en rond pour avoir loupé une balise, on a déjà les jambes et les hanches en bouillie. Pas d’entêtement. Nous décidons de rebrousser chemin. À la vitesse à laquelle nous évoluons, on risque de revenir à la nuit tombante. Et il faut rendre les raquettes avant que le Centre de services du Lac-Monroe, à dix minutes en auto d’ici, ne ferme. À 16 h. « Manitouge Sootana », montagne des Esprits ou du Diable. C’est ainsi que les Premières Nations surnommaient la montagne. En 1858, le géologue W. E Logan faisait déjà allusion à cette légende amérindienne qui voulait que le manitou fasse trembler la montagne lorsque quiconque y enfreignait les lois sacrées de la nature. Une sagesse qui se perpétue dans le plus vieux et le plus grand des parcs nationaux du Québec, où l’une des missions premières est la conservation. La randonnée à pied, le ski et la raquette sont donc d’excellents moyens de découvrir ce que le parc a de plus précieux : sa faune et sa flore. Un service de guides accompagnateurs, sur réservation deux semaines à l’avance, est disponible pour accompagner le raquetteur sur les sentiers. Une belle occasion d’apprendre l’histoire de cet immense territoire naturel protégé de 1510 kilomètres carrés, qui abrite, entre autres, 45 espèces de mammifères et 206 espèces d’oiseaux. Parmi les sentiers de raquette « vedettes », faciles d’accès et offrant des points de vue exceptionnels, il y a la Roche (6 km), la Roche/Corniche/Coulée (8 km) et la Chute-aux-Rats, un tracé de 10 kilomètres qui sillonne le lac Lajoie et se termine à la belle Chute-aux-Rats. Et pour le petit groupe ou la famille qui souhaite séjourner dans un refuge équipé d’un poêle à bois seulement, La Ouache est une belle idée. Il faut toutefois partir avec ses gamelles, sa nourriture, son sac de couchage et tout le nécessaire pour passer agréablement la nuit en forêt. Une petite visite à Saint-Jovite, à la pâtisserie française Le Montagnard, au 835, rue de Saint-Jovite, termine agréablement la journée. On y sert dans une ambiance sympathique une excellente soupe à l’orge cuisinée par Beate et son mari, propriétaires des lieux, un vrai chocolat chaud fabriqué avec des capsules de chocolat et recouvert de crème fouettée, des quiches excellentes, des macarons et de la crème brûlée. De quoi remettre le raquetteur sur le piton !

  • Indigo, périple bleu d'une créatrice textile

    Si vous avez un faible pour le bleu, vous craquerez pour l’ouvrage Indigo, écrit par la styliste Catherine Legrand et publié aux éditions de La Martinière. L’album en papier glacé de 287 pages, abondamment illustré, est un livret-carnet de voyage à consulter dans son salon. Le livre invite à une promenade autour du monde, là où le quotidien se teint en indigo. Article publié dans le Devoir du 29 décembre 2012 Catherine Legrand passe une partie de sa vie à collectionner les tissus, costumes, parures et photos. Sa fascination pour les textiles et pour l’indigo mène la créatrice sur la route bleue qui relie le Japon à l’Amérique centrale, en passant par le sud de la Chine, l’Inde, le Mali. L’auteure invite le lecteur à la suivre dans les villages, les marchés, les ateliers, les musées ethnologiques et chez les antiquaires, en fait partout où se pratique encore la tradition de l’indigo. Avec elle on grimpe des montagnes, traverse des rivières, salue au passage les teinturiers salvadoriens, guatémaltèques, mexicains, chinois, japonais, français, vietnamiens, laotiens, indiens… Énigme bleue « Qui a eu cette intuition géniale que derrière telle feuille verte se cachent les bleus les plus mystérieux et les plus profonds ? Comment un teinturier chinois, un tisserand mexicain, une teinturière malienne que des milliers de kilomètres séparent ont-ils découvert chacun une formule pour extraire le pigment de leur plante locale et réussi à fixer cette couleur sur une fibre textile ? » Si cette énigme demeure, Catherine Legrand liste une centaine d’espèces de plantes à bleu et décrit toutes les étapes pour en extraire le pigment, en imprégner les fibres et la fixer. « La teinture à l’indigo reste un savoir universel, écrit-elle. Partout elle se déroule selon le même processus : la culture ou la cueillette de la plante, l’extraction du pigment, le montage de la cuve, le fil ou la toile teints qui émergent du bain de teinture et dont se saisissent le tisserand puis le couturier et le brodeur qui transforment le tissu en de sublimes vêtements. » Tour du monde Dans le village de San Juan la Laguna, en bordure du lac Atitlán, au Guatemala, on utilise les propriétés tinctoriales de la sacatinta, un arbuste qui pousse à profusion dans les jardins. « Aux feuilles fraîches mises à macérer dans l’eau et produisant un jus violacé, la tisserande ajoute des segments dépiautés du tronc d’un palmier. Le palmito sert de fixatif à la couleur bleu clair. Le bain est porté à ébullition pendant un quart d’heure ; il refroidit ensuite une vingtaine de minutes avant que l’on procède à la teinture des fils de coton. » En Chine, dans les montagnes du Guizhou, depuis 2000 ans, la même étoffe bleue habille les paysans. L’indigo règne toujours en maître. Au Japon, la vague bleue indigo qui vient de Chine envahit le pays grâce au coton introduit par les Portugais et fera le succès du kimono. Mythique denim À Nîmes, une futaine (une petite étoffe populaire) fait la réputation des filatures et devient un « blue jean », une de ces toiles qui fera la fortune du Bavarois Levi Strauss. Une histoire qui a commencé en 1853 à San Francisco, alors que la Ruée vers l’or battait son plein. Un vêtement mythique, mais « polluant », écrit Catherine Legrand. « Si le jean est le vêtement le plus vendu dans le monde, avec 2,3 millions d’unités annuelles, force est de constater que c’est également une mode polluante. La culture du coton exige beaucoup d’eau et l’utilisation des pesticides, les procédés de teinture plus ou moins toxiques, et le processus du délavage par sablage à haute pression, qui peut provoquer des silicoses, s’est actuellement proscrit dans plusieurs pays. » Indigo est un ouvrage très bien documenté qui décrit presque tous les secrets de fabrication des tissus tout en s’intéressant à l’aspect identitaire des vêtements indigo. Un livre qui donne le goût de partir, comme l’a fait Catherine Legrand, sur le chemin de la couleur bleue.

  • Guatemala - Sur la route des volcans, d'Antigua au lac Atitlan

    Antigua – L’étonnante variété de paysages et la grande diversité culturelle du Guatemala font de ce petit État d’Amérique centrale, baigné au sud par l’océan Pacifique et au nord-est par la mer des Caraïbes, un pays passionnant à visiter. À l’ombre des volcans, entre la jolie ville coloniale de La Antigua Guatemala et les villages indigènes hauts en couleur du lac Atitlán. Article publié dans le Devoir du 29 décembre 2012 Rien à faire, le ciel reste nuageux. Impossible d’entr’apercevoir ne serait-ce que le contour du volcan Agua. Raison de plus pour élire domicile plus d’un jour dans cette jolie ville coloniale. Par beau temps, où que l’on soit dans Antigua, on voit l’Agua, situé à dix kilomètres d’ici. Mais aujourd’hui, le beau dôme, à 3766 mètres, se trouve sous un couvert de nuages. À la différence des autres volcans de la région, comme le Fuego et le Pacaya, l’Agua se présente en situation isolée au milieu des plaines. Son cône parfait à l’allure d’un entonnoir est donc visible de loin. Il est d’ailleurs si beau que le Guatemala a émis des timbres à son effigie. À défaut de pouvoir admirer live l’Agua endormi depuis 100 000 ans, le visiteur peut aller s’émerveiller au couvent Las Capuchinas devant une fresque qui représente le volcan surplombant Antigua. Par la même occasion, il peut aussi visiter le cloître aux grosses colonnes et aux galeries voûtées, son jardin et sa tour aux dix-huit cellules construite autour d’un patio circulaire. Histoire de se faire une idée de la vie menée dans ce beau prieuré par les religieuses madrilènes qui, avant le séisme de 1773, s’occupaient d’un orphelinat et d’un hôpital pour femmes. La grande séductrice Les guides touristiques sont unanimes : la beauté coloniale d’Antigua, avec ses rues pavées, ses ruines (causées par deux tremblements de terre), ses multiples hébergements - plus de 140 hôtels, auberges de jeunesse et« posadas » -,ses restaurants, ses cafés (et son excellent café), ses boutiques d’art, en fait l’une des étapes préférées des voyageurs en visite au pays des couleurs. À l’ombre du Parque central, il faut prendre le temps de déguster un café de chez Café Barista, à l’angle nord-ouest du parc, avant de se lancer dans la visite des ruines de la cathédrale de Santiago détruite par le séisme de 1773. Incroyables, ces énormes fragments de colonnes qui gisent toujours sous les arcades de brique, comme si le tremblement de terre venait d’avoir lieu. À Antigua, pas de bâtiments en hauteur. Donc, pas de grandes tours à appartements ni de grands hôtels qui viennent obstruer la vue sur les volcans Agua, Fuego et Acatanango. Pourquoi ? Les ruines parlent d’elles-mêmes. L’histoire de cette ancienne capitale née en 1543 des conquêtes espagnoles et classée au patrimoine de l’Unesco, en 1979, a été ponctuée de séismes, d’éruptions volcaniques et d’inondations. Qui voudraient vivre aujourd’hui au 17e étage d’un immeuble ? « L’histoire tourmentée de la ville a d’ailleurs commencé sur les flancs du volcan Agua, le 11 septembre 1541 », raconte Laura Calderon, notre guide. « Une coulée de boue provenant de la montagne a pour ainsi dire enseveli la localité [premier emplacement de la capitale] alors située dans l’actuelle Ciudad Vieja, à sept kilomètres d’ici. Ce n’est que deux ans plus tard qu’apparaît sur la carte du monde Santiago de los Caballeros, le nom d’Antigua à l’époque. » Antigua, alias Santiago de Guatemala donc, sera pendant près de deux siècles un important centre politique, économique, religieux et culturel. Mais la capitale située au beau milieu d’une zone sismique active n’est pas au bout de ses peines. La terre gronde à répétition et finit par avoir raison de la belle coloniale en 1773. À bout, les autorités espagnoles décident de s’installer dans la vallée de La Ermita, à 45 kilomètres à l’ouest d’Antigua. En 1775, le roi Charles III signe une charte ordonnant la construction de Guatemala Ciudad, depuis la capitale du Guatemala. L’embarras du choix Plusieurs motivations incitent les touristes à visiter Antigua : la richesse de l’histoire, la joliesse des maisons aux couleurs pastel, le café exquis, l’ivresse de grimper l’un ou l’autre des trois volcans qui dominent la ville, la gentillesse des habitants, les nombreuses écoles d’espagnol. « Elles attirent les étudiants du monde entier, dit Laura Calderon. Le choix est vaste à Antigua et la plupart des écoles offrent tous les niveaux d’apprentissage. Et si un cours dure trois semaines en moyenne, rien n’empêche de s’inscrire à une leçon d’une heure seulement ou alors de s’installer à Antigua pour plusieurs mois, histoire d’explorer les environs de la ville. » Nul besoin d’être un grand marcheur pour grimper le volcan Pacaya (2552 mètres d’altitude) situé à 25 kilomètres d’Antigua. Et il est encore actif ! On atteint le cratère en deux heures de marche max. À l’occasion, il arrive de voir une coulée de magma en ébullition au milieu d’un champ de lave durci. Attention aux petites explosions rocheuses. C’est ça, le danger ! Autre très beau site à visiter au Guatemala : le lac Atitlán à trois heures de route d’Antigua ou de Guatemala City. Le visiteur qui voyage en autobus a tout intérêt à suivre le conseil du guide Lonely Planet sur le Guatemala : se placer du côté droit du véhicule pour ne rien manquer de la vue époustouflante sur le lac couleur indigo et les trois volcans qui le dominent. À Solola, petite ville située sur une falaise, à 2060 mètres d’altitude, un belvédère invite les voyageurs à faire une courte pause contemplative. Le moment est propice, avant la pluie qui risque de tomber, pour capter en images le reflet du volcan San Pedro (3020 m) sur le lac d’une longueur de huit kilomètres du nord au sud et dix-huit d’est en ouest. Très photogénique. Une longue descente en serpentins de huit kilomètres mène à Panajachel, principale localité sur les bords du lac. Les rues piétonnes du centre-ville sont bordées de cybercafés, d’agences de voyage, de vendeurs d’artisanat, d’hôtels, de restaurants, de bars. Première véritable rencontre avec les mayas cakchiquel et « tzutuhil » venus des villages environnants vendre leur artisanat. Partout l’accueil est souriant. Dans les rues, les enfants vous saluent et les commerçantes vous emboîtent le pas, histoire de vous soutirer quelques quetzal, bien sûr, mais aussi de vous initier à leur savoir-faire ancestral. Elles vendent tissus colorés, foulards, tapis, kilim. Lorsqu’elles sont vêtues du huipil traditionnel, un connaisseur saurait dire, par la couleur de leur tunique, duquel des douze villages autour du lac proviennent ces femmes mayas, pour la plupart tisserandes de mère en fille. Du coton au textile C’est en lancha (bateaux-bus), au départ de Panajachel, que l’on rejoint les villages de Santiago Atitlán et San Juan La Laguna. Entre plantations de café, de coton, de bananes et de maïs, les deux localités aux rues pavées et pentues vivent au rythme des humeurs du lac Atitlán. Interrogés sur leur vision de la fin du monde par leurs ancêtres, les Mayas tz’utujil de San Juan La Laguna répondent qu’ils craignent bien plus les dégâts occasionnés par la montée des eaux du lac que tout autre chose. En accostant au quai, on voit les maisons inondées. Désolant ! À San Juan comme à Santiago Atitlán, les femmes portent des jupes à rayures et des huipils brodés de fleurs colorées, d’oiseaux, d’astres… Et elles assurent le maintien des traditions au grand plaisir des touristes. À San Juan, les femmes de l’Association de tisserandes « Telar de Cintura Chinimaya » ouvrent grandes les portes de leur atelier, ce qui permet aux visiteurs de suivre les étapes de travail des fileuses, teinturières et tisserandes du village de 5600 habitants. « Dans les coopératives artisanales, la priorité est donnée aux teintures végétales locales et au coton biologique filé à la main », explique Mercedes, une femme « tzutuhil » qui s’empresse de nous amener dans son jardin pour nous exposer les étapes de la teinture à partir de plantes locales. Avant que ne se lève le « Xocomil », ce fameux vent qui peut déchaîner le lac Atitlán en moins de deux, et que les étoiles s’allument, une visite à Maximon, cette divinité tenue en grand honneur dans les Hautes Terres du Guatemala, complète notre découverte de Santiago Atitlán. Comme le personnage change de maison tous les ans, un enfant du village nous conduit vers la statue de bois drapée de cravates et d’écharpes colorées et fumant un gros cigare. C’est Juan, un villageois qui a la tâche de surveiller le personnage 12 heures par jour, 365 jours par année. C’est aussi lui qui recueille les offrandes (Maximon adore le rhum et les cigarettes). « L’effigie du dieu est installée dans la maison d’un membre de la confrérie maya catholique, lit-on dans le guide Lonely Planet. Selon les anthropologues, Maximon déménage chaque année de façon à équilibrer les pouvoirs locaux. » Quoi qu’il en soit, ni le chemin à travers les ruelles de Santiago Atitlán emprunté pour se rendre au domicile ni la rencontre avec le « personnage » ne laissent indifférent. Pas plus d’ailleurs qu’un voyage au Guatemala. En vrac Où dormir: Le choix d’hébergement est aussi grand à Guatemala City qu’à Antigua. Les voyagistes ont toutefois tendance à préférer amener leurs clients directement à Antigua. Les hébergements de charme Porta Hotel del Lago et la Posada de Don Rodrigo à Antigua sont deux bonnes adresses. Organiser son voyage. L’agence de voyages Uniktour propose le Honduras et le Guatemala à son programme. Consulter Gregory Dedrumel, qui vous guidera vers des spécialistes du Guatemala afin de vous aider à concocter un itinéraire à la carte digne de vos attentes. Ou bien Jad Haddad, chez Terres d’aventures, pour un voyage en groupe à la fois culturel et sportif. Aimé la visite du musée de l’atelier et du magasin La Casa del Jade, à Antigua. Le jade était très apprécié des anciens Mayas. Mangé des plats typiquement maya et du terroir guatémaltèque, créés par le chef Humberto Dominguez, sous une palata au toit en feuilles de palmier, sur fond de marimba, au restaurant Kakao, situé dans la zone 10 à Guatemala City. À lire : les guides Ulysse ou Lonely Planet sur le Guatemala. Vous y trouverez mille et uns conseils pratiques pour réussir votre voyage dans ce pays assez bien organisé pour les touristes.

  • Guatemala - d'Antigua au lac Atitlan, Sur la route des volcans

    Publié dans le Devoir du 29 décembre 2012 Antigua – L’étonnante variété de paysages et la grande diversité culturelle du Guatemala font de ce petit État d’Amérique centrale, baigné au sud par l’océan Pacifique et au nord-est par la mer des Caraïbes, un pays passionnant à visiter. À l’ombre des volcans, entre la jolie ville coloniale de La Antigua Guatemala et les villages indigènes hauts en couleur du lac Atitlán. Rien à faire, le ciel reste nuageux. Impossible d’entr’apercevoir ne serait-ce que le contour du volcan Agua. Raison de plus pour élire domicile plus d’un jour dans cette jolie ville coloniale. Par beau temps, où que l’on soit dans Antigua, on voit l’Agua, situé à dix kilomètres d’ici. Mais aujourd’hui, le beau dôme, à 3766 mètres, se trouve sous un couvert de nuages. À la différence des autres volcans de la région, comme le Fuego et le Pacaya, l’Agua se présente en situation isolée au milieu des plaines. Son cône parfait à l’allure d’un entonnoir est donc visible de loin. Il est d’ailleurs si beau que le Guatemala a émis des timbres à son effigie. À défaut de pouvoir admirer live l’Agua endormi depuis 100 000 ans, le visiteur peut aller s’émerveiller au couvent Las Capuchinas devant une fresque qui représente le volcan surplombant Antigua. Par la même occasion, il peut aussi visiter le cloître aux grosses colonnes et aux galeries voûtées, son jardin et sa tour aux dix-huit cellules construite autour d’un patio circulaire. Histoire de se faire une idée de la vie menée dans ce beau prieuré par les religieuses madrilènes qui, avant le séisme de 1773, s’occupaient d’un orphelinat et d’un hôpital pour femmes. La grande séductrice Les guides touristiques sont unanimes : la beauté coloniale d’Antigua, avec ses rues pavées, ses ruines (causées par deux tremblements de terre), ses multiples hébergements - plus de 140 hôtels, auberges de jeunesse et« posadas » -,ses restaurants, ses cafés (et son excellent café), ses boutiques d’art, en fait l’une des étapes préférées des voyageurs en visite au pays des couleurs. À l’ombre du Parque central, il faut prendre le temps de déguster un café de chez Café Barista, à l’angle nord-ouest du parc, avant de se lancer dans la visite des ruines de la cathédrale de Santiago détruite par le séisme de 1773. Incroyables, ces énormes fragments de colonnes qui gisent toujours sous les arcades de brique, comme si le tremblement de terre venait d’avoir lieu. À Antigua, pas de bâtiments en hauteur. Donc, pas de grandes tours à appartements ni de grands hôtels qui viennent obstruer la vue sur les volcans Agua, Fuego et Acatanango. Pourquoi ? Les ruines parlent d’elles-mêmes. L’histoire de cette ancienne capitale née en 1543 des conquêtes espagnoles et classée au patrimoine de l’Unesco, en 1979, a été ponctuée de séismes, d’éruptions volcaniques et d’inondations. Qui voudraient vivre aujourd’hui au 17e étage d’un immeuble ? « L’histoire tourmentée de la ville a d’ailleurs commencé sur les flancs du volcan Agua, le 11 septembre 1541 », raconte Laura Calderon, notre guide. « Une coulée de boue provenant de la montagne a pour ainsi dire enseveli la localité [premier emplacement de la capitale] alors située dans l’actuelle Ciudad Vieja, à sept kilomètres d’ici. Ce n’est que deux ans plus tard qu’apparaît sur la carte du monde Santiago de los Caballeros, le nom d’Antigua à l’époque. » Antigua, alias Santiago de Guatemala donc, sera pendant près de deux siècles un important centre politique, économique, religieux et culturel. Mais la capitale située au beau milieu d’une zone sismique active n’est pas au bout de ses peines. La terre gronde à répétition et finit par avoir raison de la belle coloniale en 1773. À bout, les autorités espagnoles décident de s’installer dans la vallée de La Ermita, à 45 kilomètres à l’ouest d’Antigua. En 1775, le roi Charles III signe une charte ordonnant la construction de Guatemala Ciudad, depuis la capitale du Guatemala. L’embarras du choix Plusieurs motivations incitent les touristes à visiter Antigua : la richesse de l’histoire, la joliesse des maisons aux couleurs pastel, le café exquis, l’ivresse de grimper l’un ou l’autre des trois volcans qui dominent la ville, la gentillesse des habitants, les nombreuses écoles d’espagnol. « Elles attirent les étudiants du monde entier, dit Laura Calderon. Le choix est vaste à Antigua et la plupart des écoles offrent tous les niveaux d’apprentissage. Et si un cours dure trois semaines en moyenne, rien n’empêche de s’inscrire à une leçon d’une heure seulement ou alors de s’installer à Antigua pour plusieurs mois, histoire d’explorer les environs de la ville. » Nul besoin d’être un grand marcheur pour grimper le volcan Pacaya (2552 mètres d’altitude) situé à 25 kilomètres d’Antigua. Et il est encore actif ! On atteint le cratère en deux heures de marche max. À l’occasion, il arrive de voir une coulée de magma en ébullition au milieu d’un champ de lave durci. Attention aux petites explosions rocheuses. C’est ça, le danger ! Autre très beau site à visiter au Guatemala : le lac Atitlán à trois heures de route d’Antigua ou de Guatemala City. Le visiteur qui voyage en autobus a tout intérêt à suivre le conseil du guide Lonely Planet sur le Guatemala : se placer du côté droit du véhicule pour ne rien manquer de la vue époustouflante sur le lac couleur indigo et les trois volcans qui le dominent. À Solola, petite ville située sur une falaise, à 2060 mètres d’altitude, un belvédère invite les voyageurs à faire une courte pause contemplative. Le moment est propice, avant la pluie qui risque de tomber, pour capter en images le reflet du volcan San Pedro (3020 m) sur le lac d’une longueur de huit kilomètres du nord au sud et dix-huit d’est en ouest. Très photogénique. Une longue descente en serpentins de huit kilomètres mène à Panajachel, principale localité sur les bords du lac. Les rues piétonnes du centre-ville sont bordées de cybercafés, d’agences de voyage, de vendeurs d’artisanat, d’hôtels, de restaurants, de bars. Première véritable rencontre avec les mayas cakchiquel et « tzutuhil » venus des villages environnants vendre leur artisanat. Partout l’accueil est souriant. Dans les rues, les enfants vous saluent et les commerçantes vous emboîtent le pas, histoire de vous soutirer quelques quetzal, bien sûr, mais aussi de vous initier à leur savoir-faire ancestral. Elles vendent tissus colorés, foulards, tapis, kilim. Lorsqu’elles sont vêtues du huipil traditionnel, un connaisseur saurait dire, par la couleur de leur tunique, duquel des douze villages autour du lac proviennent ces femmes mayas, pour la plupart tisserandes de mère en fille. Du coton au textile C’est en lancha (bateaux-bus), au départ de Panajachel, que l’on rejoint les villages de Santiago Atitlán et San Juan La Laguna. Entre plantations de café, de coton, de bananes et de maïs, les deux localités aux rues pavées et pentues vivent au rythme des humeurs du lac Atitlán. Interrogés sur leur vision de la fin du monde par leurs ancêtres, les Mayas tz’utujil de San Juan La Laguna répondent qu’ils craignent bien plus les dégâts occasionnés par la montée des eaux du lac que tout autre chose. En accostant au quai, on voit les maisons inondées. Désolant ! À San Juan comme à Santiago Atitlán, les femmes portent des jupes à rayures et des huipils brodés de fleurs colorées, d’oiseaux, d’astres… Et elles assurent le maintien des traditions au grand plaisir des touristes. À San Juan, les femmes de l’Association de tisserandes « Telar de Cintura Chinimaya » ouvrent grandes les portes de leur atelier, ce qui permet aux visiteurs de suivre les étapes de travail des fileuses, teinturières et tisserandes du village de 5600 habitants. « Dans les coopératives artisanales, la priorité est donnée aux teintures végétales locales et au coton biologique filé à la main », explique Mercedes, une femme « tzutuhil » qui s’empresse de nous amener dans son jardin pour nous exposer les étapes de la teinture à partir de plantes locales. Avant que ne se lève le « Xocomil », ce fameux vent qui peut déchaîner le lac Atitlán en moins de deux, et que les étoiles s’allument, une visite à Maximon, cette divinité tenue en grand honneur dans les Hautes Terres du Guatemala, complète notre découverte de Santiago Atitlán. Comme le personnage change de maison tous les ans, un enfant du village nous conduit vers la statue de bois drapée de cravates et d’écharpes colorées et fumant un gros cigare. C’est Juan, un villageois qui a la tâche de surveiller le personnage 12 heures par jour, 365 jours par année. C’est aussi lui qui recueille les offrandes (Maximon adore le rhum et les cigarettes). « L’effigie du dieu est installée dans la maison d’un membre de la confrérie maya catholique, lit-on dans le guide Lonely Planet. Selon les anthropologues, Maximon déménage chaque année de façon à équilibrer les pouvoirs locaux. » Quoi qu’il en soit, ni le chemin à travers les ruelles de Santiago Atitlán emprunté pour se rendre au domicile ni la rencontre avec le « personnage » ne laissent indifférent. Pas plus d’ailleurs qu’un voyage au Guatemala. En vrac Où dormir: Le choix d’hébergement est aussi grand à Guatemala City qu’à Antigua. Les voyagistes ont toutefois tendance à préférer amener leurs clients directement à Antigua. Les hébergements de charme Porta Hotel del Lago et la Posada de Don Rodrigo à Antigua sont deux bonnes adresses. Aimé la visite du musée de l’atelier et du magasin La Casa del Jade, à Antigua. Le jade était très apprécié des anciens Mayas. Mangé des plats typiquement maya et du terroir guatémaltèque, créés par le chef Humberto Dominguez, sous une palata au toit en feuilles de palmier, sur fond de marimba, au restaurant Kakao, situé dans la zone 10 à Guatemala City. À lire : les guides Ulysse ou Lonely Planet sur le Guatemala. Vous y trouverez mille et uns conseils pratiques pour réussir votre voyage dans ce pays assez bien organisé pour les touristes.

  • Noel champêtre au coeur de la ville

    Si vous avez un faible pour le bleu, vous craquerez pour l’ouvrage Indigo, écrit par la styliste Catherine Legrand et publié aux éditions de La Martinière. L’album en papier glacé de 287 pages, abondamment illustré, est un livret-carnet de voyage à consulter dans son salon. Le livre invite à une promenade autour du monde, là où le quotidien se teint en indigo. Article publié dans le Devoir du 21 décembre 2012 À l’angle des boulevards Saint-Joseph et Saint-Laurent à Montréal, le parc Lahaie perpétue depuis 19 ans la tradition des Fêtes avec tout le charme et la poésie d’un Noël d’antan à la campagne. Et à moins que le monde prenne fin d’ici minuit, il ne reste que quatre jours pour aller déguster autour du feu de bois chocolat et vin chauds, saucisses, guimauves et marrons grillés en écoutant de la musique, en chantant et en dansant au rythme de rigodons endiablés. Comme par enchantement, il suffit de franchir le faux portail de Noël du parc Lahaie, face à l’é glise Saint-Enfant-Jésus-de-Montréal, pour oublier d’un coup ses tracas. En moins de deux, les bruits de la ville et l’heure de pointe n’existent plus. On se croirait en pleine campagne. Pourtant, nous sommes au centre-ville de Montréal. Quel pied-de- nez au brouhaha des klaxons! «Mon objectif est de dépayser le spectateur dans sa notion du temps et de faire de Noël dans le parc un lieu d’accueil intemporel», avait dit le concepteur de l’événement, le comédien et créateur de l’Auguste Théâtre, Reynald Bouchard, décédé il y a trois ans. Des artistes, des jongleurs de feu, des conteurs, de la musique d’ici et d’ailleurs, des moutons dans un enclos, un feu de joie qui crépite au centre du parc et des cabanes en bois aux allures de crèche... Tout est mis en place pour recréer l’ambiance du village de Noël d’autrefois. «C’est un concept unique», affirme le directeur de Noël dans le parc, Alain Gingras Guimond, qui, avec son équipe, poursuit le rêve de Reynald Bouchard. «Notre objectif est de continuer le développement de cet événement tout en perpétuant la vision et l’héritage que nous a laissés Reynald. Noël dans le parc prend d’ailleurs de la force. Pour la première fois, la fête a fait un petit dans l’arrondissement Sud-Ouest, au parc Garneau. On y retrouve la même magie.» Car c’était aussi le rêve des organisateurs de créer des activités ailleurs en ville. «On retrouve au parc Garneau le même décor et les mêmes activités qu’au parc Lahaie», explique Alain Gingras Guimond. Un feu de joie qui flambe en permanence, de petites cabanes en bois où les artistes se donnent en spectacle, un arbre aux oranges, un autre aux boules rouges, des sapins de Noël illuminés… Sans prétention aucune, la formule plaît. Jusqu’au 24 décembre, c’est sous le thème du country-folk qu’on célèbre Noël dans le parc. Tous les soirs de la sesmaine et les après-midi le week-end, des artistes tels Mara Tremblay (marraine de l’événement), Bernard Adamus, Cindy Bédard, les Soeurs Boulay et Massicotte enfilent tuque et mitaines et viennent donner vie aux cabanes de bois. Noël sous le sapin (bio) Qui dit Noël, dit sapin. «Non seulement vend-on sur place des sapins baumiers issus de la culture biologique, mais il est aussi possible d’acheter en ligne son sapin de Noël au coût de 8 $ le pied. On le livre même à domicile, le jour de votre choix, si vous n’avez pas la force ou le véhicule pour le transporter, dit Alain Gingras Guimond. Avec une base, au besoin.» Si la vente de sapins finance en partie Noël dans le parc, à chaque sapin vendu un montant d’argent est remis au Centre de pédiatrie sociale Centre-Sud, dans le cadre de la Grande Guignolée du Dr Julien, dont Noël dans le parc est aussi un point de chute. Noël dans le parc, mais pas seulement À ne pas manquer, entre autres, aujourd’hui, demain et dimanche, de midi à 20h, le Marché fermier de Noël qui va s’installer juste en face du parc Lahaie. Ni la pièce de théâtre pour enfants, Julbock le bouc de Noël, à 10h30 le 23 décembre, au théâtre de la Source. Ni non plus l’exposition ludique et historique Plaisirs du temps des Fêtes, de 1870 à nos jours, à l’Espace Lafontaine jusqu’au 13 janvier. «Car cette année, plusieurs organismes se sont greffés à nous : l’Espace galerie POP Montréal, les commerçants du boulevard Saint-Laurent, le parc des Amériques, le marché Frontenac, les églises Saint-Enfant-Jésus, Saint-Pierre-Claver et Saint-Stanislas-de-Kostka», dit Alain Gingras Guimond. Quant au parc Garneau, au coin des rues Monk et Parc-Garneau, il réserve une surprise à ses festivaliers avec en spectacle de clôture, le 23 décembre, Marco Calliari, le rockeur au passé métal qui viendra faire chanter et danser la foule au son de sa guitare. «La fée des étoiles veille certainement sur nous», dit en riant M. Guimond. Noël féerique Jaser entre amis, rencontrer les voisins, déguster une boisson chaude autour d’un feu de bois, écouter de la musique, assister à une pièce de théâtre pour enfants, faire un tour de calèche, chanter, danser, taper des mains: c’est ça, Noël dans le parc. Un moment de partage et de convivialité. Le plaisir tout simple d’échanger entre amis, de parler à son voisin, de rencontrer un artiste, de regarder enfants et adultes sourire devant le la féerie de Noël. Joyeuses Fêtes!

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Textes et photos par Hélène Clément 

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