Le dernier des grands voiliers français du XIXe siècle encore navigant transporte à son bord la flamme olympique. Ce magnifique trois mats est un survivant de l'éruption de la montagne Pelée (1902), en Martinique. Et le voici qui porte la flamme olympique de 2024.
Photo: Hélène Clément, Port de Toulon, 2014
Son histoire en bref...
À l’origine un navire marchand destiné à assurer la liaison entre Nantes, les Antilles et l’Amérique du Sud, le Belem pouvait entreposer jusqu’à 650 tonnes de denrées et de marchandises, notamment du cacao d’Amazonie, du rhum et du sucre des Antilles. Puis, le trois-mâts, qui aurait eu cinq vies et trois nationalités, est devenu avec le temps un yacht de plaisance et un navire-école.
Avec le temps, oui, mais aussi avec de la chance. Beaucoup de chance même! Car les choses auraient pu se passer autrement pour le Belem si, le soir du 7 mai 1902, l’accès à la rade de Saint-Pierre, en Martinique, lui avait été autorisé. Mais faute de place, le trois-mâts , commandé le 23 décembre 1895 par la maison Denis Crouan et Fils, armateurs à Nantes, en France, est contraint de mouiller dans la baie du Robert, de l’autre côté de l’île martiniquaise.
En colère, le capitaine Chauvelon ne se doute pas alors que l’incident le sauvera de la plus grande catastrophe naturelle de l’histoire de la France. Malgré trois mois d’alertes (mouvements telluriques, rivières gonflées, odeur de soufre et coulée de boue), les habitants de Saint-Pierre ne veulent pas croire au pire. Non seulement la capitale de la Martinique est en période d’élections législatives, mais n’est-elle pas une solide ville de pierre qui en a vu d’autres?
Pourtant, au matin du 8 mai 1902, la montagne Pelée explose dans un vacarme assourdissant. L’onde de choc est d’une telle violence que les Pierrotins n’ont même pas le temps de fuir. Les premières victimes sont littéralement pulvérisées ou écrasées par une pluie de roches. Une nuée ardente s’abat sur la ville à une vitesse de 500 km/h et embrase tout sur son passage. En 90 minutes, 30 000 personnes et la capitale de la Martinique disparaissent sous les cendres.
Entre-temps, le capitaine Chauvelon, qui entreprenait sa quatrième campagne à bord du Belem, s’apprête à débarquer pour aller à cheval à Saint-Pierre déjeuner avec le capitaine du Tamaya, Theophile Mahio. Trop tard, le «clipper» nantais vient de sombrer avec la totalité de son équipage. Comme d’ailleurs le trois-mâts bordelais Biscaye chargé de centaines de tonneaux de morue salée, le cargo mixte à vapeur de la Quebec Line Roraima chargé de combustible et qui va brûler pendant trois jours avant de couler, puis le Grappler, le Diamant, la Teresa, la Clementina…
Environ 200 bateaux et une quarantaine de gros navires étaient ancrés dans la baie de Saint-Pierre au moment de l’éruption de la montagne Pelée. Même s’il pleut de la cendre depuis plusieurs jours, les navires sont contraints par les règlements de rester à quai. Seul l’Orsolina défie les autorités et s’enfuit. Italien d’origine, son capitaine connaît les foudres du Vésuve...
Le 400ème de la ville de Québec
Le 18 mai 2008, le trois-mâts Belem appareillait de Bordeaux, en France, à destination de Québec où «le dernier des grands voiliers français du XIXe siècle encore navigant» était attendu pour célébrer le 400e anniversaire de la ville. Une traversée de près de 100 jours.
Il a d'abord fait escale à Madère, puis à Boston le 19 juin et à Halifax le 26. Il est arrivé à Québec le 2 juillet, à temps pour le début des festivités. Après deux semaines à quai, le navire s'était dirigé vers Gaspé et Saint-Pierre-et-Miquelon, dernière parcelle de cette Nouvelle-France que Champlain, parmi tant d’autres, entreprit de créer il y a quatre siècles.
Arrivée du Belem à Marseille avec à son bord la fameuse flamme olympique
Ce mercredi 8 mai 2024, après 12 jours en mer, le mythique trois-mats Belem arrive en France à Marseille avec à son bord, la fameuse flamme des jeux olympiques de Paris
C’était aussi en Martinique en 1902 un jeudi 8 mai, jour de l’Ascension. L’église du Mouillage était bondée, celle du Fort aussi. À ce même endroit, place Bertin, des dizaines de tonneaux de mélasse et de rhum étaient entassés en attente d’être chargés sur des navires. Saint-Pierre exportait alors 200 000 hectolitres de rhum par année.
Dans la rade juste en face, Le Roraïma de la Québec Line — l’un des premiers cargos mixtes à vapeur — venait de prendre place au côté du voilier nantais Le Tamaya, en dépit d’une eau tapissée de cendre et d’une montagne couverte d’un nuage noir que le soleil peinait à percer. Le Belem arrivé trop tard la veille a dû aller jeter l'ancre côté atlantique de l'île.
7h50. L’onde de choc est d’une telle violence que les Pierrotins n’ont pas le temps de fuir. Une nuée ardente s’abat sur la ville à 500 km/h et brûle tout sur son passage. Saint-Pierre disparait sous les cendres avec la majorité des bateaux de la rade. Le Bélem n'y était pas!
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