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- Un dimanche à Jérusalem
Un voyage en Israël n’a pas son pareil. C’est unique. Et on en revient touché jusqu’à l’âme. D’avoir parcouru cette terre sainte où les grands noms de la bible sont partout, mais aussi ce pays à la géopolitique complexe qui suscite bien des prises de position. De Tel-Aviv à Haïfa via la mer Morte, Massada, la mer de Galilée, Nazareth, Rosh Hanikra, Akko… Par où commencer? Tiens, pourquoi pas, en ce week-end de Pâques et de Pessa’h, par Jérusalem? Vue sur Jérusalem du Mont des Oliviers La nuit tombe sur Mahane Yehuda, le plus grand marché de Jérusalem. Des visages de grande taille peints dans des couleurs vives sur les rideaux de fer baissés regardent passer les visiteurs. Ceux de rabbins connus et de soldats inconnus, de politiciens et de militants qui ont marqué l’histoire et de Juifs influents dans le monde, comme Steven Spielberg et Sigmund Freud. Des oeuvres dessinées à la bombe et signées Solomon Souza, un artiste d’une vingtaine d’années, petit-fils de Francis Newton Souza (l’un des pères de l’art moderne indien) né à Londres et ayant immigré à Jérusalem alors qu’il était jeune pour étudier dans une école talmudique. « C’est à la demande des commerçants qui souhaitaient une ambiance plus chaleureuse dans le marché que le graffiteur a commencé son projet de raconter en images, sur les rideaux de fer, l’histoire des Juifs et de son peuple », explique Dado Shalom, notre charmant guide. Le meilleur moment pour admirer cette monumentale galerie de personnages d’ici et d’ailleurs, selon Dado, c’est le samedi, jour du shabbat, alors que le marché hiérosolymitain est au repos et que les volets des quelque 350 commerces sont baissés. Mais c’est dimanche et, malgré la pénombre qui s’installe sur la ville sainte, tout est encore ouvert. Entre les étals regorgeant de fruits, légumes, noix, olives, épices, thé, fromage, fruits secs, pain, halva, les peintures des volets en attente d’ouvrir pour la nuit nous observent. Bananes, mangues, artichauts, fraises, oranges, aubergines, pommes, légumes racines… tout ça rappelle qu’Israël est un champion du locavorisme — ce mouvement prônant la consommation de nourriture produite dans un rayon de 100 à 250 kilomètres de chez soi — malgré le désert, donc et le peu d’eau, qui prédomine dans le pays. On parle ici de « miracles agronomiques ». N’est-ce pas un ingénieur israélien en gestion de l’eau, Simcha Blass, qui a découvert l’irrigation par le goutte-à-goutte ? Constatant que l’eau apportée de manière lente et régulière par une succession de gouttes produisait des résultats de croissance remarquables, il a mis au point le tube à base de goutteurs, une forme d’arrosage qui permet des cultures d’arbres fruitiers, de légumes ou de fleurs même en milieu infertile. Le fameux procédé est produit de manière industrielle dès 1965 par la société Netafim, installée au kibboutz Hatzérim, dans le Néguev. Mahane Yehuda Et Dieu qu’on mange bien dans ce petit pays du Proche-Orient bordé à l’ouest par la Méditerranée, au sud par le golfe d’Eilat, et qui partage ses frontières avec le Liban au nord, la Syrie au nord-est, la Jordanie et la Cisjordanie à l’est, l’Égypte et la bande de Gaza au sud-ouest. Mahane Yehuda est un passionnant périple culinaire. Entre les piles de pain pita, les stands de harengs saurs, de houmous, de confiseries surgissent des bars à expresso et à smoothies, des stands à falafels et de jolis pubs où l’on déguste des vins du pays — car le raisin s’épanouit très bien sous les divers microclimats d’Israël — et des bières locales comme la Goldstar. Mais également des bières artisanales aussi originales que celle créée à base de pois chiches, de dattes et de sarrasin dans les collines de Galilée, là même où Jésus est censé avoir transformé l’eau en vin. À Jérusalem, c’est la bière qui coule à flots lors du festival annuel au mois d’août. Un adage dit qu’« à Tel-Aviv on joue, à Jérusalem, on prie ». Façon simple de résumer les choses. Quoi qu’il en soit, si j’ai adoré Tel-Aviv pour son dynamisme, son côté cool et moderne, sa joie de vivre à la californienne, ses restos, ses discothèques, ses bars et ses cafés branchés, son surf et ses pistes cyclables, son patrimoine architectural… j’ai été envoûtée par Jérusalem. Entre autres parce que tout ce qui était théorique et virtuel dans mes anciens cours de catéchèse et le dimanche à l’église devient ici une réalité palpable et concrète. Que l’on soit croyant ou non. Dernière résidence du Christ, troisième ville sainte pour l’islam après La Mecque et Médine, lieu de retour du messie pour les Juifs, Jérusalem est le carrefour des trois religions monothéistes. Sa vieille ville est distribuée en quartiers : arménien, chrétien, juif et musulman. Complexe, Jérusalem ? Oh que oui. De quoi se noyer dans l’épaisseur des faits, des dates, du bâti et des émotions. Ici, des murs romains, omeyyades, croisés, mamelouks, ottomans… Là, des synagogues séfarades, la tour de David, la mosquée Al-Aqsa. Mais où est donc le Saint-Sépulcre ? Sites de la chrétienté Pour les chrétiens, l’église du Saint-Sépulcre est édifiée sur le site du Calvaire (ou Golgotha), exactement à l’endroit où Jésus « a été cloué sur la croix, est mort et est ressuscité ». Pour le rejoindre, nous montons et descendons quelques dénivelés — Jérusalem est à plus de 800 mètres d’altitude et tout en collines —, traversons des passages couverts, des ruelles aux pavés vieux comme le monde, puis de jolies petites places aux odeurs de kebabs chawarma. Nous voilà sur la Via Dolorosa, le fameux chemin de croix pédestre et ses 14 stations, dont 5 se trouvent à l’intérieur de l’église du Saint-Sépulcre. Jésus aurait emprunté cette route alors qu’il portait sa croix jusqu’au calvaire. Il faut compter une heure à pied pour la parcourir à partir de la première station, où Ponce Pilate aurait condamné à mort Jésus, jusqu’à la 10e qui se trouve avec les quatre autres à l’intérieur de Saint-Sépulcre. Les différentes stations sont marquées de plaques rondes sur les murs et les portes. Ici, l’endroit où Jésus fut chargé de sa croix, là où il serait tombé la première fois, plus loin, la rencontre avec sa mère et celle avec Simon de Cyrène, ici, la deuxième chute, là, la troisième… L’église du Saint-Sépulcre se trouve au milieu des souks, en bordure des quartiers chrétiens et musulmans, sur une petite place étroite coincée entre les maisons de la vieille ville, au pied d’un minaret. Étrange ! Son apparence n’a rien d’exceptionnel, mais l’immense ferveur des pèlerins a contribué à la sacraliser. Inutile d’espérer un moment serein dans ce lieu bondé. « La basilique est partagée entre plusieurs Églises chrétiennes (catholique, arménienne, syrienne, copte, éthiopienne…), explique la guide Paule Rakower. Celle des Grecs orthodoxes occupe la plus grande partie de l’édifice. Ils assurent l’entretien du tombeau. » Sur le pas de la porte, des fidèles touchent et embrassent la pierre de l’onction. C’est sur cette dalle rose qu’on aurait déposé le corps de Jésus pour le préparer avant qu’il soit enseveli. À l’entrée de la chapelle du Calvaire, à l’étage, se trouve la 10e station du chemin de croix. Jésus aurait été dépouillé de ses vêtements ici. Puis, tout à côté, la 11e où il a été cloué sur la croix. La 12e station se trouve dans la chapelle grecque orthodoxe. Elle témoigne de la crucifixion de Jésus. Le rocher du calvaire, sur lequel un autel a été érigé, niche en son centre. Petit hic, toutefois : le recueillement est difficile devant le rocher où fut déposé le Christ après la crucifixion. Pressés par la foule qui attend son tour, les pèlerins ne passent que quelques secondes dans l’étroit caveau. Un pope à l’air bourru se charge d’écouler le flot des visiteurs. À gauche de cet autel, la 13e station, où le corps de Jésus aurait été descendu de la croix et remis à Marie. Quant à la 14e, le Saint-Sépulcre, attendez-vous à y faire la queue sous des voûtes de tous les styles, dans la fumée de l’encens et à la lueur des lampes à huile. Cap maintenant vers le mur des Lamentations, le site le plus sacré du judaïsme. Les Juifs y pleurent toujours la perte de leur second Temple. Les hommes prient d’un côté, les femmes de l’autre. On dirait une grande synagogue à ciel ouvert. Les Juifs croient que les prières et les requêtes insérées entre les pierres de ce mur érigé il y a 2000 ans ont de fortes chances d’être exaucées. La chair de poule Tandis que les bars et les bouis-bouis du marché Mahane Yehuda lèvent leurs rideaux métalliques pour la soirée, que les restaurants se remplissent, que les murs de la vieille ville s’illuminent, que les musiciens s’installent dans les bars et autour des remparts, un spectacle son et lumière éblouissant anime les murs de la citadelle de David, tout près de la porte de Jaffa. Cet événement nocturne qui utilise la technologie du trompe-l’oeil en 3D, relate l’histoire de Jérusalem, de la période cananéenne à l’État d’Israël, en passant par les périodes israélite, babylonienne, perse, hellénistique, romaine, byzantine, musulmane, croisée, mamelouke, ottomane et britannique. Finalement, le vieil adage disant que Tel-Aviv fait la fête pendant que Jérusalem prie ne tient peut-être plus tout à fait la route. Jérusalem, bien que sainte, oui, est aussi très festive, plutôt cool, gastronomique et créatrice. Certainement unique et touchante jusqu’à l’âme. Le soleil se lève sur le mont des Oliviers. Nous sommes sans mot devant les milliers de tombes du plus ancien cimetière du monde encore utilisé. En bas, dans le jardin de Gethsémani, des oliviers auraient fourni l’ombre à Jésus et ses disciples qui allaient s’y reposer. C’est dans ce jardin qu’il aurait été arrêté. EN VRAC Dormir. À l’hôtel Inbal (cinq étoiles) pour son confort, mais aussi pour sa situation géographique exceptionnelle au-dessus du parc Hapaamon et de la vieille ville, puis à une courte distance de marche des principaux sites d’intérêt culturel. Le buffet du petit-déjeuner est excellent, comme presque partout en Israël. Manger. La cuisine israélienne est divine, composée d’une grande variété de légumes, viandes et poissons grillés, pois chiches et sarrasin. Le végétarisme et le véganisme y sont très à la mode. Le choix de restaurants est grand à Jérusalem, tant dans la vieille ville que dans la partie moderne. Le restaurant Zuni, ouvert tous les jours 24 heures sur 24, est une bonne adresse de type brasserie. Le risotto et les calmars y sont excellents. Le marché Mahane Yehuda pour un bon café, pour une dégustation de bière ; pour goûter (et acheter en cadeau) le halva d’Elie Mammam. Impossible de ne pas craquer pour l’exquise pâte de sésame farcie de pistaches et d’amandes de ce Marocain d’origine. Il propose près d’une centaine de parfums. Vie de bar. Au Nocturno, la nuit de la semaine il y a des concerts, des lectures de poésie, du stand-up, des conférences, des projections de films, de la danse swing… À la fois bar et café, Nocturno propose un menu lacté, végétarien et végétalien. Suggestions de lecture. Un voyage en Israël se prépare. Il faut lire sur son histoire, ses religions, ses enjeux politiques… au-delà d’articles qui n’en couvrent qu’un petit aspect. Lire puis voir pour mieux comprendre ce pays fascinant à la géopolitique complexe. Comprendre Israël de l’auteur montréalais Elias Levy, aux éditions Ulysse. Israël et les territoires palestinien, aux éditions Lonely Planet, un excellent guide touristique qui propose de nombreuses adresses, les sites à visiter, la sécurité à observer, des idées d’activités avec les enfants, des cartes claires… Indispensable ! La mémoire d’Abraham, de l’auteur Marek Halter. Ce roman raconte 2000 ans d’histoire d’une famille juive, scribe de père en fils. Excellent ! Ma terre promise, Israël, triomphe et tragédie, du journaliste et chroniqueur Ari Shavit. Ce livre examine les complexités et les contradictions de la condition israélienne et s’appuie sur les événements du passé pour jeter un éclairage neuf sur le présent. Article publié dans le journal Le Devoir du 15 avril 2017
- Île de Vancouver - entre surf et afternoon tea
D'un côté, d'immenses forêts, des arbres géants, des pics enneigés, des anses et des écueils à faire damner les marins, des vagues à faire suer les surfeurs. De l'autre, le chic empesé d'une coquette ville aux couleurs et traditions britanniques, des jardins magnifiques, des parcs, des pubs et l'afternoon tea que même un tremblement de terre ne saurait ébranler. Où qu'on soit sur l'île de Vancouver, on vit la nature, on vit la vie à pleine puissance. Île de Vancouver — «Nous survolons actuellement le détroit de Georgia et la ville devant vous, c'est Nanaïmo, deuxième en importance après Victoria et ville-étape du traversier qui amène quotidiennement, depuis Vancouver, des milliers de vacanciers. Ensuite, nous traverserons la chaîne de montagnes qui sépare le nord et le sud de l'île de Vancouver avant d'atteindre la côte ouest du Pacifique», explique le pilote, qui connaît sa ligne caillou par caillou. Je suis dans un petit avion de KD Airlines qui fait la liaison Vancouver-Tofino, sur la côte ouest de l'île. De prime abord, on n'imagine pas l'île de Vancouver aussi montagneuse: «Le plus haut sommet est le Golden Hinde (2220 mètres), dans le parc Strathcona, au centre de l'île ; le second est le mont Elkhorn (2194 mètres) et le troisième, le mont Colonel Foster (2133 mètres). Et la montagne, là-bas, au-dessus de Port Alberni, c'est le mont Arrowsmith (2000 mètres).» Que sait-on, au juste, de l'île de Vancouver ? Que Victoria est la capitale de la Colombie-Britannique ; que les riches habitants de Vancouver passent leur week-end à Victoria pour échapper à la pluie ; que les Chinois ont joué un grand rôle dans le développement de Victoria en participant à la construction du chemin de fer ; que le Chinatown de Victoria est le plus vieux quartier chinois au Canada ; qu'on retrouve à Victoria le plus haut totem du monde... Soit, mais l'île se limite-t-elle à sa capitale provinciale ? Un oeil sur les pics enneigés, un autre sur une cascade qui chute du haut d'une falaise d'une soixantaine de mètres et un autre encore sur le pilote déterminé à s'approcher le plus près possible du rocher pour que nous ne perdions rien du spectacle, j'écoute attentivement l'étrange leçon de géographie qui dépasse la simple énumération de lieux et de chiffres. Saviez-vous que le Dinghy Dock Pub, un pub flottant amarré au quai de l'Île Protection, à Nanaïmo, sert les meilleurs fish and chips de l'île ; que le Harbour Quay de Port Alberni est un endroit sympathique pour prendre un café et s'informer de l'horaire des bateaux vers la réserve du parc national Pacific Rim ; que les sapins de Douglas du MacMillan Provincial Park-Cathedral Grove atteignent parfois 80 mètres ; que le mont Washington, situé dans la vallée de Comox, à 31 kilomètres à l'ouest de Courtenay, est la deuxième destination de ski après Whistler ? Mais où est donc Tofino ? Seuls les surfers et les écolos semblent connaître Tofino. Les premiers pour sa superbe plage de 15 kilomètres, Long Beach, où les vagues peuvent atteindre jusqu'à huit mètres en hiver ; les seconds pour avoir entendu parler, dans les années 1980, du premier barrage routier au Canada établi par les Amérindiens et le reste de la population pour protester contre le projet de coupe commerciale de billes de bois dans la vieille forêt pluviale de l'île de Meares. En 2000, un territoire de quelque 350 000 hectares est enfin déclaré réserve de la biosphère de l'UNESCO. Le temps, à Tofino, semble s'être arrêté au début des années 1970. Il n'est donc pas rare de croiser dans la région des hippies à bord de leur Westfalia transportant trois ou quatre planches de surf sur le toit. En voiture, de Montréal, on met cinq jours et sept heures pour atteindre ce Malibu canadien: cinq jours jusqu'à Vancouver, deux heures de ferry jusqu'à Victoria et cinq heures de route de la capitale provinciale au royaume de la vague. À Tofino, tant pis s'il pleut ! Il en faut un peu plus pour annuler une «rando» en forêt pluvieuse, une leçon de surf ou une sortie en kayak de mer. D'ailleurs, c'est sous la pluie qu'on observe les plus beaux spécimens de limaces «bananes», les plus grosses du monde, qui peuvent mesurer jusqu'à 25 centimètres de long et trois centimètres de diamètre. Un mollusque géant d'un beau jaune... citron. Où que vous soyez dans les environs de Tofino, si vous n'êtes pas debout dans l'eau salée, vous êtes dans la forêt pluviale. La réserve du parc national Pacific Rim, entre Ucluelet et Tofino, propose à ceux qui n'ont nullement l'intention de s'enfoncer sur la West Coast Trail neuf sentiers balisés de moins de cinq kilomètres, tous accessibles par la navette Tofino Beach Bus. Vive le mauvais temps ! Au Wickaninnish Inn, une élégante bâtisse en bois de cèdre dressée sur un promontoire face au Pacifique, les propriétaires ont fait de la pluie et du mauvais temps leur marque de commerce. Et ça marche ! Particulièrement entre novembre et février, alors que les clients de l'hôtel peuvent observer de leur chambre une tempête tous les trois ou quatre jours. Cet établissement Relais & Châteaux en bordure de la forêt pluviale est pure merveille. La décoration des chambres et suites a été réalisée avec grand soin. Du support à papier de toilette au savonnier en passant par les tuiles, les lampes, les meubles, chaque matériau provient de la nature. La pierre, le bois et les tissus aux couleurs de terre dominent avec la cheminée, la baignoire profonde et les baies vitrées. L'engagement est total avec l'extérieur. On trouve donc à Wickaninnish Inn une clientèle entichée de nature venue bénéficier tant des activités de plein air que des plaisirs de la table. Le restaurant The Pointe, installé dans une salle octogonale entourée de baies vitrées et qui laisse voir les jours de tempête un panorama grandiose, fait dans la gastronomie. On y propose une cuisine typiquement Pacific Northwest d'influence locale, composée de produits fermiers et biologiques. Un thé à Victoria Au centre de Victoria, face au port, se trouve l'Empress Hotel, un établissement style château construit pour le Canadien Pacifique au début du XXe siècle par l'architecte Francis Rattenbury. Aucun des salons de thé de la ville ne rivalise avec l'atmosphère distinguée de son afternoon tea. Concombre, saumon fumé et curry de poulet et de mangue garnissent les petits sandwichs. Confiture de fraises et crème Devon accompagnent les scones. Théière ancienne, vaisselle victorienne, service royal... tout est fait pour que l'expérience reste ancrée dans la mémoire. Le coût de cette collation beau chic beau genre: 45 $CAN. Les Amérindiens occupaient l'Île de Vancouver depuis 8000 ans lorsque les premiers Européens y débarquèrent au XVIIIe siècle. D'abord signalée par les explorateurs espagnols en 1774, puis visitée par James Cook en 1778, l'île fut baptisée en l'honneur du capitaine (et cartographe) George Vancouver qui en fit le tour en 1792. Cinq décennies plus tard, la Compagnie de la Baie d'Hudson établit un comptoir de traite de fourrures à Fort Victoria, la pointe sud de l'île, aujourd'hui le site de la capitale de la Colombie-Britannique. À 20 kilomètres au nord de Victoria, sur la péninsule de Saanich, se trouvent The Butchart Gardens. Nés en 1904 de la désaffection d'une carrière à chaux, ces jardins centenaires superbement fleuris ravissent l'oeil en particulier l'été, lorsque la floraison atteint son apogée. Jardin de roses, jardin italien, jardin japonais, mare à nénuphars, rhododendrons et bégonias couvrent les 22 hectares de ce terrain superbement aménagé de fontaines, de sculptures et de bancs qui invitent à la flânerie. On peut aussi se promener sur la Saanich Peninsula, une presqu'île qui se trouve également au nord de Victoria. On y découvre une série de petites zones résidentielles à l'architecture victorienne ainsi que de beaux bâtiments de style Tudor. À Mount Douglas Park, l'ascension de la colline jusqu'au sommet offre une vue panoramique sur les Gulf Islands, le détroit de Georgie, le détroit Juan de Fuca et les sommets enneigés de la chaîne de montagnes Olympic Range, dans l'État de Washington. Et peut-être la chance d'apercevoir un orque ! Mille et une choses encore... Les Provincial Legislature Buildings, où siège le gouvernement de la Colombie-Britannique et qui voisinent l'Empress Hôtel ; le Bastion Square avec son marché artisanal en plein air ; une promenade à Chinatown pour découvrir l'arche Tong Ji Men qui représente l'esprit de coopération entre les cultures chinoise et canadienne ; les habitations flottantes à Fisherman's Wharf ; et le restaurant Barb's Place qui comblera votre envie de manger au coucher du soleil des fish and chips bien gras servis dans du papier journal. Beautiful British Colombia ? C'est d'accord ! ******** Cet article a été écrit il y a avant la pandémie. Bien que les sites touristiques demeurent les mêmes, les restos et les hôtels aussi, mieux vaut vérifier les informations de réouverture en ces temps de COVID. À consulter - Les guides Ulysse Vancouver, Victoria et Whistler ou le guide Ulysse Ouest canadien. - Renseignements: Tourism Vancouver Island, Nanaïmo, (250) 754-3500, www.islands.bc.ca.
- Martinique - Saint-Pierre ressuscitée
S’il y a un endroit à visiter en Martinique, c’est bien Saint-Pierre. Pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur ? Sa fabuleuse histoire, qui semble avoir pris fin le jour de l’éruption de la montagne Pelée, le 8 mai 1902. Le pire ? Sa circulation le matin... Au Snack Bar Caraïbes, place Bertin, des touristes savourent leur café en regardant une yole de pêcheurs voguer sur la mer bleue. Ce matin-là, une douzaine de voiliers sont ancrés dans la rade. Sur la jetée, des promeneurs tirent le portrait de la montagne Pelée. Aucun nuage n’obstrue aujourd’hui sa cime. L’horloge de la Maison de la Bourse sonne 8 h. Nous sommes le jeudi 8 mai 2014, jour de l’Ascension. Il y a 112 ans, jour pour jour, heure pour heure, la montagne Pelée explosait comme une bombe atomique. C’était aussi un jeudi 8 mai, jour de l’Ascension. L’église du Mouillage était bondée, celle du Fort aussi. À ce même endroit, place Bertin, des dizaines de tonneaux de mélasse et de rhum étaient entassés en attente d’être chargés sur des navires. Saint-Pierre exportait alors 200 000 hectolitres de rhum par année. Dans la rade juste en face, Le Roraïma de la Québec Line — l’un des premiers cargos mixtes à vapeur — venait de prendre place au côté du voilier nantais Le Tamaya, en dépit d’une eau tapissée de cendre et d’une montagne couverte d’un nuage noir que le soleil peinait à percer. « Vous n’avez rien à craindre, c’est juste un mouvement d’humeur du volcan, dit, rassurant, l’agent portuaire. Il crache, il tousse depuis des mois, mais rien de grave selon les conclusions de la commission scientifique. De toute façon, vous êtes en mer, vous ne risquez rien. Et puis, le gouverneur Mouttet et sa femme sont en visite officielle à Saint-Pierre. N’est-ce pas sécurisant ? » Ce scénario sur l’histoire dramatique des passagers du Roraïma, écrit et raconté par Dominique Serafini et Patrick Sardi dans une bande dessinée filmée qu’on peut visionner au Centre de découverte des sciences de la terre, à Saint-Pierre, confirme que les habitants — et le gouverneur — ne veulent pas croire au pire. Même malgré de sérieuses alertes pendant deux mois : mouvements telluriques, rivières gonflées, odeur de soufre, coulée de boue… Puis, la ville tient des élections législatives cruciales le 11 mai. Il n’est donc pas question de l’évacuer, pas maintenant ! Le dernier jour 7h50. L’onde de choc est d’une telle violence que les Pierrotins n’ont pas le temps de fuir. Une nuée ardente s’abat sur la ville à 500 km/h et brûle tout sur son passage. En 90 secondes, 30 000 personnes et la capitale économique de la Martinique disparaissent sous les cendres. « La perle », « la reine », le « petit Paris des Antilles » qui, en 1900, possédait l’électricité, un tramway hippomobile, une Chambre de commerce, une trentaine de rhumeries, une maison coloniale de santé avant-gardiste qui traitait malades et patients par hydrothérapie, un jardin botanique et un théâtre construit sur le modèle du grand théâtre de Bordeaux, n’existe plus… Fort-de-France devient la nouvelle capitale économique de la Martinique. Saint-Pierre est rayée de la carte administrative le 10 février 1910, malgré les 3000 personnes installées sur ses ruines. La ville renaît le 20 mars 1923, mais la montagne gronde à nouveau en 1929 et en 1932. Les Martiniquais fuient cette localité comme la peste. Et c’est Fort-de-France qui grandira à sa place. Mais Saint-Pierre n’a pas dit son dernier mot. La cathédrale du Mouillage a été reconstruite, la Chambre de commerce aussi — et à l’identique d’avant le drame. Aujourd’hui Maison de la Bourse, ce bâtiment d’architecture créole reste l’un des témoins de taille du raffinement et de la prospérité de Saint-Pierre à la fin du XIXe siècle. Tout comme les petites maisons rue Isambert, l’église du Fort, le site du théâtre, qu’au fil du temps les archéologues ont exhumés. En 1990, la ville de 4000 âmes, souvent comparée à l’antique cité de Pompéi, est classée ville d’art et d’histoire par la Caisse nationale des monuments historiques. Un train nommé Cyparis Express Par contre, la visite de ces ruines n’est pas facile pour le visiteur. Très peu d’entre elles sont mises en valeur et les panneaux indicateurs sont quasi inexistants dans les rues de la ville. Et à moins d’aller à la pêche aux renseignements ou d’oser quitter les sentiers battus pour grimper de petites rues aux noms aussi charmants qu’intrigants, on risque de passer à côté de sites émouvants. Comme celui de l’église du Fort, avec ses fondations noircies, ses ruines et ses colonnes jetées en travers de la rue, qui donne l’impression que l’éruption de la Pelée date d’hier. À date, c’est à bord du petit train sur roues Cyparis Express qu’on découvre le mieux le « petit Paris des Antilles » d’avant 1902. Fernand Pain, le très intéressant guide de l’omnibus, commente en 60 minutes l’histoire de sa ville avec plein d’humour et bien de l’amour. « Qui était Louis Cyparis ? L’un des deux survivants de l’éruption de la Pelée, raconte-t-il. Un bagnard sauvé par sa prison — et le rhum. Brûlé gravement, il a été libéré après quatre jours d’attente et de cris avant de devenir célèbre en narrant son aventure au cirque Barnum. Il a pu témoigner de la puissance brûlante, incandescente, ignée et dévastatrice de la Pelée. » « Avant de monter à bord du Cyparis, en marchant dans Saint-Pierre, nous avions l’impression de parcourir un musée-cimetière à ciel ouvert,explique Monique Lapierre, aficionado de la Martinique. En revisitant à deux reprises les ruines selon l’itinéraire passionnant de Fernand Pain, nous avons fini par nous sentir des Pierrotins d’avant 1902. » Rues Victor-Hugo, Bouillé, d’Enfer, des Amitiés, de la Bonne Foi, du Précipice, boulevard de la Comédie… L’histoire coloniale de Saint-Pierre se lit dans toutes les rues de la ville. Ainsi qu’au Musée volcanologique Franck-Perret, le premier de l’île, ouvert en 1933 et qui permet d’apprécier en photos la ville d’avant et d’après le séisme. Autre hic : la ville de la Martinique la plus visitée le jour semble en déprime le soir. Bien que située à peine à 31 kilomètres au nord de Fort-de-France, pour la plupart des Martiniquais elle souffrirait d’une perception d’éloignement et d’une réputation dégradée en terme d’animation, par rapport au reste de l’île. On lui reproche son manque de vie, de ferveur et d’accueil après 20 h. La rade, un bijou du patrimoine Face au Snack Bar Caraïbes, une bouée rappelle aux plaisanciers queLe Roraïma gît là, entre 40 et 60 mètres. Interdit de mouiller à cet endroit. Il y aurait une trentaine d’épaves dans la rade, dont dix visitées par les plongeurs. « Elles sont les derniers vestiges de 394 bateaux enregistrées dans la baie de Saint-Pierre peu avant le jour fatal », écrivent Frédéric Denhez et Claudes Rives dans Les épaves du volcan, aux éditions Glénat. « Les épaves de la baie de Saint-Pierre font partie du patrimoine historique de la Martinique », explique Jacques-Yves Imbert, fondateur du club de plongée sous-marine Papa D’Lo et l’un des plus expérimentés guides de plongée de la baie de Saint-Pierre. « Elles sont connues dans le monde entier. La grande star est bien sûr Le Roraïma, qui s’adresse à des plongeurs de niveau 2. Mais L’Amélie, jolie aussi, est accessible aux débutants. » La mise en place d’un programme de protection de la zone d’échouage des navires qui ont sombré le 8 mai 1902 est l’une des illustrations de la volonté de préservation et de valorisation du patrimoine au coeur du projet du Grand Saint-Pierre. Dorénavant, les fantômes du Roraïma, de La Gabrielle, du Tamaya et des autres épaves avec leurs nouveaux habitants — éponges, gorgones, poissons aux couleurs clinquantes — n’ont plus à craindre de recevoir une ancre sur la tête… EN VRAC Manger. Le Bleu des îles, un petit restaurant sans prétention, offre le midi une cuisine locale préparée avec amour par Gérard et Tante Nini. Accolé aux ruines du théâtre, rue Victor-Hugo, l’endroit niche dans l’ancienne demeure du volcanologue Frank A. Perret. 0596 78 26 60. Le restaurant Le Fromager, dans le quartier Saint-James, sur la route de Fonds Saint-Denis, propose une cuisine créole typique mais aussi une vue spectaculaire sur la baie de Saint-Pierre. La langouste, le colombo d’écrevisses et le blanc-manger coco sont au nombre des spécialités. 0596 78 19 07. La Vague, place Bertin : ce restaurant ouvert en 1951 est une institution. On y mange face à la baie une cuisine créole honnête. 0596 78 19 54. Plongée. Pour s’initier ou se perfectionner à la plongée dans le but d’accéder au navire Roraïma : le Centre de plongée Papa D’Lo, situé en bord de mer. À découvrir. Pour voir le plus beau panorama sur la montagne Pelée et les pitons du Carbet, se rendre à l’Observatoire volcanologique du Morne des Cadets, à 12 minutes au-dessus de Saint-Pierre, ou juste en-dessous de l’observatoire, à la ferme bio de l’agriculteur Tonton Léon, pour une table d’hôte locale ou un séjour en gîte chez l’habitant. À voir. Les totems, à l’entrée sud de la ville, créés par sept artistes à partir de cylindres de bois de mahogany de cinq mètres de long. Ils témoignent de la synergie entre valorisation urbaine et artistique. Le Centre de découverte des sciences et de la terre : pour comprendre le volcanisme dans les Antilles. cdst.e-monsite.com. Le Musée volcanologique Frank A. Perret. La ville de Saint-Pierre à bord du petit train Cyparis Express. Renseignements. Office de tourisme de Saint-Pierre. Comité martiniquais du tourisme à Montréal.
- Nantes et son musée Jules-Vernes
Premier musée et première ville sur ma liste des choses à voir, une fois le droit de voyager pour le plaisir revenu.... Avec sa Ligne verte, un parcours pédestre ou à vélo de quelque dix-sept kilomètres, qui mène d’une œuvre d'art à un élément remarquable du patrimoine, d’une ruelle historique à une architecture contemporaine, d’un point de vue étonnant sur la ville à un incroyable coucher de soleil sur l’estuaire, d'un musée à l'autre - dont le musée Jules Vernes, Nantes m'apparait une ville d'art et de culture exceptionnelle...À très bientôt! J'adore Jules Vernes. J'ai dévoré d'une traite - comme lui a sûrement dû dévorer, et très jeune, Victor Hugo, Alexandre Dumas, Alfred de Vigny, Alfred de Musset, Molière, Sahakespeare..., «L'Île mystérieuse», «Vingt mille lieues sous les mers» et «Michel Strogoff». J 'ignorais - merci Xavier Theret, directeur de la promotion internationale - Le voyage Nantes - , pour votre magnifique présentation de la ville aux médias québécois - , que Jules Vernes était né à Nantes, jolie ville d'art et de culture qui s'étend sur les rives de la Loire, à une cinquantaine de kilomètres de l'Atlantique. C'était un 8 février 1828, sur l'île Feydeau. Musée Jules-Vernes Un musée entièrement consacré à l'auteur. Cool! Il est situé au sommet de la butte Sainte-Anne et domine la Loire et le port. On m'a expliqué que ce musée exposait des livres, des manuscrits, des documents, des extraits d'œuvres, des illustrations, des affiches, des portraits de l'écrivain, des jeux et objets lui ayant appartenu et légué par ses descendants. Mes trois livres favoris Vingt Mille Lieues sous les mers paru en 1869-1870 relate le voyage de trois naufragés capturés par le capitaine Nemo, mystérieux inventeur qui parcourt les fonds des mers à bord du Nautilus, un sous-marin très en avance sur les technologies de l'époque. L’Île mystérieuse, paru en 1875, relate les aventures de cinq personnages qui, fuyant le siège de Richmond en Virginie pendant la guerre de Sécession, s'échouent sur une île inconnue qu'ils baptisent l'île Lincoln. Grâce à leurs compétences variées et leur astuce, ils s'efforcent de reconstituer une vie confortable sur cette île déserte, mais ils font face à plusieurs périls et à d'étranges phénomènes. Michel Strogoff paru en 1876, relate le périple de Michel Strogoff, courrier du tsar de Russie Alexandre II, de Moscou à Irkoutz, capitale de la Sibérie orientale. Sa mission est d'avertir le frère du tsar, resté sans nouvelles de Moscou, de l'arrivée des hordes tartares menées par le traître Ivan Ogareff pour envahir la Sibérie. Sur cette route il croise Nadia, ainsi que les journalistes européens Harry Blount et Alcide Jolivet. Alors que les voyageurs mettent en moyenne cinq semaines pour aller de Moscou à Irkoutsk, les courriers du tsar n'ont besoin que de dix-huit jours. À cause de toutes les épreuves à surmonter, Michel Strogoff a mis trois mois pour y parvenir. Prochain livre sur ma liste: «Les enfants du capitaine Grant».
- Elko, Nevada - Festival de poésie cowboy
Eh bien oui, il y a une poésie cow-boy. Jolie, d’ailleurs. Qui parle de la nature, du cheval, des vaches, des montagnes, du soleil, du blizzard, de l’entraide, de la famille, de Dieu… Des mots ordinaires, sur une vie ordinaire racontée de façon extraordinaire. Qui prend aux tripes. C’est lors d’un voyage à Elko, il y a quelques années, que j’ai découvert le « vrai » cow-boy. Celui qui, le jour, rassemble le bétail pour le mener au pâturage dans les montagnes, et qui, le soir, gratte la guitare autour d’un feu en fredonnant une chanson. Pour garder les bêtes tranquilles. Le cow-boy qui trime dur dans le ranch en essayant tant bien que mal de survivre à une industrie grippée. Celui qui arpente à cheval la piste sur des milliers de kilomètres. Celui qui est vêtu d’un jeans à la taille, d’une ceinture stylée et d’un chapeau à large bord. Et qui devient poète. Oui, Elko appartient à l’Ouest, l’authentique. L’élevage fait partie des richesses de la région et on y fabrique des selles reconnues dans le monde entier. Les cow-boys que l’on croise dans la rue ne sortent pas d’un film. Et ils ont troqué leur fusil contre un téléphone portable. Mes deux filles m’accompagnaient. Le film Fievel au Far West n’était pas bien loin dans leurs souvenirs. Et pour s’imprégner de l’âme cow-boy, nous avons opté pour un road trip au départ de la « cité des péchés ». Question de découvrir dans le détail les étendues désertiques et montagneuses du Nevada qui inspirent tant ces buckaroos. Depuis Las Vegas, il faut plus de huit heures pour rejoindre la ville d’Elko, située au pied des Ruby Mountains, entre Reno et Salt Lake City. Mais le voyage en voiture sur les grandes routes solitaires du Great Basin, au coeur d’un désert rustique parsemé d’armoises, d’arbres rabougris, de cactus, de genévriers, et dominé par des montagnes aux sommets enneigés, vaut le coup. Nous avons dormi à Pioche (282 km de Las Vegas), à l’hôtel historique Overland Hotel & Saloon. À Ely (460 km de Las Vegas), à l’historique Hotel Nevada and Gambling Hall. À Elko (760 km de Las Vegas), au Red Lion Inn pour une expérience plus chic. Spectacles et activités reliés au National Cowboy Poetry Gathering y prennent place. À Caliente (240 km de Las Vegas), au Shady Motel. Ici, la nuit, lorsque passe le train reliant Los Angeles à Salt Lake City toutes les deux heures, on comprend mieux la vie à proximité d’une voie ferrée. Nous avons raffolé des brioches à la cannelle du Windmill Ridge, un café-resto-hébergement sympa sur la route 93, à Alamo (155 km de Las Vegas). Le copieux souper du restaurant basque The Star (sorte de «all you can eat» basque), au 246 Silver Street, à Elko. Les Basques sont nombreux à vivre au nord du Nevada et à faire l’élevage de moutons. Le resto Jailhouse, à Elko. Ce n’est pas tous les jours qu’on mange (et bien) dans une cellule d’une ancienne prison du Far West. Siroter un whisky au bar du Western Folklife Center, à Elko. Parcourir la ville d’Ely à pied. Une vingtaine de murales peintes sur les murs des édifices de la rue principale racontent l’histoire du comté de White Pine, de l’époque amérindienne à celle où Ely vivait de son élevage de bétail et de son industrie minière, elynevada.net. Une virée dans les Ruby Mountains, particulièrement le Lamoille Canyon. Malheureusement cette année, dû à la pandémie de COVID19, la 37ième édition du National Cowboy Poetry Gathering n'aura pas lieu «live» à Elko. Il y aura par contre pour les membres des événements présentés en ligne, jusqu'au 30 janvier 2021. Pour en savoir plus: https://www.nationalcowboypoetrygathering.org/
- Îles Cayman - Festival gastronomique
Chaque année, en janvier, à Grand Cayman, se tient un méga festival gastronomique où se rencontre une jolie panoplie de chefs venus/es d'un peu tous les coins du monde. Cette année, à cause de la pandémie, l'activité qui aura lieu comme d'habitude au Ritz Carlton Grand Cayman, se fera entre chefs et amateurs de bonne cuisine locaux. Question de garder la main en attendant des jours meilleurs. Voici toutefois quelques souvenirs de la journée du 19 janvier 2020 , il y a un an donc jour pour jour. Et à l'an prochain pour la 14 ème édition. Chef Bernard Guillard, du resto The Marine Room à la Jolla à San Diego et chef Philippe Haddad...
- Tunisie - Les oliviers dans le paysage
Entre mer, désert, montagnes et vertes collines, des oliveraies à perte de vue. On parle d'autour de 1,8 million d’hectares répartis sur tout le territoire. Environ quelque 82 millions d’oliviers. La Tunisie peaufine ses huiles d’olive depuis la création de Carthage. C'est en assistant, en avril 2018, à la remise des prix du 4e concours national de la meilleure huile d’olive conditionnée, les Tunisian Olive Oil Awards, que j'ai eu le plaisir de découvrir le monde des huiles d'olive tunisiennes, des huiles d’exception, fabriquées de façon artisanale, dans les règles de l’art, et dont on ne parle encore que peu dans le monde. Car l’on associe avant tout la fabrication des huiles d’olive de qualité à l’Italie, à la Grèce et à l’Espagne. La Tunisie occupe toutefois une place bien loin d’être négligeable. Sans compter que ce pays de la côte méditerranéenne est l’un des plus grands producteurs au monde. Plusieurs marques d’huile d’olive extra-vierge tunisienne ont été primées lors de prestigieux concours internationaux, comme ceux de Tokyo, de New York, de Los Angeles… La Tunisie travaille fort pour faire de son huile d’olive un condiment de qualité, commercialisé en bouteille, avec une origine et des saveurs originales. Et bio. Les olives sont dans l’ADN des Tunisiens depuis la fondation de Carthage par les Phéniciens. Une légende raconte que ce serait la reine Didon — ou Élyssa, soeur du roi Pygmalion (Tyr) — qui fonda la cité. Une huile d’olive tunisienne, la Terra Delyssa, s’est d’ailleurs inspirée de cette légende pour son marketing. En passant, on retrouve assez facilement cette huile extra-vierge bio dans les épiceries de Montréal. On la reconnaît à son étiquette jaune représentant un cheval avec une branche d’olivier en guise de crinière. L'or vert de Segermes À Segermes, situé au nord-est de la Tunisie, à une soixantaine de kilomètres de Tunis tout est fait manuellement, la cueillette, la trituration, le conditionnement et le stockage », précise Mounir Boussetta, producteur et propriétaire de ce magnifique domaine. « Et toutes les cultures sont certifiées biologiques par Ecocert, depuis 2011 », dit-il fièrement. « Segermès tient son nom de l’antique ville romaine sur laquelle nous avons construit cette jolie structure en 2015 », explique l’oléiculteur en désignant les vestiges d’une église byzantine. « Les oliviers poussent depuis 1500 ans. Les Romains, les Byzantins et autres civilisations ont récolté, broyé et pressé les olives bien avant nous. » Mounir Boussetta cultive deux variétés d’olives, la chemlali et la chetoui, et l’huile sauvage, résultat du jus du fruit de l’oléastre — un arbre originaire d’Afrique du Nord qui pousse à l’état naturel grâce aux pépins digérés et disséminés çà et là par les oiseaux. Une visite de l’élégant domaine nous enseigne que, pour donner une huile d’olive de bonne qualité (vierge ou extra-vierge), les olives doivent être pressées dans les heures qui suivent la récolte, et le malaxage se fait à froid, entre 25 et 28 °C, et rapidement. « Mon but est de produire un fruité vert, issu de la récolte d’olives en tout début de saison. Ce choix diminue ma quantité d’huile d’olive, mais me garantit en contrepartie une huile d’exception. Je cherche à produire de la qualité, non de la quantité. » Mounir Boussetta a produit, cette année, 50 tonnes d’huile d’olive certifiée bio, qu’il souhaite vendre aux États-Unis en petites bouteilles de 250 ml. Des huiles avec une note parfois fruitée verte ou subtile, parfois amère contribuant à l’équilibre, ou piquante… Les pentes de Ben Ammar Bio El Fahs. Charmant, ce coin de pays situé à une soixante de kilomètres au sud-ouest de Tunis. Des collines vertes, des moutons qui broutent, des cigognes qui nichent sur quasi tous les poteaux le long de la route, des vendeurs d’escargots, des oliveraies… Au domaine Ben Ammar, une ferme biologique familiale de 200 hectares située dans la région montagneuse de Jebel Mansour, où l’on produit « Ivlia », une huile d’olive biologique faite d’olives chetoui, nous sommes accueillis par Rawia Ben Ammar, la directrice des ventes, son beau-frère, Chaouki Ben Ammar, et leur assistant, Ali Elborni. Nous avions déjà eu le plaisir de leur serrer la main le soir d’avant alors que le domaine Ben Ammar recevait le premier prix de la 4e édition du concours national de la meilleure huile d’olive conditionnée pour la catégorie de l’huile d’olive au « fruité moyen ». Comme au domaine de Segermès, une huile d’olive d’exception dont les olives auront été cueillies à la main, pour éviter les chocs à cette étape de la fabrication, et pressées à froid dans les heures qui suivent la récolte via des installations — moulin, fûts de stockage en acier inoxydable et laboratoires à la fine pointe de la technologie. « Et tous les déchets sont recyclés », précise Rawia Ben Ammar. « Les peaux d’olive sont transformées en pâtes, les noyaux sont brûlés. Ces déchets bio, bien sûr, seront mélangés à du fumier et transformés en compost pour enrichir la terre. » Le domaine Ben Ammar, certifié bio depuis sept ans, ne baigne pas que dans l’huile d’olive et les olives de table. La famille élève quelque 3000 poules tout-terrain, qui courent en liberté dans un grand champ et ne se nourrissent que de légumes et de graines bio qui poussent sur les terres du domaine. Elle cultive aussi tomates, artichauts et amandes et embouteille une excellente eau de source provenant de la montagne à côté. Nous suivons un camion chargé d’artichauts et de fenouil, puis un autre de branches et de feuilles d’olivier destinées à la confection du savon. Rien ne se perd ! LE TOURISME OLÉICOLE Entre la mi-mai et la mi-juin, l’olivier est en fleurs. À la fin août, les olives ont atteint leur taille définitive. Elles sont de couleur vert cru. Dès qu’arrive l’automne, elles virent au vert tendre, puis au vert pâle. Si on les laisse profiter du soleil, elles se teintent de rose et de mauve pour passer au violet, au brun foncé et au noir. La cueillette se fait en moyenne entre les mois d’octobre et février. Un bon moment pour venir au pays et visiter quelques moulins à huile en activité. Les oliviers poussent sur tout le territoire tunisien.
- Tunisie - Un thé au Café des Nattes
Beaucoup connaissent le Café des Nattes, à Sidi Bou Saïd. On y a tous dégusté un thé à la menthe surmonté d'une bonne quantité de noix de pins. Ou un café turc parfumé à la fleur d'oranger. En d'autres temps ce charmant café tout en hauteur, a vu défiler les peintres Paul Klee, August Macke, Louis Moilliet. Les écrivains André Gide, et Simone de Beauvoir aussi. Il y a deux terrasses à l'extérieur qui permettent de voir le va-et-vient des bateaux sur la mer tout en bas et la vie sur la rue principale qui mène à ce café adoré des touristes. L'intérieur, charmant comme tout, vaut la visite. En ce qui me concerne, c'est entre les colonnes du genre sucre d'orge ou canne en bonbon, bien assise sur une banquette recouverte de nattes rouge et vertes, que j'aime y déguster le fameux thé à la menthe et aux noix de pins. On ne voyage pas en ce moment, mais rien n'empêche de se faire un thé la menthe et d'y ajouter ces fameuses noix de pins en les grillant légèrement avant de les ajouter dans le verre. Et de lire, tient pourquoi pas, le roman Les Faux-monnayeurs d'André Gide... Placé sous la protection d'un saint depuis le 13 è siècle ce petit village tout en bleu et blanc est un plaisir pour les yeux. On y passe facilement la journée à flâner dans les petites rues.
- Tunisie - le fruit qui fait date à Tozeur
Si la jolie capitale du Jérid se visite à l’année, il y a un plus à y aller en automne : la récolte des dattes. Voilà l’occasion de saisir l’énorme travail que nécessite la culture de ce fruit avant d’arriver dans nos magasins d’alimentation. Eh oui, la fameuse Deglet Nour provient entre autres de Tozeur, une ville à l’orée du Sahara bien connue des voyagistes. On dit « entre autres » car le réputé cultivar, natif de la région de Biskra, en Algérie, n’est pas cultivé que dans le nord-est algérien et le sud-ouest tunisien, mais aussi dans tout le bassin méditerranéen ainsi qu’en Californie, là où le climat s’apparente à celui de l’Afrique du Nord. « Je t’explique pour la Deglet Nour algérienne et tunisienne, lance Mohamed Larbi, importateur de dattes au Canada. Avant qu’il y ait frontière, le nomade du Sahara, le Berbère, ne faisait pas la différence entre les dattes algériennes et la tunisienne. Elles avaient le même goût. « Si on regarde la carte géographique, on voit que la région des chotts — grands lacs salés bordés d’oasis — est à califourchon sur les deux pays. Même richesse de la terre, mêmes conditions climatiques. La Deglet Nour, tunisienne ou algérienne, c’est la même datte. » Une origine incertaine Si l’origine du dattier reste incertaine, la plante s’épanouit à merveille dans les oasis sud-tunisiennes. Elle y aurait élu domicile au temps des Phéniciens qui pratiquaient la phoeniciculture, ou culture du dattier. Ils auraient transmis leur science à l’ensemble du bassin méditerranéen. Phoenix dactylifera est l’appellation scientifique du dattier. Le terme « phoenix » proviendrait de « phoinix », nom du dattier chez les Grecs de l’Antiquité, qui le considéraient comme l’arbre des Phéniciens. Ce qui explique le terme « phoeniciculture ». Quant au mot « datte », il est vraisemblablement apparu dans la langue française au XIIIe siècle. Issu du latin dactylus, qui l’a emprunté au grec dactylos (doigt) par allusion à la forme du fruit. En arabe, le nom Deglet Nour signifie « datte de lumière » ou « datte lumineuse ». D’ailleurs, pour en vérifier la maturité, il suffit de l’exposer à la lumière. Si l’on aperçoit le noyau au travers de sa chair ambrée, c’est qu’elle est prête pour la consommation. La ville de Tozeur est de tous les circuits touristiques offerts par les voyagistes qui proposent la Tunisie. Sauf qu’elle est surtout considérée comme une étape avant le désert. Située à 450 kilomètres au sud-ouest de Tunis, on y fait halte pour la nuit et une courte visite de sa palmeraie. La cité vit d’ailleurs au rythme de celle-ci, sa plus grande richesse économique. Cette opulence, Tozeur la doit à l’homme de lettres et de sciences Ibn Chabbat, né ici en 1221. La principale contribution de ce savant qui fut poète, écrivain, imam et cadi : un plan ingénieux destiné au partage des eaux et à l’optimisation de l’irrigation dans les oasis du Jérid. L’oasis de Tozeur couvre plus de 1000 hectares et compte près de 400 000 palmiers-dattiers. On y cultive la Deglet Nour, destinée principalement à l’exportation, mais aussi l’Alig, la Khouat Alig et la Kenta. Depuis des générations, l’oasis nourrit les humains qui y vivent. Une culture étagée « C’est simple, s’il y a une oasis, il y a de l’eau, et s’il y a de l’eau, il y a culture, explique Haman, agriculteur dans la palmeraie de Tozeur. L’oasis traditionnelle présente une culture étagée en trois strates : palmiers, arbres fruitiers et culture maraîchère. L’organisation agricole centrée sur une utilisation raisonnable de l’eau permet une production vivrière importante. » Âgé de 55 ans, Haman grimpe pieds nus au sommet des palmiers-dattiers depuis 44 ans. Aussi bien pour la cueillette des dattes que pour la pollinisation manuelle et l’entretien annuel de cette herbe géante pouvant atteindre 30 mètres de haut. « Le palmier-dattier n’est pas un arbre », précise Haman en montrant du doigt le tronc, qui n’est d’ailleurs pas un tronc, mais un stipe. « La pollinisation consiste à extraire le pollen des palmiers mâles pour le poser sur les régimes des palmiers femelles. Elle se fait par introduction à l’envers des épillets mâles dans l’inflorescence femelle après éclatement des spathes. Un mâle peut fertiliser quelque 200 femelles, et même plus, d’où la prédominance des palmiers femelles dans les oasis. » Au printemps, les premières dattes apparaissent en grappes à la base des feuilles de palmiers-dattiers. Elles sont noires ou vertes. L’été, les fruits atteignent leur taille définitive, se colorent de jaune et prennent leur saveur sucrée. Des sacs sont attachés autour des grappes pour les protéger de la pluie et des insectes et pour éviter que les fruits ne tombent au sol. Lors de la récolte, l’effervescence bat son plein dans la palmeraie. Les cueilleurs grimpent dans les palmiers, libèrent les régimes de dattes de leur sac de plastique, sélectionnent les hampes sur lesquelles pendent les régimes qui seront libérés de leur longue tige et suspendus à une poutre. Commence alors un premier tri. On enlève une à une les dattes de moindre qualité pour ne garder que les meilleures. Plus le tri est sélectif à la base, plus le travail de sélection et de conditionnement à l’usine sera facile. Un dattier contient en moyenne 14 à 15 régimes de dattes. Le palmier-dattier est une plante géante rentable, souligne Haman. « Il sert à une infinité de choses. À la production de dattes, mais aussi au jus de palmier. Ses palmes sont utilisées dans la construction des toits de maisons, dans la fabrication de balais, d’éventails, de chapeaux et de paniers. Elles servent de brise-vent pour se protéger de l’envahissement du sable. Quant au stipe solide et résistant, on en fait des portes décoratives propres à l’architecture traditionnelle de la Tunisie. » Tozeur au rythme lent Changement de décor en entrant dans la vieille ville de Tozeur. Ici, pas de souk tonnant et étourdissant. Le rythme lent de la médina laisse le temps de musarder sans brimades des vendeurs. Le commerce est fait de regards, de sourires, de poignées de mains, d’échanges et de complicité. La disposition géométrique des briques en terre séchée des façades des maisons du vieux quartier Ouled-el-Hadef est remarquable. Le montage suit un dispositif favorisant la maîtrise des températures, une démarche écologique essentielle sous ces latitudes où le mercure peut atteindre 50 °C. Quant aux motifs ornementaux, ils sont inspirés des tapis et de la calligraphie. Sur une placette nimbée de lumière d’or, à l’ombre d’arcades, le Musée des arts et traditions populaires, aménagé dans un ancien marabout, suscite la curiosité. Nous sommes accueillis par Souad, l’unique préposée qui nous présente son musée avec beaucoup de rigueur et une touche d’ironie. Sans prétention, la maison s’organise autour de plusieurs thèmes de la vie au quotidien des gens du désert : vestiges romains, poteries, tapis, couvertures, textes anciens, masques africains, costumes, bijoux, objets usuels et portes arborant différents heurtoirs. À l’étage, un métier à tisser rappelle la vivacité de l’artisanat du tapis « tozeur » de type « kilim », tissé à la main selon des coutumes anciennes héritées des artisanes locales. Souad nous entretient longuement de l’origine des lieux, de la division traditionnelle des pièces et des coutumes diverses. Elle partage sa poésie, chante comme alouette, offre thé et dattes. « La datte n’est pas que nourriture, c’est un remède, explique Mohamed, notre guide. Riche en fer, phosphore, magnésium, lutéine, zéaxanthine, potassium et fibres, elle traite l’anémie, est excellente pour le cerveau, réduit l’hypertension, améliore la vue, diminue les risques d’AVC et élimine les toxines du corps. Et c’est une solution de remplacement au poison [sucre] blanc. » Au café culturel Hoch el-Abbes, le propriétaire Mondher el-Abbes nous parle d’histoire et de traditions culturelles et culinaires en Tunisie. Alors que nous dégustons thé à la menthe et ghraiba à la farine de pois chiches — une pâtisserie ancestrale —, l’homme sort son oud et nous joue un air de l’oudiste et compositeur tunisien Anouar Brahem. Mondher offre des cours de musique à qui souhaite vivre Tozeur en mode slow travel. Article publié dans le Devoir du 21 novembre 2015
- Tunisie - Les oliviers dans le paysage
Entre mer, désert, montagnes et vertes collines, des oliveraies à perte de vue. On parle de 1,8 million d’hectares répartis sur tout le territoire. Environ 82 millions d’oliviers. La Tunisie peaufine ses huiles d’olive depuis la création de Carthage. Visiter le pays en goûtant certaines d’entre elles ajoute un grand plus au voyage. Article publié dans le quotidien Le Devoir du 30 juin 2018 C'est pour assister à la remise des prix du 4e concours national de la meilleure huile d’olive conditionnée, les Tunisian Olive Oil Awards, que je me suis envolée pour la Tunisie. Une occasion inouïe de découvrir des huiles d’exception, fabriquées dans les règles de l’art, dont on ne parle encore que peu dans le monde. Si l’on associe avant tout la fabrication des huiles d’olive de qualité à l’Italie, à la Grèce et à l’Espagne, la Tunisie occupe désormais une place bien loin d’être négligeable. Ce pays de la côte méditerranéenne est l’un des plus grands producteurs au monde. Selon les données de PACKTEC, la structure d’appui aux entreprises de l’emballage et de l’imprimerie chargée de la promotion de l’huile d’olive tunisienne conditionnée, la production s’élève à 340 000 tonnes, et la quantité exportée à 312 000 tonnes. Quant à l’huile conditionnée, l’exportation est de quelque 20 000 tonnes. Dans le magazine en ligne Kapitalis, Cain Burdeau parle d’une « révolution verte qui suit son cours ». « Durant la dernière décennie, la fabrication d’huile d’olive en Tunisie est passée du stade de la production d’une huile d’olive en vrac bon marché destinée à l’exportation vers l’Italie et autres marchés, au palier supérieur de la création et de la valorisation des marques locales indépendantes. » Le travail semble porter ses fruits. Résultat ? Plusieurs marques d’huile d’olive extra-vierge tunisienne ont été primées lors de prestigieux concours internationaux, comme ceux de Tokyo, de New York, de Los Angeles… La Tunisie travaille fort pour faire de son huile d’olive un condiment de qualité, commercialisé en bouteille, avec une origine et des saveurs originales. Et bio. Les olives sont dans l’ADN des Tunisiens depuis la fondation de Carthage par les Phéniciens. Une légende raconte que ce serait la reine Didon — ou Élyssa, soeur du roi Pygmalion (Tyr) — qui fonda la cité. Une huile d’olive tunisienne, la Terra Delyssa, s’est d’ailleurs inspirée de cette légende pour son marketing. En passant, on retrouve assez facilement cette huile extra-vierge bio dans les épiceries de Montréal. On la reconnaît à son étiquette jaune représentant un cheval avec une branche d’olivier en guise de crinière. Au Musée du Bardo, à Tunis, plusieurs mosaïques chantent les louanges de l’olivier au temps des Romains. La remarquable collection du musée, récupérée dans des sites archéologiques dispersés aux quatre coins du pays, dont Carthage, Hadrumète, Dougga, Utique, El Jem, Sousse, Chebba, raconte l’histoire de toutes les civilisations qui ont façonné la Tunisie. Parenthèse. La Tunisie comprend huit sites majeurs figurant sur la liste du patrimoine de l’UNESCO : la zone archéologique de Carthage, la cité punique de Kerkouane, l’amphithéâtre d’El Jem, les médinas de Tunis, Sousse et Kairouan, le site de Dougga et le parc national de l’Ichkeul. Et une douzaine d’autres en attente de le devenir. Toujours est-il que si les Phéniciens, qui entretenaient des liens étroits avec cet arbre, ont apporté l’olivier en Tunisie, c’est sous l’Empire romain que l’oléiculture a pris de l’expansion. Comme l’irrigation et les méthodes d’extraction de l’huile d’olive. Et l’olive a répondu à l’appel : le climat de la Tunisie était parfait pour son développement. La richesse de l’huile d’olive était telle sous les Romains qu’elle a justifié la construction de palais, de villas, d’aqueducs, de cités et du fameux amphithéâtre d’El Jem — le troisième du monde antique, après celui de Capoue et le Colisée de Rome. Puis, il y aurait eu ralentissement de la production d’huile d’olive lors de la conquête arabe, suivi d’une disparition graduelle des oliveraies, les nomades préférant les pâturages. La culture des oliviers reprendra au moment de la colonisation française. L’oliveraie, qui s’étend sur 300 hectares et abrite 15 000 oliviers, niche dans un joli paysage rural vallonné, entre le massif de Zaghouan et la plaine de Bouficha. « Ici, tout est fait manuellement, la cueillette, la trituration, le conditionnement et le stockage », précise Mounir Boussetta, producteur et propriétaire du domaine de Segermès, situé au nord-est de la Tunisie, à une soixantaine de kilomètres de Tunis. « Et toutes les cultures sont certifiées biologiques par Ecocert, depuis 2011 », dit-il fièrement. L’or vert de Segermès « Segermès tient son nom de l’antique ville romaine sur laquelle nous avons construit cette jolie structure en 2015 », explique l’oléiculteur en désignant les vestiges d’une église byzantine. « Les oliviers poussent depuis 1500 ans. Les Romains, les Byzantins et autres civilisations ont récolté, broyé et pressé les olives bien avant nous. » Mounir Boussetta cultive deux variétés d’olives, la chemlali et la chetoui, et l’huile sauvage, résultat du jus du fruit de l’oléastre — un arbre originaire d’Afrique du Nord qui pousse à l’état naturel grâce aux pépins digérés et disséminés çà et là par les oiseaux. Une visite de l’élégant domaine nous enseigne que, pour donner une huile d’olive de bonne qualité (vierge ou extra-vierge), les olives doivent être pressées dans les heures qui suivent la récolte, et le malaxage se fait à froid, entre 25 et 28 °C, et rapidement. « Mon but est de produire un fruité vert, issu de la récolte d’olives en tout début de saison. Ce choix diminue ma quantité d’huile d’olive, mais me garantit en contrepartie une huile d’exception. Je cherche à produire de la qualité, non de la quantité. » Mounir Boussetta a produit, cette année, 50 tonnes d’huile d’olive certifiée bio, qu’il souhaite vendre aux États-Unis en petites bouteilles de 250 ml. Des huiles avec une note parfois fruitée verte ou subtile, parfois amère contribuant à l’équilibre, ou piquante… Les pentes de Ben Ammar Bio El Fahs. Charmant, ce coin de pays situé à une soixante de kilomètres au sud-ouest de Tunis. Des collines vertes, des moutons qui broutent, des cigognes qui nichent sur quasi tous les poteaux le long de la route, des vendeurs d’escargots, des oliveraies… Nous suivons un camion chargé d’artichauts et de fenouil, puis un autre de branches et de feuilles d’olivier destinées à la confection du savon. Rien ne se perd ! Au domaine Ben Ammar, une ferme biologique familiale de 200 hectares située dans la région montagneuse de Jebel Mansour, où l’on produit « Ivlia », une huile d’olive biologique faite d’olives chetoui, nous sommes accueillis par Rawia Ben Ammar, la directrice des ventes, son beau-frère, Chaouki Ben Ammar, et leur assistant, Ali Elborni. Nous avions déjà eu le plaisir de leur serrer la main le soir d’avant alors que le domaine Ben Ammar recevait le premier prix de la 4e édition du concours national de la meilleure huile d’olive conditionnée pour la catégorie de l’huile d’olive au « fruité moyen ». Comme au domaine de Segermès, une huile d’olive d’exception dont les olives auront été cueillies à la main, pour éviter les chocs à cette étape de la fabrication, et pressées à froid dans les heures qui suivent la récolte via des installations — moulin, fûts de stockage en acier inoxydable et laboratoires à la fine pointe de la technologie. « Et tous les déchets sont recyclés », précise Rawia Ben Ammar. « Les peaux d’olive sont transformées en pâtes, les noyaux sont brûlés. Ces déchets bio, bien sûr, seront mélangés à du fumier et transformés en compost pour enrichir la terre. » Le domaine Ben Ammar, certifié bio depuis sept ans, ne baigne pas que dans l’huile d’olive et les olives de table. La famille élève quelque 3000 poules tout-terrain, qui courent en liberté dans un grand champ et ne se nourrissent que de légumes et de graines bio qui poussent sur les terres du domaine. Elle cultive aussi tomates, artichauts et amandes et embouteille une excellente eau de source provenant de la montagne à côté. À quelques kilomètres du domaine Ben Ammar se trouvent les vestiges de l’ancienne cité romaine de Thuburbo Majus, dont l’histoire remonte à l’ère prépunique. L’expression « mérite le détour » est ici très pertinente. Les vestiges de cette ville en pleine campagne donnent la chair de poule. Encore plus lorsque le tonnerre gronde au loin. LE TOURISME OLÉICOLE Entre la mi-mai et la mi-juin, l’olivier est en fleurs. À la fin août, les olives ont atteint leur taille définitive. Elles sont de couleur vert cru. Dès qu’arrive l’automne, elles virent au vert tendre, puis au vert pâle. Si on les laisse profiter du soleil, elles se teintent de rose et de mauve pour passer au violet, au brun foncé et au noir. La cueillette se fait en moyenne entre les mois d’octobre et février. Un bon moment pour venir au pays et visiter quelques moulins à huile en activité. Les oliviers poussent sur tout le territoire tunisien. LES GAGNANTS NATIONAUX DE LA MEILLEURE HUILE D’OLIVE CONDITIONNÉE Catégorie : huile d’olive extra-vierge au fruité moyen 1re place — Société Jazira 2e place — Société Medagro 3e place — Société Tunisian American Olive Oil (TAOOC) Catégorie : huile d’olive extra-vierge au fruité intense 1re place — Société Tunisia Natura – Domaine Ben Ammar Bio 2e place — Huilerie Loued 3e place — Société Bulla Begia
- Tunisie - Le berger, la brebis et le bélier
La curiosité, l’humour, l’ouverture d’esprit et la passion qu’affiche le guide accompagnateur envers son pays contribuent grandement au succès d’un voyage. Mission accomplie, Mohammed ! Et l'histoire du mouton berbère, un grand plus. « Le mouton tunisien est différent des autres », lance au débotté Mohammed, alors que nous sommes à déguster calmos un loup de mer au restaurant Au bon vieux temps, à Sidi-Bou-Said. C’était en mai 2015, au premier jour d’un voyage de deux semaines qui allait nous conduire dans le Sahara, au déploiement du désormais plus grand drapeau du monde, selon le livre des records Guinness : le drapeau tunisien. Et si cet événement fut spectaculaire, ce ne fut rien à côté de petits détails de la vie au quotidien découverte grâce à notre charmant guide. Mohammed est guide touristique national en Tunisie depuis son retour du Québec, où il a séjourné quelques années, le temps de compléter un baccalauréat en génie informatique à l’École polytechnique de Montréal, puis à l’Université McGill. Le peuple québécois, il connaît. Et qu’est-ce qu’il a de spécial, le mouton tunisien, à part d’être bon au goût ? « Il a une queue grasse et le bélier a besoin de l’aide du berger lors de l’accouplement. » Et vlan ! Le ton du voyage était donné ! On ne s’ennuierait pas avec Mohammed. Déjà qu’on avait eu droit à une explication détaillée, à quatre pattes, d’un pan de l’histoire tunisienne inscrite au sol sur une méga et riche mosaïque au musée du Bardo. Il était clair que du mouton tunisien, nous connaîtrions les us et coutumes dans le détail. Mohammed nous promettait une rencontre privée dans la plaine avec le ruminant à queue grasse et aux longues oreilles pendantes. « Oui, une queue pourvue d’une énorme réserve de graisse, explique Mohammed. C’est la race barbarine. Elle est très ancienne et sa principale qualité est sa rusticité. La brebis est capable d’élever son agneau dans un climat et un milieu très défavorables. Elle a une aptitude à pâturer dans des conditions d’extrême chaleur estivale et à supporter la soif. » C’est entre Hammamet et Sousse, dans une plaine parsemée de romarin, d’arbrisseaux et de touffe d’herbes sur fond d’oliviers, que se fit la rencontre avec le berger qui aura la tâche de nous montrer comment s’accouple le bélier avec la brebis quand la queue si grasse devient un obstacle. « Un ménage à trois nécessaire pour assurer la reproduction », précise le guide. Mohammed interpelle le berger, surpris de nous voir là tous les quatre dans ce champ aride, sous un soleil de plomb. Il accepte de se prêter au jeu, amusé par la détermination et la passion du guide et par nos regards quelque peu médusés devant cette situation… d’exception. Puis, le berger se lance à la recherche d’une brebis pas trop effarouchée par le contexte. Mais le troupeau d’une trentaine de moutons fuit. Les ovins sont des animaux peureux et sensibles au stress. Mais le berger reste calme et ne s’ensuit aucun mouvement de panique. Il se nomme Semi et travaille seul. Comme les vols sont fréquents et qu’il n’a pas de chien, il doit être présent auprès de son troupeau. Semi vend les moutons ou simplement la laine. Ce terrain appartient à sa famille. Il est loué pour le pâturage à d’autres gardiens de moutons. Au loin, dans la plaine, nous apercevons une tente berbère. Des nomades bergers y sont installés. Lorsqu’il n’y aura plus d’herbe ici, ils continueront leur route vers le nord de la Tunisie. « La race barbarine aurait été introduite au pays par les Phéniciens dans le millénaire avant notre ère, explique Mohamed. Elle constitue plus de 60 % de l’effectif total des ovins. » Tu ressembles à un évêque, Mohammed, avec ton bâton en forme de crosse. « C’est une houlette, pas une crosse d’évêque ni un sceptre de roi. La partie courbée sert à attraper le mouton par la patte arrière. La canne en bois facilite aussi la marche du pâtre. » Voilà qu’arrive Semi avec une brebis, aussitôt suivi d’un bélier en flamme. Si elle a été difficile à attraper, lui fut facile à coiffer. En moins de deux, il grimpe sur la femelle. Seul hic pour le mâle en rut : la fameuse grosse queue grasse qui est définitivement dans le chemin. Alors intervient le berger, qui aura pris soin, avant l’accouplement, de se couper les ongles de façon à ne pas blesser les organes génitaux du mâle. Sinon, fini, il ne pourra plus s’accoupler. Puis, il pousse la queue grasse de la femelle sur le côté pour permettre au mâle de faire son travail. Tout simple ! Mais cette fois-ci, le bélier de repartir la queue entre les pattes après cette cruelle tromperie. Car aujourd’hui, pas d’oeuvre de chair, ce n’est pas la saison de la reproduction. Juste une mise en scène pour nous montrer l’importance du berger dans la steppe tunisienne. N’empêche que, plus jamais je ne mangerai d’agneau sans penser à la race barbarine à queue grasse, qui transhume dans les plaines semi-arides de la Tunisie, depuis les Phéniciens… Publié le 15 août 2015 dans le quotidien québécois Le Devoir : https://www.ledevoir.com/vivre/voyage/447399/tunisie-le-berger-la-brebis-et-le-belier
- Tunisie - Symphonie en bleu
Virée à travers trente siècles d'histoire et toujours ces tons de bleu magnifique peu importe où l'on se trouve dans ce pays, attachant comme pas possible tant par son histoire que son hospitalité. De la côte au désert via les vallées profondes toujours ce bleu bon pour le moral. Du nord au sud et d'est en ouest, des rives de la Méditerranée aux portes du désert, des milliers de paysages et un nombre surprenant de sites archéologiques. Et encore du bleu. La Tunisie se parcourt en train, à pied, en bus, en auto... ...et à dos de dromadaire Et ce peuple accueillant Partout dans les jardins, les vignobles, dans les hôtels, les restos et les sites archéologiques... . À très bientôt jolie Tunisie. En attendant rien n'empêche de rêver.