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  • Pologne - La mine de Wieliczka met son grain de sel touristique

    Il y a de ces expériences de voyage qui restent à jamais gravées dans la mémoire. La visite de la mine de sel de Wieliczka, située à une dizaine de kilomètres au sud-est de Cracovie, en Pologne, est de celles-là. Spectaculaire ! Exploitée depuis le XIIIe siècle, ouverte au public depuis le XVIIIe siècle et inscrite au Patrimoine de l’UNESCO depuis 1978, on y récolte toujours le sel… Sauf que le tourisme a pris le pas sur la production de la matière première jadis d’une grande valeur au pays. Article publié dans le Devoir du 24 novembre 2012 Durant 400 ans, les mineurs n’extrayaient de la mine de Wieliczka que le sel gemme. Puis, un beau jour, ces ouvriers de père en fils sont devenus des artistes, créant dans les entrailles de la mine profonde de 327 mètres un monde souterrain fabuleux, entièrement sculpté dans le sel. « Comme le travail dans la mine était dangereux, les ouvriers avaient l’habitude de se rassembler afin de prier pour leur sécurité, explique le guide Maciej. Ainsi a pris forme chez les mineurs l’idée de sculpter dans le sel une chapelle où serait célébrée une messe au quotidien. » L’église de style baroque bâtie entre 1690 et 1710 fut dédiée à saint Antoine, protecteur des mineurs de fond et des objets perdus. La chapelle Saint-Antoine, à 63,8 mètres de profondeur, est le plus ancien sanctuaire souterrain protégé de Wieliczka. On y célébra la première messe en 1698. Neuf chantiers La mine de sel de Wieliczka occupe neuf chantiers (ou niveaux) situés entre 64 et 327 mètres de profondeur et compte 300 kilomètres de galeries, de salles, de couloirs et de lacs souterrains. L’itinéraire touristique mène du niveau 1, à 64 mètres de profondeur, jusqu’au niveau 3, à 135 mètres, où sont sculptés des autels, des statues, des bas-reliefs et des figurines qui racontent l’histoire de la mine, célèbrent ses légendes et rendent un hommage patriotique à la Pologne. L’accès dans les entrailles de la mine se fait à pied, par une série d’escaliers (378 marches) étroits, à l’éclairage tamisé. Claustrophobes, s’abstenir ! La visite, d’une durée de deux heures, débute au puits Daniłowicz — du nom du gérant de la mine entre 1635 et 1640 — et se termine dans la chambre Russegger où nichent le Musée des mines de sel de Cracovie, un bar et un restaurant. Au total : 20 salles qui racontent l’histoire de la mine et celle de la Pologne. Une randonnée souterraine de 2,5 kilomètres, à une température de 14 °C, été comme hiver. Parmi les points forts : la chambre Janowice où six statues grandeur nature racontent la légende de la patronne des mineurs, la reine Kinga (Cunégonde) et l’histoire de la découverte du sel gemme en Pologne ; la chambre Casimir le Grand, roi de Pologne de 1333 à 1370, qui aurait défini les conditions de fonctionnement de la mine de sel et reconnu aux mineurs des droits sur le sel extrait de la mine ; la traverse et l’accrochage du puits Kunegunda, où des figurines et des nains représentent d’anciens mineurs, dont un broyeur, un porteur, un hercheur et un charpentier. Mais de ce monde souterrain tout en sel, c’est la chapelle Sainte-Kinga, à 101,4 mètres de profondeur, qui est la plus stupéfiante. Longue de 54 mètres, large de 15 à 18 mètres et haute de 12 mètres, elle a été fondée en 1896 dans un endroit formé après l’extraction d’un énorme bloc de sel vert. La riche décoration a été complétée sur 70 ans (jusqu’en 1963). Les pavés du sol sont faits de sel taillé et les somptueux lustres sont décorés de cristaux de sel. Deux messes par année y sont célébrées : celles du 24 juillet (jour de la Sainte-Kinga) et du 24 décembre (messe de minuit). À 200 mètres sous terre se trouve aussi un sanatorium. La pureté de l’air et sa haute teneur en oligo-éléments forment un microclimat permettant le traitement efficace des affectations respiratoires et cutanées. C’est la plus ancienne mine de sel d’Europe encore exploitée à ce jour. Le retour se fait dans un ascenseur rustique, à une vitesse de quatre mètres à la seconde.

  • Martinique - Entrevue - La créolité revisitée

    On reproche souvent aux Martiniquais leur comportement parfois qualifié d'antitouristique. Pourtant, la Martinique a besoin de son tourisme pour vivre. Du moins, c'est ce que l'on pense généralement. L'écrivain Patrick Chamoiseau, l'un des trois auteurs d'Éloge de la créolité et gagnant du prix Goncourt 1992 pour son roman Texaco, donne son point de vue sur ce sujet, de même que sur l'identité créole. Le Diamant — Il suffit de prononcer le mot Martinique pour se mettre à rêver de hamacs et de madras suspendus entre deux cocotiers ou de poissons multicolores autour d'un banc de corail. Pas surprenant puisque c'est le marketing que l'on a fait de la destination depuis le jour où il est devenu aisé d'y entrer et d'en sortir. Au même titre que les autres îles des Antilles, l'île aux Fleurs demeure dans notre esprit un lieu pour touristes fuyant les frimas de l'hiver. «Un vieux cliché un peu colonialiste, dira Patrick Chamoiseau. Mer, palmiers, cocotiers et sable blanc, ce sont là les grands points de repère que les Occidentaux continuent d'entretenir sur la Martinique», constate tristement l'écrivain et juriste qui, par la même occasion, admet que les réactions affectives de son peuple prennent parfois le dessus sur la gentillesse professionnelle avec les touristes. Car, aussi touristique que soit son image de carte postale, les bonzes de l'industrie des destinations soleil reprochent à la Martinique son prix et parfois même... son accueil. «Pas étonnant!», s'exclame l'écrivain, qui termine actuellement un livre portant sur le relationnel, un sujet qu'il affectionne. «Ici, la relation avec l'autre est beaucoup plus importante que les affaires. On aime rendre service, mais on est moins habile à en fournir», explique-t-il, en admettant que quelques cours en tourisme permettraient aux Martiniquais d'être un peu plus conformes au reste du monde. Il n'en demeure pas moins qu'au pays du zouk, «un sourire est un vrai sourire». Grandeur des petites gens L'auteur d'une douzaine de livres signait en 1989 avec Jean Bernabé et Raphaël Confiant Éloge de la créolité, un manifeste qui invente une nouvelle langue née du mélange de la rhétorique française apprise à l'école avec la richesse vernaculaire des parlers populaires. Les trois écrivains martiniquais s'engageaient alors à écrire des oeuvres authentiques aptes à exprimer la réalité de leur peuple, depuis l'arrivée des Arawaks jusqu'à l'ascension des Blancs créoles en passant par l'importation d'esclaves noirs d'Afrique, puis d'Indiens et de Chinois. Un projet pour mieux comprendre qui est l'Antillais dans une langue qui fait naître un nouveau genre littéraire. Éloge de la créolité a conduit Patrick Chamoiseau à écrire six romans, dont Texaco pour lequel il obtenait le prix Goncourt en 1992. Son oeuvre met en scène la grandeur humaine des petites gens et explore les fondements de la culture de l'île. «Une étape nécessaire pour assumer son identité», affirme le quinquagénaire indépendantiste, qui tient au passé pour aller de l'avant. Nés dans la colonisation de l'autre continent, créolisés dans l'esclavage puis départementalisés... mais comment fonctionner quand on se sent dépossédé de sa souveraineté? «La domination, même furtive, altère l'imaginaire, paralyse l'aptitude à la créativité, refoule l'audace, croit Patrick Chamoiseau, dont les romans transpirent l'obsession liée à l'indescriptible identité antillaise tiraillée entre la francité fantasmée, la créolité méprisée et la dure mémoire du passé d'esclavage. «Mon oeuvre a l'ambition d'aider les Martiniquais à renouer avec ce passé pour acquérir la confiance qui permettra à tous de sortir de cette logique de dominés.» Se réinscrire dans la réalité de son pays pour ne pas perdre la richesse de sa terre: une étape nécessaire pour assumer son identité, croit-il. Dépendance et indépendance À la croisée de tous les chemins planétaires — caraïbes, africains, français, anglais, espagnols, chinois, indiens, syriens —, la Martinique a accueilli toutes les cultures du monde. Un monde dont l'unicité n'est pas la vertu première mais qui assume quand même ses différences. «Ce n'est pas parce que j'ai la peau noire que le mot nègre me résume, poursuit l'écrivain. Mon imaginaire est habité par le monde amérindien, par la réalité des Amériques, par la présence de la solidarité que j'ai avec l'histoire de l'Afrique noire, par le monde indien qui me traverse, par le monde européen qui m'a dominé et qui continue de le faire.» Indépendantiste, l'auteur de Texaco? «Oui, mais de manière responsable et souveraine. Je ne conçois pas l'indépendance comme une rupture symbolique pour constituer un territoire clos. Nous sommes tous dépendants les uns des autres. Le Canada est dépendant des États-Unis, des cours du pétrole, du dollar... une dépendance régularisée par une souveraineté canadienne, explique celui qui se qualifie de Créole américain, avant d'ajouter que «la Martinique a trop peu de contacts avec l'Amérique avec qui elle partage pourtant le même espace naturel». «Éloge de la créolité, 15 ans après», tel était le thème d'un colloque organisé à Montréal il y a quelques semaines par le directeur de Poexil, Alexis Nouss, et qui réunissait l'un des signataires de l'Éloge, Jean Bernabé, et l'écrivain guadeloupéen Ernest Pépin. La rencontre avait pour but de faire le point 15 ans après la publication du manifeste. Éloge à la créolité, selon M. Pépin, aurait largement contribué à homogénéiser le melting-pot martiniquais et guadeloupéen: première étape d'auto-estime. «Notre écriture doit accepter sans partage nos croyances populaires, nos pratiques magico-religieuses, notre réalisme merveilleux, les rituels liés aux "Milan", aux phénomènes du "majo", aux joutes de "ladja", aux "koudmen" [des réalités créoles]. Écouter notre musique et goûter notre cuisine. Chercher comment nous vivons l'amour, la haine, la mort, l'esprit que nous avons de la mélancolie, notre façon dans la joie ou la tristesse, dans l'inquiétude et dans l'audace.» Retour de savoir-faire N'est-ce pas un peu de cette créolité décrite par les trois écrivains dans l'Éloge que les Martiniquais souhaiteraient avant tout partager avec les visiteurs? Comprendre le passé pour trouver les ressources permettant de répondre à leur désir d'enracinement et d'avenir? Il suffit de les observer pour constater qu'ils adorent échanger des idées, qu'ils sont fiers de leur patrimoine, très curieux et accueillants... à leur manière. «D'ailleurs, si vous êtes sympathique, ils vous inviteront facilement chez eux pour un ti-punch, un repas en famille ou un zouk. L'accueil est ancestral ici, et les gens ne se contenteront jamais de sourire pour affaires», répète Patrick Chamoiseau. Depuis quelques années, en Martinique, les touristes curieux ont pu assister à un certain retour du savoir-faire gastronomique, architectural, musical. Danses, tambours, outils, courses de yoles... ces richesses apparaissent comme les témoins de la spécificité antillaise. «Il nous faudrait aussi apprendre à développer des projets communs, croit l'écrivain. Par exemple, on pourrait faire de la Martinique le premier pays biologique de la Caraïbe», rêve-t-il tout haut. «Le bio, ce n'est pas que la bouffe, ça touche également aux domaines de l'architecture, du cosmétique... C'est de la matière grise que la Martinique a besoin», ajoute celui qui a écrit les scénarios de quatre des films du cinéaste martiniquais Guy Deslauriers — Exil du roi Behanzin (1994), Passage du milieu (2000), Biguine (2004) et L'Affaire Aliker (actuellement en tournage). Il est beaucoup plus facile de dire «Welcome» quand on est maître chez soi, conclut Patrick Chamoiseau. Publié dans le Devoir du 4 décembre 2006

  • Cantons-de-l'Est - Québec Vendanges à l'ancienne

    Sur la Route des vins, un circuit touristique au coeur de la région Brome-Missisquoi, dans les Cantons-de-l'Est, il y a un vigneron qui perpétue la tradition du foulage du raisin aux pieds, comme dans l'Antiquité. Ainsi est né au Domaine du Ridge, à Saint-Armand, le Cuvée du Fouloir, un vin 100 % seyval blanc à l'arôme boisé, doux et velouté en bouche, minéral au nez. Mais ne foule pas le raisin aux pieds qui veut, au Domaine du Ridge. Il faut être une femme, gage d'un vin de qualité! «Une tradition lointaine, sûrement reliée à la religion», explique Denis Paradis, propriétaire de ce vignoble qui compte 14 hectares de vigne. On aurait d'abord utilisé de jeunes garçons non pubères, puis, un peu plus tard, des jeunes filles vierges. À l'époque, on cherchait la «pureté». Mais la virginité étant ce qu'elle est aujourd'hui, on étend donc la pratique du foulage à toutes les femmes, poursuit en riant le vigneron. L'activité de foulage dure environ deux heures. On verse le raisin non égrappé dans une cuve en bois assez large pour accueillir une vingtaine de femmes. Les fouleuses se lavent une à une les pieds dans des bassines d'eau fraîche, grimpent dans le bac rond et commencent la danse pieds nus. On trompe la fatigue en parlant, en rigolant, en écoutant de la musique. Puis c'est la pause. Le jus filtré est récolté dans un récipient et acheminé vers l'usine où il subit une seconde presse. «On fait quatre fouloirs durant les trois premières semaines des vendanges, ce qui permet de produire les 2000 bouteilles de la Cuvée du Fouloir du Domaine. Au contact du raisin, les pieds sont plus délicats que le pressoir électrique, la peau n'est donc pas tordue et le grain n'est pas écrasé, ce qui donne un vin sans amertume», précise Denis Paradis. On ne participe à cette cérémonie que sur invitation, mais le promeneur curieux qui sillonne la Route des vins et qui se retrouve au Domaine du Ridge au moment de l'activité est invité à venir observer les fouleuses et à battre la mesure avec elles pour les encourager. C'est hallucinant ce qu'on apprend en peu de temps sur le vin au fil de ce fameux circuit qui relie 14 vignobles entre Farhnam et Saint-Armand, sur une distance de 132 kilomètres. La Route des vins se veut à la fois une vitrine du savoir-faire des viticulteurs et une présentation des produits viticoles de la région Brome-Missisquoi. Le Domaine du Ridge produit par année 60 000 bouteilles issues de huit cépages. Parmi les vins primés: Vent d'Ouest, un blanc à base de seyval blanc aux arômes d'agrumes; Clos du Maréchal, 100 % maréchal foch aux notes de cerise et de cassis; Champs de Florence, issu du seyval noir, aux arômes de fruits des champs, riche en bouche; et Bise d'automne, résultat du vidal blanc, un cépage robuste idéal pour la vendange tardive. Quant au bon moment pour tambouriner le début des vendanges? «Eh bien, pour s'en assurer, explique Denis Paradis, on vérifie à l'aide d'un réfractomètre», un instrument qui permet de mesurer le degré d'alcool et de lire le taux de sucre. Il suffit d'écraser un raisin, d'en verser le jus dans l'appareil et de l'exposer au soleil. «Pour moi, le raisin est prêt quand le taux de sucre atteint au moins 21 à l'échelle Brix. Sinon, ce sont les oiseaux qui se chargent de nous l'indiquer.» En plus des produits de la vigne offerts en dégustation, de la boutique et de la terrasse pour pique-niquer, le vignoble propose jusqu'au 31 octobre Folie des étiquettes, une exposition d'une vingtaine d'affiches réalisées par les élèves de technique de muséologie du Collège de Montmorency, dans le cadre d'un projet sur les étiquettes de vin artistiques. Quant à celles des bouteilles du Domaine du Ridge, c'est René Tardif, un artiste de la région, qui les a pei]ntes. www.domaineduridge.com www.laroutedesvins.ca Publié dans le Devoir du 6 octobre 2007

  • P.Q. - Moi mes souliers ont beaucoup voyager

    Du chemin avec ou sans ses souliers ferrés, Félix Leclerc en a parcouru au cours de sa vie. Dans Félix Leclerc, poète national, on peut suivre les traces de l'auteur-compositeur, poète, écrivain, acteur et homme engagé pour la souveraineté du Québec, de La Tuque, où il naît en 1914, à l'île d'Orléans, où il meurt en 1988, via Sainte-Marthe du Cap-de-la-Madeleine, Québec, Trois-Rivières, Montréal et Vaudreuil, où il a vécu de grands moments entre 1945 et 1966. À Vaudreuil, Félix Leclerc crée la majeure partie de son oeuvre poétique et romantique. Plusieurs chansons y voient le jour: Moi, mes souliers, Le P'tit Bonheur, L'Hymne au printemps, Bozo, Francis, Présence, Petit Pierre, Le Roi heureux. À Vaudreuil, il écrit des textes pour Radio-Canada et pour le théâtre à l'époque. À Vaudreuil, il prend le temps de flâner dans les champs et au bord de l'eau, de bavarder avec les gens du village, de pratiquer la pêche sur glace, de créer. «Vaudreuil, c'est vraiment une belle époque pour Félix: l'insouciance, la nature, la liberté, les amis près de chez lui, notamment la comédienne Janine Sutto et son mari Henri Deyglun, écrit Marcel Brouillard, coauteur, avec Huguette Brun, de l'ouvrage de 260 pages. Souvent, avec Guy Mauffette et son beau-frère Yves Vien, ils se réunissent et forment un trio époustouflant.» L'ouvrage biographique, illustré de 24 tableaux couleur inspirés de l'oeuvre poétique de Félix Leclerc, et qui recèle plein d'anecdotes croustillantes et de confidences, se lit comme un roman. Les deux auteurs lèvent le masque de façon originale sur des aspects méconnus de la vie du personnage. Au fil des pages, on découvre comment et où furent créées ces chansons légendaires, qu'il se déplace en Harley-Davidson d'occasion, un cadeau du frère aîné Jean-Marie, que Jean Giono prit sa défense lorsqu'il fut accablé par la critique malicieuse, qu'à 29 ans, découragé et surmené, il fit un «burn-out», que la critique le sacralise en France, le démolit au Québec... Tout n'avait donc pas été dit sur Félix Leclerc. Et il n'est pas question que de Vaudreuil dans cet ouvrage, mais aussi de sa famille, de ses débuts à la radio, de ses séjours en Europe... C'est ce qui a convaincu Sylvain Charbonneau, éditeur aux éditions Vaudreuil, d'embarquer dans l'aventure de ce beau livre qui se veut un hommage au poète. «L'idée de Marcel Brouillard (ex-voisin, ami de Félix, journaliste, romancier...) de jumeler ses connaissances sur Félix Leclerc au talent créateur d'Huguette Brun, artiste peintre, a eu raison de mes dernières réticences.» «C'est toute une page de l'histoire du Québec que l'on peut lire dans ce livre biographique original, qui nous fait connaître davantage l'oeuvre et l'homme derrière la légende, précise dans sa préface Mario Beaulieu, président général de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Puisse ce volume captivant se retrouver dans toutes les maisons d'éducation pour apprendre aux jeunes la fierté d'être Québécois. Félix, le patriote, avait le rêve d'avoir un pays normal, un Québec français inclusif et ouvert sur le monde. Un ouvrage crucial pour les générations à venir.»

  • Maroc - La fascinante histoire de Fès

    Publié dans le Devoir du 6 avril 2013 Au sud, la ville nouvelle, au centre, la ville royale de Fès el-Jedid, et au nord, la médina ou vieille ville de Fès el-Bali. Classée dans sa totalité au Patrimoine mondial de l’humanité, cette dernière fascine. C’est que la cité médiévale, avec ses souks, ses minuscules échoppes, ses centaines d’artisans et ses nombreuses fondations pieuses, n’a rien perdu de son âme. La plus belle des aventures? S’égarer dans ses 9400 ruelles. Pour ça, il faut y séjourner un bon moment. À peine franchies les limites de la nouvelle ville, au premier feu de circulation, un homme à motocyclette s’approche de notre voiture. « C’est votre première fois au Maroc ? Soyez les bienvenus à Fès. Mon nom est Brahim. Aujourd’hui, il y a beaucoup de circulation car le roi Mohammed VI est en visite ici. Il y a la police, l’armée, la garde royale. Vous cherchez un endroit en particulier ? Bab (porte) Aïn Azliten. Ryad Mabrouka. Je connais, suivez-moi. » Même scénario à Rabat il y a deux jours ! Le racoleur guette sa « proie » aux abords des grandes villes. Ces faux guides repèrent vite le visiteur un tantinet perdu. Faut dire qu’avec la carte routière dépliée sur les genoux, le Lonely Planet bien en vue sur le siège et nos visages interrogateurs, difficile de passer pour autre chose que trois touristes paumés à l’entrée d’une ville où la circulation est un chouïa anarchique. Mais rien ne nous empêche de dire non. Depuis quelques années, des brigades touristiques parcourent la médina. « Toute personne opérant comme guide non officiel encourt une peine de prison ou une forte amende », lit-on dans le Lonely Planet sur le Maroc. Mais fuir de façon systématique les rabatteurs est un peu exagéré. « T’inquiète, c’est gratuit », poursuit Brahim. Ah oui ? Tu sauras, Brahim, que rien n’est gratuit au Maroc. Mais c’est d’accord, nous te suivons. Et, bien franchement, tant pis si ça coûte quelques dirhams, un tel service est apprécié. Puis, c’est la façon de faire marocaine à la vue des touristes. On s’y habitue. Pour une option plus reposante, surtout si on déteste le négoce, mieux vaut prendre les services d’un guide privé ou opter pour un voyage organisé en groupe. La ville nouvelle Ça fait plaisir de circuler sur les boulevards de la ville nouvelle bordés d’arbres et de verdure. Avenue Hussein-de-Jordanie, boulevard Mohammed-V, avenue de la Liberté et d’Hassan II, avenue des Almohades, des Saadiens… Des noms de rues qui racontent l’histoire de Fès. Et quelle histoire ! C’est à Idriss II qu’on attribue l’édification de Fès vers l’an 808. Nous longeons d’abord l’enceinte entourant le Palais royal, aujourd’hui sous grande surveillance policière vu la visite du roi du Maroc. Puis les vieux remparts de la fameuse médina. On aperçoit sur une colline le Borj Sud, l’un des neuf bastions édifiés par le sultan Ahmed al-Mansour au XVIe siècle. Ces constructions militaires avaient pour objectif de renforcer l’enceinte mérinide de Fès el-Jedid. La majorité de ces borjs sont orientés vers la médina. Le Borj Sud offre un beau panorama sur la cité et sur le Djebel Zalagh, qui culmine à 902 mètres. Le regard converge vers les centaines de tombes blanches sur les collines parsemées d’oliviers qui entourent la médina. Un cimetière après l’autre. Lequel est celui de Bab Ftouh, décrit par l’écrivain fassi Tahar Ben Jelloun dans son roman La prière de l’absent ? Où est le vieil olivier où se réfugient, quand il pleut, Sindibab et Boby, les personnages principaux ? Situé au sud de la médina, le Bab Ftouh est un lieu de promenade paisible pour qui cherche à fuir le grouillement de la médina. Tout comme le cimetière juif et la synagogue Habarim, sur la colline qui se trouve au sud-ouest du mellah (quartier juif), à Fès el-Jedid. Dans la médina Un circuit touristique de dix kilomètres permet aux visiteurs de découvrir les portes et les places les plus célèbres de la médina. Quatorze portes d’accès à la cité : porte du Palais Royal, Bab Sbaä (Porte du lion), Bab Sagma, qui tire son nom de la pieuse Amina Sagma enterrée là, en 1737, Bab Mahrouq (Porte du brûlé), Bab Chems (Porte du soleil), Bab Ftouh (porte de la victoire)… «Murailles et fortifications » est l’un des six circuits thématiques créé par l’Agence pour la dédensification et la réhabilitation de la médina de Fès afin d’aider le visiteur à retrouver son chemin dans la médina et à découvrir les joyaux dissimulés derrière les murs, au fond des impasses, dans l’obscurité des arrière-boutiques. À l’exception de ce circuit qui s’étend sur près de dix kilomètres, les autres (« Rive andalouse », « Fès Jedid », « Palais et jardins andalous », « Monuments et souks », « Artisanat ») représentent environ deux kilomètres de marche et débutent à proximité d’un stationnement. Chaque circuit est indépendant, bien qu’ils se croisent de temps en temps. Si « Rive andalouse » propose de découvrir la partie historique la plus ancienne de la médina où se sont installées les premières communautés d’immigrés provenant de l’Espagne musulmane (IXe siècle), le « Monuments et souks » mène vers les édifices de grande valeur architecturale et artistique. Comme le complexe Nejjarine et la mosquée Qaraouiyine. Chaque quartier possède son four à pain communal, sa mosquée, son école coranique, son hammam. Ici, le quartier des menuisiers (les nejjarine), là, des fabricants de peigne (méchatine), des épiciers (attarine), des teinturiers (chemaïyine), des dinandiers (seffarine), des babouchiers (chrablyène). Peuplée d’artisans et de commerçants, la médina a l’allure d’une cité médiévale. Ânes, mules et bourricots Si Fès est un beau livre d’histoire, une expérience spirituelle, c’est aussi une épreuve physique. Dans ses 9400 ruelles, dont certaines sont si étroites qu’il faut se plaquer sur les murs pour circuler, on apprend l’art difficile de se faufiler entre jeux de dames, grilleurs de brochettes, vendeurs de menthe, enfants qui galopent avec une balle de soccer, étals de dattes, ânes et mules. « Balek ! Balek ! » Le cri familier des âniers résonne dans les ruelles pentues de la cité. « Balek ! » Place aux ânes qui apportent la matière première aux artisans. Ferrailles, balles de coton, planches de bois, bonbonnes de gaz tiennent en équilibre précaire sur le dos des bourricots. Les transports s’y font encore de manière archaïque, à dos d’âne. Ruelles étroites, topographie rebelle et interdiction aux autos et motos de circuler, la médina n’a pas la vie facile. Même l’utilisation d’une charrette tirée par un homme est difficile dans les côtes et les impasses. Chargés… comme des mules, les bourricots croupissent sous la charge. Maltraités, ils sont blessés et malades. Et pourtant si indispensables au paysan et au petit commerçant. Mais vu leur faible revenu, impossible d’assurer à la bête le suivi médical nécessaire. D’où l’intervention du Fondouk américain, qui, depuis 1927, fournit les soins gratuits aux animaux de travail de Fès. « Avant, on traitait les chiens et les chats, mais maintenant, uniquement les ânes et les mules appartenant à des gens qui ne peuvent se permettre le vétérinaire local, explique la directrice de l’hôpital, Dre Gigi Kay. Nous traitons une vingtaine d’équidés par jour et une autre vingtaine qui sont hospitalisés dans nos stalles. » L’établissement, créé il y a 86 ans par l’Américaine Amy Ben Bishop en vacances à Fès, dispose d’une salle de chirurgie, d’un laboratoire d’analyses, d’une ambulance équipée pour le transport animal, d’un entrepôt de stockage pour les aliments et d’un bloc de convalescence. Pour le propriétaire de l’âne ou de la mule dont la survie de sa famille repose sur le travail de la bête, la mort de cette dernière est catastrophique. « Le rôle du Fondouk est de redonner la santé à l’animal pour qu’il puisse continuer. Et que deviendrait la médina sans ses bourricots ? Quelque 900 ânes et mulets parcourent quotidiennement les ruelles de la cité. » Ryad Mabrouka Au stationnement Aïn Azliten, Brahim fait signe à un porteur. En moins de deux minutes, nos bagages sont empilés dans un chariot. Notre guide, vrai ou faux, ne réclame aucun dirham mais nous propose les services d’un guide pour le lendemain. Nous aurions pu dire non mais l’offre, faite avec subtilité, est difficile à refuser. Et une fois dans le système, tout semble logique. Ryad Mabrouka est situé dans la médina, à deux minutes à pied du stationnement AÏn Azliten et de la rue Talaa K’bira qui mène à l’accès principal de la médina : Bab Boujloud. Difficile de deviner l’existence de ce petit palais restauré dans le plus grand respect de l’architecture du pays. Un bijou caché au fond d’une impasse, derrière une porte de bois clouté. Labellisé La Clef verte, en référence à sa gestion environnementale, le bâtiment aux épais murs en pisé est construit autour d’un patio central ouvrant sur un magnifique jardin tout en fleurs, inspiré du jardin andalou. « D’ailleurs, le mot riad signifie jardin en arabe, explique le Lyonnais d’origine Pierre-Marie, copropriétaire avec sa femme Caroline de ce riad depuis 1999. « La légende veut que le riad soit la représentation du jardin d’Éden. Il est en réalité le jardin des maisons de Fès, conforme au jardin arabe traditionnellement organisé dans sa forme, son architecture, sa décoration et sa végétation selon des règles esthétiques immuables. Ou si peu ! » Une fois à l’intérieur de cette maison de charme, la frénésie de la médina est loin derrière. Le patio, construit dans la pure tradition avec ses plâtres, ses zelliges et des portes de cèdre sculptées, s’ouvre sur un jardin de roses, de bougainvilliers et d’orangers. Une petite piscine invite à la baignade. Une jolie terrasse sur le toit offre une vue sur la médina et la campagne autour. En plus de l’hébergement et du petit-déjeuner, Ryad Mabrouka propose le repas du soir sur réservation et des services de guide si nécessaire, en plus de fournir des conseils pour le succès d’un séjour prolongé à Fès et environs et des cours de cuisine. « J’aspire de plus en plus à la philosophie du slow travel, explique Pierre-Marie : prendre son temps et s’immerger dans le lieu à visiter. Boire un café au resto du coin, s’imprégner de la culture des gens qu’on visite, s’adapter aux aléas climatiques et acheter local, bien sûr. » Président de la Commission des visites de l’Association des maisons d’hôtes de Fès (ARMH), Pierre-Marie travaille actuellement sur un projet de randonnées guidées de trois heures avec dîner chez l’habitant, autour de Fès et sur le mont Zalagh (la montagne qui domine la médina). Et la raison du passage du roi Mohammed VI à Fès ? Eh bien, « pour présider la cérémonie de signature de conventions relatives à la restauration des monuments historiques et au traitement du bâti menaçant ruines dans la médina », lisait-on dans le quotidien Le Matin du 5 mars 2013. Car ce n’est pas tout d’avoir une cité dont l’histoire remonte au IXe siècle, une vieille ville au patrimoine inestimable. Depuis une cinquantaine d’années, Fès est laissée à l’abandon. Les touristes le remarquent à peine, souvent plus préoccupés de parcourir vite fait quelques-unes des milliers de ruelles de ce haut lieu du monde musulman. Des maisons menacent de s’écrouler, les médersas (universités) rendent doucement l’âme, les tanneries auraient besoin d’un second souffle… Mais la réhabilitation est amorcée. Inch Allah ! En vrac Se rendre. Un vol direct assure la liaison entre Montréal et Casablanca sur les ailes de Royal Air Maroc tous les jours en période estivale. L’aéroport Mohammed V offre toute une panoplie de loueurs d’autos. Europcar proposait récemment un très bon rapport qualité-prix. Se loger. Les riads sont les demeures traditionnelles de la médina. Il en existe 200 à Fès, dont une soixantaine répertoriés. Ryad Mabroukacompte six suites et deux chambres. On y mange très bien, dans un décor digne des mille et une nuits, et les propriétaires ainsi que leur équipe (Brahim, les deux Fatima, Ghita, Khalid, Saïda et Hassania) feront tout pour rendre le séjour agréable. Ils sont une source inestimable de conseils. Se nourrir. La cuisine fassie est renommée au Maroc et constitue l’un des plaisirs du voyage. Mezze, couscous, tajines tanjia… Les riads sont de bonnes adresses car la cuisine y est concoctée par des femmes du pays qui en connaissent les petits secrets. Le choix est grand. Par contre, pour un café aux épices, un lait chaud aux amandes ou la traditionnelle soupe fassie, la b’sara (soupe de haricots blancs à l’ail) et de délicieux gâteaux, le Café Clock est une bonne adresse. Son programme Clock Culture comporte des cours de calligraphie, des conférences et des concerts à la tombée de la nuit. La terrasse sur le toit est charmante comme tout. Lire. Un voyage réussi à Fès demande une bonne préparation pour ne rien perdre de son séjour. La médina est complexe, les activités nombreuses, le choix des restaurants immense, les palais, médersas, parcs, fontaines et fondouks sont nombreux et souvent cachés. Je conseille l’achat du guide Maroc aux éditions Lonely Planet, la lecture du livre La prière de l’absent de l’écrivain fassi Tahar Ben Jelloun et le roman Rêves de femmes-Une enfance au harem de Fatima Mernissi, dont la trame prend place dans la médina de Fès des années 1940. Se procurer. Sur place, le Guide des circuits touristiques de Fès publié par l’Agence pour la dédensification et la réhabilitation de la médina de Fès, auprès des propriétaires de riads, dans les hôtels, en librairie ou à l’Office de tourisme du Maroc, à Fès ou à Montréal. Visites hors médina. Le Fondouk américain (hôpital vétérinaire). Les donations sont appréciées. Volubilis, à 70 kilomètres de Fès et 33 kilomètres de Meknès, le site archéologique d’une quarantaine d’hectares qui retrace les différentes étapes de l’histoire antique du Maroc, à partir de l’époque maurétanienne (IIIe siècle avant J.-C.). Renseignements. Office national marocain du Tourisme, 1800, rue McGill College, Montréal. 514 842.8111

  • Afrique - Dépaysement garanti au Burkina Faso

    Un premier voyage en Afrique noire. Et pas le dernier! Car l'Afrique, c'est comme une drogue: une fois initié, on ne peut plus s'en passer. Pourquoi le Burkina Faso?, se demandait notre entourage. C'est le hasard qui nous a conduits dans ce petit pays modeste d'Afrique de l'Ouest, au tourisme embryonnaire mais prometteur. Un choix estimable pour qui souhaite, dans un environnement hospitalier et plutôt stable, s'initier aux us et coutumes d'un continent attachant comme tout mais qui a la vie dure. Ouagadougou — L'Afrique m'attire depuis toujours. Il y a six ans, j'ai aidé un Ivoirien à s'installer à Montréal. Puis, mon ami a rencontré une Burkinabé. L'an dernier, le couple a eu un bébé dont je suis la marraine; c'est ainsi qu'ils tenaient à me remercier. Par la suite, j'ai rencontré les parents de la maman venus de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. Et, de fil en aiguille, je me suis retrouvée en juillet dernier au «pays des hommes intègres». Voilà pour le coup de dé! Ce n'est donc ni comme missionnaire ni comme coopérante ou stagiaire en aide humanitaire que j'ai abordé le Burkina Faso mais comme touriste. Et si, pour les Occidentaux, le tourisme relève du loisir, cette notion ne fait pas partie des cultures africaines en général. Ici, pas de tout-compris, de grands monuments ou de bord de mer. C'est un pays de rencontres et de culture. La raison en est simple: lorsqu'un Africain voyage, c'est le plus souvent par nécessité, pour rendre visite à sa famille ou par affaires. Rarement pour le plaisir. Cette façon d'être, nous l'avons apprise sur le tas avec Ali, notre guide-chauffeur, qui nous a accompagnés tout au long du voyage. Au Burkina, on ne peut pas louer une voiture sans son chauffeur, qui sert de lien entre le touriste et les guides locaux et aussi de conseiller lors du choix d'un hôtel ou d'un restaurant. Au moment de la location, on nous avait expliqué qu'en fin de journée, le guide dépose son client à l'hôtel et dispose jusqu'au lendemain, à l'heure convenue. À lui de s'organiser pour manger et se loger. Mais un soir, inquiétés du sort de notre ami, nous lui avons offert de dormir à l'auberge où nous logions. Plutôt que d'accepter ou de refuser, il nous a demandé de lui donner l'argent que coûterait sa chambre. Il est clair qu'il s'agissait là d'une dépense inutile pour lui, sans compter que ces 25 $ représentaient le salaire de quelques semaines. Première leçon! «Neïbogo, lafibeme, isakrama!» Bonjour! Ça va? Et la famille? C'est du mooré. Lorsque deux Burkinabés se rencontrent, c'est d'abord un sourire, puis une poignée de main et ces trois questions. Cette marque de politesse est une coutume solidement ancrée au pays des hommes intègres et un sacré passe-partout pour le Nassara (le Blanc). On peut vous emmener en brousse — l'équivalent d'aller à la campagne —, à l'ombre d'un baobab, à partager un zoom-koom (eau de bienvenue), un jus de bissap (fleur), un tô (pâte accompagnée d'une sauce) ou un dolo (bière de mil). Entourée de six États — le Niger à l'est, le Mali au nord, le Bénin au sud-est, le Togo et le Ghana au sud et la Côte d'Ivoire au sud-ouest —, cette ancienne colonie française a changé six fois de nom en un siècle. Morcelée en 1932 entre le Soudan, le Niger et la Côte d'Ivoire, la Haute-Volta retrouve ses frontières traditionnelles en 1947 et regagne son nom. C'est en 1984, exaspéré par la corruption, que le président Thomas Sankara rebaptise le Burkina Faso le «pays des hommes intègres». Ouagadougou est le cliché d'une ville grouillante, affairée et bruyante, parcourue en tous sens par des dizaines de milliers de motocyclettes, de mobylettes et de bicyclettes. Lorsque nous avons choisi l'hôtel Indépendance, nous ignorions qu'il était l'étape favorite des hommes politiques du pays et un des points les plus animés de la capitale. Nous étions bel et bien arrivés en Afrique. Les cireurs de chaussures, les maquis (minuscules restaurants), les mendiants, la chaleur, la poussière, les poulets grillés, les femmes en pagne coloré marchant à la queue leu leu, une charge sur la tête et un bébé fixé au dos à l'aide d'un foulard en percale, des vendeurs de breloques, des marchandes de légumes et des étals partout, des étals de tout, des étals chambranlants. Ces images allaient faire partie de notre vie quotidienne pendant les deux semaines de ce séjour dépaysant. Autour de la capitale, il ne faut pas manquer de voir le jardin de sculptures sur granit de Laongo, à quelques minutes du village de Ziniaré, connu pour ses potiers, ses tanneurs et ses teinturiers. En pleine savane, on distingue d'abord un chaos de rochers, mais en y regardant de plus près, on remarque que ce site, sans fioritures, est parsemé de magnifiques sculptures. «C'est une initiative du sculpteur burkinabé Siriki Ky, explique Issaka, le guide des lieux. Il a réuni 18 artistes du monde entier pour créer les 127 sculptures du parc en plein air. On y retrouve une oeuvre du sculpteur canadien Jacques Bernard. Ainsi est né en 1989 le Sympo-granit 89. La sculpture au Burkina est non seulement une tradition mais aussi une ouverture sur le monde artistique international. On y vient de partout pour profiter du savoir-faire des bronziers.» En roulant vers l'ouest, la mare aux caïmans sacrés, une des grandes attractions touristiques du pays, se trouve à moins d'une heure de la capitale. «Il y a fort longtemps, un chasseur mossi s'égara dans la brousse dans la région de Sabou, petit village sur la route de Ouagadougou à Bobo-Dioulasso. Accablé par la chaleur et la soif, il tomba évanoui. Il serait mort d'inanition si un caïman ne lui avait pas humecté les lèvres d'eau et conduit vers le marigot. Depuis, les habitants de la région ne chassent plus le caïman mais le vénèrent.» Si cette histoire est une légende, les caïmans, eux, existent bel et bien, et par douzaines, dans la «mare de Sabou». Le plus vieux aurait même plus de 100 ans. Ce sont les gloussements éperdus de la poule sacrifiée qui attirent ce reptile à mâchoire courte et large. Chez les animistes, c'est une pratique courante que de sacrifier un poulet, une chèvre ou un mouton aux génies, aux ancêtres et à toutes les divinités tutélaires de la brousse. Coeurs sensibles s'abstenir! Une excursion d'une journée en pays gourounsi nous conduit non loin de la frontière du Ghana, dans le village animiste de Tiébélé, la plus grande chefferie du pays kasséna. Les cases en terre de banco sont rassemblées à l'intérieur d'un haut mur, reliées entre elles par des murets de terre pétrie abritant cours et courettes intérieures et des toits-terrasses aménagés en petits jardins. La case ronde est habitée par le célibataire, la carrée par les couples et la case en huit par la grand-mère et les enfants. On y vit à l'étroit, avec le strict minimum, sans eau courante ni électricité. Les larges fresques orangées et noires qui ornent les murs des cases de la concession royale sont l'oeuvre des femmes mariées gourounsies. Les dessins symbolisent des objets appartenant à l'univers du quotidien comme la calebasse, la tige de mil, le tambour et le filet de pêche ainsi que des animaux comme le boa, l'aile d'épervier, la patte de poule ou la tortue. «Une brisure de calebasse est le symbole de la condition humaine, explique Youssouf, le guide local. On casse sur la tombe d'un homme la calebasse où il buvait et sur celle de la femme les calebasses qu'elle utilisait pour la cuisine.» Le nombre de cases à Tiébélé s'élève aujourd'hui à 37, et celui des habitants, à 450, tous issus de la famille royale. Le Burkina compte une soixantaine d'ethnies. Les Mossis occupent 52 % du plateau central et leur système politique ancestral, hiérarchique et centralisé se combine assez bien avec l'État moderne. Dans le nord, près du Mali, on trouve surtout des Peuls (8 %) ainsi que des Touaregs; au sud, les Bissa; à l'ouest, les Gourounsis et les Kassénas; autour de Bobo-Dioulasso, les Bobos-Fing; et au sud-ouest, les Lobi, les Gan et les Dagari... De Ouaga à Banfora via Bobo-Dioulasso Un circuit de dix jours nous conduit à Bobo-Dioulasso, Banfora et Gaoua. Le dépaysement est total. Pas au chapitre des hôtels, auberges et restaurants fréquentés, tout à fait corrects, mais en ce qui concerne la place du touriste et la vie quotidienne des Burkinabés dans les villages. Le Burkina des villages est comme un retour à l'âge de pierre. Reprenons une phrase du livre de Ryszard Kapuscinski dans Ébène: «L'homme blanc est comme une pièce rapportée, bizarre et discordante, sans cesse tourmenté par un sentiment d'impuissance... L'hygiène, l'eau puisée quotidiennement à des lieues à la ronde, les lourdes charges transportées par les femmes sur des kilomètres pour tenter de dégager un petit bénéfice de leur jardin potager ou du savon qu'elles auront fabriqué la veille avec des noix de karité. Les enfants qui ne mangent pas à leur faim. Tout ça, on le sait, on le lit, sauf que là-bas, ça nous interpelle.» Mais les Burkinabés ne partagent pas forcément les mêmes critères de misère et de malheur que les Occidentaux. Pour eux, le pire n'est pas le dénuement économique mais l'isolement. Et le plus grand plaisir qu'on puisse leur faire est d'échanger. Quatre secteurs délimitent le centre de la petite ville de Bobo-Dioulasso. Le secteur des Musulmans, les guerriers, le secteur des Forgerons, les fabricants d'outils, celui des Animistes, les agriculteurs, et le secteur des Griots, les musiciens. Et tous s'entendent! Capitale du balafon, Bobo-Dioulasso se distingue par ses activités artistiques et culturelles. «On produit les meilleurs instruments de musique du pays et on forme d'excellents joueurs de balafon», affirme Richard. Chose certaine, dans le pays tout entier, on aime la musique. Élégants bâtiments coloniaux, maisons de banco imbriquées les unes aux autres, maisons traditionnelles dioulas, boutiques de masques, d'instruments de musique, de pagnes... Bobo Dioulasso est un incontournable avant de se diriger vers les cascades de Karfiguela et les dômes de Fabédougou, à une douzaine de kilomètres de Banfora, puis au village de Gnonguitan pour une rencontre amicale avec le 29e roi des Gans. «Neïbogo, lafibeme, isakrama!» Il ne faut pas manquer non plus, à une quinzaine de kilomètres de là, les villages de Koumi et de Kouro, habités par des Bobos-Fing, majoritairement animistes. Avec un peu de chance, vous assisterez peut-être à la fabrication du dolo, la bière de mil locale. Et à sept kilomètres de Bobo, le lac de Tengrela abrite une vaste population d'hippopotames. Au retour, on s'offre une crevaison, une petite panne gentille, question de lâcher prise. Un vieil homme édenté, dépenaillé, chandail et pantalon en lambeaux, sorti de derrière le baobab, vient aux nouvelles. C'est ça, un voyage au Burkina: la rencontre avec un peuple attachant. En vrac - Un voyage au Burkina Faso est réalisable à longueur d'année, sauf pour les circuits animaliers, qui se font préférablement de décembre à mai. La location d'un 4X4 coûte en moyenne de 50 000 à 60 000 francs CFA (environ 100 $ à 120 $ par jour), kilométrage illimité et chauffeur obligatoire. Ce dernier est le lien entre vous et les guides locaux. Il peut aussi suggérer hôtels et restaurants. Air France, via Paris, et Royal Air Maroc, via Casablanca, assurent des liaisons entre Montréal et Ouagadougou. - Monnaie: 500 francs CFA donnent environ 1,047 $CAN. - À Ouagadougou, Vacances OK Raids suggère plusieurs circuits. www.okraids.com, okraids@okraids.bf, tél: (226) 50 30 03 52/54. - À lire: Les Moustaches du chat, de l'écrivain burkinabé Sayouba Traoré. - Hôtels. À Bobo-Dioulasso: L'Auberge, 40 chambres climatisées, bar-restaurant-piscine, tél: (226) 97 17 67/68 ou 97 14 26. À Banfora: Hôtel Canne à sucre, tél: (226) 20 91 01 07, hotelcannasucre@fasonet.bf, www.banfora.com. À Gaoua (381 kilomètres de Ouagadougou): Hôtel Hala, tél: (226) 20 87 01 21, www.musee-gaoua.gov.bf/textes/infos_tou.htm. - Restaurants. À Ouaga: le Gondwana, un bijou de petit restaurant qui fait office de galerie d'art, rue 13-14 Zone du Bois/Zogona, tél: (226) 50 36 11 24/78 85 82 13. Trois magnifiques salles intérieures qui rappellent les cases typiques du pays et un espace extérieur charmant. Bonne cuisine française et africaine. Le propriétaire, Mathias Lafon, est un des plus grands importateurs-exportateurs d'objets d'art africain. Il connaît le continent noir comme le fond de sa poche. Tout objet dans son restaurant est à vendre. Son entrepôt est ouvert au public. www.africartisanat.com. Publié dans le Devoir du 3 novembre 2007

  • Les charmes de l'avant-Noël

    Alors que nous glissons lentement vers le mois de décembre, les vitrines des magasins s'animent, les rues s'illuminent, les maisons se déguisent en guirlandes géantes et les sapins s'ornent de leurs plus beaux apparats. S'installent aussi, en dedans comme en dehors, les fameux marchés de Noël, ces nouveaux incontournables de la période des Fêtes. Et la formule plaît. Article publié dans le Devoir du 19 novembre 2011 East-Hereford — Les odeurs du sapinage et du feu de bois qui crépite sur la place centrale du village d'East-Hereford nous plongent instantanément dans l'atmosphère des Fêtes. C'est la pleine lune, l'air est frisquet et le ciel étoilé. Une chorale venue pour l'occasion de Waterville chante des airs de Noël. Des effluves de jus de pomme chaud aromatisé à la cannelle et de soupe à la courge taquinent nos narines. Le ton est donné, la fête est à nos portes. Les marchés de Noël gagnent du terrain au Québec. Et les gens en redemandent: c'est convivial, on y rencontre des artisans, on achète local et on a moins l'impression que Noël est une fête commerciale et sans âme. Une façon différente, sans doute plus zen, de faire ses achats du temps des Fêtes tout en s'enrichissant du patrimoine local, que ce soit à la ville ou à la campagne. En fait, ces marchés perpétuent une tradition séculaire qui remonte au XIVe siècle, en Allemagne ou en Alsace, alors qu'on les appelait «marchés de la Saint-Nicolas». Rebaptisés sous la Réforme Christkindlmarkt (marchés de l'Enfant-Jésus en allemand), ils apparaissent en France en 1570, plus spécifiquement à Strasbourg, sous le nom de Christkindelmärik. Une tradition qui perdure jusqu'à nos jours mais qui semble toutefois avoir perdu toute connotation religieuse. Une ruse pour masquer la grisaille et les journées courtes de novembre ou une façon de rentabiliser le onzième mois de l'année? Sans doute un peu des deux. En tout cas, la coutume ne date pas d'hier puisque déjà aux époques païennes, des réjouissances étaient organisées pour chasser l'obscurité. Et certains jouent le jeu. La Municipalité régionale de comté de Coaticook, par exemple, a créé Les Marchés de Noël de la Vallée, puis le Château Frontenac de Québec a mis sur pied, il y a trois ans, le programme Noël dès novembre pour stimuler le tourisme pendant l'un des mois les plus creux de l'année. Ce forfait week-end comprend l'hébergement, un dîner pour deux au restaurant Champlain et l'accès gratuit à des ateliers pas banals du tout. Le Père Noël en sus! Parmi les activités à ne pas manquer, l'atelier du samedi matin animé par Jean Soulard vaut à lui seul le déplacement. Tout en cuisinant, le chef du Château Frontenac, originaire de La Gaubretière en Vendée, partage avec humour ses recettes et trucs simples pour réussir de bons petits plats sans se prendre la tête, tout en répondant aux questions de nombreux auditeurs curieux. Au Québec, de plus en plus de villes ont désormais leur marché du temps des Fêtes. À bien des endroits, pour l'occasion, on monte de petites cabanes en bois qui servent de boutiques aux artisans. Idéalement, le tout se joue à l'extérieur, de façon à apprivoiser l'hiver. N'en demeure pas moins que ces marchés prennent aussi place dans des sous-sols d'église, des salles paroissiales ou, comme pour le marché Casse-Noisette, dans les galeries du Palais des Congrès de Montréal. Les cinq marchés de la Vallée de Coaticook, qui se déroulent jusqu'au 11 décembre prochain, offrent tous un caractère différent. Bien que ceux des jolis villages de Way's Mill et d'East-Hereford aient eu lieu le week-end dernier, rien n'empêche d'y retourner pour une visite historique des lieux, en route vers les marchés de Coaticook, Waterville et Compton. Surnommée la capitale du sapin de Noël, la municipalité d'East-Hereford abrite plus d'un million de sapins baumiers en plantation ou en sauvageons. Durant les mois précédant les Fêtes, les gens de la région confectionnent des couronnes de Noël qui seront acheminées en grand nombre, tout comme les sapins, d'ailleurs, vers les marchés américains. Au centre du village, le sentier d'interprétation Jardin sapins et merveilles raconte l'histoire et les pratiques environnementales entourant l'industrie de ce conifère si populaire à Noël. Le Marché d'antan de Compton, quant à lui, joue la carte de l'agroalimentaire dans une ambiance début XXe siècle. L'événement prend place dans le magasin général de Louis Stephen St-Laurent, premier ministre du Canada entre 1948 et 1957, au Lieu historique national Louis-S. St-Laurent, situé au coeur du village. Tout en se cultivant, le visiteur peut se procurer mille et un produits fins de la région, reconnue pour son art de vivre et son agriculture biologique. L'arrivée du Père Noël reste toujours un moment magique. Venu du Pôle Nord en diligence, son passage à Compton est particulièrement remarquable. Rien à voir avec le Père Noël rouge des centres commerciaux. Vêtu d'un manteau de drap vert, portant une besace en bois et un petit sapin, l'homme à la barbe blanche et au regard tendre sort d'une bonbonnière d'époque. «Cette bonbonnière vient de Saint-André-de-Kamouraska, raconte Yvan Fortier, ethnologue et historien à Parcs Canada. Je m'en suis inspiré pour créer le Père Noël de Compton car c'est l'idée que je me fais du personnage. Un homme gentil et généreux, un joyeux mélange entre Saint-Nicolas et les lutins imaginés par les écrivains au fil des ans.» À propos du Père Noël Dans le cadre de l'activité Qui est le vrai Père Noël?, le Musée de la Pointe-à-Callière présente au public quatre Pères Noël qui racontent le temps des Fêtes dans leur pays: Saint-Nicolas, Befana, la petite Lucie et le Père Noël, celui illustré par le dessinateur Haddon Sundblom pour le compte de Coca-Cola. Le dessinateur avait habillé le vieil homme aux couleurs de la célèbre bouteille de Coke: rouge et blanc. La renommée que lui valut la publicité de ce personnage jovial, buvant un Coca pour se rafraîchir en distribuant ses cadeaux, fit du vieux bonhomme à la barbe blanche le grand maître planétaire de la nuit la plus magique de l'année. Befana, Italienne d'origine, est une vieille femme un peu grincheuse qui porte les cadeaux de Noël. Son nom, qui aurait été déformé par un jeune enfant, vient du mot «Épiphanie», en italien, Epiphania. La sorcière s'introduit dans les maisons durant la nuit du 6 janvier, à l'Épiphanie, comme l'indique son nom. Befana dépose dans les souliers des enfants sages des gâteaux, des biscuits et des jouets. Quant aux chaussures des enfants moins sages... ils sont remplis de charbon. La petite Lucie aurait vécu en Sicile au IVe siècle: c'est l'une des premières chrétiennes. À cette époque, les croyants sont maltraités et se cachent dans des grottes pour prier. Lucie leur apporte de la nourriture pendant la nuit. Sur sa tête repose une couronne de bougies allumées, ce qui lui laissait les mains libres pour éclairer son chemin et transporter mets et boissons. La légende raconte que la beauté de ses yeux séduisit un jeune païen qui tomba amoureux d'elle, mais que Lucie repoussa. De rage, il la fit arrêter par les hommes de l'Empereur de Rome et condamner à mort pour avoir apporté à manger aux autres chrétiens. On a essayé de la brûler, mais les flammes ont refusé de la tuer; elle l'a donc été avec une épée. La légende de Saint-Nicolas, elle, veut que le saint ait ressuscité trois petits enfants qui avaient demandé l'hospitalité à un boucher. Celui-ci, les ayant accueillis, profita de leur sommeil pour les découper en morceaux et les mettre au saloir. Sept ans plus tard, Saint-Nicolas, passant par là, demanda au boucher de lui servir ce petit salé vieux de sept ans. Terrorisé, le boucher prit la fuite et Saint-Nicolas fit revenir les petits à la vie. Un trait commun à ces personnages légendaires: la distribution de cadeaux aux enfants. À chacun son Père Noël et... son marché de Noël! C'est ça, la magie du temps des Fêtes. En vrac Noël dès novembre au Château Frontenac, tous les week-ends jusqu'au 4 décembre. www.fairmont.com/fr/frontenac. Qui est le vrai Père Noël? L'activité au Musée d'archéologie et d'histoire de Montréal Pointe-à-Callière permet de faire la connaissance de quatre personnages de Noël qui racontent comment on célèbre le temps des Fêtes dans leur pays d'origine. www.pacmusee.qc.ca. Le Marché de Noël et des traditions de Longueuil comprend une cinquantaine de maisonnettes et on y trouve des conteurs, des troupes de danse folklorique, des ateliers culinaires et des démonstrations du savoir-faire des artisans. L'espace marchand propose lainages, fourrures, décorations de Noël, bijoux, savons, chocolats, vitraux et plusieurs autres idées de cadeaux. Les vendredis, samedis et dimanches du 3 au18 décembre, puis les 21 et 22 décembre. www.vieuxmetiers.ca. Le Marché Casse-Noisette aura lieu du 24 novembre au 4 décembre au Palais des congrès de Montréal. Soixante-dix-sept exposants seront au rendez-vous avec des primeurs, des nouveautés et des idées de cadeaux. www.marchecassenoisette.com. Noël sur l'Avenue (avenue du Mont-Royal), qui se tiendra du 3 au 31 décembre, débute par une fantastique marche aux flambeaux suivie d'un feu d'artifice. Concours de décoration de sapins, lutins à vélo pour recueillir les lettres des enfants destinées au Père Noël et deux parcours gourmands. Le chocolat sera le thème de quatre ateliers publics (sur réservation, car très populaires). Il y aura aussi une collecte de sang, du théâtre, du magasinage en musique, des concerts... www.noelsurlavenue.com. Les Marchés de Noël de la Vallée de la Coaticook permettent de revivre les noëls traditionnels aujourd'hui et dimanche à Coaticook, les 26 et 27 novembre à Waterville et les 3, 4, 10 et 11 décembre à Compton. www.tourismecoaticook.qc.ca/noel. Le Marché de Noël de Baie-Saint-Paul se tiendra les 25, 26 et 27 novembre, puis les 2, 3 et 4 décembre. www.marchedenoelbsp.com. Le Marché de Noël du Vieux-Port, du 24 novembre au 31 décembre, présente 70 producteurs, transformateurs et artisans agroalimentaires des quatre coins du Québec, avec plus de 1000 produits du terroir. Le Marché de Noël allemand aura lieu devant l'hôtel de ville de Québec du 2 au 4 et du 9 au 11 décembre: une grande quantité de produits fabriqués exclusivement pour la période des Fêtes a été commandée d'Allemagne pour l'occasion. www.communaute-allemande-quebec.com/marche-noel-2011/activites.html. Le Marché de Noël de La Baie proposera plusieurs spectacles gratuits. Producteurs et artisans de la région déballeront leurs trésors du 2 au 11 décembre. www.centrevilledelabaie.com. S'inspirant des grands marchés européens, le Marché de Noël de L'Assomption propose de vivre la magie de la fête en compagnie d'une trentaine d'artisans et de producteurs du terroir, installés dans des maisonnettes rustiques, du 1er au 23 décembre. www.marchedenoeldelassomption.ca.

  • Martinique - L'Île aux Fleurs - derrière les cocotiers

    Mer, palmiers, cocotiers... Les images de carte postale demeurent en Martinique. Et avec raison! Comme promis, l'eau turquoise est là avec sa barrière de corail, ses poissons multicolores, ses plages de sable blanc, ses belles fleurs. L'île aux Fleurs. Y aller et faire fi de la mer n'aurait pas de sens. Sauf qu'à toujours associer Martinique et plages, on en vient à oublier que ce département français des Petites Antilles est aussi un pays de l'intérieur avec une histoire, une culture, une agriculture, des montagnes, une forêt, un peuple... Un peuple fier, qui aimerait qu'on aborde son île autrement que comme une simple destination soleil. Fort de France — «Aimé Césaire disait souvent: "Nous sommes une petite île avec la soif d'un grand continent"», raconte Manuel Césaire, neveu du grand poète, écrivain martiniquais et directeur du Centre martiniquais d'action culturelle (CMAC), joint par téléphone la semaine dernière, en plein festival de jazz. «Vous savez, en Martinique, nous ne faisons pas que dans le "doudouisme" [mer, plage, boutiques de pacotille...]; il y a ici un foisonnement d'activités culturelles et patrimoniales», dit-il, avant de dérouler la longue liste de musiciens du monde qui participaient il y a dix jours au Martinique Jazz Festival. Des noms tels que les Martiniquais Chyko Jéhelmann, Yaléva, Bibi Louison, Charly Trio; les Cubains Bellita y Jazztumbata et Gonzalo Rubalcaba; les Américains Marcus Miller, Dave Samuels & the Carribean Jazz Project et la chanteuse jazz et gospel La Velle; puis Mokhtar Samba, Ibrahim Maalouf, Craig Adams... «Les Martiniquais adorent la musique. Toutes les musiques!» Bélé, mazurka, valse, biguine, zouk, jazz... Riche de multiples influences, l'univers musical antillais est inépuisable. Surprenant? Non, pas dans une contrée où toutes les cultures du monde, à un moment ou à un autre de l'histoire, y ont déposé semences, paysages et rythmes. D'abord les Arawaks, puis les Caraïbes, les Européens, les Africains, les Indiens, les Chinois... C'est connu, les grands hôtels ont leurs spectacles et leur animation. Mais l'un n'empêche pas l'autre! Et l'autre, c'est souvent derrière les cocotiers qu'on le retrouve. Il faut oser. Oser franchir la porte d'une case créole qui vibre au son du tambour, d'un boui-boui au toit de tôle, d'un bistro de quartier. On vous regardera, c'est normal. De la pure curiosité. On se comporterait de la même manière. On n'a tout simplement pas l'habitude de voir un touriste hors des sentiers battus. À Fort-de-France, dans le quartier de Terres-Sainville (jadis appelé le quartier des Misérables), angle de la rue Voltaire et du Vieux Chemin, le Nectar est une bonne adresse. Les vendredis soir, les habitués de ce petit restaurant, des amis d'enfance musiciens dans l'âme, se réunissent en toute simplicité pour un «boeuf musical» (pot-pourri de musique) dans une ambiance martiniquaise d'antan. On en perd le souffle tant leur musique prend aux tripes. Au marché de Sainte-Anne, les haut-parleurs diffusent Les Anges dans nos campagnes... sur un rythme antillais. On a tout de suite envie de se déhancher. «Doudou, viens goûter à mon Schrubb», lance une vendeuse vêtue d'une robe en madras. Cette liqueur à base de rhum et de pelures d'orange fait partie des traditions de Noêl. Une bonne façon d'utiliser les mandarines et les oranges, abondantes sur l'île à cette époque de l'année. Bien que l'on soit début décembre, les Martiniquais fêtent Noël depuis le lendemain de la Toussaint. Jusqu'au 24 décembre, ils se réuniront les week-ends, en famille ou entre amis, pour chanter Nwel. Dormir chez l'habitant permet d'entrer rapidement dans le vif du sujet. On y découvre tout de suite les modes de vie, l'accueil, les traditions. On y vit les fêtes patronales, les bals de campagne, les festivals et les états d'âme. On nous présente des circuits thématiques, des suggestions de randonnée pédestre, et il se peut même qu'on nous initie au balari chen. «L'expression créole signifie "errer au gré du vent et des fantaisies"», explique Léon Tisgra, propriétaire du gîte agrotouristique le Hameau du Morne des Cadets, situé à Fonds Saint-Denis, dans le nord de la Martinique. Il s'agit d'une virée à saveur antillaise qui commence en début de soirée par une visite chez les amis pour le ti-punch et les accras, se poursuit au restaurant puis par une visite by night des différents quartiers de Fort-de-France, un zouk chez un cousin, un chanté Nwel chez une cousine ou une soirée carnaval chez le voisin, une grillade et un bain de mer au ti-matin ou une traditionnelle pêche à la senne, au lever du soleil. Après le dimanche de l'Épiphanie, place au carnaval, la plus délirante des fêtes populaires. «La meilleure façon pour un touriste d'aborder la chose, assure Lylyane Razin, artiste peintre martiniquaise, c'est dans la rue, derrière un char ou dans un groupe. Ça, c'est vraiment le carnaval. Tu suis la cadence, tu danses, tu t'habilles avec ce que tu as, et si tu n'as rien, il y a plein de marchandes qui proposent de petits accessoires marrants et pas chers. Quand tu en as marre, tu t'arrêtes, tu regardes et, quand tu le ressens, tu repars avec un autre groupe.» Au dire de plusieurs, la parade du Sud, le lundi, vaut vraiment le déplacement; le mardi est le plus beau jour car tous les groupes descendent à Fort-de-France, défilent, chantent et dansent habillés de vêtements multicolores; le mercredi est le jour le plus triste. Vêtu de noir et de blanc, on porte le deuil. Celui de Vaval, le roi du carnaval, brûlé à la tombée de la nuit sur le front de mer à Fort-de-France. Le carnaval se termine à minuit et gare à celui qui chante une chanson grivoise après cette heure, car la période du carême vient de commencer. Et ça, c'est du sérieux! Pendant 40 jours, les Martiniquais mettront le holà aux fêtes et à la danse. «Nous sommes une petite île avec la soif d'un grand continent.» La Martinique mesure 70 kilomètres dans sa partie la plus longue et quelque 30 kilomètres dans sa partie la plus large. Y vivent environ 400 000 personnes. Pas un point de l'île n'est éloigné de plus de 12 kilomètres de la mer. Le site le plus élevé se trouve à 1397 mètres d'altitude, au sommet de la montagne Pelée. Si Aimé Césaire, chantre de la «négritude», a cherché à revaloriser l'homme noir et la culture africaine, Édouard Glissant fut le chef de file de «l'antillanité». «L'Antillais doit retourner au lieu vrai et se recentrer sur sa propre culture.» Ses réflexions ont inspiré toute une génération de jeunes écrivains antillais autour du concept de «créolisation», dont Patrick Chamoiseau, Ernest Pépin et Raphaêl Confiant, les auteurs du manifeste Éloge de la créolité. «Une petite île avec la soif d'un grand continent.» Une littérature riche, une musique riche, une architecture remarquable et des arts plastiques qui connaissent depuis quelques années un boom étonnant. Toute une génération d'artistes plasticiens anime le paysage de la création, comme Alain Dumbardon, Victor Anicet, Hector Charpentier, Habdaphaï... Attiré par les masques, les totems et les symboles, ce dernier travaille à créer un langage de traces et de signes pour raconter son vécu martiniquais. On peut voir ses oeuvres au Marin, à la galerie Ôdis7, au Cho'rum atelier expo et à la galerie Habdaphai, ainsi qu'à la Maison Galerie, aux Anses d'Arlet. Une histoire palpitante aussi. Celle des Arawaks chassés par les Caraïbes, du père Labat qui fit de l'habitation Saint-Jacques un haut lieu de l'histoire du sucre, de l'esclavage, de Joséphine de Beauharnais née aux Trois-Îlets, du séjour passionné de Gauguin, de l'explosion de la montagne Pelée qui, en 1902, a rayé de la carte Saint-Pierre et 30 000 de ses habitants. Mode d'emploi La voiture est le meilleur moyen de transport pour visiter la Martinique. Un très beau réseau routier sillonne l'île, avec des routes nationales à plusieurs voies, des départementales à une voie ainsi qu'une multitude d'étroits chemins de terre, parfois tortueux et pentus, qui traversent champs, forêt tropicale, mornes et montagnes. Il faut les prendre pour y découvrir des quartiers insoupçonnés, des moulins, des rhumeries, des plages charmantes. En Martinique, on trouve facilement un restaurant, une station d'essence, une épicerie, quelqu'un pour nous aider. On s'y sent chez soi, et dans la langue de Molière. Vous avez une crevaison: on vous aidera. Vous souhaitez manger une noix de coco: on grimpera dans un cocotier pour vous en offrir une. Tout est possible sur l'île aux Fleurs, pourvu qu'on respecte le rythme local. Pourquoi, alors, reproche-t-on si souvent à la Martinique son accueil particulier? «Parce que ici, la relation avec l'autre est beaucoup plus importante que les affaires», explique Patrick Chamoiseau, écrivain et gagnant du prix Goncourt 1992 pour son roman Texaco. «Les Martiniquais aiment rendre service mais sont moins habiles à en fournir. Il admet, toutefois, que les réactions affectives de son peuple prennent parfois le dessus sur la gentillesse professionnelle. Il n'en demeure pas moins qu'au pays du zouk, un sourire est un vrai sourire.» Derrière les cocotiers, il y a aussi la jungle et la montagne qui ne demandent qu'à rivaliser avec le bleu de la mer caraïbe et les plages de sable blanc. Une vingtaine de sentiers balisés conduisent vers des villages, une cascade, des jardins, une habitation. La balise rouge et blanche représente un itinéraire de plus de douze kilomètres, la bleue, entre trois et douze kilomètres et la jaune, entre un et trois kilomètres. Parmi les sentiers incontournables en forêt tropicale: Prêcheur-Grand Rivière. Comme le sentier de 17 kilomètres longe la mer des Caraïbes, le randonneur peut accéder par des pistes secondaires à de jolies criques sauvages à flanc de montagne. La baignade y est délicieuse. Pour le retour, on a recours au service de yoles offert par les pêcheurs. Sinon, une nuit chez tante Arlette donne l'occasion de vivre l'ambiance du village le plus septentrional de l'île: partie de dominos dans les épiceries-buvettes, départ des pêcheurs avant l'aube, appel de la corne de lambis à leur retour.

  • Guatemala - d'Antigua au lac Atitlan, Sur la route des volcans

    Publié dans le Devoir du 29 décembre 2012 Antigua – L’étonnante variété de paysages et la grande diversité culturelle du Guatemala font de ce petit État d’Amérique centrale, baigné au sud par l’océan Pacifique et au nord-est par la mer des Caraïbes, un pays passionnant à visiter. À l’ombre des volcans, entre la jolie ville coloniale de La Antigua Guatemala et les villages indigènes hauts en couleur du lac Atitlán. Rien à faire, le ciel reste nuageux. Impossible d’entr’apercevoir ne serait-ce que le contour du volcan Agua. Raison de plus pour élire domicile plus d’un jour dans cette jolie ville coloniale. Par beau temps, où que l’on soit dans Antigua, on voit l’Agua, situé à dix kilomètres d’ici. Mais aujourd’hui, le beau dôme, à 3766 mètres, se trouve sous un couvert de nuages. À la différence des autres volcans de la région, comme le Fuego et le Pacaya, l’Agua se présente en situation isolée au milieu des plaines. Son cône parfait à l’allure d’un entonnoir est donc visible de loin. Il est d’ailleurs si beau que le Guatemala a émis des timbres à son effigie. À défaut de pouvoir admirer live l’Agua endormi depuis 100 000 ans, le visiteur peut aller s’émerveiller au couvent Las Capuchinas devant une fresque qui représente le volcan surplombant Antigua. Par la même occasion, il peut aussi visiter le cloître aux grosses colonnes et aux galeries voûtées, son jardin et sa tour aux dix-huit cellules construite autour d’un patio circulaire. Histoire de se faire une idée de la vie menée dans ce beau prieuré par les religieuses madrilènes qui, avant le séisme de 1773, s’occupaient d’un orphelinat et d’un hôpital pour femmes. La grande séductrice Les guides touristiques sont unanimes : la beauté coloniale d’Antigua, avec ses rues pavées, ses ruines (causées par deux tremblements de terre), ses multiples hébergements - plus de 140 hôtels, auberges de jeunesse et« posadas » -,ses restaurants, ses cafés (et son excellent café), ses boutiques d’art, en fait l’une des étapes préférées des voyageurs en visite au pays des couleurs. À l’ombre du Parque central, il faut prendre le temps de déguster un café de chez Café Barista, à l’angle nord-ouest du parc, avant de se lancer dans la visite des ruines de la cathédrale de Santiago détruite par le séisme de 1773. Incroyables, ces énormes fragments de colonnes qui gisent toujours sous les arcades de brique, comme si le tremblement de terre venait d’avoir lieu. À Antigua, pas de bâtiments en hauteur. Donc, pas de grandes tours à appartements ni de grands hôtels qui viennent obstruer la vue sur les volcans Agua, Fuego et Acatanango. Pourquoi ? Les ruines parlent d’elles-mêmes. L’histoire de cette ancienne capitale née en 1543 des conquêtes espagnoles et classée au patrimoine de l’Unesco, en 1979, a été ponctuée de séismes, d’éruptions volcaniques et d’inondations. Qui voudraient vivre aujourd’hui au 17e étage d’un immeuble ? « L’histoire tourmentée de la ville a d’ailleurs commencé sur les flancs du volcan Agua, le 11 septembre 1541 », raconte Laura Calderon, notre guide. « Une coulée de boue provenant de la montagne a pour ainsi dire enseveli la localité [premier emplacement de la capitale] alors située dans l’actuelle Ciudad Vieja, à sept kilomètres d’ici. Ce n’est que deux ans plus tard qu’apparaît sur la carte du monde Santiago de los Caballeros, le nom d’Antigua à l’époque. » Antigua, alias Santiago de Guatemala donc, sera pendant près de deux siècles un important centre politique, économique, religieux et culturel. Mais la capitale située au beau milieu d’une zone sismique active n’est pas au bout de ses peines. La terre gronde à répétition et finit par avoir raison de la belle coloniale en 1773. À bout, les autorités espagnoles décident de s’installer dans la vallée de La Ermita, à 45 kilomètres à l’ouest d’Antigua. En 1775, le roi Charles III signe une charte ordonnant la construction de Guatemala Ciudad, depuis la capitale du Guatemala. L’embarras du choix Plusieurs motivations incitent les touristes à visiter Antigua : la richesse de l’histoire, la joliesse des maisons aux couleurs pastel, le café exquis, l’ivresse de grimper l’un ou l’autre des trois volcans qui dominent la ville, la gentillesse des habitants, les nombreuses écoles d’espagnol. « Elles attirent les étudiants du monde entier, dit Laura Calderon. Le choix est vaste à Antigua et la plupart des écoles offrent tous les niveaux d’apprentissage. Et si un cours dure trois semaines en moyenne, rien n’empêche de s’inscrire à une leçon d’une heure seulement ou alors de s’installer à Antigua pour plusieurs mois, histoire d’explorer les environs de la ville. » Nul besoin d’être un grand marcheur pour grimper le volcan Pacaya (2552 mètres d’altitude) situé à 25 kilomètres d’Antigua. Et il est encore actif ! On atteint le cratère en deux heures de marche max. À l’occasion, il arrive de voir une coulée de magma en ébullition au milieu d’un champ de lave durci. Attention aux petites explosions rocheuses. C’est ça, le danger ! Autre très beau site à visiter au Guatemala : le lac Atitlán à trois heures de route d’Antigua ou de Guatemala City. Le visiteur qui voyage en autobus a tout intérêt à suivre le conseil du guide Lonely Planet sur le Guatemala : se placer du côté droit du véhicule pour ne rien manquer de la vue époustouflante sur le lac couleur indigo et les trois volcans qui le dominent. À Solola, petite ville située sur une falaise, à 2060 mètres d’altitude, un belvédère invite les voyageurs à faire une courte pause contemplative. Le moment est propice, avant la pluie qui risque de tomber, pour capter en images le reflet du volcan San Pedro (3020 m) sur le lac d’une longueur de huit kilomètres du nord au sud et dix-huit d’est en ouest. Très photogénique. Une longue descente en serpentins de huit kilomètres mène à Panajachel, principale localité sur les bords du lac. Les rues piétonnes du centre-ville sont bordées de cybercafés, d’agences de voyage, de vendeurs d’artisanat, d’hôtels, de restaurants, de bars. Première véritable rencontre avec les mayas cakchiquel et « tzutuhil » venus des villages environnants vendre leur artisanat. Partout l’accueil est souriant. Dans les rues, les enfants vous saluent et les commerçantes vous emboîtent le pas, histoire de vous soutirer quelques quetzal, bien sûr, mais aussi de vous initier à leur savoir-faire ancestral. Elles vendent tissus colorés, foulards, tapis, kilim. Lorsqu’elles sont vêtues du huipil traditionnel, un connaisseur saurait dire, par la couleur de leur tunique, duquel des douze villages autour du lac proviennent ces femmes mayas, pour la plupart tisserandes de mère en fille. Du coton au textile C’est en lancha (bateaux-bus), au départ de Panajachel, que l’on rejoint les villages de Santiago Atitlán et San Juan La Laguna. Entre plantations de café, de coton, de bananes et de maïs, les deux localités aux rues pavées et pentues vivent au rythme des humeurs du lac Atitlán. Interrogés sur leur vision de la fin du monde par leurs ancêtres, les Mayas tz’utujil de San Juan La Laguna répondent qu’ils craignent bien plus les dégâts occasionnés par la montée des eaux du lac que tout autre chose. En accostant au quai, on voit les maisons inondées. Désolant ! À San Juan comme à Santiago Atitlán, les femmes portent des jupes à rayures et des huipils brodés de fleurs colorées, d’oiseaux, d’astres… Et elles assurent le maintien des traditions au grand plaisir des touristes. À San Juan, les femmes de l’Association de tisserandes « Telar de Cintura Chinimaya » ouvrent grandes les portes de leur atelier, ce qui permet aux visiteurs de suivre les étapes de travail des fileuses, teinturières et tisserandes du village de 5600 habitants. « Dans les coopératives artisanales, la priorité est donnée aux teintures végétales locales et au coton biologique filé à la main », explique Mercedes, une femme « tzutuhil » qui s’empresse de nous amener dans son jardin pour nous exposer les étapes de la teinture à partir de plantes locales. Avant que ne se lève le « Xocomil », ce fameux vent qui peut déchaîner le lac Atitlán en moins de deux, et que les étoiles s’allument, une visite à Maximon, cette divinité tenue en grand honneur dans les Hautes Terres du Guatemala, complète notre découverte de Santiago Atitlán. Comme le personnage change de maison tous les ans, un enfant du village nous conduit vers la statue de bois drapée de cravates et d’écharpes colorées et fumant un gros cigare. C’est Juan, un villageois qui a la tâche de surveiller le personnage 12 heures par jour, 365 jours par année. C’est aussi lui qui recueille les offrandes (Maximon adore le rhum et les cigarettes). « L’effigie du dieu est installée dans la maison d’un membre de la confrérie maya catholique, lit-on dans le guide Lonely Planet. Selon les anthropologues, Maximon déménage chaque année de façon à équilibrer les pouvoirs locaux. » Quoi qu’il en soit, ni le chemin à travers les ruelles de Santiago Atitlán emprunté pour se rendre au domicile ni la rencontre avec le « personnage » ne laissent indifférent. Pas plus d’ailleurs qu’un voyage au Guatemala. En vrac Où dormir: Le choix d’hébergement est aussi grand à Guatemala City qu’à Antigua. Les voyagistes ont toutefois tendance à préférer amener leurs clients directement à Antigua. Les hébergements de charme Porta Hotel del Lago et la Posada de Don Rodrigo à Antigua sont deux bonnes adresses. Aimé la visite du musée de l’atelier et du magasin La Casa del Jade, à Antigua. Le jade était très apprécié des anciens Mayas. Mangé des plats typiquement maya et du terroir guatémaltèque, créés par le chef Humberto Dominguez, sous une palata au toit en feuilles de palmier, sur fond de marimba, au restaurant Kakao, situé dans la zone 10 à Guatemala City. À lire : les guides Ulysse ou Lonely Planet sur le Guatemala. Vous y trouverez mille et uns conseils pratiques pour réussir votre voyage dans ce pays assez bien organisé pour les touristes.

  • Le«chanté Nwel» dans les Antilles françaises, une tradition qui remonte au XVIIe siècle

    Les Martiniquais et les Guadeloupéens fêtent Noël depuis le lendemain de la Toussaint. Jusqu’au 25 décembre, ils se réuniront les week-ends, en famille ou entre amis, pour des « chanté Noël », un plaisir simple dont la tradition remonte au XVIIe siècle, à l’époque où la France se lançait dans l’aventure coloniale de ces deux îles des Petites Antilles. Article publié dans le Devoir du 1 décembre 2012 L’article 2 du Code noir promulgué par Louis XIV en 1685 prévoit « l’instruction religieuse des esclaves ». Même s’ils conservent secrètement leurs croyances, ils adoptent la religion de leur maître. Et les jésuites, chargés de poursuivre cette instruction religieuse, enseigneront aux esclaves à jouer de certains instruments dans le but de former des choristes pour les offices religieux. C’est ainsi que les cantiques de Noël, catholiques et européens, qui remontent au Moyen Âge, prennent leur place dans la tradition musicale créole. Dès l’annonce de Noël, on ressort des tiroirs son livret de cantiques, un mélange de profane et de sacré avec d’anciennes chansons populaires françaises aux passages en latin, et de refrains en créole. Que la fête com mence ! On chante, on danse, on se défoule toute la nuit au son des ti-bois (baguettes de bois), des tambours, du gwoka (typiquement guadeloupéen) et des accordéons, sur des rythmes de biguine, de mazurka, de valse créole, de zouk. Le « chanté Nwèl » dans les Antilles françaises reste un moment de partage et de solidarité. De bonne chère également. Si, autrefois, on n’offrait que rhum, sirop d’orgeat et chocolat chaud, aujourd’hui le buffet créole en est partie intégrante : boudin créole, pâtés à la viande (version antillaise de la tourtière), ragoût de cochon, pois d’angole et jambon caramélisé au sucre de canne. Le tout, bien sûr, arrosé de rhum, de ti-punch, de schrubb (liqueur à base de rhum et de pelures d’orange) et de punch coco. Pour vivre un « chanté Nwèl », le rest guadeloupéen Saveur Soleil, à Montréal (% 438 380-8081, saveursoleil.ca), propose trois soirées endiablées les samedis 8, 15 et 22 décembre. Aussi, les dimanches midi des 9 et 16 décembre, c’est au restaurant madelinot Les Îles en ville, à Verdun (% 514 544-0854, lesilesenville.com), qu’on peut prendre le brunch de Noël à la fois martiniquais et madelinot. « En m’intéressant à la Caraïbe, je découvre l’histoire de ma propre île », dit la propriétaire du resto, Ginette Painchaud. Les Madelinots ont aussi vécu des exodes et des déportations. Comme les esclaves. Pour oublier nos malheurs, on s’est tournés du côté de la musique. Comme les Antillais. »

  • Québec - Au temps des sucresMa cabane à Saint-Prosper

    À Saint-Prosper-de-Champlain, entre Sainte-Geneviève-de-Batiscan et Sainte-Anne-de-la-Pérade, en Mauricie, se trouve une petite érablière qui perpétue la tradition des sucres avec tout le charme et la poésie d'autrefois. Ici, pas d'artifice, ni fla-fla, ni musique à tue-tête. On y entend couler les érables, jaser les mésanges à tête noire et résonner le souffle du cheval tirant la tonne. Et à moins de grande fraîcheur ou d'une prochaine tempête des corneilles, il ne reste que deux semaines pour aller s'y sucrer le bec et rencontrer le sucrier de la place. Gaétan est né dans une tonne, assimilant sans retenue l'abécédaire de la fabrication du sucre de ses aïeux, dont le premier descendant serait arrivé au pays en 1710. «Je suis de la dixième génération de sucriers de la famille Massicotte à posséder et à exploiter la même érablière», explique-t-il. Et c'est un des rares acériculteurs à résister à la modernité. La famille Massicotte perpétue la tradition dans une petite cabane rouge et blanche chauffée au bois et éclairée au fanal. On y fait donc bombance à la lueur de la bougie et à la chaleur des fours à bois. Aussi, par souci de véracité historique et de transmission exacte de la coutume, l'eau d'érable ne bouillira que si la récolte le permet. Pas d'eau, pas de réduit! À la Sucrerie J. L. Massicotte, aucune machinerie, aucun conduit tubulaire ne ternit le décor de l'érablière. On recueille l'eau d'érable à bras d'homme et en raquettes, en compagnie d'amis de la région venus spécialement pour aider, puis on transvide le contenu des seaux dans un baril de chêne. C'est Totoune, un beau cheval de labour costaud, qui assure le transport de la tonne de mélasse de 90 gallons impériaux recyclée jusqu'au réservoir d'entreposage de la cabane, où l'eau est pompée du baril à la cuve à l'aide d'une ancienne pompe marine actionnée à la main. Gaétan Massicotte raconte qu'enfant, lorsqu'il revenait de l'école à l'époque des sucres, toute la région était couverte de vapeur d'eau d'érable en ébullition. Bien que chaque fermette ait eu sa petite érablière autrefois, on dénombre encore aujourd'hui à Saint-Prosper une trentaine de cabanes à sucre en activité, soit une cabane pour 18 habitants. La cueillette de l'eau s'étire généralement sur un mois, mais pas tous les jours. Cela dépend de la température. Les érables coulent grâce à l'action du gel et du dégel. L'idéal? Moins cinq degrés la nuit et plus dix ou douze degrés le jour. Il arrive qu'une saison complète se fasse sur cinq jours. «Nous en sommes à la cinquième cueillette depuis le début de la saison, qui a commencé le 20 mars. Une bonne récolte annuelle est de l'ordre de 55 gallons de sirop. À date, j'en ai récolté 28. J'ai 700 arbres entaillés pour une possibilité de 2000.» Dans la région, les aînés disent que les récoltes de l'année suivent le modèle de la première récolte, celle des petits poissons des chenaux. Si la pêche est bonne, les autres récoltes le seront aussi. Comme on a assisté à un départ lent de la pêche et des érables, on en conclut que les foins tarderont aussi. «Quoi qu'il en soit, la pêche a été bonne, et bien qu'un peu en dents de scie, c'est aussi une bonne année pour le sirop d'érable», affirme Gaétan Massicotte. «Par contre, c'est difficile d'établir une période fixe pour le temps des sucres. D'expérience, les sucriers québécois savent que la saison débute aux alentours du 20 mars, mais encore là, ça dépend des températures. C'est mon pif qui m'indique à partir de quand entailler les arbres. Le feeling, lorsque tu sors et que ça sent le printemps. C'est également délicat de prédire la fin des sucres. S'il neige encore et qu'on a de la fraîche, les érables continueront de couler.» L'homme au regard pétillant n'est pas seulement un passionné de l'érable. Il se donne aussi un mal fou pour la survie des petites fermettes au Québec. Pour se sentir un peu moins seul dans sa bataille, le sucrier de Saint-Prosper a décidé d'adhérer au Convivium Slow Food de la Vallée de la Batiscan, un organisme qui lutte contre la malbouffe, qui favorise la production locale, biologique et durable et qui tente d'éveiller le public aux plaisirs d'une alimentation diversifiée, éthique et conviviale. Afin de continuer dans la tradition, le repas de la cabane, mitonné par Monique, n'utilise que des produits frais de la région. Les recettes tirent leur origine de la mère, de la grand-mère et de l'arrière-grand-mère Massicotte. La farine biologique moulue sur meule de pierre provient de la minoterie Les Brumes, à Sainte-Geneviève-de-Batiscan; l'omelette est montée au four et servie épaisse; les crêpes en dentelle, spécialité du comté de Champlain, sont légères, épaisses et croustillantes; on grille le pain de ménage sur le poêle à bois; on sert les pommes de terre en pelure, le jambon de la région et les fèves au lard maison. Sans oublier... les oreilles de crisse! De l'animation? Niet! Par contre, libre à chacun d'apporter guitare, harmonica, accordéon, flûte et bonnes histoires, question d'agrémenter l'après-midi et la veillée. La très coquette salle à manger, dépourvue d'électricité pour la cause et chauffée par deux poêles à bois d'époque, accueille confortablement une quarantaine de personnes autour de ses trois tables de bois. Et, qui sait, peut-être aurez-vous aussi la chance de goûter au p'tit réduit de Gaétan, une de ses spécialités à base de réduit et de rhum qui ne peut que vous apporter joie et... prospérité. D'ailleurs, chaque sucrier de Saint-Prosper-de-Champlain a son petit trou «prospère». La cabane offre trois services les week-ends, sur réservation: 10h, 13h et 17h. On reçoit aussi les groupes en semaine. La saison chez les Massicotte se termine fin avril. Last call, donc! *** Sucrerie J. L. Massicotte et filles Gaétan Massicotte et Monique Tremblay 101, route 159, P.R. Saint-Prosper-de-Champlain tél: 418 328 8790 www.laperade.qc.ca/massicotte Publié dans le Devoir du 13 avril 2007

  • France - Remonter le temps, de château en château

    Entre Méditerranée et Pyrénées, traversant l’Aude d’est en ouest (et l’est de l’Ariège), le Sentier cathare et sa dizaine de châteaux juchés sur des pitons rocheux témoignent de l’histoire agitée du Languedoc médiéval. Long de 220 kilomètres, le sentier côtoie vignes, garrigues, gorges, gouffres, montagnes et forêts centenaires. Peu accidenté, il nécessite, malgré tout, une bonne condition physique et un équipement adapté à des journées allant de trois à sept heures de marche. Douze étapes, douze jours de bonheur au coeur de l’histoire cathare. Article publié dans le Devoir du 4 août 2012 L’Aude, pays cathare : intrigant comme marketing territorial. Surtout si l’on s’intéresse à l’histoire. Le catharisme avait-il une frontière ? Ne trouvait-on pas déjà au xie siècle des adeptes de la doctrine dans toute la chrétienté, en Grèce, dans les Balkans, en Rhénanie, en Italie, en Flandres, en Champagne, en Aquitaine, à Toulouse ? Pourquoi alors le département de l’Aude, en Languedoc-Roussillon, en a-t-il fait sa marque de commerce ? « Le label « pays cathare » appartient à l’Aude depuis trente ans », précise Richard de la Touraine, copropriétaire du gîte de la Bastide, à Camps-sur-l’Agly, étape du Sentier cathare. « Nos élus avaient compris en cette période de crise économique et de fermeture d’entreprises importantes que le tourisme était la solution de rechange au développement économique de la région. » Pour relier les monuments qui existaient en Aude, il fallait donc trouver un fil conducteur. La côte narbonnaise, la cité de Carcassonne, le canal du Midi et le vin se démarquaient déjà. Les abbayes et les églises romanes aussi. Mais moins les châteaux forts. C’est alors que le conseil général de l’Aude a eu « l’idée géniale » de sortir de l’ombre l’histoire cathare. Après tout, et c’est vrai, le Moyen Âge captive encore et encore : forteresses, troubadours, chevaliers, Saint Graal… L’histoire est coquine. Le catharisme, qui a abouti au XIIIe siècle à un terrible génocide, se transforme en leitmotiv du développement touristique dans l’Aude. Un mal pour un bien. « Il y a trente ans, on demandait à un Français où était l’Aude et il l’ignorait, raconte Richard de la Touraine. La création de la marque « pays cathare » - un gage de qualité qui regroupe aujourd’hui 900 entreprises - a vivement contribué à l’essor touristique du département du Sud. » D’ailleurs, il n’y a qu’à voir le nombre de touristes qui franchissent émerveillés les murailles de la cité de Carcassonne, qui s’exclament devant la beauté des vitraux de l’abbaye de Fontfroide ou grimpent au sommet de pitons escarpés pour visiter les spectaculaires citadelles du vertige, bâties à même le roc, dans l’orgueil et la crainte : Quéribus, Peyrepertuse, Puilaurens… « Mais prudence quant au label « château cathare », car les Cathares n’ont rien construit. C’est une marque de commerce qui s’applique maintenant à toutes les sauces : vin cathare, agneau cathare. Les « Bonshommes » ou « parfaits » ne buvaient pas et étaient végétariens. » Désireux de retrouver le christianisme des origines, les « parfaits » prêchaient la pauvreté et la non-violence et rejetaient l’Église romaine. Ils jugeaient cette Église infidèle à sa mission, trop riche, trop liée aux puissants, trop loin du peuple. Les Cathares concluaient l’existence de deux principes, le Bien, Dieu éternel, et le Mal, dont dérivait le monde matériel et transitoire. Avec le temps, la marque de commerce « pays cathare » est devenue un véritable fil conducteur pour découvrir l’Aude, mais aussi d’autres départements, comme le Tarn (Albi), l’Hérault (Minerve), la Haute-Garonne (Toulouse) et l’Ariège (Montségur, Roquefixade, Foix). Prélude à la marche « Pour se mettre en appétit avant de venir dans la région, il faut lire le polar Labyrinthe de Kate Mosse », suggère, lors d’un salon du voyage à Montréal, Jacques Daoulas, directeur promotion-communication au Comité régional du tourisme Midi-Pyrénées. L’histoire se déroule en partie dans la cité de Carcassonne au xiiie siècle, alors que Raymond Roger Trencavel, vicomte de Carcassonne, tolère et protège l’hérésie cathare sur ses terres. Un beau geste qui coûtera cher au vicomte. Importuné par ces hérétiques, le pape Innocent III lance sa croisade. La Cité est assiégée, Raymond Roger est emprisonné et ses terres sont confisquées par Simon de Montfort. L’ouvrage de Kate Mosse - un polar du genre Da Vinci Code - valut à la romancière britannique le British Book Award en 2006 et à Carcassonne, la visite récente d’une équipe de tournage. Labyrinthe sera présenté cet automne à la télévision française (M6.fr) en deux épisodes de 90 minutes. Et pour les visiteurs, l’auteure propose à la fin du roman une promenade explicative de deux heures de la Cité, à la découverte de vingt lieux qui constituaient le cadre de vie de son héroïne au Moyen Âge. Construit au xiie siècle par les Trencavel, seul le château Vicomtal incarne encore aujourd’hui le lieu de vie de ces puissants seigneurs de l’époque. Avant d’enfiler pour les douze prochains jours bermuda et bottes de marche, un détour par les châteaux de Lastours, à quelques kilomètres au nord de Carcassonne, direction la montagne Noire, vaut la chandelle. Le site est vraiment unique : au-dessus du village de Lastours s’élève un grand massif rocailleux qui s’affine en une longue crête hérissée de quatre pointes. Chacune d’elles porte la ruine d’un château : Cabaret, Quertinheux, Fleur-Espine, Tour Régine. Depuis l’ancienne usine de draps Rabier, située au coeur du village de Lastours, un sentier de randonnée aménagé conduit en vingt minutes à ces citadelles du vertige, à 300 mètres d’altitude. Tout à coup, juste après qu’on a contourné les escarpements nord et débouché sur la face orientale, apparaissent de superbes cyprès qui piquent le ciel, donnant au paysage un petit air de Toscane. Vestiges d’une ancienne église primitive, jolis restes de tours, de citernes, d’escaliers… Au xiiie siècle, le chef de l’armée de la croisade contre les Albigeois, Simon de Montfort, aurait fait défiler des prisonniers mutilés au pied de cette forteresse - alors fief des seigneurs de Cabaret, vassaux des Trencavel - pour décourager les assiégés cathares de s’y rendre. 220 kilomètres à pied Mis en place à la fin des années 1980, dans la foulée du fameux label « Aude pays cathare », le Sentier cathare, d’une longueur de 220 km, entre Port-la-Nouvelle et Foix, n’est pas homologué GR (grande randonnée) par la Fédération française de la randonnée pédestre. À ne pas confondre avec le GR 107 qui unit Foix, dans le département de l’Ariège, en France, à Portella Blanca, en Espagne. Aussi appelé « Chemin des Bonshommes », le GR 107 emprunte un itinéraire de 117 km, celui que parcouraient les Cathares fuyant l’Inquisition pour se réfugier en Catalogne. Rien à voir non plus avec le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle (GR 65), qui traverse sur 750 km le sud de la France et attire chaque année pas moins de 100 000 âmes aux motivations de tout poil : quête spirituelle, découverte de soi-même, créations de liens. Marcher sur le sentier cathare, c’est avant tout évoluer d’un château à l’autre, avec pour but, entre autres, de remonter le temps. Dix châteaux se dressent ici sur des pitons rocheux : Durban, Aguillar, Padern, Quéribus, Peyrepertuse, Puilaurens, Puisvert, Montségur, Roquefixade et Foix. Mais une fois sur le terrain, il y a la surprise de la découverte des paysages. Par exemple, les gorges de Galamus. Deux kilomètres d’escarpements dans un décor lunaire où seuls quelques genêts et chênes kermès réussissent à se cramponner. Un sentier à flanc de falaise mène à un ermitage créé au vie siècle, puis à une chapelle camouflée dans la paroi rocheuse. Il fallait avoir la foi pour bâtir là ! Au fond, un torrent tumultueux parcourt une gorge étroite. Des marmites géantes tiennent lieu de bassins naturels : superbe site pour la baignade en été. Les décors fantastiques des châteaux de Quéribus et de Peyrepertuse ne laissent personne indifférent. Ni la montée depuis Padern jusqu’à Quéribus. Tuante ! Surtout si l’on porte un sac à dos trop lourd. Quinze kilos max. Ce n’est pas Saint-Jacques-de-Compostelle avec son service impeccable (et abordable) de transbagages. La chose existe, mais, étant donné la faible fréquentation du sentier, le service coûte la peau des fesses. On a affaire ici à des taxis privés. Le pic et les charcuteries Après Camps-sur-l’Agly, deux routes s’offrent aux randonneurs : celle qui va au pic de Bugarach et emprunte les plateaux d’altitude quasi désertiques du massif des Hautes-Corbières ou l’autre, plus fréquentée, qui mène au château de Puilaurens. Nous optons pour la première. L’étape jusqu’au village de Bugarach se parcourt en quatre heures, sauf si l’on décide de grimper au sommet du pic de Bugarach, à 1231 mètres, pour profiter des ondes magnétiques de la « montagne sacrée » ou pour y découvrir le fameux passage qui permet d’accéder à une civilisation perdue. Et, oui, Bugarach a un petit côté ésotérique et de curieuses coutumes locales, comme celle de boire le vin doux au « porro », un type de pichet à vin au goulot étroit. Selon une prédiction, le petit village tranquille de Bugarach serait le seul à survivre à la fin du monde prévue pour le 21 décembre 2012. Il semble donc que ce soit au pied de cette montagne sacrée que le monde sera sauvé. Conseil d’ami, mieux vaut réserver une chambre tout de suite, car il semble y avoir beaucoup de disciples. Et pour les campeurs, ce n’est pas chaud l’hiver… Puisvert, Espezel, Comus : plus qu’une étape avant de rejoindre Montségur. On quitte l’Aude pour l’Ariège. Au gîte d’étape Lou Sicret, dans le village de Montségur, nous sommes accueillis par le propriétaire Jean-Luc Massera. Le feu crépite dans la cheminée en pierre de la cuisine. Il servira à cuire les truites bio en provenance de la pisciculture de Montferrier. Quelques charcuteries de montagne et fromages de brebis attendent sur la table d’être entamés. Sans être le site le plus grandiose des guerres albigeoises, Montségur est certainement le plus captivant. C’est ici, en Arière-Pyrénées, que les hérétiques, après avoir été condamnés par Rome et réprimés par la croisade des Albigeois (1209-1229), ont trouvé refuge. Cinq cents évêques, diacres et fidèles se sont installés dans ce nid d’aigle, à 1207 mètres d’altitude au-dessus du pays d’Olmes. Le siège dura un an, jusqu’à la reddition, en mars 1244, et le sacrifice de la communauté religieuse, livrée au bûcher : en tout 220 hommes et femmes périrent dans le brasier. Il y aurait encore tant à dire sur le sentier cathare… *** En vrac Transport : Pour un départ de Port-la-Nouvelle, accès en train de Narbonne ou de Perpignan. Pour un départ de Foix, accès en train de Toulouse. Bien que cher, le taxi est aussi une solution. Hébergement et tables d’hôte : À Tuchan, gîte Saint-Roch (labellisé «Accueil paysan»), sur les pentes du mont Tauch, à deux kilomètres du sentier cathare À Duilhac-sous-Peyrepertuse, L’Hostellerie du Vieux Moulin, située sur le Sentier cathare, au pied du château de Peyrepertuse À Camps-sur-l’Agly, Gîte La Bastide (labellisé «Accueil paysan») À Bugarach, Maison d’hôtes Le Presbytère. Cet ancien presbytère ne manque pas de charme ni d’authenticité avec ses boiseries sculptées À Quillan, l’hôtel La Chaumière. Accueil personnalisé, chambre moderne et bonne table À Puisvert, La Cocagnière, une maison d’hôte charmante située au coeur de la campagne à l’orée du hameau de Campsylvestre, entre Nébias et Puisvert À Espezel, le très authentique petit hôtel Grau. Le patron est fort sympathique et se révèle un très bon chef À Comus, le Silence du Midi. Nous voilà à la frontière de l’Aude et de l’Ariège et ici, on a le choix de dormir dans une yourte traditionnelle, dans un appartement ou un studio ou en gîte d’étapes. Peu importe la formule, le lieu est fort sympathique À Montségur, gîte d’étapes « Lou Sicret ». Formule dortoir, mais fort sympathique. Une grande cheminée dans la cuisine donne l’impression de vivre au Moyen Âge. À Roquefixade, Le Relais des Pogs Information pour préparer son voyage :www.lesentiercathare.com. Comité départemental du tourisme de l’Aude (Carcassonne) Agence de voyage québécoise qui propose le Sentier cathare : et www.karavaniers.com. Lire : Le guide du Routard sur le Languedoc-Roussillon et le site Internet entièrement dédié au catharisme.

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