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  • Photo du rédacteurHélène Clément

Maroc - Échappée berbère dans le Haut-Atlas


Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, la casbah en pisé d’Ait Ben Haddou, au-dessus de la vallée de l’Ounila.

Tzigui — Partout, des ksour (forteresses) et des casbahs (forts) sur de hauts plateaux hérissés de mesas rougeoyantes et rainés de gorges et de vallées étonnantes où nichent des oasis. Falaises vertigineuses, sable, roches, ruines, tout est ocre à perte de vue. Puis se détache une touffe verte dans une mer de beige : c’est la palmeraie de Tinghir, l’une des plus belles au royaume du Maroc. Bienvenue dans la vallée du Todra, porte d’entrée du Haut-Atlas.


Une quinzaine de kilomètres séparent la ville de Tinghir du village de Tizgui, dernier de la série des agglomérations le long de la palmeraie de Tinghir. Après, surgissent les fameuses gorges du Todra. Ici, l’esprit berbère des montagnes prédomine : fierté et accueil chaleureux.


Et une sagesse aussi vaste que le Moyen-Atlas, le Haut-Atlas et l’Anti- Atlas réunis.

J’avais déjà traversé la vallée du Todra lors d’un précédent voyage, et gardé en mémoire les hautes falaises de calcaire rose tombant à pic dans l’oued Todra. Mais, comme la plupart des touristes qui voyagent au Maroc, je n’avais fait que passer dans ce Far-West hallucinant, en route vers les villes impériales : Fès, Rabat, Meknès au nord, Marrakech à l’ouest.



Je m’étais promis de revenir dans ce « Grand Canyon marocain ». Pour passer quel ques jours dans l’univers abrupt, déchiqueté et aride des rochers aux formes bigarrées et aux couleurs gorge-de-pigeon, selon la position du soleil. Pour flâner dans les ruelles des casbahs, siroter un thé sucré au miel parmi les Berbères du Haut-Atlas, marchander quel ques tapis…


Nous sommes le 10 mars 2963 d’après le calendrier amazigh ; le 10 mars 2013 selon le calendrier grégorien. « Le calendrier amazigh est le calendrier agraire utilisé par les Berbères, explique Mohammed, notre guide. “ Yennayer ” correspond au premier jour de janvier du calendrier julien, qui est décalé de 13 jours par rapport au grégorien, soit le 13 janvier de chaque année. L’an 0 correspond à l’an 950 avant J.-C. » Nous sommes donc en 2963.


Oui, les Berbères sont fiers. Dans leur discours, ils nous rappellent qu’ils furent les premiers habitants du Maghreb. Depuis dix ans, leurs revendications identitaires connaissent un foisonnement culturel avec le soutien du roi Mohammed VI, lui-même d’origine berbère.

Il y a deux ans, le monarque a consacré le langage berbère « tamazight » seconde langue nationale après l’arabe. Il a également réhabilité, en 2003, le « tifinagh », un ancien alphabet utilisé par les Touaregs.


« Une version modernisée de cet alphabet est d’ailleurs enseignée maintenant dans certaines écoles du Maroc comme écriture berbère de référence », explique Mohammed.


L’image romanesque populaire dépeint le Berbère com me un nomade qui traverse le désert à dos de chameau et qui dort sous la tente. Pas seulement !


En fait, on le rencontre partout. À Fès, Marrakech, Casa blan ca, Rabat… Et ailleurs dans le monde. Il vit majoritairement dans les grandes villes et exerce aussi bien le métier d’avocat, de médecin, d’entrepreneur ou de commerçant, que celui d’agriculteur en campagne, d’éleveur de moutons et de chèvres sur les sentiers des Atlas…


Les Berbères représentent plus de 40 % de la population du Maroc, estimée à un peu plus de 32 millions d’habitants. « Mais l’identité des Berbères urbains s’est beaucoup diluée avec l’exode rural, et la langue est en perte de vitesse malgré son apparition au programme des écoles et de certaines universités », écrit Thierry Oberlé dans Le Figaro.fr.


C’est au hasard que nous avons choisi de loger au Dar Ayour. Sur le Web, la maison d’hôte située à Tizgui s’affiche comme riad. Et on con naît le charme fou de ces maisons où bois peint, cuivre, tapis, coussins, banquet tes et lumière tamisée se mélangent pour donner naissance à un univers ensorcelant, di gne d’un conte des mille et une nuits. Ambiance feutrée garantie !



Et puis, c’est pratique, Tizgui étant à un kilomètre de marche des immenses murs de pierre hauts de 300 mètres, où l’humain ressemble à une toute petite fourmi. Dans sa partie la plus spectaculaire, le passage routier fait à peine dix mètres. Du ciel, on ne voit qu’une étroite bande.


Les rives de l’oued Todra, qui serpente le long de la route escarpée, comporte des sentiers pour les randonneurs de tous les niveaux et pour les grimpeurs. Hallucinant !


« C’est au fond de ces gorges que coule la source aux poissons sacrés, une source d’eau chaude où vivent des poissons que nul n’a le droit de pêcher, explique Mohammed. Et ici, c’est la source des femmes stériles. Selon la tradition, son eau guérirait les femmes infécondes. »


Le Dar Ayour accueille ses clients selon la tradition berbère : thé à la menthe, petits gâteaux, amandes… On se sent tout de suite bien dans ce gîte. Pas le grand luxe, mais joli, propret, et un personnel intentionné.


La maison dispose de 14 chambres avec vue sur l’oued, la montagne et les jardins où poussent palmiers, figuiers, amandiers, oliviers, grenadiers…


« Je suis né dans la casbah en bas de la route, explique Adnan, le propriétaire. Avant d’ouvrir le Dar Ayour, en 2007, j’ai travaillé à La Fantasia de Marrakech, au restaurant Il mare d’Essaouira et à l’hôtel La Vallée de Ouarzazate. C’est aussi dans cette dernière ville [une étape touristique bien connue], à l’école hôtelière, que j’ai fait mes études en tourisme. »



Le Dar Ayour est une entreprise familiale berbère. Il y a Françoise, Mohammed, Houssaine, Slinane et les autres… On y offre une vaste gamme de services pour vraiment faciliter la vie des visiteurs : accueil à l’aéroport de Ouarzazate (à 160 kilomètres) ou à celui de Marrakech, repas, cours de peinture, randonnées en montagne ou dans les palmeraies, balades à cheval, excursions dans les gorges du Dadès, dans la vallée des mille casbahs et dans le désert.


Et, sur place, il y a la balade à pied d’une quinzaine de kilomètres dans la palmeraie de Tinghir, qui mène en trois ou quatre heures à Tinghir. On y apprend tout sur les méthodes d’irrigation de ce jardin d’éden et on en revient en sueur, mais la tête pleine de souvenirs.


À Tizgui, une coopérative de femmes perpétue la fabrication artisanale de tapis berbères. Bien sûr, les gens sont conviés à leur rendre visite, mais rien ne les oblige à acheter. Rien à voir avec le marchand de tapis des souks qui, « pour le plaisir des yeux », emmène sa « proie » à l’arrière de son échoppe et offre à profusion du thé à la menthe pendant qu’il étale sur le plancher sa centaine de tapis, dont on ne connaît souvent rien de leur fabrication ou de leur provenance.


« Seules les femmes fabriquent les tapis, seuls les hommes les commercialisent », explique Ammed. Il faut trois mois pour en tisser un. Le métier nomade est vertical et donne un tapis à un seul côté frangé. Les couleurs traditionnelles sont faites à partir de végétaux : le safran pour le jaune, l’indigo pour le bleu, le coquelicot, la garance, le henné, la cochenille pour le rouge. »



Les motifs des tapis berbères représentent la vie, les traditions, les croyances… Le scarabée est le symbole de la protection contre le mauvais oeil ; les losanges désignent les quatre points cardinaux ; la fibule, symbole amazigh, est une arme ; les dromadaires incarnent la dot et le moyen de chercher une nouvelle vie. La pyramide évoque la maison, le douar ou la grande tente avec les trois générations sous le même toit : parents, fils, belles-filles et petits-enfants.


Les Berbères de la région de Tinghir sont particulièrement accueillants : un sens de l’hospitalité légendaire et une sagesse aussi vaste que le Moyen-Atlas, le Haut-Atlas et l’Anti-Atlas réunis. Si la majorité vivent dans les villes, plusieurs continuent de perpétuer un nomadisme pastoral traditionnel autour de la tente en poils de chèvre. Comme Hammo, ses enfants et ses petits-enfants, dont le modeste campement est installé au-dessus de Tizgui et de ses palmeraies.


Une boucle de trois heures permet de se rendre à ce campement. Mieux vaut entreprendre cette marche avec un guide, et le matin, lorsque le soleil éclaire le fond des gorges qui prennent un éclat doré. Vraiment photogénique ! À l’entrée des gorges, des grimpeurs se lancent à l’assaut du pilier du Couchant, haut lieu d’escalade pour les plus aguerris. Un peu plus loin, là où commence la randonnée, la Petite Gorge offre des voies plus courtes qui conviennent mieux aux débutants.



Le sentier de randonnée, emprunté par des ânes et des mules, est assez bien tracé et évolue tout en hauteur dans un paysage montagneux de roche et de sable. Pas beaucoup de verdure ici. Rien de très difficile, mais il faut tout de même de bons souliers. Et du souffle.


L’hospitalité est sacrée ici ; on ne refuse pas une invitation à boire le thé, c’est une insulte, et on n’est pas trop regardant sur l’éclat des verres… L’eau se fait rare dans ces montagnes arides. C’est en compagnie de Hammo, le papa aux yeux et au turban bleus, de son fils Joseph et d’Abiscia, sa petite-fille, que nous prenons le thé au thym. Hammo élève des chèvres. C’est un nomade. Sa famille vit modestement dans une tente en poils de chèvre. Il ne parle pas le français.


Quelques secondes d’émotion au terme de quatre heures de marche en montagne. Un moment intime difficile à décrire, mais qui va s’inscrire durablement dans la mémoire. Comme l’image de ce cortège funèbre en route vers le marché de Tinghir. Que des hommes. « C’est eux qui accompagnent le mort au cimetière, les femmes restent entre elles à la maison », dit Mohamed.


À Tinghir, il y a le marché des femmes et celui des hommes. Puis une foule de petites boutiques isolées dont on ne devine pas l’existence. Un guide est apprécié. Pour comprendre!

En vrac


Se rendre au Maroc. Un vol direct assure la liaison Montréal-Casablanca sur les ailes de Royal Air Maroc. L’aéroport Mohammed-V offre une panoplie de loueurs d’autos pour qui parcourt le Maroc en autonomie. Sinon, des vols vers Marrakech ou Ouarzazate y sont proposés régulièrement. Aussi, Transat Découvertes, qui vise l’authenticité et le voyage « autrement », offre quatre itinéraires marocains pour 2014.


Organiser son voyage. Plusieurs voyagistes proposent le Maroc à leur programme. Comme Sultana Tours, par exemple, qui offre des parcours classiques comme « Le grand tour du Maroc », « Les villes impériales », « Le grand sud et les casbahs », « Escapade désert et randonnée berbère entre Marrakech et Zagora via Ouarzazate ».


Mais, encore plus authentique et hors des sentiers battus, le voyagiste Karavaniers propose de belles randonnées pédestres aussi bien dans le désert que dans les Atlas. Là où peu de gens vont. Ces randonnées muletières s’adressent à tout le monde, y compris les familles avec enfants. Les treks sont organisés en fonction des saisons : l’hiver dans le désert, l’été dans l’Atlas. Si, en général, chez Karavaniers, les randonnées sont de niveaux 1 à 5, elles ne dépassent pas 3 au Maroc. Un mulet sera mis à la disposition des familles avec un enfant de deux ou trois ans.


On se rend dans les vallées reculées, on prend le temps d’observer, de regarder vivre l’autre. Rien n’est écrit d’avance, rien n’est commandé, les guides provoquent les rencontres, qui ne seront jamais les mêmes. Voilà de la randonnée qui revêt une dimension humaine et qui s’adresse à tous.

Pour en savoir plus : Christine Plaisant, chez Karavaniers.


Où dormir dans les orges du Todra. Le Dar Ayour est certainement une bonne adresse. En plus de nombreux services, on y propose mille et une activités qui permettent aux voyageurs d’entrer en communication avec les gens du pays. Ainsi, on vous parlera danse, musique et coutumes. Tous les repas sont pris dans un joli salon à l’ambiance feutrée, ou dehors sur la terrasse, face à la montagne, aux jardins et à l’oued de Todra.


Visiter Tinghir, son marché et sa casbah en ruines, mais aussi, à proximité, les gorges du Dadès et la palmeraie de Skoura, classée au patrimoine de l’UNESCO.


Goûter au tagine, une spécialité bien berbère devenue emblème de la cuisine marocaine. Il s’agit d’un plat de viande, de poisson ou de légumes cuit à l’étouffée et délicieusement parfumé. Le tagine est aussi le contenant en terre surmonté d’un couvercle conique dans lequel le mets cuit de façon traditionnelle. Habituellement, il est placé sur un brasero dont on entretient les braises au fur et à mesure, pour une diffusion régulière de la chaleur.


Renseignements : Office national marocain du tourisme, 1800, rue McGill College, Montréal, 514 842-8111.

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