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  • Photo du rédacteurHélène Clément

L'île de Carriacou, une expérience caribéenne à l'ancienne

Une île sans aéroport international, sans grand hôtel, sans usines et sans feux de circulation. Avec des plages et des baies tranquilles, une mer bleu céleste, de charmants habitants qui disent bonjour… Une île qui vit d’agriculture, d’élevage et de pêche, et où l’on entretient une passion patrimoniale pour la construction de bateaux traditionnels — les carriacous, d’origine écossaise. Bienvenue à Carriacou!


Carriacou se mérite. Aucun vol direct n’assure la liaison au départ de Montréal. Il faut compter jusqu’à 18 heures pour s’y rendre en avion en butinant d’une île à l’autre. Sans compter la traversée en bateau de deux heures pour rejoindre, au départ de Saint George’s, la capitale de l’île de la Grenade, Hillsborough, le centre administratif de Carriacou.

Un confetti de « capitale », sans l’effervescence d’une ville, sauf le jour du marché paysan et lorsque débarquent la navette et ses 80 passagers. Alors la jetée s’anime.


Hillsborough s’étire le long d’une rade où mouillent les bateaux de plaisance qui constituent, durant la haute saison, le gros du tourisme à Carriacou. On y trouve un petit centre d’accueil touristique et le Carriacou Historical Society Museum, qui présente à travers une collection d’objets historiques et de cartes anciennes l’histoire de l’île.


Quelques supérettes vieillottes et de petites boutiques offrent l’essentiel aux résidants et plaisanciers de passage. Et ici, tout le monde — locaux comme visiteurs — paie ses bananes, ses patates douces, ses avocats, son rhum… le même prix. Carriacou a conservé son authenticité.


Pas de tourisme de masse, ni grands centres d’achats, ni grandes structures hôtelières. Rien de gros. À l’image de cette île volcanique de 34 kilomètres carrés, peuplée de 8000 âmes, dont le plus haut sommet culmine à 291 mètres.

Une seule station d’essence, pas de feux de circulation, des routes bétonnées juste assez larges pour laisser passer deux autos — volant à droite, conduite à gauche —, une centaine de bars à rhum et une mer turquoise à faire damner les fous de plongée. Pas de rivières non plus. Les maisons sont dotées de gouttières qui acheminent l’eau des ondées — parfois capricieuses pendant la saison sèche — vers de grands réservoirs. Sans être la plus jolie des îles de la Caraïbe, il existe ici une spontanéité, une disponibilité, une aimable nonchalance qui font de Carriacou un refuge antistress.


Ne reste qu’à suivre les routes. Pour se rendre au jardin botanique d’Hillsborough, qui expose une jolie collection de cactées et d’arbres-pays, au parc national Belair, y voir ses vestiges de l’époque française et anglaise, au parc national High North pour une randonnée au sommet de la plus haute montagne de l’île, et à Belvedere pour contempler la vue sur la baie d’Hillsborough, mais aussi pour jeter un coup d’oeil sur l’hôpital Princess Royal.

« C’est le seul hôpital de Carriacou, précise Cyprien, notre chauffeur de bus. Il a ouvert ses portes en 1907 pour accueillir en quarantaine une vingtaine de patients frappés par la fièvre jaune et le choléra. Il se nommait alors Beleview étant donné son beau point de vue sur Hillsborough. Détruit par l’ouragan Janet en 1955, l’hôpital a été reconstruit et renommé Princess Royal en l’honneur du passage de la princesse Anne. »


Le mystère de Windward


Sur la liste des dix, quinze, vingt virées à faire à Carriacou, j’alloue la première place à Windward, paisible village de la côte est aux maisons « gingerbread » colorées, aux rues bordées de fleurs, et à son site de construction de bateaux d’origine écossaise.


Car ce qui rend Carriacou unique au monde, c’est cette tradition héritée des Écossais il y a bien des lunes. En faisant le tour de l’île, il est surprenant de constater qu’à l’ombre des palmiers vivent des McFarlane, MacIntosh, McKensie…


Et voilà que l’on se met à penser à la saga (Outlander) forte de dix livres de Diana Gabaldon, dont l’histoire se déroule au XVIIIe siècle dans une Écosse à feu et à sang. Dans le troisième tome, les héros et leurs amis contrebandiers embarquent sur un navire en direction des Antilles, où ils découvriront la réalité des colonies et de l’esclavage.


« Une fiction assez réaliste qui pourrait expliquer en partie la présence des Écossais dans la Caraïbe. Au XVIIIe siècle, les plantations de canne à sucre et de coton de l’île appartenaient à des Écossais, explique Cyprien. En témoigne le nom de certains villages de l’île : Craigston, Dumfries, Meldrum, Limlair, Bogles, Dover… »


Reste à savoir si les Écossais sont arrivés ici après le naufrage de leur bateau ; de leur plein gré après l’émancipation des esclaves noirs pour travailler dans les champs comme agriculteurs ; de l’île de Bequia, reconnue pour sa tradition de chasse à la baleine — aussi héritée d’un Écossais —, ou en quête de cèdres blancs pour construire leur batea


« Rien dans la construction de ce bateau traditionnel n’a changé au cours des siècles, sauf la provenance des matériaux utilisés dans leur fabrication ainsi que la destination de ces embarcations », précise le charpentier naval Anthony McLawrence. « On le façonne toujours à l’aide de haches, de scies à main et de rabot — sauf pour le bordage, et tout est mesuré à l’oeil, dit l’artisan. Seul hic : on ne trouve plus ici le cèdre blanc qui sert à sa fabrication. On l’importe de la Grenade et de la Guyane. »


Cap vers l’Esterre, au sud-ouest de Carriacou, plus précisément à Paradise Beach, où nous embarquerons à bord du MS Allison pour une virée à Sandy Island, une jolie bande de sable blanc bordée de raisiniers et de cocotiers pas plus hauts que les épaules.

L’atoll collige tous les clichés que l’on se fait d’une île déserte paradisiaque : une végétation d’un vert épinard, une eau d’un bleu céleste, des cocotiers. Exactement le genre d’image que l’on met en fond d’écran quand l’hiver commence à sembler long.


L’endroit attire les plaisanciers, les amateurs de plongée, les contemplatifs et les campeurs autonomes qui souhaitent jouer les Robinson Crusoé le temps d’une nuit. On ne retrouve, sur ce ruban de sable blanc rosé d’environ 500 mètres, aucune infrastructure, à l’exception d’une toile suspendue au-dessus d’une table à pique-nique en cas de pluie.

Mais la vraie pépite de ce parc marin protégé, où vient pondre la tortue imbriquée et où l’amateur de plongée en apnée y croisera tout un tas de poissons multicolores, dont l’ange royal, le gramma royal, le chirurgien bleu, c’est le calme qui y règne. Pas de vendeurs de pacotilles ni de musique autre que celle du vent dans les palmiers.


UN VOLCAN SOUS-MARIN On ne le voit pas, on l’imagine. Les plaisanciers s’en méfient. Le traversier qui fait la navette entre les îles de la Grenade, Carriacou et Petite Martinique, le contourne. Son nom : le Kick’m Jenny, le seul volcan sous-marin des Antilles. Sa base se situe à environ 1300 mètres de profondeur et fait cinq kilomètres de diamètre. Son sommet est formé d’un cratère elliptique d’environ 350 mètres de diamètre et se trouve à 180 mètres de la surface de l’eau. À ne pas confondre avec le Diamond Rock — nommé aussi le Kick’m Jenny, que nous apercevons en route vers Carriacou.




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