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- Québec - Le petit bonheur à vélo
Le circuit du Mont-Rigaud emprunte des routes ancestrales, longe des rivières, relie des champs et des villages. Cent kilomètres à écouter parler les églises, les ponts, les arbres, les vallons. Entre Vaudreuil et Hudson, c'est aussi l'occasion d'aller sur les traces de Félix Leclerc. De quoi ravir les sens et adoucir ce dernier week-end d'août. Libre à chacun de commencer le circuit où bon lui semble, mais le Centre d'information touristique de Vaudreuil apparaît comme un bon point de départ pour cette randonnée à vélo reliant les villes d'Hudson, de Rigaud, de Très-Saint-Rédempteur, de Sainte-Justine et de Sainte-Marthe. Ouvert l'été seulement, on peut y obtenir une foule d'informations sur les activités qui jalonnent cette route. Voici l'avant-dernier week-end, donc, pour profiter des services du centre, qui ferme ses portes le 5 septembre. Le Musée régional de Vaudreuil-Soulanges, où loge ce bureau d'accueil, compte plus de 6500 objets liés à la vie quotidienne de nos ancêtres dans la région. Parmi ces artéfacts, on remarque une des premières guitares de Félix Leclerc, la Cromwell (États-Unis, vers 1950), achetée à Québec (payée en plusieurs versements... ) et qui accompagna le chansonnier à Paris. C'est avec cet instrument qu'il remporta le Grand Prix du disque de France en 1951. Félix Leclerc, qui a habité Vaudreuil avec sa famille après la Deuxième Guerre mondiale, allait à la messe de 11h le dimanche à l'église Saint-Michel-de-Vaudreuil, située juste en face du musée. C'est aussi à quelques coups de pédale de cette église classée monument historique en 1957 que débute le circuit thématique «Sur les traces de Félix Leclerc». On peut faire cette balade à vélo en se procurant le dépliant Flâneries dans le Vaudreuil de Félix, disponible à la bibliothèque municipale, ou encore, si on se sent plus paresseux, profiter de la visite guidée en autocar le samedi 16 septembre de 13h30 à 16h30. Le chemin de l'Anse, entre Vaudreuil et Hudson, longe le lac des Deux-Montagnes. En face, on aperçoit l'église de la ville d'Oka. Bordée de majestueux érables et de maisons opulentes, la route riveraine demeure anglo-saxonne: on en trouve des empreintes tangibles dans l'architecture des demeures et sur les boîtes aux lettres où s'annonce, partout, The Gazette en gros caractères. La plage Sandy Beach, à Hudson, est un secret bien gardé. Après avoir traversé un vaste boisé donnant l'illusion d'être loin de Montréal, qui n'est pourtant qu'à 30 minutes chrono du centre-ville, on atteint une jolie plage de sable, idéale pour le pique-nique. «Ça n'a pas toujours été tranquille comme ça», rappelle Nathalie Lavoie, directrice du Service d'urbanisme de la Ville d'Hudson. «Durant les années 1960, le train déversait des flots de voyageurs venus passer le week-end à leur chalet d'été. Cette plage était noire de monde, toute la région étant un endroit de villégiature pour les Montréalais argentés.» On peut d'ailleurs observer, le long du chemin de l'Anse, de petites maisons qui, jadis, tenaient lieu de résidences estivales. Bien qu'on soit à refaire une beauté à Sandy Beach — aménagement de sentiers pédestres et construction de deux observatoires sur le lac —, la baignade est à vos risques. «Il n'y a pas encore de politique établie à Hudson pour tester la qualité de l'eau», ajoute-t-elle. Rigaud est à coup sûr un point fort de cette randonnée. Après une bonne suée cycliste sur les flancs de son massif, on propose une nuit à l'Auberge des Gallant, située au coeur d'une réserve ornithologique et dont les jardins en cette fin d'août sont magnifiques. Idéal pour le cocooning, l'hôtel offre des soins de santé qui sortent de l'ordinaire, comme le gommage au moût de raisin et l'enveloppement au vin. On dit que les qualités antioxydantes des molécules de vin font merveille sur les rides d'expression et le teint gris... Sur le massif de Rigaud, tout semble conçu pour que le visiteur, cycliste ou non, ne manque pas une scène du spectacle: promenade à la cime des arbres sur des ponts suspendus dans la forêt chez Aventures Arbraska, balade à cheval au Ranch Black Beauty 2003, randonnée pédestre, observation des oiseaux et cabane à sucre en tout temps. Du promontoire du sanctuaire de Notre-Dame-de-Lourdes, même les pèlerins en mal de panoramas seront comblés par la vue imprenable sur la plaine du Saint-Laurent, la montagne d'Oka et la rivière des Outaouais. Avant de reprendre la route de Montréal, une suggestion: un dernier arrêt à la chocolaterie de la Maison du Défricheur, à Très-Saint-Rédempteur, où les propriétaires pourront vous expliquer le processus de fabrication de leur chocolat maison. Précisons que le circuit du Mont-Rigaud n'est pas une piste cyclable complètement isolée de la circulation motorisée. Elle se présente plutôt comme un accotement asphalté le long d'une route secondaire à faible débit et reconnu comme voie cyclable. La Montérégie compte plus d'une vingtaine de ces circuits routiers. En vrac - Cartes et renseignements: 1 866 469-0069, www.tourisme-monteregie.qc.ca. - Renseignements généraux: (450) 377-7676, 1 800 378-7648, www.tourisme-suroit.qc.ca. - Auberge des Gallant: (450) 459-4241, 1 800 641-4241, www.aubergedesgallant.com. Publié dans le Devoir du 25 août 2006
- Laval, Québec - S'amuser au musée pour enfants
Quel enfant ne rêve pas d'être pompier, pilote d'avion, vétérinaire, capitaine de bateau, maîtresse d'école ou actrice, de monter à bord d'une ambulance, de traire une vache ou d'activer une grue ou un marteau piqueur? Le rêve peut devenir réalité le temps d'une visite au nouveau Musée pour enfants de Laval.. Une idée originale, ce musée consacré aux enfants de moins de 12 ans: ça manquait dans la région. Il fallait bien un vérificateur d'impôt, père de quatre jeunes enfants, ennuyé par son boulot, à la recherche de nouveaux défis et doté d'une énergie débordante pour y penser! C'est en visitant le Children Museum de Portland, dans l'État du Maine, que l'idée a germé. «Mes enfants avaient tellement de plaisir à découvrir l'intérieur d'une fusée, à prendre le volant d'un camion de pompier, à se filmer en train de lire un bulletin de météo, à jouer au vétérinaire dans un hôpital pour animaux ou au garagiste dans une station-service et à actionner un marteau piqueur que je me suis dit qu'il était là, le défi: un musée interactif qui permettrait aux jeunes de démystifier le travail de policier, d'ambulancier, de capitaine de bateau, de pilote d'avion ou de chauffeur d'autobus», explique François Joly. Le Musée pour enfants de Laval se donne donc pour mission d'initier les petits aux métiers les plus souvent côtoyés en milieu urbain et à la campagne, à l'école, à l'épicerie, au garage, à la poste ou chez le médecin. En plus de découvrir l'intérieur d'une ambulance, la façon d'actionner les gyrophares et la sirène dans une voiture de la Sûreté du Québec, de prendre les empreintes digitales d'un individu et de mettre de l'essence dans une voiture, on peut aussi pêcher du pont d'un bateau, grimper sur une échelle de corde pour éteindre un feu, retirer de l'argent d'une distributrice, se costumer, se filmer, se regarder à la télévision, se promener dans une grotte préhistorique ou simplement ramasser des oeufs dans un poulailler ou encore traire une vache. Dans le bâtiment de deux étages, qui compte 18 salles dont trois consacrées aux fêtes d'enfants, on passe d'un métier à l'autre et de découverte en découverte. Si une place importante est accordée à l'imagination et aux jeux de rôles, la participation des parents est importante afin que la démarche d'apprentissage soit une réussite. Il ne faut donc pas perdre de vue que l'endroit est un musée, à la différence que là, les enfants vont pleurer pour rester et non pas pour partir. - Musée pour enfants de Laval, www.museepourenfants.com. Publié dans le Devoir du 30 juin 2006
- Livre - Le Québec des guides
Coincé dans un sac à dos, ballotté à dos de cheval, trempé par la pluie, feuilleté jusqu'à la lie, le guide de voyage a parfois la vie dure. Mais pas autant que son utilisateur au moment de le choisir : il en existe tant sur les tablettes qu'on s'y perd un peu. Du Routard au Gallimard en passant par Le Petit Futé, Lonely Planet, Michelin et Ulysse, lequel de ces complices choisir pour découvrir le Québec cet été ? «Ça dépend, répond la libraire Annie Gilbert, chez Ulysse. Si on part en voyage organisé, je conseille un guide qui concentre son information sur l'histoire et la découverte du patrimoine naturel et culturel comme le Guide vert Michelin ou l'Encyclopédie du voyage de Gallimard, agréables à feuilleter et précis dans leurs descriptions de monuments et de beaux sites. Quant au voyageur indépendant, il aura plutôt besoin d'un guide pratique avec les clés essentielles pour découvrir une région, des cartes pour se repérer, des adresses où manger et dormir et des conseils.» Mille et une raisons influencent le choix d'un guide : l'information culturelle et pratique, le poids, la largeur, le format qui tient bien dans une poche ou se tord dans tous les sens, la destination et le point de vue sur la culture du pays. L'approche d'un guide français est bien différente de celle d'un guide anglo-saxon ou québécois. «Par exemple, explique la libraire, je conseille presque toujours Le Routard ou le Lonely Planet aux aventureux et aux voyageurs moins fortunés qui souhaitent explorer l'Europe, l'Asie ou l'Australie.» Si ces deux éditeurs ont chacun publié un très bon guide sur le Québec, le spécialiste de la région, c'est Ulysse. L'éditeur en propose plus d'une vingtaine de titres. Par contre, si vous avez des visiteurs de France, rien ne vous empêche de leur offrir Le Québécois pour mieux voyager, du même éditeur, un petit guide amusant pour apprivoiser le français tel qu'on le parle ici, avec ses archaïsmes, ses régionalismes, son accent et ses expressions savoureuses. Aussi, le Routard sur le Québec, plein d'anecdotes rigolotes qui nous permettent d'apprendre à rire de nous-mêmes. Et en matière de restaurants, il a l'heure juste. - Rédigées par deux motocyclistes mordues, Hélène Boyer et Odile Mongeau, Le Québec à moto (Ulysse) propose une quarantaine d'itinéraires avec des suggestions de haltes pour les visites, les repas et l'hébergement. On y parle de sécurité, d'équipement et d'historique de la pratique de la moto au Québec. Un ouvrage original et plein d'humour. - Le Québec accessible (Ulysse) est un outil précieux pour les personnes à capacité restreinte. Produit par Kéroul, un organisme québécois voué à la promotion du tourisme pour personnes à capacité restreinte, l'ouvrage présente 1000 établissements et sites évalués selon les critères d'accessibilité de Kéroul, ainsi qu'une vingtaine de cartes géographiques. - Le Guide du plein air au Québec (Ulysse). Voilà un outil de référence indispensable pour les hyperactifs. On y découvre, en idées et en images, les plus belles destinations du Québec, 12 mois par année. Plus de 450 destinations pour la marche, le kayak de mer, le canot, le ski de fond, le cyclotourisme, la raquette, l'escalade, une centaine de sorties éclairs près de Montréal et Québec, une centaine de lieux pour aller avec son chien... - Le Cyclotourisme au Québec (Ulysse) propose 19 circuits à vélo sur les petites routes de campagne du Québec. En plus d'une introduction sur l'histoire du cyclotourisme au Québec, on retrouve dans le texte des détails techniques pour préparer son voyage et des renseignements touristiques. - Délices et séjours de charme au Québec (Ulysse). De l'hôtel traditionnel à l'auberge sympathique, ce guide, plutôt bien décrit, propose des centaines d'adresses pour manger et se loger dans toutes les régions du Québec. Avec Gîtes et auberges du passant et Le Québec, il ne vous reste plus qu'à demander une année sabbatique ! Publié dans le Devoir du 24 juin 2006
- Livre - La planète des îles
Professeurs chercheurs en biologie marine et en océanographie, inséparables dans la vie professionnelle comme privée, Annie Mercier et Jean-François Hamel avaient le projet d'un voyage au long cours sur la planète. C'est le résultat de leurs pérégrinations qu'on retrouve dans « Îles - Paradis d'ici et d'ailleurs » publié aux Éditions de l'Homme, un ouvrage en belles images agrémentées d'anecdotes et de courts textes informatifs. «Les îles alimentent le rêve, réveillent l'histoire et piquent la curiosité», disent les deux scientifiques qui se transforment à l'occasion en reporters-photographes. L'immensité continentale n'ayant pas provoqué le coup de foudre espéré, en revanche ils ont fortement ressenti l'appel de l'océan plus habile avec ses îles, atolls, îlots à peine visibles, pics volcaniques, barrières de corail. Les îles leur furent terres d'accueil et d'accomplissement pendant plusieurs années dans les Salomon ou les Marshall, au milieu du Pacifique, inondées de soleil. Pourquoi pas l'Atlantique ? se sont-ils demandé ? Et les voilà partis pour un tour de la planète des îles, y compris le Canada, qui compte un si grand nombre de ces «grains de beauté» que le pays a cessé de les dénombrer. «Nous souhaitons amener le lecteur à la découverte de 11 fascinants havres insulaires dans l'Atlantique, le Pacifique et l'océan Indien», disent les auteurs, rattachés à l'Ocean Sciences Center de l'Université Memorial à Terre-Neuve. Le bel ouvrage de 175 pages est né de leurs activités scientifiques et de leur passion pour la photographie, la plongée sous-marine et le voyage. L'île de Vancouver, les îles de la Madeleine, le Petit Mécatina ou Grand Mana sur la Basse Côte-Nord, les Açores, les îles Galapagos, la Guadeloupe, les Laquedives, Bornéo, les îles Salomon... Au fil des onze chapitres, on découvre des sols broussailleux, sablonneux ou totalement minéraux avec leurs montagnes, leurs volcans, leurs rivières, leurs plages noires, leurs rivages de corail, leurs peuples, leurs animaux et leurs plantes. Et dans l'eau, de belles créatures dont on ignorait l'existence. Chaque île y va d'une anecdote à saveur historique, d'un texte plus informatif qui invite au voyage et d'un point de mire qui caractérise la destination. Au chapitre sur l'île de Vancouver, ce sera la plus grosse limace du monde, la limace «banane» qui peut mesurer jusqu'à 25 centimètres de longueur et trois centimètres de diamètre ; sur l'île de Bornéo, ce sera ces insectes inusités qui peuplent la forêt pluvieuse ; ou au chapitre des Laquedives, les montagnes tapissées de plantations d'épices qui cachent le tigre de Bengale et l'éléphant d'Asie ; ou encore l'histoire des maisons de couleur des îles de la Madeleine. Un livre sur papier glacé qui donne le goût de tout planter là, de faire ses bagages et de mettre le cap sur l'une ou l'autre des îles racontées par Annie Mercier et Jean-François Hamel ou des 9000 îles répertoriées et habitées du globe terrestre, selon les dernières estimations. Publié dans le Devoir du 27 mai 2006
- Pologne - Cracovie, la cité éternelle
Publié dans le Devoir du 22 avril 2006 Ville mythique aux cent églises, ville ancienne avec ses façades à l'italienne, ses musées et ses palais somptueux, ville jeune et vivante, ville artistique où se perpétue la tradition viennoise des cafés littéraires, ville «vraie» au passé marqué par les guerres, petite ville à échelle humaine... On le voit, Cracovie mérite bien qu'on lui rende visite. Prosze bardzo! Depuis la tour de l'église Notre-Dame, sur la place du Marché, un trompettiste invisible joue un air nostalgique. Puis, la fanfare s'arrête brusquement, comme si le trompettiste était à bout de souffle. C'est le son du hejnal, en souvenir de la sentinelle qui a tenté, du haut de la tour de guet, d'avertir la population de l'approche des Tartares en soufflant de toutes ses forces dans une trompette. Mais l'ennemi a été plus rapide que lui et une flèche lui a transpercé la gorge dès les premières notes. C'était en 1241, seul moment dans l'histoire où Cracovie a été saccagée. Depuis, toutes les heures, le hejnal est lancé en direction des quatre points cardinaux de la plus élevée des deux tours de la basilique. Il est aussi transmis en direct à travers la Pologne, chaque jour à midi, sur les ondes de la station de radio Jedynka. Il est clair que le pays aime se souvenir. Les Cracoviens disent que leur ville doit sa survie à sa grande beauté. C'est vrai. Depuis les temps médiévaux de sa naissance jusqu'à l'ère numérique du troisième millénaire, l'ancienne capitale polonaise a réussi à résister aux attaques des Tartares au XIIIe siècle, des Suédois au XVIIe siècle, des Autrichiens au XIXe siècle, puis des nazis et des communistes au XXe siècle. Les envahisseurs ont toujours préféré l'habiter que la détruire. «Maintenant, ce sont les touristes qui l'envahissent», plaisante Janusz, étudiant, devant la statue du poète Adam Mieckiewicz, le point de rendez-vous sur la place centrale. Cracovie est située au coeur de l'Europe, ce qui n'a certes pas aidé à assurer son intimité. Imaginez un voisin traversant chaque fois votre jardin pour aller au dépanneur. Et comme vous offrez peu de résistance, il cueille vos roses, piétine vos plates-bandes et, tant qu'à y être, égorge votre canari au passage! C'est un peu ça, l'histoire de la Pologne. La ville a ceci d'extraordinaire qu'elle s'est toujours relevée de ses guerres et, chaque fois, elle a repris sa position de plus jolie ville de Pologne. Si belle qu'en 1978, l'UNESCO l'inscrivait sur la liste du Patrimoine culturel mondial. Depuis, la «ville éternelle» cultive ses styles avec bonheur. Chaque maison ancienne est construite sur les ruines d'une autre encore plus ancienne. Les fresques baroques cachent des peintures gothiques peintes sur des bribes de décorations romaines. Mieckiewicz la surnommait la «Rome des Slaves». La vieille ville est entièrement piétonne depuis les années 70. «Vous comprenez, explique Ewa, notre guide, on veut protéger l'architecture de la pollution causée par les émanations de fumée des voitures mais aussi de la fumée provenant des cheminées des usines d'acier du quartier voisin, Nowa Huta, héritage de la domination soviétique. Au début des années 50, les Russes ont construit cette horrible cité ouvrière, à dix kilomètres de la ville historique, dans le but précis de contrebalancer le poids des intellectuels capitalistes hostiles à leur politique. Les façades des bâtiments étaient si noires qu'on ne pouvait même plus voir les magnifiques ornements sur les façades des monuments.» Ewa n'avait que six ans au moment de la chute du mur de Berlin. Bien que ses souvenirs soient vagues, elle revoit les interminables queues qui se formaient pour acheter de la viande, des légumes et des fruits quand il y avait des arrivages. Tout cela est maintenant relégué aux oubliettes, même si le pays est encore victime de l'inflation. Les bâtiments retrouvent peu à peu leur couleur d'antan, les comptoirs d'alimentation sont bien garnis et on mange à sa faim. La ville vit et s'amuse, tournée vers l'avenir. Sur la place centrale, Rynek Glowny, un homme déguisé en Tartare, retient l'attention des touristes, une vieille dame en manteau de laine et béret de feutre de couleur s'arrête pour parler à la vendeuse de bretzels debout derrière son inventaire ambulant, des groupes d'écoliers apprennent sur place l'histoire de leur ville, des musiciens de rue jouent de l'accordéon, du violon ou du violoncelle, ce qui donne à la place un air de fête constant. Sans tuyaux d'échappement, on capte mieux les odeurs du barszcz et du bigos, deux mets typiques de la cuisine polonaise, qui s'échappent des restaurants. Le Rynek Glowny est décidément l'âme de la vieille ville, une des plus grandes places léguées à l'Europe par le Moyen Âge. Au centre, la Halle aux draps (Sukiennice), symbole de la tradition marchande de la Cracovie médiévale, continue de poursuivre ses activités commerciales, mais avec les touristes. Les arcades actuelles, ajoutées au XIXe siècle au bâtiment de style Renaissance, abritent une quantité de petites boutiques de souvenirs. Parmi les articles à rapporter, suggérons les bijoux d'ambre et les pantoufles de feutre brodées. Et tant qu'à magasiner dans les Sukiennice, une visite à l'étage au Musée de la peinture polonaise du XIXe siècle est le moment idéal pour se familiariser avec les grands noms polonais comme Jana Matejko, Malczhewski, Gierymski, Chelmonski, Witkacy... Quant aux monuments, l'imposante église gothique Notre-Dame vaut plus qu'une petite visite. Construite au XIVe siècle sous la protection des grandes familles cracoviennes — Wierzynek, Boner, Montelupi, Cellari —, la basilique possède un ameublement intérieur dont la valeur est inestimable. Entre autres, le monumental retable sculpté dans du bois de tilleul par l'artiste allemand Weit Stoss au XVe siècle est une pure merveille. Les sculptures atteignent parfois trois mètres de hauteur. Pour voir avec quelle précision le maître d'oeuvre a sculpté les muscles tendus des bras et les rides sur les visages des personnages, il faut toutefois visiter l'église l'après-midi, seul moment de la journée où le retable est ouvert. Un incontournable: la colline du Wawel, face à la Vistule. Centre politique et administratif de la Pologne pendant plus de cinq siècles, le château qui se présente comme un magnifique palais italien de la Renaissance a servi de résidence aux souverains de la Pologne à partir du milieu du XIe siècle jusqu'au début du XVIIe siècle. Son aspect actuel date du règne d'Alexandre Jagellon et de Sigismond le Vieux. Même après le transfert de la capitale à Varsovie, en 1596, rois et princes, poètes et héros ont continué de se faire enterrer dans la cathédrale, devenue au fil des siècles un véritable chef-d'oeuvre de la Renaissance. Une collection de tapisseries flamandes liées à l'histoire du Wawel orne les murs du château. Après le troisième partage de la Pologne, vers la fin du XVIIIe siècle, la Russie en a eu la garde temporaire. Lors de la Seconde Guerre mondiale, c'est le Canada qui les a abritées. En marchant vers la Vistule, on arrive bientôt dans le quartier de Kazimierz, aussi inscrit par l'UNESCO sur la liste du Patrimoine mondial de l'humanité. La rue Josefa mène vers ce qui fut pendant six siècles le quartier juif de Cracovie. Avant la guerre, on dénombrait à Krakow plus de 68 000 Juifs; 2000 ont survécu. Le quartier vidé de la plupart de ses habitants par l'Holocauste, puis abandonné aux plus démunis de la société pendant les 40 années de communisme, reprend peu à peu des couleurs, en partie grâce au tournage du film La Liste de Schindler, de Steven Spielberg, qui l'a triomphalement tiré de l'oubli. Si les façades décaties sont encore nombreuses, la restauration de maisons laisse entrevoir des lendemains meilleurs. Kazimierz est en train de devenir un des quartiers branchés de la ville et plusieurs agences de tourisme l'ont inscrit dans leurs brochures. Au numéro 24 de la rue Szeroka, la Vieille Synagogue Renaissance en brique rouge domine à côté du plus vieux cimetière juif d'Europe. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les nazis ont transformé ce cimetière en dépotoir, explique Ewa. Ils ont également utilisé les pierres tombales pour refaire le pavé. Les tombes qui n'ont pas pu être reconstituées ont été cimentées dans un mur dit «du souvenir». Chaque pierre, chaque brique suinte le passé. Un dîner à l'hôtel-restaurant Klezmer-Hois est une expérience en soi. Sis dans un ancien bain rituel (mikveh), le restaurant est la reconstitution d'un appartement des années 1930. Vous avez le choix: le salon de thé ou la salle à manger. Sur les murs, des portraits d'ancêtres; sur les tables, des bougies et des lampes d'époque qui mettent en valeur l'âge des nappes de dentelle. Le soir, dans la salle à manger, on y joue de la musique klezmer typique de l'entre-deux-guerres. Le canard à l'orange est tout simplement divin! La fraîcheur automnale de novembre apparaît comme un bon prétexte pour découvrir les bistros. La place du Grand Marché (Rynek Glowny) et les rues adjacentes de la vieille ville comptent des dizaines de cafés. Allez donc savoir pourquoi le chocolat chaud, le thé brûlant et la vodka glacée ont meilleur goût dégustés dans un donjon, une cave, une grotte ou une caverne éclairés à la bougie! Petit conseil: le café Jama Michalika, au 45 de la rue Florianska. L'élite artistique du début du XXe siècle avait l'habitude de s'y réunir. Verrières, vitraux art déco, murs tapissés de caricatures et de peintures décadentes... L'ambiance y est intimiste et le sernik (gâteau au fromage) pas mauvais du tout. Mille et une choses encore... Une randonnée de quatre kilomètres dans le parc Planty, un espace vert aménagé à la place des remparts et des fossés qui entouraient la vieille ville, est idéale pour mieux comprendre la topographie de Cracovie et découvrir les monuments et les fortifications médiévales; une virée au Collegium Maius, le coeur historique de l'université Jagiellonski, où Nicolas Copernic et le pape Jean-Paul II ont été étudiants; un saut au musée Czartoryski pour aller admirer la Dame à l'hermine de Léonard de Vinci. Bref, toute une vie ne suffit pas pour découvrir les joyaux de cette ville millénaire, sans compter que la cité éternelle est la porte d'entrée d'une douzaine d'escapades, chacune avec sa propre histoire. Notons par exemple les mines de sel de Wielicka, également inscrites en 1978 au Patrimoine mondial de l'UNESCO, à dix kilomètres au sud-est de Cracovie: 300 kilomètres de galeries sur neuf niveaux, d'une profondeur de 327 mètres. Ou encore le camp de concentration d'Auschwitz, qui ne laisse personne indifférent. En vrac - Je recommande l'hôtel Pod Roza pour qui veut vivre l'ambiance d'un hôtel de charme dans le centre-ville historique. Les seuls bruits que l'on entend de sa chambre sont ceux des pas des piétons sur la dalle et du trompettiste du haut de sa tour de guet. Le petit-déjeuner est copieux et digne d'une table de rois... polonais. (011-48 12) 424-33-00, www.hotel.com.pl. - Trois restos: restaurant Wierzynek, sur la place centrale. Le premier repas y a été servi en 1364 à l'occasion d'une conférence au sommet des monarques invités par Casimir le Grand; toujours dans la vieille ville, le restaurant Pod Aniolami, sur la rue Grodzka, qui mène de la place centrale au château Wawel. Un dédale de petites caves transformées en une ferme reconstituant l'art de vivre campagnard, ce resto rend bien hommage à la cuisine du terroir polonais; dans le quartier Kazimierz, le restaurant Klezmer-Hois pour l'ambiance de vieille carte postale d'avant-guerre, pour la musique klezmer et pour la carte d'inspiration juive. *** Renseignements - Consulat polonais, 1500, av. des Pins Ouest, Montréal. (514) 937-9481. - www.pologne.gov.pl - www.krakow.pl - www.visite-cracovie.com
- Québec - Ski Saguenay - Un secret bien gardé
Publié dans le Devoir du 18 février 2006 On associe aisément le Saguenay-Lac-Saint-Jean aux bleuets, aux bélugas et au fjord plutôt qu'au ski alpin. Erreur! La région compte sept stations, dont trois d'envergure: Le Valinouët, Mont Lac-Vert et Mont-Édouard. Et, côté neige, le territoire n'est pas au centre des interrogations: on est dans de la poudreuse, à l'infini. À Montréal, c'est le déluge. Pendant que la télé diffuse des images apocalyptiques de la métropole sous la pluie verglaçante — rues et trottoirs de glace, piétons qui peinent à rester debout, voitures qui partent dans le décor, avions cloués au sol — et que les météorologues s'interrogent sur l'avenir de la neige au Québec, à Saint-David-de-Falardeau, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, il neige abondamment. Les trois derniers jours, dans les monts Valin, 75 centimètres de poudre fraîche sont venus s'ajouter aux quatre mètres déjà tombés depuis novembre. Et les flocons continuent de s'accumuler. La quantité de neige: voilà ce qui distingue cette région située à cinq heures de route de Montréal. Alors qu'on croit tomber en hiver sur un territoire calme, sachant les bélugas au repos et les bleuets sous six mètres de neige, on découvre au contraire un coin de pays dynamique qui vit pour ses sports d'hiver: ski alpin, raquette, descente sur chambre à air, traîneau à chiens, ski de randonnée, pêche blanche... Ainsi, par un après-midi ensoleillé, on peut se retrouver assis à côté d'un poêle à bois, dans une petite maison colorée déposée dans la baie des Ha! Ha!, à pêcher la morue et le sébaste. La fiabilité de la neige y est telle que même les policiers de la Sûreté du Québec spécialisés dans les sauvetages en forêt ont adopté la station de ski Le Valinouët, à une heure de Chicoutimi, comme lieu d'entraînement annuel. C'est donc dans la poudreuse jusqu'à la taille qu'ils apprivoisent l'usage de la motoneige en territoire escarpé et boisé. «Je n'ai jamais tant sué de ma vie», raconte un agent de Montréal qui en était à sa première expérience hors des sentiers battus. Même Bombardier a choisi les flancs des monts Valin pour procéder aux essais de ses prototypes de motoneige. Cela étant dit, l'endroit est idéal pour la pratique du ski alpin, un secret d'ailleurs bien gardé dans la région. On dénombre sept stations entre La Baie et Alma, en passant par Héberville: Monts-Bélu, Villa Saguenay, Fortin, Club Tobo Ski, Lac-Vert, Mont-Édouard et Le Valinouët. Des montagnes sauvages avec des dénivelés pouvant atteindre 450 mètres, soit deux fois la hauteur du mont Saint-Sauveur. Et de la poudreuse à l'infini! «C'est vrai, on connaît les Laurentides, la Montérégie, la région de Québec mais très peu le Saguenay-Lac-Saint-Jean comme destination de ski alpin», dit Ève Boissonnault, auteur du guide Ulysse Ski alpin au Québec et rédactrice en chef du journal Ski Presse, qui avoue avoir elle-même découvert la région l'année dernière alors qu'elle explorait le Québec pour son livre. «L'endroit m'a immédiatement séduite par le pittoresque des paysages, la quantité de neige, la variété des pistes, les dénivelés et l'accueil.» Là-bas, pas d'usines à skieurs, rien de chromé. Que des stations à l'échelle humaine, plutôt familiales qu'élitistes, sans kitsch ni tape-à-l'oeil, fréquentées surtout par une population locale mais accessibles à tous, selon les ambitions: on peut aussi bien sauter un pitch et apercevoir le lac Saint-Jean, dévaler un raide couloir dans la poudreuse jusqu'au genoux ou pratiquer son télémark face au fjord que se prélasser à la terrasse d'un chalet en sirotant un chocolat chaud ou une bière locale dans une ambiance festive. Notre première glisse s'est effectuée en compagnie de Laurier, au Mont-Lac-Vert, dans la municipalité d'Héberville, à 25 minutes au sud d'Alma. Du sommet de ses 240 mètres face au lac Saint-Jean, l'endroit se targue d'être la plus haute montagne éclairée du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Mine de rien, ce petit centre doté de 16 pentes et de deux sous-bois, qui fête cette année ses 30 ans, reçoit plus de 75 000 visiteurs en saison. Laurier est cuisinier à l'Auberge des Îles l'été, il enseigne la cuisine à Alma l'automne et le ski alpin l'hiver. L'homme incarne le dynamisme et l'esprit créateur des gens du coin. «La cuisine mène partout, dit-il en souriant, même sur les pistes de ski. Dévaler les montagnes est ma façon de relaxer entre deux cours et ça me permet de rencontrer des gens.» Non seulement il m'a initiée aux virages skis parallèles et épaules dans l'axe de la pente, mais il m'a aussi enseigné à reconnaître un merisier d'un hêtre, un pin d'un sapin. J'ai aussi appris qu'il existe neuf fromageries autour du lac Saint-Jean, de même que des élevages de wapitis, et qu'on peut manger de la tarte aux bleuets même en hiver. Classé beau village Au Mont-Édouard, dans la municipalité de l'Anse Saint-Jean — classée parmi les plus beaux villages du Québec —, à proximité du fjord, il n'y a qu'un seul versant et toutes les pistes arrivent au même endroit. Bien que le terrain skiable ne soit pas le plus facile de la région, la station semble tellement sécuritaire que les parents n'hésitent pas à y déposer leurs jeunes pour ne revenir les chercher qu'à l'heure du repas. Mont-Édouard se distingue par sa belle poudreuse, son choix de pistes, sa pratique du télémark reconnue mondialement, son dénivelé de 450 mètres qui en fait la septième montagne la plus élevée du Québec et ses forfaits familiaux. Par exemple, les jeunes de moins de six ans skient gratuitement. Les amateurs de raquette peuvent aussi emprunter une douzaine de kilomètres de sentiers balisés qui mènent vers des panoramas à couper le souffle. Le circuit rejoint également un réseau de sentiers de ski hors piste de plus de 50 kilomètres. L'origine de Mont-Édouard constitue une histoire en soi, et Dieu sait si on aime raconter des histoires au Saguenay! En 1989, afin d'appuyer l'implantation du centre de ski, quelques fervents de la région ont manifesté en bloquant des routes. «Même le curé de la paroisse s'est mis de la partie en observant une grève de la faim, raconte Hélène Gauvreau, directrice générale de la station. D'ailleurs, c'est probablement à la suite de ces événements qu'une piste a pris le nom de Délinquante. «Puis, une souscription populaire a été lancée auprès de toutes les municipalités environnantes pour favoriser la construction de la station.» Ainsi, des pistes ont été baptisées du nom de ces villes, comme L'Otisienne (Saint-Félix-d'Otis), La Chicoutimienne (Chicoutimi), ou La Saguenoise (Petit-Saguenay). On skie aussi sur La Passe des Roches, La Tableau ou L'Éternité. Une dénomination qui rappelle fièrement la région des fjords. La route du Fjord Pour les skieurs qui souhaitent aussi découvrir la région, il y a un itinéraire sympathique appelé «route du Fjord» qui suggère toute une panoplie d'activités éducatives, artistiques, gastronomiques et bien sûr de plein air à savourer à chacune de ses étapes. La route passe entre autres par Petit-Saguenay, L'Anse-Saint-Jean, Rivière-Éternité, Saint-Félix-d'Otis, La Baie et Saint-Fulgence. Depuis ce village, il n'y a plus que quelques kilomètres avant d'atteindre Le Valinouët, à Saint-David-de-Falardeau. Le centre de ski situé sur le massif des monts Valin est recouvert à 100 % de poudreuse naturelle. Sur les pistes, pas l'ombre d'un canon à neige. Du haut de ses 350 mètres, le paysage est magnifique avec son enfilade de montagnes enneigées à perte de vue. «Je vous jure que si vous ne skiez pas dans la poudreuse jusqu'aux genoux pendant votre séjour, nous vous remboursons», promettent Lise et Vincent Cayouette, propriétaires du Gîte Passion Québec niché au pied du centre, dans le village alpin. «Le Valinouët est le seul endroit au Québec qui garantit de la neige de novembre à avril. C'est le premier à ouvrir et le dernier à fermer. Et lorsque la station ferme, en avril, ce n'est pas par manque de neige mais par manque de clientèle.» Le Valinouët doit constamment relever le défi de ses quatre pistes à bosses, qui sont naturelles contrairement à d'autres centres. Sinon, il compte 27 pistes de toutes catégories, réparties sur deux versants. À l'heure où vous lisez ce texte, il est déjà tombé cinq mètres de neige et les conditions sont exceptionnelles, rapporte Stéphane Leblond, directeur du marketing. Et pour les grands amateurs de raquette, un parcours de huit kilomètres permet d'aller à la conquête des «momies», ces arbres recouverts de neige aux allures de fantômes. Et le voyage ne sera complet que si vous goûtez à la fondue chinoise d'oie sauvage, de sanglier, de wapiti et de canard de Lise. Ce soir-là, tout le monde a le sourire! En vrac - TourismeSaguenay-Lac-Saint-Jean: 1 877 BLEUETS, www.saguenaylacsaintjean.net. - À lire: Guide Ulysse, Ski alpin au Québec, Ève Boissonnault. - Mont-Lac-Vert: (418) 344-4000, www.montlacvert.qc.ca. Auberge Presbytère Mont Lac-Vert: (418) 344-1548, www.aubergepresbytère.com. - Mont-Édouard: (418) 272-2927, www.montedouard.com. Les Gîtes du Fjord: 1 800 561-8060, www.lesgitesdufjord.com. Auberge des Cévennes: 1 877 272-3180, www.auberge-des-cevennes.qc.ca. - Le Valinouët: 1 866 260-8254, www.valinouet.qc.ca. Chalets Passion-Québec: (418) 673-1001, www.passionquebec.qc.ca. - Pêche blanche sur le fjord: parc de la Nordicité, (418) 544-4801, www.iquebec.com/marinadevilledelabaie.
- L'État de New York
Publié dans le Devoir du 8 octobre 2005 L'itinéraire Lakes to Locks Passage raconte l'histoire de la plus vieille voie d'eau commerciale de l'Amérique du Nord, entre le canal de Chambly et le canal de Champlain. Plus de 400 kilomètres de route, riche en paysages d'une exceptionnelle beauté. Un circuit qui cache de véritables trésors culturels: écluses, forts, musées, artisans et, à ce temps-ci de l'année, le spectacle coloré des feuilles. Un beau bol de culture, de nature, d'aventure. En parcourant l'itinéraire Lakes to Locks Passage, je me suis revue petite fille avec ma grand-mère, le dimanche après-midi, quand la voiture familiale prenait la direction des écluses de Chambly. La grande sortie de la semaine! Les circuits touristiques n'existaient pas encore et nous allions voir le fonctionnement d'une écluse lorsqu'une embarcation s'y engage. Mais jusqu'où pouvaient bien aller les bateaux? Ce voyage m'a appris qu'ils pouvaient se rendre aussi bien à Lacolle qu'à Plattsburgh ou Albany, en passant par le Richelieu, le lac Champlain, la rivière Hudson... C'est simple, ce réseau de voies d'eau, découvert par Samuel de Champlain et parcouru depuis belle lurette par les Amérindiens, relie Montréal à New York, et plus encore. Sauf qu'au niveau des passages qui imposaient jadis de laborieux portages, on a construit des canaux pour contourner les obstacles. Le canal de Chambly relie le fleuve Saint-Laurent au Richelieu, celui de Champlain au lac Champlain puis à la rivière Hudson. Lakes to Locks Passage se parcourt aussi sur terre, en auto, en train, à vélo. Un bref instantané de l'évolution sur Lakes to Locks Passage... D'abord, il y a les glaciers, puis les mastodontes et les castors géants qui ouvrent des sentiers entre les points d'eau. C'est ensuite au tour des canards et des oies de survoler la région vers leur longue migration apportant nourriture au printemps et à l'automne. Arrivent les Amérindiens, chasseurs d'oies et de canards, qui établissent des chemins le long des cours d'eau. Et enfin les Blancs, en quête de nouveaux territoires, formalisent des voies navigables pour le commerce. Plus tard, le chemin de fer longera la voie d'eau, puis la route le chemin de fer, et les pistes cyclables la route. Aujourd'hui, ces axes sont empruntés par des milliers de touristes. Voyant là un bel attrait, l'État de New York a décidé de créer un circuit thématique, le Lakes to Locks Passage, une route de 400 kilomètres le long du lac Champlain, du lac George et de la rivière Hudson, entre Rouses Point et Albany, au coeur des Adirondacks. Au fil des forts, des musées, des rencontres, l'histoire de la colonisation américaine et canadienne apparaît de plus en plus claire. Une histoire marquée par de grands conflits. On passe facilement sur cette route une journée, un week-end, une semaine, un mois. L'itinéraire abrite de coquets villages, des épiceries conviviales, des marinas pittoresques, des fermes à l'allure de Playmobil. Des paysages grandioses qui mêlent le bleu de l'eau au vert des champs, avec pour toile de fond d'imposantes montagnes. Le circuit Lakes to Locks Passage fait partie du programme américain The National Scenic Byways Program qui totalise 96 routes thématiques dans 48 États. Scott, notre guide, affirme que ce circuit est l'un des plus beaux du réseau. Le programme Byways est le résultat d'une collaboration entre le ministère des Transports américain et les communes rurales pour préserver le patrimoine. L'État de New York et Tourisme Québec envisagent le prolongement du circuit vers le Québec. L'histoire de cette voie d'eau y prend en effet ses racines, ce qui explique que l'excursion débute à Sorel. Et nous voilà au confluent du fleuve Saint-Laurent et de la rivière Richelieu, dans les marais de l'archipel du lac Saint-Pierre, reconnu par l'UNESCO comme réserve de la Biosphère: 288 espèces d'oiseaux, la plus importante héronnière d'Amérique du Nord, la première halte migratoire printanière de l'oie des neiges, 27 espèces de plantes rares comme, entre autres, l'arisème dragon, indique notre guide. Dans la brume du matin, sur les canaux aussi lisses qu'un miroir, on croit voir surgir à chaque virage le Survenant. Cap sur le fort Chambly, situé sur les bords de la rivière Richelieu, au pied des rapides du même nom. L'imposante construction de pierres, datant de 1711, s'inspire des fortifications françaises. Le fort protégeait la Nouvelle-France des attaques anglaises. Témoin important des bouleversements de l'histoire et de la présence française en Amérique du Nord, il est le premier fort rencontré qui, ajouté aux autres le long du circuit, permettra aux visiteurs de mieux saisir ce qu'ont été les débuts de la colonie. Nous enfourchons nos vélos pour un périple d'une vingtaine de kilomètres le long du canal de Chambly. Le vapeur Quebec fut le premier à franchir les portes de bois de ce canal construit au pic, à la pelle et à la brouette. C'était le 9 juin 1843. Le bateau quitte Saint-Jean pour la ville de Québec avec à bord une cargaison de lard. Les neuf écluses du canal permettent d'éviter les rapides et une élévation importante entre le bassin de Chambly et le Haut-Richelieu. Huit de ces écluses et trois des ponts sont actionnés manuellement... un spectacle à ne pas manquer. On longe le Richelieu en voiture, puis c'est la visite du fort Lennox, à l'île aux Noix, auquel on accède par bateau. La traversée ne dure que cinq minutes, le temps qu'il faut pour retourner quelques siècles en arrière et fouler le sol que se disputaient alors Français, Américains et Britanniques. Et le temps d'apprendre que l'aventure française en Amérique du Nord n'a pas pris fin sur les plaines d'Abraham, comme on est porté à le croire, mais sur l'île aux Noix, en août 1760. Quant au fort Lennox, petit joyau du réseau de Parcs Canada construit entre 1819 et 1829, il avait pour but de protéger la colonie contre une éventuelle invasion américaine par la rivière Richelieu. La vallée du lac Champlain Après le village de Rouses Point et son célèbre fort Montgomery, autre image de combats entre Anglais et Américains, l'autobus emprunte la route 9. Nous sommes dans la vallée du lac Champlain. À droite, des champs et des fermes, à gauche, le lac qui s'allonge sur 170 kilomètres, déchaîné et gris les jours de grand vent, ou calme et bleu turquoise par beau temps. De l'autre côté du lac, le Vermont et les Montagnes vertes, de ce côté-ci l'État de New York, les Adirondacks. À Chazy, la Heart's Delight Farm Heritage Exhibit, au Miner Institute, raconte l'histoire de William Henry Miner et de sa femme Alice, fondateurs de la première école rurale centrale de l'État de New York et du premier hôpital moderne du comté de Clinton. La ferme expérimentale, créée au début du XXe siècle par ce couple visionnaire, utilisait une approche scientifique de l'agriculture à une vaste échelle. Cette ferme de 15 000 acres faisait appel à l'hydroélectricité et employait jusqu'à 800 employés au temps des récoltes. Plattsburgh est pour beaucoup de Québécois synonyme de magasinage. Détrompez-vous: il y a là plus d'un musée à visiter. On y apprend, entre autres choses, que la bataille de la baie de Plattsburgh est à bien des égards la plus décisive de la guerre de 1812. L'invasion ratée des États-Unis menée par sir Georges Prévost met fin aux rêves des Britanniques en territoire américain. Le Kent-Delord House Museum, qui jette un éclairage sur la vie des gens il y a 200 ans, vaut le détour. Ausable Chasm, fréquenté par des générations de Québécois, continue d'attirer chaque saison des milliers de visiteurs. Le canyon, formé il y a 500 millions d'années, est spectaculaire. À Crown Point, un bref arrêt dans une petite boulangerie artisanale: «Je fais le pain comme il y a 300 ans, à l'époque où les Français occupaient cette localité», explique Yannig Tanguy, dont le père est breton et la mère, américaine. Au fort Ticonderoga, situé à la tête du lac George, le chef indien Red Hawk attend les visiteurs. Tatouages, gros biceps, bijoux, pagne sous la tunique rouge que portaient les soldats de la garnison anglaise au XVIIIe siècle, l'imposant Abénaki nous sert de guide pour une partie de la visite. Appelé en premier lieu Carillon, ce fort a été construit par les Français en 1755, au début de la guerre de Sept Ans, pour chasser les Anglais du lac Champlain. Contre toute attente, une petite armée française sous le commandement du marquis de Montcalm a défendu le fort avec succès, le 8 juillet 1758. Renseignements: - www.lakestolocks.com, www.velochambly.com, www.champlainbikeways.org, (802) 652-BIKE. - Lake Champlain Visitors Center: (866) 842-5253. - À lire: Randonnée pédestre — Nord-Est des États-Unis, guide de voyages Ulysse. - On peut parcourir le circuit Lakes to Locks Passage à bord du train Amtrak Adirondak, entre Montréal et Saratoga Spring. Il s'arrête dans la plupart des localités du circuit. De la gare de Fort-Edward, un service de bus est disponible pour amener les touristes vers les points d'intérêt éloignés des stations. Pour les bus: (518) 792-1085. Pour le train: www.amtrak.com.
- Costa Rica - La pura vida
Publié dans le Devoir du 30 octobre 2004 Couvert d'épaisses forêts, laboratoire biologique à ciel ouvert, le Costa Rica est surtout fréquenté pour sa flore et sa faune exceptionnelles. Mais ce petit pays, bordé à l'est par la mer des Caraïbes et à l'ouest par l'océan Pacifique, est aussi un territoire parsemé de volcans actifs, de bords de mer idylliques et d'aventure à profusion. Et que dire des Ticos, ce peuple chaleureux? Un pays à découvrir au-delà de la promenade biologique. Un écriteau annonce Dos Pinos, petit port d'embarquement à 60 kilomètres de Siquirres, étape tranquille entre la capitale San José et la côte caraïbe. C'est là que nous embarquons pour un safari de trois jours dans le parc national de Tortuguero. La traversée jusqu'au village du même nom dure deux heures. Le capitaine n'est pas pressé : si un caïman daigne montrer son large museau, eh bien, on prendra le temps nécessaire pour l'observer. « Profitons du moment », lance Jorge, notre guide. C'est ça, la pura vida ! Accessible uniquement en bateau par un réseau de lagunes, le parc national de Tortuguero cultive le mystère. Il rappelle l'Amazonie. On y vient pour observer la nature au coeur de la jungle d'où résonnent cris, chants et bruissements. La forêt est si dense que le champ de vision est réduit à quelques mètres seulement. Impossible de pénétrer plus en profondeur ce milieu farouche ! Toucans, perroquets, crapauds et singes hurleurs tiennent le crachoir sans pour autant faire bouger d'un poil le paresseux, qui n'en finit plus de dormir à la cime d'un arbre. Notre guide fixe la rive : « Là... Sur un lit de feuilles mortes... À gauche de l'arbre ! Un caïman assoupi. » Mince, on dirait un bout de bois. Tiens, un papillon bleu ! « C'est le Morpho peleides limpida », précise Jorge. La présence du guide Jorge, les trois premiers jours, a permis de nous acclimater avec les moeurs et coutumes du pays, ce qu'il en coûte pour y vivre et les habitudes alimentaires, avant de prendre les routes du Costa Rica. Jorge ne manque pas une occasion de nous renseigner sur la faune et la flore de son pays. Il a compris que l'équilibre du Costa Rica passait non seulement par la culture de la banane, de l'ananas et du café, mais aussi par le respect de l'environnement, un attrait touristique important qui se traduit en or vert. Fondé dans les années 1920, ne profitant de l'électricité que depuis une trentaine d'années et où peu de personnes disposent d'un téléphone à la maison, le village de Tortuguero abrite 500 habitants qui vivent au rythme du tourisme. Jadis un village de pêcheurs afro-caribéens, il est maintenant peuplé aussi par des Nicaraguayens. Les rues étroites, les maisons colorées et la petite église confèrent à l'endroit un caractère irrésistible. Plusieurs hôtels rustiques bordent les canaux et offrent des tours guidés en pirogue. On peut également se balader en kayak sur les lagunes, sans accompagnateur, à l'image du Costa Rica, qui se découvre aisément d'un bout à l'autre de son territoire. Situé entre le Nicaragua et le Panama, ce petit pays d'Amérique centrale, de la taille de la Suisse, est une terre d'aventure exceptionnelle à découvrir en toute liberté : jungle, montagnes, plages, rivières, tout est accessible aussi bien en voiture qu'à pied, à cheval ou en bateau. Le Costa Rica abrite entre autres 10 000 espèces de plantes, 1550 d'orchidées, 15 000 de papillons, 34 000 d'insectes, 800 d'oiseaux, soit 5 % de toutes les espèces végétales et animales de la planète. Une terre qui grouille d'activité de toutes sortes, au pays des Ticos (les Costaricains). Itinéraire sur mesure Après ce premier contact, nous avons parcouru le Circuit en liberté de Tours Mont-Royal, qui comprend le billet d'avion, la voiture, l'hébergement, quelques activités et certains repas. «Ces forfaits offrent beaucoup de latitude et de liberté de mouvement, note Luce Prud'Homme, directeur du marketing chez Tours Mont-Royal. Il n'y a pas d'horaire fixe autre que celui d'être à son hôtel au jour dit. Sans dépendre d'un groupe, on s'arrête et on repart quand on veut. Cette formule semble convenir de plus en plus aux baby-boomers friands d'aventure et de liberté. » Les tarifs préférentiels du voyagiste, dans certains cas, représentent une économie par rapport à un voyage que l'on organiserait seul. Et une économie d'énergie aussi, puisqu'on nous suggère un itinéraire adapté à nos besoins. Le Costa Rica se prête bien à cette formule. « En premier lieu, le pays est sécuritaire, répond Marie Boivin, vice-présidente développement des produits chez TMR. Au delà de cela, bien sûr, il y a la faune, la flore, l'aventure et de nombreuses activités sportives comme la randonnée pédestre, l'équitation, le rafting et le "canopy tour", l'attraction-vedette du pays. » Le canopy tour est l'équivalent des circuits « d'arbre en arbre » au Québec. On se suspend à une poulie et on se laisse glisser sur un câble relié aux arbres à une hauteur impressionnante, entre les branches et les lianes de la forêt tropicale, façon Tarzan. Parfois, la distance entre deux arbres peut atteindre 140 mètres. Les moins casse-cou ont le choix des sky walks, ces randonnées pédestres sur ponts suspendus qui permettent de découvrir la canopée sans attraper un torticolis. Après la visite de Tortuguero, nous voilà en route pour Fortuna, au pied du volcan Arenal, l'un des plus actifs au monde. De là : le volcan Rincon de la Vieja, à 25 kilomètres au nord de Liberia, puis Playa Pan de Azucar sur la côte Pacifique, Monteverde, capitale de l'écotourisme, le parc national Manuel Antonio à proximité de Quepos, et finalement San José. La route interaméricaine qui traverse le Costa Rica du nord au sud s'étire sur 534 kilomètres. Si cette autoroute est dans l'ensemble en bon état, les chemins secondaires, eux, ne sont pas toujours asphaltés et par grosse pluie deviennent facilement des sentiers boueux, raboteux, inondés. Une voiture style jeep est donc indispensable pour qui souhaite accéder à des coins reculés ou voyager pendant la saison des pluies. Le Costa Rica, destination soleil ? Oui, mais pas forcément. Nous y étions en mai, au début de la saison des pluies qui se poursuit jusqu'en novembre. Dieu qu'il a plu ! Et après ? La pluie est chaude. Là, on vit sous son parapluie, on ne craint pas de se faire mouiller, on vaque à ses occupations comme si de rien n'était. Souvent, on est trempé jusqu'aux os. Un aspect positif à cela : c'est la période de reproduction des animaux. Ces derniers demeurent donc à proximité de leur nid, ce qui permet de les observer. Ainsi, nous avons eu la chance de voir dans un parc national un employé tenter de sauver un bébé toucan tombé de son nid ; il lui donnait patiemment la becquée avec des gallo pinto (mélange de riz et de fèves), le mets national des Ticos. S'il y a un volcan à ne pas manquer, c'est bien l'Arenal. Avec ses 1633 mètres d'altitude, la tête dans les nuages, il est l'image parfaite qu'on se fait du volcan typique, fumerolles et grondements inclus. Il crache du feu et à l'occasion on peut observer les coulées de lave. Un spectacle qui laisse une profonde impression. Le parc national Rincon de la Vieja est l'un des plus beaux du Costa Rica avec ses paysages magnifiques, ses eaux thermales et ses chutes spectaculaires où la baignade est délicieuse. Au sommet du volcan, le brouillard et la pluie ne nous laisseront rien contempler de ses neuf cratères. En revanche, une randonnée en boucle de trois kilomètres sur le sentier Pailas nous a permis d'admirer fumerolles, bassins de boue bouillonnante, marmites de vase ainsi qu'un volcan miniature de boue appelé volcancito. De Liberia, nous filons sur la côte Pacifique, à 35 kilomètres à l'ouest de la capitale de la province du Guanacaste. La route mène à Filadelphia, Belen et enfin Brasilito, petit hameau authentique habité essentiellement par les Ticos. De là, les amateurs de surf prendront la direction de la Playa Tamarindo et les amoureux de la nature celle de la Playa Grande pour y observer la tortue luth qui vient y pondre ses oeufs. Cette tortue géante pond une centaine d'oeufs dans un trou de 70 centimètres de profondeur, qu'elle creuse elle-même à l'aide de ses pattes avant et recouvre ensuite de sable, puis regagne la mer. Il faut compter 68 jours d'incubation. Trois autres espèces de tortues fréquentent le Costa Rica : la Ridley, la Hawksbill et la tortue verte du Pacifique. Là encore, sur la côte Pacifique, la biodiversité est surprenante, surtout dans le parc Manuel Antonio, à sept kilomètres de Quepos. Ratons laveurs, coatis, agoutis, iguanes, paresseux, singes sagouins, singes capucins et singes hurleurs se partagent le territoire. Et les touristes ne les effraient aucunement. Gare à vos paniers à pique-nique ! En arrivant à Guaitil, petit village d'artistes spécialisés dans la confection de poteries, il pleut des trombes. Mario, l'un des artistes installés autour de la place centrale, nous salue de la main et nous invite à entrer dans son atelier. L'homme d'origine chorotega, la plus importante tribu indienne du Costa Rica, alimente sans cesse son four à bois où cuisent quelques poteries. Les braises servent aussi à faire griller la viande du repas du midi. L'odeur est irrésistible ! Les Choretegas, ou « peuple qui fuit », originaires du Sud mexicain, auraient appartenu à une civilisation centre-américaine antérieure aux Mayas. Établis depuis le IXe siècle sur la côte Pacifique, l'actuelle province du Guanacaste, les Indiens choretegas continuent de pratiquer leur art d'inspiration mexicaine. Un voyage au Costa Rica serait incomplet sans un détour à Monteverde, quoique la route de terre qui y grimpe soit éprouvante : une ascension de trois heures entre ciel et terre. Les paysages rappellent la Suisse, on y fabrique même du fromage. Une initiative de la communauté quaker qui vit là depuis 1951. C'est l'abolition du service militaire, en 1948, qui les aurait conduits dans ce coin reculé du Costa Rica. Monteverde, c'est La Mecque des écologistes : on y découvre tous les secrets de la forêt tropicale, de jour comme de nuit. La petite ville foisonne d'auberges et de restaurants à l'enseigne écologique. On mange bien, le café est bon, il y a de l'ambiance. C'est la pura vida ! En vrac - Il existe deux saisons au pays : la saison sèche, qui s'étend de décembre à avril, et la saison des pluies, qui dure de mai à novembre. - Les cartes de crédit sont généralement acceptées dans les hôtels et les restaurants et les guichets automatiques de la banque Banco Popular, situés dans les grands centres, acceptent les cartes de débit canadiennes. Attention ! Les Ticos peuvent refuser des billets déchirés ou froissés. La devise du pays est le colon.
- Pays d'oasis et de mirages
Publié dans le Devoir du 7 février 2004 Voyez-vous, au loin, la palmeraie ? demande Mohammed, notre guide. Oui ? Eh bien, c'est un mirage, s'amuse-t-il à détruire notre illusion d'optique. Vous en êtes sûr, Mohammed ? Certainement. Et s'il n'y a pas de soleil, il n'y a pas de mirage. Nous traversons en 4X4 la région désertique du Chott El Jerid, un immense lac desséché de 250 kilomètres de long recouvert de cristaux de sel blanc. À l'horizon se dessinent des formes géométriques qui apparaissent et disparaissent au coeur des sables brûlants. C'est l'air surchauffé qui crée ces distorsions, affirme le guide. Il fait 32 °C. Et si c'était Mohammed qui hallucinait ? Après tout, c'est le mois du ramadan, et notre guide n'a pas bu, n'a pas mangé et n'a pas fumé depuis le lever du soleil. La route va être longue jusqu'à Tunis, que nous regagnons en après-midi. Huit heures de voiture sans griller une cigarette, boire un café ou grignoter quelques dattes avant l'heure du coucher du soleil. Tiendra-t-il le coup sans tomber de fatigue ? Inch Allah ! À l'ouest, Tozeur, capitale du Jerid, au sud-est, Douz, la plus saharienne des oasis du Sud tunisien. Entre les deux palmeraies : cette route surélevée et droite qui plonge dans l'immensité salée et sablonneuse, quasi inquiétante d'espace et de vide. Encore plus inquiétant, aucun arbre sur une distance de 100 kilomètres avant d'atteindre un arrêt... pipi ! Trois jours auparavant, nous avions quitté Tunis, à quelque 700 kilomètres à vol d'oiseau de Douz, la porte d'entrée du Grand Erg oriental dont nous ne ferons que frôler les premières dunes, le temps d'une courte randonnée à dos de dromadaire. La petite cité grouillante d'activité, habitée depuis six siècles par les semi-nomades Marazigues, est reconnue pour son marché du jeudi, son artisanat de peaux de dromadaire et ses bijoux berbères. Son souk, c'est la foule, la cohue, les amoncellements de bricoles et de camelote, de gâteaux, d'épices, de tapis. L'Afrique du Nord, quoi ! Mise en bouche Les palmeraies de Chébika et de Tazerma sont au coeur d'impressionnants canyons qui confèrent à la région le surnom de « Far West de l'Afrique ». Les premières images de ce pays, je les découvre de la fenêtre de ma chambre d'hôtel, tôt le matin, au moment où le soleil se lève sur l'ancien village de Chébika. Montagnes, sable, roches, ruines, tout est ocre, à perte de vue. Un premier contact saisissant. On distingue à peine, au loin, des maisons perchées dans les montagnes. Au petit-déjeuner, on nous sert de délicieuses dattes de la région, les Deglet Nour (doigts de lumière), que l'on trouve aussi à Montréal. Mais quelle différence de goût quand on les mange sur place. Nous sommes en novembre, en pleine saison des dattes, des mandarines et des grenadines. Et du ramadan... Un peu gênant de s'empiffrer ! En route vers Tamerza, le paysage est abrupt et désertique. Surgit là-bas, dans la steppe, un homme enturbanné qui conduit ses moutons. D'où vient-il ? Où va-t-il ? Comme néophyte du désert, allez donc savoir ! Il n'y a aucun village en vue, ni campement de nomades, ni pâturage. Que des formations rocheuses, qui font place à l'imagination. Puis se détache une touffe verte dans une mer de beige : c'est la palmeraie de Tamerza. Le village, aujourd'hui moderne, abrite les ruines de l'ancienne oasis Tamerza, suspendue au flanc d'un gigantesque canyon qui a servi à plusieurs reprises au tournage de films bibliques. C'est en effet un décor de théâtre remarquable, surtout aux abords de la cascade, dans le fond du jardin, où nous buvons notre cinquième thé à la menthe depuis le matin. À bord du Lézard rouge C'est ici que l'appellation Far West africain prend tout son sens. Le Lézard rouge permet d'admirer les gorges de l'oued Selja, impressionnants canyons que l'on ne pourrait découvrir autrement qu'en montant à bord de cet ancien train de six wagons, cadeau de la France au roi bey de Tunisie en 1940. Chaque sortie de tunnel réserve une surprise : falaises, montagnes, rivières et, en arrière-plan, toujours ce désert plat, ocre. Une autre façon de sentir les habitants du sud. Un peu comme si l'on entrait dans les maisons par la porte d'en arrière. Ici, la culture est tout autre. Les jardins clôturés par des murets de pierres prennent l'allure d'une mosaïque. Chaque parcelle de terre est cultivée : menthe, carottes, choux, poivrons, tomates et, ici et là, oliviers, dattiers. Les hommes transportent l'eau à dos d'âne, les femmes, leur lessive sur la tête. Le train s'arrête le temps d'une photo. Soudainement, une violente détonation brise le silence. On se regarde, surpris et inquiets, d'autant que la frontière de l'Algérie n'est qu'à quelques kilomètres du chemin de fer. Mais ici, pas de quoi s'énerver, on est à la hauteur de la mine de phosphate de Métlaoui où l'on fait du dynamitage. La Tunisie est un endroit sécuritaire : on peut s'y balader seul, sans crainte. N'est-ce pas un ordre du chef de l'État Mohammed Ben Ali de ne toucher à aucun visiteur ? Le tourisme est une activité clé dans ce pays de plus de neuf millions d'habitants. À Tozeur, on nous rappelle ce qu'est l'oasis. Pour faire court, s'il y a une oasis, il y a de l'eau, et s'il y a de l'eau, il y a culture. L'oasis traditionnelle présente une culture étagée en trois strates : palmiers, arbres fruitiers et culture maraîchère. L'oasis de Tozeur couvre plus de 1000 hectares et compte près de 300 000 palmiers-dattiers. Il existe en Tunisie 150 variétés de dattes ; à Tozeur, on en cultive 45, dont la fameuse Deglet Nour destinée à l'exportation. Le palmier protège l'oasis des assauts du soleil et des vents : en été, il peut faire jusqu'à 50 °C. Vu son espérance de vie qui frôle 75 ans, la culture du palmier est rentable, surtout qu'il sert à une infinité de choses : la production de dattes, bien entendu, mais également du jus de palmier qui s'apparente à l'eau de canne à sucre. On utilise les palmes dans la construction des toits de maison, de brise-vent pour se protéger de l'envahissement du sable, pour la fabrication de balais-éventails, de chapeaux, de paniers. Quant au tronc, solide et résistant, on en fait de belles portes décoratives propres à l'architecture traditionnelle de la Tunisie. À Tozeur, il faut aller dans le quartier d'Ouled Hadef, emprunter les rues qui passent sous des voûtes épaisses et débouchent sur des placettes, siroter un thé à la menthe en admirant la disposition géométrique des briques des façades des maisons et des mosquées. Les motifs ornementaux sont inspirés des tapis et de la calligraphie. Road movie tunisien À peine le temps de plonger dans le Sahara et d'en admirer l'immensité que je me retrouve en voiture avec le guide, qui doit me ramener à Tunis. Mais il fallait que je tombe dans le traquenard touristique avant de repartir. Arrive Ahmed sur son cheval blanc. Il nous propose « gentiment » une chevauchée dans le désert. Tentant ! Comme j'adore l'équitation, je mords à l'hameçon, ne me doutant pas qu'il sauterait derrière moi, partirait au galop à travers les dunes, me ramènerait dix minutes plus tard à mon dromadaire toujours agenouillé et me réclamerait après coup... 10 dinars. C'est que le beau Berbère aux yeux bleus et au teint basané, enturbanné d'un foulard noir, sait comment faire du commerce. Un enlèvement romantique coûteux... Du chemin du retour, je garde un excellent souvenir. Ces longs transferts en auto permettent au gré des kilomètres de capter des images fugitives de la vie des gens du pays. Nous filons d'abord vers l'est, en direction de Gabès, puis vers le nord, jusqu'à Tunis. Le désert du Sahara laisse place à un paysage de steppes, aride, rocailleux, parsemé de buissons poussiéreux et de marabouts. Ces mausolées à coupole qui abritent le tombeau d'un saint prolifèrent dans le pays. On y prie mais on s'y réfugie aussi lorsque le soleil tape fort. Jusqu'à la hauteur de Sfax, nous suivrons des camions remplis de dattes. Puis les palmiers dattiers font place aux oliviers à perte de vue, et finalement, à l'approche de Kairouan, ce sont des camions débordants de piments rouges. Ces derniers pendent au soleil, sur les façades des maisons, le temps de sécher. Ils serviront à la préparation du harissa (pâte de piments forts). Il est 17 h, Mohammed n'a encore rien mangé ni bu depuis l'aube. Bien qu'il semble avoir le pied plus lourd sur l'accélérateur, il ne se plaint pas. Encore vingt minutes avant le coucher du soleil. « Le jeûne du mois du ramadan est le quatrième des cinq piliers de l'islam, explique Mohammed. En arabe, "siam" signifie abstinence. Se priver durant 30 jours de certains plaisirs est notre façon de penser à plus pauvre que nous. Mais, plus encore, c'est une purification du comportement, un exercice de patience et d'autodiscipline. Le jeûne exige beaucoup d'effort pour affermir sa volonté, se libérer des habitudes quotidiennes... et expier nos fautes. » À la radio, c'est la lecture du Coran, puis la prière. Du haut des mosquées, la voix des muezzins transmet à travers tout le pays le même message. Le soleil a disparu. Sur le bord de la route, les chauffeurs s'arrêtent pour un café « capucine » (un espresso) et une cigarette. Mohammed suit la tradition du Prophète et rompt le jeûne avec une datte et une gorgée de lait. Restaurants, bistros se remplissent. C'est la fête ! Le ramadan, c'est également l'occasion de se retrouver en famille. Nous arrivons à Tunis. Inch Allah !
- Saguenay-Lac-Saint-Jean, Québec - Au fil du fjord en automne
Publié dans le Devoir du 20 septembre 2003 Le Saguenay-Lac-Saint-Jean joue la carte du tourisme hors saison. Petite virée automnale dans le fjord, en auto, en bateau, à pied et à cheval. Dans un coin de pays ou la convivialité est un art de vivre... Depuis le zodiac, le panorama est spectaculaire. À mi-chemin entre Tadoussac et Chicoutimi, à la hauteur de Rivière-Éternité, le fjord rappelle vaguement la vallée du Rhin, en Allemagne : un cours d'eau sinueux, inséré entre des falaises abruptes, jalonné de charmants petits villages. Si l'ancienne vallée glaciaire ne réunit pas 31 forteresses sur ses abords et ne cultive pas le raisin, elle a sa Lorelei : Notre-Dame-du-Saguenay. «Vous connaissez son histoire ? », demande Patrick, guide dans le Parc national du Saguenay. Non, mais ça ne tardera pas. Car dans la région, on aime raconter. À l'instar de la vallée du Rhin, le fjord respire l'histoire et regorge d'histoires. « En 1881, un marin de Québec, Charles-Napoléon Robitaille, remonte le fjord en traîneau. À Cap Trinité, la glace cède, le traîneau s'enlise. Charles-Napoléon prie la Vierge et lui promet un geste d'envergure s'il se sort du pétrin. Il est sauf ! Le marin rencontre l'évêque de Chicoutimi, qui lui suggère d'ériger une vierge au sommet du cap Trinité. La statue de neuf mètres, sculptée par Louis Jobin, un artiste de Québec, sera transportée en bateau de Québec via Tadoussac. Manque de chance, à L'Anse-Saint-Jean, la vierge de bois tombe à l'eau. Impossible de la remonter à bord, on la remorquera sur une distance de quinze kilomètres. Imbibée d'eau, trop lourde, elle est découpée en quatorze morceaux. Il faudra dix jours pour transporter les pièces sur la mezzanine de l'immense muraille de roc, le sommet n'ayant pu être atteint ! » La vierge du Fjord est vénérée depuis 123 ans par les sirènes des bateliers de passage. On peut lui rendre hommage à pied, en zodiac, en avion, en kayak ou en bateau de croisière. Envoûtement garanti lorsque ce dernier éteint son moteur face à la madone et que les haut-parleurs diffusent dans cette immensité l'Ave Maria. La route du fjord Sur la route 170, longeant la côte sud vers L'Anse-Saint-Jean, la forêt a la couleur du feu. Symphonie de rouge, de vert, de jaune. Ce sont ces mêmes couleurs, le gris en sus, qui composent le drapeau saguenéen, représenté par une croix centrale, symbole de la foi religieuse : le vert de la forêt, le jaune de l'agriculture, le gris de l'aluminium, le rouge de la passion et de la foi des bâtisseurs. Le Saguenay a son drapeau depuis 1938. Son hymne aussi. L'identité régionale est une réalité que le voyageur découvre au fil du fjord : fierté, cordialité, créativité. Toute la région déborde d'une contagieuse énergie. Une vitalité toutefois freinée par des saisons touristiques trop courtes. La solution ? Jeannois et Saguenéens y travaillent de concert avec les institutions touristiques. Et fort ! Depuis l'année dernière, la région bénéficie du Programme d'allongement des saisons touristiques (PAS), un plan financé par Développement des Ressources humaines Canada et Emploi-Québec. « Ce programme permet aux intervenants du milieu de poursuivre leurs activités plus longtemps, d'acquérir une certaine expertise et d'accumuler des semaines de travail supplémentaires », explique Ruth Vandal, responsable du PAS. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, plus d'une trentaine d'entreprises investissent globalement 650 000 $ dans ce plan triennal. L'organisation commence à prendre forme. Sauf que trois ans, c'est une bien courte période pour diffuser la bonne nouvelle ! La région souhaite que l'initiative soit prolongée de deux ans. Question de roder le tout. En attendant, officiellement jusqu'au 31 octobre, les visiteurs peuvent compter sur un produit touristique de qualité analogue à celui offert en été. Les moustiques en moins ! Les activités culturelles et sportives sont nombreuses dans la région. Il y a les musées, les sites historiques, les randonnées d'une heure à plus d'une semaine dans le Parc national du Saguenay, le kayak de mer, l'observation des baleines, le vélo de montagne, la voile, l'escalade, le flânage sur les quais et les points de vue. «Le fjord du Saguenay est la plus belle base de plein air non organisée à l'est des Rocheuses », lance Michel Ouellet, vice-président de la Corporation de gestion de la rivière Saint-Jean-Saguenay, alors que l'on s'amuse à taquiner le saumon, les deux pieds dans la rivière Saint-Jean. Je suis étonnée de constater que cette pêche « sérieuse », que je croyais réservée à la dynastie des Price, soit accessible aux néophytes de mon rang. Moyennant, bien sûr, un permis de la ZEC et le respect du protocole sportif. De Chicoutimi, côté nord, Saint-Fulgence est le premier village que l'on croise sur la route du fjord. Ce chemin, sinueux et vallonné, joue avec le Saguenay, le cerne, s'en éloigne, traverse les villages de Sainte-Rose et de L'Anse-Saint-Jean, membres de l'Association des plus beaux villages du Québec. Mais aussi Tadoussac, Baie-Sainte-Catherine, Petit-Saguenay, Rivière-Éternité, Saint-Félix-d'Otis, La Baie. Partout, de la randonnée, du kayak de mer, du vélo, de la pêche, des musées, des sites historiques... Entre plateau et fjord à cheval Que dire d'une promenade à cheval pour décrocher du quotidien ? Après tout, l'automne appartient aussi aux cow-boys. Le Centre équestre des Plateaux, au-dessus de L'Anse-Saint-Jean, constitue le point de départ de cette randonnée équestre de trois heures entre plateau et fjord. D'abord, une petite initiation à l'art de tourner et de freiner. Et c'est parti ! Summer, ma jument, excitée par l'imminence du départ, prend vite place derrière le cheval de Vanessa, notre guide. Une jeune Française établie depuis cinq ans dans le village et dont l'amour pour le Québec transparaît jusque dans sa chemise à carreaux rouge et noir. Débutants ou chevronnés, l'activité est ouverte à tous les amateurs. La petite caravane ahane sur le chemin pentu. C'est la descente vers le village. Le sentier est bordé de cerisiers sauvages. Vanessa nous arrête pour nous faire observer des traces. C'est tout ce que nous verrons de l'ours. Il se nourrit de baies, en abondance à cette époque de l'année. Mais ne vous en faites pas, il a peur ! Ouf ! Dans l'ombre de cette forêt, une vie discrète se déroule. Celle de l'ours, on en a la preuve, mais aussi celles de l'orignal, du lynx du Canada, du castor, du renard, du loup... Galop le long de la rivière, petit trot sur une route de terre jalonnée de maisons centenaires et de fermes... plus que centenaires. Au loin, la montagne Blanche. Je n'ai pas le temps de l'escalader, mais apparemment, c'est un must. Comme le détour sur le belvédère de L'Anse-de-Tabatière, d'où le point de vue sur le fjord est imprenable ! Nous arrivons enfin sur les battures dans la baie de L'Anse-Saint-Jean, point fort de ce circuit d'une quinzaine de kilomètres. Une halte a été aménagée pour qu'on puisse attacher nos chevaux, comme dans le Far West ! La vaste étendue de sable, constellée de mares laissées par la marée descendante, invite au galop. Et dire que dans deux semaines, ces mêmes chevaux feront fuir les bernaches du Canada, de passage dans la baie. Pour l'instant, le pas tranquille des chevaux nous emmène vers la partie historique du village de L'Anse-Saint-Jean, le premier de la colonisation. Les sabots des chevaux résonnent sous le pont du Faubourg, ce pont couvert qui, à partir de 1954 jusqu'à tout récemment, apparaissait sur les billets de 1000 $ canadiens. Dans le village, les gens racontent que William Price sortait toujours de sa poche l'un de ces billets pour montrer la photo de sa maison en arrière-plan. On ne se lasse pas d'écouter les histoires de village. La caravane emprunte ensuite la rue du Faubourg, bordée de belles maisons d'époque. Et on reprend le sentier pentu qui conduit au plateau. La boucle est bouclée. Ce soir, dans la baie des Ha ! Ha !, la lumière s'écorche sur le relief des falaises. De minces rubans de brume se déchirent sur le fjord. Au gîte Les Treize Lunes, Camille, Christiane et Noémie nous concoctent un festin de roi. C'est vrai que nous partagerons ce repas avec un couple de Monégasques en vacances dans le pays. La conversation se poursuivra tard autour de la table d'hôte ou se succèdent gravlax de saumon, sauce à l'aneth, crème de gourganes, croustillant de porc au romarin avec minilégumes, salade verte, fromage et tarte aux bleuets. Le plaisir de la table complète celui des yeux. C'est ça, un voyage dans le fjord ! En vrac - Association touristique régionale du Saguenay—Lac-Saint-Jean : 455, rue Racine Est, bureau 101, Chicoutimi G7H 1T5. 1 877 BLEUETS. www.tourismesaguenaylacsaintjean.qc.ca. - Le survol du fjord en avion. Aéroplus La Baie, opération annuelle au terminal civil, voisin de l'aéroport de Bagotville. 1 877 677-1717. - La verrerie d'art Touverre. Démonstration en atelier de la technique du soufflage de verre. Oeuvres réalisées par l'artiste Giuseppe Benedetto. 1 877 544-1660. Rivière-Éternité - Le Parc national du Saguenay. Dans le village de Rivière-Éternité, quittez la route 170, face à l'église, et empruntez la rue Notre-Dame. Autorisation d'accès obligatoire. 1 877 272-5229, (418) 272-3438 (télécopieur). parc.saguenay@sepaq.com, www.parcsquebec.com. - Croisières du Cap Trinité : (418) 272-2591, 272-2486. - Zodiac Explo-Fjord. Excursions-découvertes en bateau pneumatique. Géomorphologie, biologie, histoire, phoques et grottes. 1 877 272-5229. - Bistro de l'Anse. Restaurant aménagé dans l'ancien camp de pêche de William Price, 335 chemin Périgny. (418) 272-2743. - Le Centre équestre les Plateaux. Promenades équestres d'une demi-journée à quatre jours avec repas champêtre. (418) 272-3231. - La ZEC de la rivière Saint-Jean-Saguenay offre 10,5 km d'accessibilité à la truite de mer jusqu'au 15 octobre. Cours d'initiation et service de guide. 1 888 SAUMONS. - Le sentier des Chutes, qui mène au sommet de la montagne Blanche (600 m d'altitude, 8,5 km à l'aller). Ce sentier exige une bonne forme et nécessite la journée, les premiers 2,5 kilomètres mènent à une belle chute avec vue sur le village et le fjord. - Le sentier les Caps de L'Anse-Saint-Jean vers Baie-Éternité (25 km) et du quai de L'Anse-Saint-Jean au quai de Petit-Saguenay (10 km). Autorisation d'accès obligatoire. 1 877 272-5229.
- France - Paris à vélo
Publié dans le Devoir du 7 juin 2003 Sur la piste des ateliers d'artistes, des cités fleuries, dans le secret d'une mosquée ou sur les traces de l'univers de Le Corbusier, enfourchez votre vélo et partez à la découverte d'un Paris inattendu. Une façon active d'explorer la capitale française autrement. Nous sommes une quinzaine réunis au 35, boulevard Bourdon, dans le 11e arrondissement. En majorité des Belges et des Néerlandais. À l'arrière de la boutique, chacun choisit une bicyclette. L'équipement, renouvelé chaque année, est de qualité. Du côté sécurité, on ne badine pas à « Paris à vélo c'est sympa ! ». Le rassemblement pour le départ a lieu non loin de la place de la Bastille squattée par une copieuse assemblée de pigeons. De la rue s'échappe une odeur aguichante de crêpe, de chocolat et de café qui flatte les narines. Nous sommes à Paris... Difficile d'imaginer que l'on puisse circuler à bicyclette dans la capitale. La peur d'affronter la circulation routière, les entourloupettes des motocyclistes et l'indifférence des piétons y sont sûrement pour quelque chose. Les Parisiens sont réticents et s'abstiennent : à peine 1 % de la population locale utilise ce moyen de locomotion. Dommage, car, non seulement c'est possible mais il est agréable d'observer du haut d'un vélo la vie des quartiers, d'en humer l'air, de pédaler sur un sol infiltré jusque dans ses entrailles par l'histoire. Si rouler seul dans les rues de la Ville lumière paraît un peu kamikaze — l'indiscipline des automobilistes est proverbiale —, à l'intérieur d'un groupe, c'est autre chose. À Paris à vélo c'est sympa ! la consigne de notre guide est claire : demeurer entre le chef de file et le serre-file toujours prêt à intercepter l'automobiliste indiscipliné. Et ça marche ! Cinq itinéraires à la carte Parmi les organismes qui offrent des tours guidés en bicyclette, Paris à vélo c'est sympa ! propose d'intéressants circuits de trois heures chacun : Coeur de Paris, Paris Contrastes, Paris s'éveille et Paris insolite. Ce dernier itinéraire, celui auquel je me suis inscrite, affiche une préférence pour la rive gauche, plus spécifiquement les 13e et 14e arrondissements. L'insolite, en effet, accompagne le cycliste tout au long de cette visite du sud de Paris où coulait jadis la Bièvre et qui a tant inspiré Victor Hugo dans Les Misérables. Michel Noé, fondateur de cette entreprise, ne conseille pas le Paris insolite aux touristes qui visitent la capitale pour la première fois. Trop dépaysant, dit-il. Il leur suggère plutôt le Coeur de Paris, plus classique, qui passe dans les ruelles du Marais, débouche devant le décor coloré de Beaubourg et poursuit son parcours jusqu'au Palais royal et le Louvre. Belge d'origine, Michel Noé sillonne les rues de Paris en vélo depuis plus de dix ans. Il en connaît bien les coins et recoins, mais il est le premier à reconnaître que toute une vie ne suffit pas pour découvrir la capitale. Avant de lancer son entreprise, qui a tout de suite connu un immense succès, ce libraire de formation a passé six ans dans les Baléares à organiser des randonnées guidées en VTT. Paris à vélo c'est sympa ! fonctionne à l'année longue, beau temps, mauvais temps. L'an dernier, 8000 cyclistes y ont eu recours, principalement entre mars et octobre, la période la plus achalandée. Le vélo ne pollue pas, il permet de s'arrêter quand on le désire, de parcourir une longue distance sans occasionner trop de frais et de revenir sur ses pas facilement et à volonté. En route ! En traversant le pont Sully, on aperçoit à travers un léger brouillard l'église Notre-Dame, dont la silhouette émeut toujours. Peu importe la formule retenue pour percer les secrets de Paris d'une façon détournée, il est vrai qu'on éprouve toujours du plaisir à revoir les monuments classiques qui font de cette ville ce qu'elle est. On aime encore et encore flâner sur les grandes places, visiter le Louvre, se balader sur les quais de la Seine, grimper au sommet de la tour Eiffel, savourer une glace chez Berthillon, prendre un café au bistro du coin, un diabolo menthe sur les Champs-Élysées... Place Jussieu, rue Linné, rue Lacepède, un premier arrêt à la Mosquée de Paris, dans le 5e arrondissement. Un quartier pittoresque, très parisien, qui évoque la Sorbonne, ses profs et ses étudiants, la rue Mouffetard (La Mouff' pour les habitués), ses odeurs de bouffe qui s'échappent des étalages, ses maisons anciennes, ses passages et ses courettes. Résultat de la Première Guerre mondiale, la Mosquée a été construite en 1922 par trois architectes français et des centaines d'artisans maghrébins en reconnaissance de l'aide apportée par les pays nord-africains. À l'angle des rues Claude-Bernard et Broca, une policière nous bloque la route. Ici comme ailleurs, on manifeste contre la guerre en Irak, en faveur de la paix... « USA go home », peut-on lire sur des pancartes. On nous force à changer d'itinéraire. Adieu, le vieux chemin gaulois devenu la rue Mouffetard. Une aventure ne vient pas avec une garantie ! Nous voici maintenant dans le 13e arrondissement, à la Cité fleurie, l'un des derniers bols d'air du quartier. On y retrouve, regroupés autour d'un remarquable jardin d'arbustes, de rosiers et de tilleuls centenaires, une trentaine d'appartements construits en 1878 avec des matériaux recyclés provenant du démontage de l'exposition universelle. Étonnant, ce calme de monastère à deux pas d'un grand boulevard. Ces ateliers ont été jadis fréquentés par des artistes tels Rodin, Modigliani, Gauguin, Eugène Grosset, créateur du graphisme de Larousse « Je sème à tous vents », lance fièrement Ruth, notre guide belge, une étudiante en histoire de l'art qui, en plus du français et de l'anglais, maîtrise très bien le flamand. Paris à vélo c'est sympa ! fournit des guides qui parlent plusieurs langues. En voyage, il suffit souvent d'un regard, d'un sourire, d'une porte entrouverte pour basculer de l'univers du tourisme de masse à un autre, plus près des gens. À l'entrée de la Cité, une vieille dame, Mme Vallet, engage la conversation et nous invite à visiter l'atelier numéro 28 où elle vit avec son mari peintre qui prépare une compote de pommes, reflet d'un quotidien inévitable. C'est hors des sentiers battus que de telles rencontres sont possibles, détruisant du coup les préjugés que l'on entretient trop souvent à l'endroit du quant-à-soi des Parisiens. Rue Broussais, rue d'Alésia, avenue René-Coty, rue des Artistes, rue Nansouty, rue Gazan où habitait le regretté Coluche, nous atteignons le parc du Montsouris. Au 53 de l'avenue Reille s'ouvre une petite rue, sans doute l'une des plus élégantes de Paris : le square Montsouris. Nous jetons un coup d'oeil à l'atelier du peintre Amédée Ozenfant, la première oeuvre de Le Corbusier réalisée à Paris en 1922 à la demande de son ami. Architecte, urbaniste, peintre, théoricien français d'origine suisse et auteur du manifeste du purisme Après le cubisme, Charles-Édouard Jeanneret Le Corbusier prône le recours à des formes essentielles. Il s'impose comme l'un des maîtres de l'architecture moderne. Ravissement pour les yeux que de circuler entre les ateliers et les pavillons bourgeois enfouis sous les glycines odorantes d'un mauve intense ; dur dur pour les jambes que de rouler sur les gros pavés de cette rue pentue. La-Butte-aux-Cailles Paris ne manque pas d'éminences : c'est à vélo ou à pied qu'on le constate. Certains prétendent que le point culminant de la capitale se situe à Montmartre (129,75 mètres) ; selon d'autres, les collines de Belleville l'emporteraient d'un mètre. Chose certaine, la Butte-aux-Cailles, même avec ses quelque 60 mètres seulement, m'apparaît, avec le décalage horaire, une mise en jambe redoutable. Mais l'endroit justifie la grimpette. Comme l'écrivait Yves de Saint-Agnès dans le magazine Géo (septembre 1997), « certains quartiers défendent encore farouchement leur caractère de village ». C'est le cas de la Butte-aux-Cailles qui, avec Batignolles et Belleville, a été épargné par le préfet Haussmann à qui, fort heureusement, le temps fit défaut. Qualifié de baron éventreur par ses contemporains, s'il y a un personnage dont le nom devrait rester gravé dans la mémoire des Parisiens, c'est bien celui du baron Georges Étienne Haussmann, note Ruth. Il a été à la fois admiré et critiqué pour ses projets d'embellissement et d'assainissement de la capitale comme la création des jardins, des grandes avenues (Saint-Michel, Saint-Germain et, bien sûr, le boulevard Haussmann... ), et des égouts et réservoirs pour l'approvisionnement en eau de la capitale. Mais c'est aussi ce même baron qui a détruit les vieux quartiers parisiens, charmants à nos yeux, dangereux aux siens, à cause de l'étroitesse et de la pente parfois forte des rues qui ne permettent pas un accès facile des camions en cas d'incendie. La Butte, peu connue des touristes, occupe une place à part à Paris. Cet ancien village repris par la ville connaît un regain de vie intéressant. Bon marché, convivial, très branché, on y retrouve de nombreux restaurants et des boîtes de nuit animées jusqu'aux petites heures du matin. Nul ne résiste à une flânerie dans le centre historique du village. Toujours à la Butte-aux-Cailles, notre guide nous entraîne maintenant du côté de la Cité florale. Rue des Orchidées, rue des Glycines, où sur la placette veille un magnifique cerisier en fleurs, rues des Liserons, des Volubilis, des Iris, puis le square des Mimosas : maisons en brique de tons différents, toits orangés, petites ruelles charmantes, pavillons Art déco, ce havre de paix à la végétation luxuriante, construit en forme de triangle sur des prés anciennement inondés par la Bièvre, apparaît comme une enclave de résistance au coeur d'un quartier bétonné. Au début du siècle dernier, on y patinait en hiver et on y coupait des blocs de glace, d'où l'origine du nom du métro Glacière, à quelques pas de là. Sur le chemin du retour, boulevard des Gobelins, il est difficile d'échapper au souvenir d'une époque où la vie dans ce quartier tournait autour de la Bièvre et de la célèbre manufacture de tapisseries implantée au XVe siècle par le teinturier Jean Gobelin et qui, au fil des ans, a attiré sur ses bords moult tanneries et mégisseries. Leur multiplication provoque une telle pollution qu'en 1910, tanneurs, teinturiers et fabricants de papier sont expropriés et la Bièvre, recouverte. Aujourd'hui, on veut la déterrer ; le travail est déjà entrepris. Deux segments de cette rivière moyenâgeuse sont de nouveau à ciel ouvert. Paris change. De nouveaux projets surgissent. Le vélo ne fait pas exception à la règle. La capitale, qui compte aujourd'hui un réseau cyclable d'environ 200 kilomètres, vise d'ici 2010 à atteindre 500 kilomètres de voies aménagées. C'est ce que vient d'annoncer Denis Bapin, l'adjoint écologiste de Bertrand Delanoë, le maire de Paris, dans son nouveau plan vélo. Partisan des pistes protégées, l'élu ne souhaite pas limiter son action à l'ajout de kilométrage supplémentaire mais créer un réseau cohérent avec des espaces ou des liaisons protégées. Ainsi, non seulement les touristes mais les Parisiens se réconcilieront-ils avec le goût de pédaler sur des pistes offrant plus de sécurité et de liberté. www.parisvelosympa.com.
















