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- Virginie du sud-ouest Un circuit musical old-time et country
Dans le sud-ouest de la Virginie, aux confins du Tennessee, de la Caroline du Nord, du Kentucky et de la Virginie occidentale, une route tordue de 400 kilomètres, la Crooked Road, sillonne les Appalaches au rythme du country. Le chemin « folkeux » raconte la vie de ce coin de pays où les vapeurs des mines de charbon, du moonshine et de la brume se mêlent aux sons du violon, du banjo, de la mandoline, de la guitare et de la contrebasse. Article publié dans le quotidien Le Devoir du 10 octobre 2015 Le country remonte aux pionniers irlandais, écossais, allemands, italiens, espagnols et africains venus s’établir ici au XVIIIe siècle, en quête d’une vie meilleure. Ces colons suivirent par-delà forêts et montagnes le Great Wagon Road, un chemin d’abord tracé par les bisons, puis par les Amérindiens qui les chassaient. La route reliait la Pennsylvanie à la Géorgie. Les défricheurs emportèrent dans leurs bagages culture et instruments de musique. C’est ainsi que le violon irlandais, le dulcimer allemand, la mandoline italienne et la guitare espagnole rencontrèrent le banjo africain. La musique devint un point de ralliement pour ces immigrés. De la rencontre entre ces musiciens du monde est né le style old-time, précurseur du country. Une musique chargée d’histoire, de souffrances, de joies, d’espoirs, de crainte et de désillusions. Et une manière de penser en même temps qu’un moyen de s’exprimer pour le peuple. Un itinéraire balisé de 400 kilomètres Depuis, donc, résonnent au coeur des Appalaches un mélange de cliquetis de chaussures à claquettes et de sons tantôt lyriques, tantôt psalmodiques ou émouvants d’une musique aux origines multiples capable de faire cohabiter le chant en yodel, le violon et le banjo. « La Crooked Road, Virginia’s Heritage Music Trail — une appellation octroyée en 2003 par l’État de la Virginie — a pour but de promouvoir la culture musicale de cette région du sud-ouest de la Virginie qui baigne dans la musique depuis le XVIIIe siècle, explique Jack Hinshelwood, directeur de la Route. Elle regroupe 19 comtés, 4 villes et 50 communautés. » L’itinéraire balisé de 400 kilomètres relie huit hauts lieux de la musique old-time entre Ferrum, Floyd et Galax à l’est, Abingdon, Bristol, Hiltons, Nortons et Clintwood à l’ouest. Et, à l’année, spectacles, boeufs musicaux, concerts et festivals. Dans de vieilles granges comme chez la famille Carter à Hiltons, dans les parcs nationaux — on pense au Blue Ridge Music Center —, à Galax mais aussi dans les Dairy Queens, les centres communautaires, les théâtres, les salons de coiffure, les bars, les hôtels, les parcs municipaux… «l y a plusieurs explications au nom Crooked Road, précise Jack Hinshelwood. L’itinéraire suit la route 58, qu’on surnomme ici la Crooked Road à cause de ses virages en épingles à cheveux. Aussi, pour les violoneux du coin, prendre la Crooked Road signifie jouer une turlurette inconsistante et truffée de rythmes inhabituels. À la fois frustrant pour les accompagnateurs qui ne savent plus sur quel pied danser, mais aussi burlesque et charmant.» À califourchon sur le Tennessee et la Virginie, Bristol a été le point de départ de notre pérégrination sur la Crooked Road. Pour donner une idée de la localisation de cette ville — qui se proclame berceau de la musique country — elle se situe à quelque 600 kilomètres à l’ouest de Virginia Beach, de Richmond, la capitale, et du fameux triangle historique de la Virginie coloniale : Jamestown, Yorktown et Williamsburg. Un détour pour les hivernants québécois en route vers la Floride, la Crooked Road étant située à l’ouest de la côte, entre le Piedmont de la Virginie et le plateau du Cumberland. Mais le crochet — ou le voyage — en vaut la chandelle pour les fervents de musique traditionnelle. Que l’on y accède en auto, en moto, à vélo, en rando ou en avion — l’aéroport régional Tri-Cities à Blountville, Tennessee, ne se trouve qu’à 10 kilomètres de Bristol —, il faut savoir que la mélodieuse et méandreuse route se déguste en mode lenteur, tel un bon verre de vin. Prévoir, donc, du temps pour savourer une deuxième brioche à la cannelle au marché fermier d’Abingdon, écouter les histoires d’un extracteur de charbon (et violoneux) en dégustant des noix locales, danser une gigue endiablée dans un ancien entrepôt à tabac, siroter un verre de vin piémontais en se berçant sur la véranda d’une vieille maison coloniale ou gobichonner du moonshine, un alcool de contrebande, à l’heure merveilleuse où le soleil dit bonsoir aux montagnes. Et puis, cette musique country traditionnelle ne s’écoute pas que d’une oreille. Elle trimarde derrière elle 400 ans d’histoire et nécessite de prendre le temps. Le big bang du country moderne Les gens aiment répéter, au fil de la Crooked Road, que « si la musique country s’est épanouie à Nashville, à quelque 450 kilomètres de Bristol, elle est née à Bristol ». « Le crédit revient à l’éditeur de musique et chasseur de talents pour la Victor Talking Machine Company, Ralph Peer, précise le guide au musée Birthplace of Country Music, à Bristol. Au moment de son passage dans la ville, en 1927, ce passionné de musique traditionnelle des Appalaches a installé un studio d’enregistrement dans une vieille manufacture de chapeaux. En deux semaines, il a enregistré 19 musiciens de la région et 76 chansons. » Parmi les pionniers du country, devenus légendes, qui ont participé à l’événement : la famille Carter — Alvin Delaney Carter, sa femme Sara Élizabeth Dougherty et Maybelle Kilgore Addington, la cousine de Sara devenue Carter par la force des choses. Le trio a enregistré plus de 300 pièces pour Victor Talking Machine. Mais la Grande Dépression ralentira leur popularité. Sara aura trois enfants, un garçon et deux filles, et Maybelle, trois filles, Helen, June et Anita. Ces quatre dernières formeront plus tard le groupe The Carter Sisters. En 1968, June Carter devient l’épouse de de Johnny Cash. La famille Carter demeure une icône sacrée du country traditionnel américain dans le sud-ouest de la Virginie. Et pour sauvegarder ce statut, Janette, l’une des filles de Sara, crée une salle de spectacle et un musée qui raconte l’histoire de la famille. « Ma mère a fondé le Carter Family Fold, en 1974, pour perpétuer la mémoire de mon grand-père Alvin, de ma grand-mère Sara et de ma tante Maybelle, raconte Rita Carter, la fille de Janette. Mon grand-père a toujours insisté pour que leur musique demeure une histoire de famille orientée vers la famille. « Un jour, il a refusé un contrat d’enregistrement car on exigeait qu’il joue du violon, un instrument que sa mère considérait possédé du diable. Je n’ai jamais connu mon arrière-grand-mère, mais ma mère m’a élevée en me répétant souvent : “Grandma n’aimerait pas ça." Cette arrière-grand-mère a façonné ma vie. » C’est par amour pour cette famille venue d’Angleterre et d’Irlande que Rita continue de perpétuer la tradition, au grand bonheur des locaux mais aussi des visiteurs sur la Crooked Road. Nous avons donc passé notre dernière soirée au Carter Family Fold, à Hiltons, dans ce qui ressemble à une vieille grange en bois perdue en Virginie du sud-ouest, au beau milieu des montagnes Blue Ridge, où, tous les samedis, les habitants des environs, jeunes et vieux — et même les chiens —, se retrouvent pour écouter musique country et bluegrass et danser. Et si, autrefois, les danseurs ne pouvaient se toucher, que les bottes et les chapeaux étaient interdits sur la piste, que les robes devaient être longues et sans fantaisie, eh bien, les temps ont changé. Par contre, lors d’un chant a capella ou gospel, on se recueille dans un silence complet. EN VRAC Dormir. À Bristol, le Courtyard by Marriott est une bonne adresse. Les chambres sont confortables et proprettes. Il faut toutefois réserver longtemps d’avance — ce qui s’applique à tous les hôtels et campings de la région lors d’une course Nascar ; Bristol n’est pas connue que pour sa musique country. Dans le centre-ville historique de Whytheville, le charmant hôtel-boutique Bolling Wilson Hotel. À Abingdon, l’hôtel historique The Martha Washington Inn Spa, l’ancienne résidence du général Francis Preston, construite en 1832. À Wise, le joli hôtel centenaire Inn at Wise. Manger. À Bristol, The Burger Place, pour savourer d’excellents hamburgers, où chacun porte un nom. On peut commander, par exemple, un I can’t help it, un Hey good looking ou un Cold cold heart… On raconte, à Bristol, que The Burger Place est le dernier endroit où serait allé le musicien Hank Williams avant sa mort, à l’âge de 29 ans. À Whytheville, le Graze on Main, pour une cuisine du Sud réinventée et succulente. À Abingdon, The Tavern, situé dans le plus ancien édifice de la ville. On y mange de très bons steaks, un excellent jambalaya et quelques spécialités allemandes comme le wienerschnitzel. Visiter. Le musée Birthpace of Country Music, affilié à l’institution Smithsonian, raconte l’histoire de la musique country et sa place dans le monde depuis les enregistrements de 1927. Le musée Thomas J. Boyd, à Whytheville, pour un bon aperçu de l’épidémie de polio qui y a sévi durant l’été de 1950. On en ressort secoué. Le centre Blue Ridge Music et son musée relatent l’histoire de la musique traditionnelle des montagnes Blue Ridge depuis ses débuts. blueridgemusiccenter.org. Le joli théâtre Barter, à Abingdon, date de 1933: en profiter pour assister à une pièce de théâtre dans un décor rétro. Le musée Ralph Stanley, à Clintwood, présente l’histoire de la musique traditionnelle des Appalaches et le musicien Ralph Stanley, icône du bluegrass, qui a interprété la chanson O Death dans le film O brother, Where Art Thou... Le vignoble Davis Valley, au coeur des paysages bucoliques des Appalaches, à l’ouest de la Crooked Road. On peut y déguster des vins du cru, du whisky et du moonshine, cet alcool de contrebande dont l’histoire, qui remonte à la Prohibition, nous y est racontée dans le moindre détail. On le fabrique encore de façon très artisanale dans les montagnes Blue Ridge. Depuis six ans, sa vente est devenue légale… Pour tout savoir sur la Crooked Road et bâtir son itinéraire en fonction des festivals et spectacles le long de la route, dont le fameux festival Mountains of Music Homecoming, qui a présenté sa première édition en juin dernier. Se procurer le livre A Guide to the Crooked Road, Virginia’s Heritage Music Trail, par Joe Wilson, l’un des fondateurs de cette route haute en couleurs. Pour en savoir plus sur la Virginie : virginia.org. PLACE AUX HUÎTRES Les amateurs d’huîtres pourront s’en donner à cœur joie à partir du mois de novembre (et à l’année) en Virginie, alors que sera inauguré un nouveau circuit thématique sur les mollusques à coquille bivalve. L’itinéraire reliera des fournisseurs d’huîtres, des pêcheurs et inclura des bars à huîtres, des restaurants, etc., dans quatre régions : la Coastal Virginia, le Northern Neck, le Middle Peninsula et le Virginia’s Eastern Shore. « L’automne est le meilleur moment pour déguster les huîtres en Virginie », dit Maurice A. Jones, secrétaire au Commerce et à l’Industrie de la Virginie, de passage à Montréal récemment. Les goûts diffèrent en fonction de la région : salées, crémeuses ou sucrées. La Virginie est un leader en matière d’huîtres sur la côte Est américaine. Elles proviennent de sept régions. »
- Traverser la Russie des tsars, le temps d’un rêve
Le 20 avril dernier, je recevais par courriel une invitation de l’agence de voyage Uniktour à monter à bord du Transsibérien Express, de Pékin à Moscou. Un voyage du feu de Dieu de 15 jours et 14 nuits à travers le désert de Gobi, l’Oural et la Sibérie. Un vieux rêve allait se réaliser. Article publié dans le quotidien Le Devoir du 25 juillet 2016 Le genre de voyage qui fait au reste fantasmer bien des gens. À commencer par les tsars russes qui, dès 1891, souhaitèrent relier d’est en ouest les confins de leur empire démesuré. C’est à ce moment d’ailleurs que débuta le plus long trajet terrestre du monde : 9289 kilomètres et 990 gares, entre Moscou et Vladivostok. Une odyssée de sept jours entre sept fuseaux horaires. Mais ce que proposait Uniktour était un peu différent. Le voyage qui débutait à Pékin à bord du Transmongolien allait nous conduire jusqu’à Oulan-Oude, en République de Bouriatie. De là, changement de train pour le Transsibérien vers Moscou. Nous traverserions quatre fuseaux horaires et escamoterions les trois jours de taïga profonde, entre Oulan-Oude et Vladivostok. Oui, un vieux rêve allait se réaliser. La Russie est pour moi une histoire d’amour et de fascination depuis l’adolescence. Est-ce à cause du docteur Jivago ? De l’intrépide Michel Strogoff de Jules Verne ? Ou de la rencontre au secondaire avec mon futur polonais de mari ? La Pologne fut d’ailleurs mon premier voyage en Europe. J’avais 19 ans. Le coup de coeur fut immédiat. C’était décidé, au retour, j’apprendrais le polonais. Mais pour étudier le polonais à l’université, il fallait d’abord passer par le russe. J’ai opté pour un bac en russe et langues slaves. Pendant trois ans, j’ai donc baigné au coeur de l’histoire tourmentée de ce pays grand comme un continent, bornoyé de steppes et de montagnes et sillonné de fleuves mythiques comme la Volga, le plus long d’Europe — 3690 kilomètres, et le plus sacré de la Russie. Et là, on m’offrait sur un plateau d’argent un voyage à bord du Transsibérien. Je me promis de réviser ma grammaire russe et de relire quelques géants de la littérature : Pouchkine, Tchekhov, Dostoïevski, Tolstoï, Gorki, Soljenitsyne, Nabokov, Chalamov, Bounine… « Il ne faut jamais oublier le devoir de mémoire envers les millions de victimes de l’autocratie impériale et du Goulag soviétique », écrit Dominique Fernandez dans Transsibérien. Mais tout comme cet écrivain, j’allais bien entendu constater au cours de cette croisière ferroviaire que la Sibérie n’est pas que terre glacée ensevelie sous la neige et peuplée uniquement de déportés. « Dans sa partie méridionale, elle est aussi riche en productions naturelles que le sont les régions du sud du Canada, auxquelles elles ressemblent beaucoup au point de vue physique. » Je verrais la ville de Kazan prise d’assaut en 1552 par Ivan le Terrible, puis celle d’Ekaterinbourg avec ses immeubles colorés et sa jolie cathédrale. C’est dans cette ville jadis peuplée d’ouvriers hostiles au trône et connue pour son radicalisme que Nicolas II et sa famille furent exécutés. Je verrais aussi Irkoutsk, « terme du voyage de Michel Strogoff et capitale de la déportation sous les tsars comme sous les communistes », évoque Dominique Fernandez. Petite anecdote, c’est non loin d’Irkoutsk, dans un wagon de troisième classe du train Transsibérien, le 17 mars 1938, qu’est né le danseur russe Rudolf Noureev. Il a grandi à Kazan. Génial ! Il était prévu de se baigner dans le fameux lac Baïkal dont les paysages proches sont si bien décrits par Sylvain Tesson dans Dans les forêts de Sibérie. L’écrivain français y raconte ses six mois de vie dans une isba de bois sur les rives du plus grand bassin d’eau douce au monde : six cents kilomètres de long, quatre-vingts de large, mille six cent trente-sept mètres de profondeur, deux mille cent kilomètres de côtes, trente-deux mille kilomètres carrés, vingt-trois milliards de mètres cubes d’eau. Une mer intérieure qui se fait patinoire géante l’hiver. Et puis, je verrais enfin Moscou, la place Rouge, le Kremlin… Mais voilà ! J’ai rêvé de cette odyssée à bord du Transsibérien Expresspendant vingt-quatre heures, mais la réalité est que j’ai dû refuser l’invitation. Entre les voyages de presse déjà prévus et celui-ci, il était clair que le temps manquerait pour faire la demande des deux visas. Un choix difficile, lot des journalistes pigistes. Car dans ce métier captivant, c’est souvent tout ou rien. Et là, c’était une période du « tout » et ce voyage reste « non expérimenté ». Mais depuis ce fameux 20 avril, je lis sur le sujet. Et je rêve. Je conseille d’ailleurs la lecture des livres Dans les forêts de Sibérie et Transsibérien à quiconque montera à bord du Transsibérien. Quant au petit groupe d’Uniktour, ils en sont revenus la tête pleine de souvenirs. Et si Charlotte, spécialiste-pays chez Uniktour, a versé quelques larmes à la vue de la place Rouge à Moscou, moi, j’en ai versé un plein seau pour avoir manqué ce fabuleux voyage. Partie remise !
- Montréal - Les fantômes font de l'esprit
Tous les soirs jusqu’au 31 octobre, les personnes de plus de 12 ans sont invitées à découvrir les fantômes et âmes tourmentées qui peuplent les édifices et ruelles du Vieux-Montréal. Un captivant circuit de 90 minutes à pied, raconté par les acteurs de l’organisme Fantômes Montréal. Durant ce truculent circuit pédestre, les participants suivent un personnage à l’allure baroque incarné par un comédien professionnel qui raconte au fil du parcours des histoires et des légendes à donner parfois la chair de poule. Car le Vieux-Montréal cacherait au sein de certains de ses illustres immeubles, ruelles et places des secrets flippants. Que vous croyiez ou pas aux fantômes, des esprits hanteraient bel et bien ce haut lieu dont l’histoire remonte à la fondation de Ville-Marie. Vieux de quelques siècles ou plus récents, qu’importe, ces esprits rôderaient toujours dans des endroits pourtant très fréquentés. Le rassemblement pour le départ a lieu à 20 h 30 face à la maison de la Douane, de biais avec le musée Pointe-à-Callière, là où se trouvait jadis la place du Vieux-Marché aménagée sous le Régime français. Les participants sont divisés en groupes (25 personnes au maximum), pour des circuits offerts en français ou en anglais. « La formule est particulièrement populaire à l’approche de l’Halloween », explique Angèle Vermette, présidente de Guidatour. Un peu d’histoire, celle, sombre, de la Nouvelle-France, un peu de paranormal et des légendes. Une dizaine d’arrêts devant des bâtiments historiques ou gastronomiques du Vieux. De quoi plaire aux participants, dont les goûts sont parfois bien différents. « Au fil des ans — les Fantômes auront 20 ans l’an prochain —, nous avons vu se développer deux profils de clientèle, précise Angèle Vermette. Les fous de fantômes et les fous d’histoire. On essaie de trouver un équilibre entre les différentes attentes. » Crimes et châtiments « Une légende et une histoire, c’est pas pareil, explique Anita, notre guide, dans un français vieillot. La légende est une histoire que l’on raconte de bouche à oreille et qui se déforme pas mal en chemin. Les histoires, c’est du vrai. Ça fait ben des bébés et ben des morts. Mais c’est du vrai. Asteure, on commence. » Un premier arrêt aux cours Le Royer, aux alentours de la ruelle Saint-Dizier, à l’emplacement de l’Hôtel-Dieu de Montréal au XVIIe siècle. « Icitte, on parle pas fort pour pas déranger les habitants du quartier. C’est arrivé par le passé qu’ils nous garrochent des patates par la tête. Surtout l’été quand les fenêtres sont ouvertes. » C’est donc en chuchotant que la conteuse nous raconte la légende de Beaudry, dont la trame se déroule un soir de la Saint-Sylvestre, en 1788. Quel lien existe-t-il entre cette place éclairée aux lanternes et ce récit qui nous plonge dans une ambiance un peu mystérieuse ? Aucun. Mais il dévoile ce Vieux peuplé de mythes et de légendes étranges. Le fantôme du 426, rue Saint-Gabriel revient régulièrement humer les odeurs de tartare de bison, de poulet de Cornouailles et de confit de canard de l’auberge du même nom. Il s’agirait d’une petite fille morte asphyxiée lors d’un incendie qui a ravagé la propriété construite en 1688, alors qu’elle prenait une leçon de piano avec son grand-père. On dit entendre régulièrement des accords de piano venant du grenier. Les 3 Brasseurs, rue Saint-Paul, vous connaissez ? Il paraît que les gérants ont grand-peur d’en faire la fermeture. Des fantômes y rôdent depuis qu’un groupe de paysans aurait mis le feu à l’édifice pour rouscailler contre leur expulsion du bâtiment. Ils se seraient réfugiés au dernier étage pour fuir le brasier. Ainsi prisonniers, ils ont tous péri. « Les gérants disent qu’ils entendent toujours marcher aux étages supérieurs, alors que personne n’y vit, raconte Anita. En toué cas, y se passe toujours quelque chose de ben bizarre à la table du coin au deuxième étage. Pour ceux que ça intéresse, quand vous irez aux 3 Brasseurs, si le deuxième est ouvert, réservez cette table. Vous verrez… » Le Vieux a aussi son triangle des Bermudes qui se situe en un point bien précis entre le vieux palais de justice, l’édifice Ernest-Cormier avec ses 14 colossales colonnes et la cour municipale. Un point bien précis où ne règne que justice. Des histoires d’horreur courent sur la place Jacques-Cartier, qui jadis servait de lieu de torture. L’un des supplices-roi en matière de peines infamantes : le carcan. Les condamnés devaient le porter durant une longue période et rester ainsi exposés au public. « Au mois de février, quand il y a moins de touristes sur la place à cause de l’hiver, on entend les plaintes des condamnés », raconte Anita. De quoi donner la chair de poule.
- Côte-Nord - Entre mer et taïga
Trois summums de ce voyage au pays des Innus, entre Sept-Îles et Natashquan, avec crochet à Schefferville : le festival Innu Nikamu à Maliotenam, le voyage à bord du train Tshiuetin et le Festival du conte et de la légende de l’Innucadie, à Natashquan et à Nutashquan, à la rencontre des communautés innue et acadienne. C’est à Mani-utenam (ou Maliotenam), réserve innue de quelque 1316 habitants située à 16 kilomètres à l’est de Sept-Îles, qu’a débuté ce voyage de six jours sur la Côte-Nord. Plus précisément sur les terres de l’ancien Pensionnat Notre-Dame de Maliotenam, où a lieu depuis 34 ans le fameux Festival de musique Innu Nikamu. Bien que le pensionnat n’existe plus, que le site ait été décontaminé et les anciennes fondations retirées, il est difficile de ne pas éprouver quelques frissons en imaginant la vie ici de milliers d’enfants autochtones arrachés à leur famille. Fondé en 1984 par une petite équipe d’artistes, dont le chanteur innu Florent Vollant, ce festival a fait l’objet d’un documentaire en 2017, Innu Nikamu, Chanter la résistance. Réalisé par le cinéaste innu Kevin Bacon Hervieux, le film raconte l’histoire de cet événement où on ne sert pas d’alcool, qui a grandi tranquillement jusqu’à devenir l’un des plus importants festivals de musique et d’art autochtone en Amérique du Nord. D’Essipit à Pakua Shipi, sept des communautés innues côtoient le littoral du Saint-Laurent alors qu’au nord, dans les terres, les deux communautés innue et naskapie de Matimekush et Kawawachikamach vivent dans un paysage de taïga et de toundra. Un train nommé Tshiuetin C’est en compagnie des habitants de ces deux communautés — certains venus assister au festival Innu Nikamu, d’autres de retour d’un pèlerinage à Sainte-Anne-de-Beaupré — que nous avons pris le chemin de Schefferville, à bord du train Tshiuetin. Ce jour-là, nous étions 235 passagers à bord. « Le train est plein à quatre ou cinq occasions par année », précise Tommy Vollant, chef du train. « Début août pour le festival Innu Nikamu, juste avant Noël pour aller se ravitailler, fin mai pour Beauce Carnaval de Sept-Îles, et en juillet pour la fête de Sainte-Anne, à Sainte-Anne-de-Beaupré. » Cette fête remonte aux colons français arrivés il y a 300 ans, mais coïncide avec une célébration plus ancienne des peuples autochtones qui passaient l’été sur la côte. On faisait la fête avant de reprendre le chemin vers l’intérieur du continent pour y passer l’hiver. « La fête de Sainte-Anne, c’est aussi un moment pour souligner la place des grands-mères dans la communauté », explique Tommy Vollant. Bien avant que n’existe le train, les Innus se rendaient à Sainte-Anne-de-Beaupré en canot ». Tout un périple ! Longue de 410 km, celle que l’on surnomme la « Nahanni de l’est », en raison de son fort courant et de ses nombreux rapides, prend sa source au 53e parallèle, près de la frontière du Québec et du Labrador, pour se jeter dans le Saint-Laurent à 25 km de Sept-Îles. Les paysages des 80 premiers kilomètres — distance du trajet en ligne droite 512,1 km — sont à couper le souffle. « Entre nature et démesure », le slogan de la région Côte-Nord prend ici tout son sens. Falaises escarpées, rapides bouillonnants, forêts touffues, cascades, épinettes à perte de vue, lac après lac. Beaucoup d’eau. Et le téléphone qui recule ou avance d’une heure en fonction du fait qu’on est au Québec ou à Terre-Neuve-et-Labrador. Car nous traversons tantôt une province, tantôt l’autre. Éloge de la lenteur Le train qui fait aussi office de fret effectue deux allers-retours par semaine, toute l’année. Il n’y a pas de gare sur le parcours. Et comme il s’arrête à la demande, il est quasi impossible de prévoir la durée du voyage. On compte un minimum de 12 heures jusqu’à Schefferville. Ce jour-là nous en avons mis 18 jusqu’à destination. Donc beaucoup de temps pour faire la sieste, discuter avec ses voisins, déguster un thé dans la voiture-restaurant, regarder les enfants courir dans les couloirs avec des fusils à eau, photographier entre deux voitures les arbres, les lacs et les plages, les falaises et les rochers qui au coucher du soleil prennent des teintes ocre, regarder disparaître d’entre les épinettes des canoteurs courageux, saluer de la main les passagers partis rejoindre leur chalet ou une pourvoirie, faire ses adieux à un groupe de touristes de Québec dont la course s’arrête à Emeril Junction au mile 224. Un autobus les attend pour les emmener passer la soirée à Fermont avant d’aller visiter Manic-5. Tshiuetin signifie « vent du nord » en innu-aimun. Le train est exploité depuis 2005 par trois communautés de la Côte-Nord. Les Innus de Mani-Utenam et de Matimekush-Lac-John et les Naskapis de Kawawachikamach, la réserve qui se trouve à treize kilomètres du centre de Schefferville et où les habitants parlent l’anglais. À notre arrivée à Schefferville, à 23 h, le ciel était illuminé par des milliers d’étoiles, il n’y avait plus une seule place pour une étoile supplémentaire. Des traînées d’étoiles sur le fond noir de la Voie lactée. Jamais de ma vie je n’ai vu un ciel aussi beau. Le Tshiuetin repart le lendemain matin, mardi, à 8 h. Ceux qui le manqueront devront attendre le prochain, vendredi. Ou prendre l’avion qui mène en 90 minutes à Sept-Îles. On a marché sur Mars Le touriste qui mettra les pieds à Schefferville pour une nuit, trois jours, ou plus, si le coeur lui en dit, ne doit pas s’attendre à du grand luxe. Il y a bien un ou deux hôtels, mais rien de très exotique. À l’exception du Guest House, dont le côté rustique et rétro lui confère du charme. C’est d’ailleurs dans cette sympathique auberge sur le bord du lac Knob, dans la chambre 7, qu’est mort en 1959 le premier ministre Maurice Duplessis. C’est au resto le Bla Bla que nous rencontrons Philippe Vollant, un Innu de la réserve de Matimekush, guide à ses heures sur réservation. En sa compagnie, nous visitons la petite ville rouge de poussière et ses environs. D’abord un arrêt au dépotoir pour y voir les ours, avant de se diriger vers la mine à ciel ouvert Tata Steel Minerals Canada le temps d’une photo avec son fils à côté d’un gigantesque camion et d’une visite dans le ventre du mégadôme aux allures de vaisseau spatial qui abrite le concentrateur. Puis, nous grimpons au sommet de la montagne qui surplombe Schefferville pour une vue d’en haut de cette ville fondée par la société minière Iron Ore of Company Canada (IOC) en 1954, et de ses environs. Le plus impressionnant : les trous de mine d’un rouge vif — vestige de la société minière IOC —, qui donnent au paysage des allures de planète Mars. Une visite à Schefferville est une expérience et une leçon de géographie et d’histoire. Entre autres celles des Innus venus s’installer ici il y a bien des lunes. À PROPOS DU TRAIN «TSHIUETIN» Départ de Sept-Îles : lundi et jeudi à 7 h ; départ de Schefferville : mardi et vendredi à 8 h ; coût d’un aller simple Sept-Îles–Schefferville : autour de 50 $; coût de l’avion avec Air Inuit, Schefferville–Sept-Îles, un aller simple : 532 $. Le Tshiuetin roule à une vitesse de 65 km/h. À PROPOS DE LA ROUTE 138 De Montréal à Natashquan: 1263 kilomètres. La 138 parcourt la ville de Montréal sous le nom de rue Sherbrooke et se termine actuellement à Côte-Nord-du-Golfe-du-Saint- Laurent (Kegaska) sur la Basse- Côte-Nord. Kegaska se trouve à 45 kilomètres à l’est de Natashquan et vaut la visite. C’est la fin de la route, un bout du monde. Autres articles sur la Côte-Nord Article publié dans le quotidien Le Devoir du 30 juin 2018 Article publié dans le quotidien Le Devoir du 28 janvier 2012
- Montréal - Surfer en douce sur la vague
Aucune aptitude particulière n’est requise pour se promener en eau calme sur une planche à pagaie, sport aquatique mieux connu sous le nom de SUP, ou stand-up paddle. Mais avant de se laisser aller à l’enthousiasme d’une excursion sur le fleuve Saint-Laurent, une initiation peut se révéler bien pratique pour affronter vents et courants. Et, qui sait, aller jouer dans les vagues un jour. Publié dans le Devoir du 20 juillet 2018 Ce matin-là, nous étions sept inscrits au cours Découverte offert par l’école KSF (Kayak sans frontières) de LaSalle, à quelques coups de pagaie du Parc des rapides de Lachine. Tous des néophytes du SUP, un peu nerveux à l’idée d’aller pagayer dans les courants du fleuve et de frôler la vague à Guy, si populaire auprès des surfeurs. Car, bien que la planche à pagaie se pratique aussi dans les vagues — il n’y a qu’à penser au surfeur Kai Lenny, qui en SUP surfe les plus hautes vagues au monde —, le SUP attire avant tout des sportifs modérés, contemplatifs, désireux de se balader calmement sur l’eau, en se sentant aussi libres qu’un surfeur, mais sans le petit côté extrême du surf. « C’est un sport pour tous les âges, facile à pratiquer, plutôt zen, car on se promène sur l’eau, dans la nature, loin des bruits de la ville », explique Pierre-Philippe Loiselle, instructeur à KSF. Un amalgame entre le canot, le kayak et le surf qui permet de découvrir de beaux coins du monde autrement inaccessibles. Nous étions donc sept ce matin-là, par un temps caniculaire à vouloir goûter à ce sport tripant et à… l’eau du fleuve (misère !), car les plongeons tête première dans l’eau sont inévitables, surtout lorsqu’on nous apprend à sautiller dans tous les sens sur la planche pour tester son équilibre ou qu’on nous enseigne à maîtriser les changements rapides de direction. À vouloir aussi surmonter cette frilosité face aux impétueux rapides de Lachine à l’horizon, qui ont tant fait damner les explorateurs européens au XVIe siècle. Le fleuve, c’est notre pain quotidien, mais aux yeux de plusieurs, c’est une poubelle. Le dédain du fleuve est ancré solidement dans la mémoire collective. — Hugo Lavictoire « Sans ces rapides, la ville de Montréal n’existerait sûrement pas », dit Jean-Philippe Loiselle. À moins d’être un spécialiste de la navigation comme le fut, entre autres, le Mohawk de Kahnawake Sawatis Aiontonnis, alias Big John Canadian — une vague porte son nom dans les rapides, la Big John —, on portageait ici. « Cet obstacle faisait du site de Montréal un important lieu d’échange et une halte incontournable. » Faire des vagues Un dénivelé de 13 mètres sur une distance de 10 kilomètres crée un courant prodigieux. De quoi faire rêver les passionnés de kayak, de surf et de SUP, qui souhaitent voir Montréal devenir un haut lieu dans le monde pour la pratique de ces sports d’eau. « Créer d’autres vagues dans le fleuve, c’est mon cheval de bataille depuis des années, explique Hugo Lavictoire, président-fondateur de l’école KSF, inaugurée en 1995. Nous avons un potentiel incroyable et un beau terrain de jeu en milieu urbain. SUP et surf gagnent en popularité. Il y a de longues files d’attente pour surfer les deux vagues connues du fleuve : Habitat 67 et la vague à Guy. Entre LaSalle et le Vieux-Port, on pourrait utiliser une demi-douzaine de sites pour créer des parcs à surf. » Des idées qu’on pousse depuis des années, mais qui avancent trop lentement selon l’entrepreneur, dont la mission est aussi de sensibiliser la population à la sauvegarde de l’environnement, entre autres l’érosion des berges et la qualité de l’eau du Saint-Laurent. « Le fleuve, c’est notre pain quotidien, mais aux yeux de plusieurs, c’est une poubelle. Le dédain du fleuve est ancré solidement dans la mémoire collective. » Quoi qu’il en soit, on nous rassure à l’école KSF quant à la qualité de l’eau. « L’été, elle est testée une fois par semaine par le Réseau de suivi du milieu aquatique », explique notre instructeur. Elle ne serait pas aussi polluée que le veut la croyance populaire. Mais avant d’enfiler son maillot de bain, on peut consulter sur le Web les avis du Programme environnement-plage du gouvernement du Québec. Le forfait Découverte de KSF commence par un cours théorique sur terre, le temps d’expliquer la morphologie de la planche, les techniques de sécurité, les positions de base et, très important, le maniement de la pagaie. « En plus d’être un outil puissant pour se déplacer en eau calme comme dans le courant, la pagaie offre un large inventaire de manoeuvres sur la planche, comme les appels, les appuis, les débordés, la gîte, les pivots… » explique Pierre-Philippe Loiselle. La seconde partie du cours, de 90 minutes, s’effectue dans le bassin face à KSF. On accède au bassin par un quai. On s’allonge sur la planche et dès qu’on se sent à l’aise, on passe à la verticale. On dessine des arcs de cercle avec sa pagaie, puis on pivote les jambes fléchies et les abdominaux bien gainés. À droite, à gauche. À moins de 200 mètres, le reflet des arbres du Parc des rapides chatoie dans le Saint-Laurent. Ce magnifique milieu naturel de 30 hectares, fréquenté par 225 espèces d’oiseaux, 66 espèces de poissons, des amphibiens, des mammifères, des plantes rares et où tortues et couleuvres brunes font leur nid, est un emplacement de choix pour observer les bouillonnants rapides. Et pour imaginer Jacques Cartier et Samuel de Champlain pris de court devant l’ampleur de l’obstacle, réalisant que ce n’est pas le passage pour la Chine… Puis un camion nous emmène à trois kilomètres plus à l’ouest, où l’on mettra à l’eau les planches pour enfin goûter au courant du fleuve et effleurer la vague à Guy — aussi y boire la tasse, qui, en quelques minutes, nous ramène dans le bassin de l’école, gorgé au max d’adrénaline. C’est fait, nous avons la piqûre ! À L’AGENDA Le festival MTL SUP Fest se tiendra les 11 et 12 août. Aventure urbaine, en partenariat avec l’école KSF, invite le public à festoyer sur les rives du fleuve et à le découvrir ou redécouvrir par des activités SUP : initiation, yoga, en eau vive, entraînement physique, adapté, polo, en famille… De quoi satisfaire les adeptes de jeux aquatiques, d’aventures douces, les fervents d’adrénaline, les contemplatifs et les amateurs d’histoire entourant ces magnifiques rapides de Lachine.
- Québec - Saint-Benoit, Mirabel, Mariage de passion avec les abeilles
Publié dans le Devoir du 15 juin 2018 Nettoyeuse, ramasseuse, cirière, ventileuse, gardienne, éclaireuse, butineuse… Une rude travailleuse, que cette abeille ouvrière à la courte vie de 35 à 40 jours, qui produit le miel. Et une pollinisatrice sacrément importante. N’est-ce pas Einstein qui disait que, « si l’abeille disparaît, l’humanité en a pour quatre ans à vivre » ? Pour découvrir le monde de l’abeillage, cap vers Saint-Benoit, Mirabel. Non loin de l’autoroute 640, de jolis chemins de campagne bordés de maisons traditionnelles québécoises aux toits courbés mènent à de verts champs tapissés de fleurs sauvages. C’est là, à Saint-Benoît, entre Saint-Joseph-du-Lac et Saint-Placide, que la famille Macle a établi en 1976 l’entreprise apicole Intermiel. Peut-être connaissez-vous déjà son miel vendu dans plusieurs épiceries du Québec dans des pots aux jolies étiquettes sur lesquelles sont inscrits la sorte de miel, sa provenance et le nombre de ruches. Et sur les couvercles, imprimés de fleurs, la certification « 100 % Québec » validée par le Bureau de normalisation du Québec. À moins d’avoir entendu parler d’Intermiel à la cabane à sucre Au Pied de cochon, juste à côté. Lorsque certains des plats du chef Martin Picard sont accompagnés d’un alvéole de miel, il y a de fortes chances qu’il provienne de ce voisin. Cultiver l’amour Originaires de Picardie, en France, et établis au Québec depuis 1969, Viviane et Christian Macle, deux enseignants de formation, cultivent leur amour pour les abeilles depuis bientôt 50 ans. Ici, dans les Basses-Laurentides, mais aussi dans Lanaudière, au Saguenay–Lac-Saint-Jean et en Outaouais (Pontiac). « Mon père se passionne pour l’apiculture depuis son enfance, alors qu’il accompagnait mon arrière-grand-père dans ses ruchers en France », explique Éléonore, responsable de la commercialisation et de l’agrotourisme. « Ma mère est une pédagogue dans l’âme et le coeur. C’est elle qui a développé, il y a 27 ans, le volet éducatif. En 1991, 200 élèves visitaient notre entreprise par année ; aujourd’hui, nous en accueillons plus de 15 000. » Sans compter les 100 000 autres visiteurs qui leur rendent visite chaque année. Remportant pour la deuxième fois la mention spéciale de l’agrotourisme décernée par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, Intermiel peut aussi se targuer d’avoir été choisie meilleure entreprise apicole au monde, en 2017, par World’s Greatest, une émission américaine qui sélectionne les meilleures entreprises au monde dans leur secteur d’activités. « Nous comptabilisons au Québec entre 9500 et 10 000 ruches, précise Éléonore. Sur ce total, nous apportons environ 6900 ruches pendant trois semaines au Lac-Saint-Jean pour la pollinisation du bleuet. Nous produisons 450 000 kilos de miel par année et employons en période estivale 75 personnes. » Les champs occupés par les ruches d’Intermiel présentent une jolie diversité florale qui permet à leurs 425 millions d’abeilles de fabriquer une large palette de produits : pommes au printemps, framboises, trèfle, verge d’or et bleuets en été, fleurs sauvages et sarrasin en automne. Les Macle fabriquent aussi du miel de sapin. Et ce véritable laboratoire des produits de la ruche (miel, propolis, pollen, cire, gelée royale et leurs dérivés, dont l’hydromel) propose du 24 juin au 15 octobre trois visites guidées par jour, sept jours sur sept. La visite commence au champ par l’ouverture d’une ruche. Calmos ! On enfile d’abord la combinaison blanche dite « cosmonaute », le chapeau avec filet et les gants blancs. On dit que le blanc apaise les abeilles et leur procure un sentiment de sécurité. L’amour pour les abeilles se lit dans les yeux de Manon, apicultrice et animatrice chez Intermiel. Elle leur parle avec douceur, les bichonne, les caresse de la main, même. « Le monde des abeilles, c’est une société de femmes laborieuses », explique-t-elle. Il y a la reine, les ouvrières — entre 50 000 et 60 000 par ruche — et les faux-bourdons. « Le rôle des abeilles mâles est limité. Ils ne fabriquent pas de miel et n’assurent pas non plus la protection de la ruche puisqu’ils ne piquent pas. Ils sont dans la ruche uniquement pour s’accoupler avec la reine. Et comme cette dernière ne s’accouple qu’une seule fois, plusieurs faux-bourdons ne pourront même pas remplir cette unique mission. » Les oeufs de la reine La reine est la seule femelle féconde de la colonie. Au printemps, elle peut pondre jusqu’à 2000 oeufs par jour. Elle ne sort pratiquement jamais de la ruche. Les ouvrières lui apportent la nourriture nécessaire et assurent le nettoyage de ses excréments. « Elle est la seule à se nourrir exclusivement de gelée royale depuis le stade larvaire », précise Manon. Est-ce la raison pour laquelle elle vit cinq ans et non 40 jours ? Pendant ce temps, pour assurer la survie de la colonie, les ouvrières fabriquent le miel, ventilent la ruche, nettoient, ramassent, fabriquent la cire, butinent et veillent sur tous les autres types d’abeilles. Ah oui… et dansent aussi pour communiquer entre elles. La visite d’Intermiel comprend l’interprétation de la ruche, la visite de l’hydromellerie, de la distillerie, des installations de fabrication du sirop d’érable, et se termine à la boutique. DU MIEL POUR LA CAUSE Chez Intermiel, les abeilles butinent aussi pour Leucan depuis près de 40 ans. En fait depuis 1985, alors que l’on découvre qu’Éléonore, la fille de Viviane et Christian Macle, alors âgée de 5 ans, est atteinte d’un cancer hépatoblastome, aussi appelé « tumeur abdominale de l’enfant », une rare tumeur maligne du foie. Un dur coup pour la famille qui vient à peine de s’installer. Après une opération chirurgicale importante et plusieurs traitements de chimiothérapie, Éléonore sourit aujourd’hui à la vie. Cette collaboration avec Leucan était un choix tout à fait naturel. Intermiel s’engage donc à verser aux enfants atteints de cancer l’argent récolté par la vente du miel ourson Leucan. Renseignements: https://intermiel.com/fr/
- Les tisserandes de Ccaccaccollo
Au Pérou, le tissage tient un rôle primordial. Il est une forme d’expression et de langage qui remonte aux anciennes civilisations préhispaniques. Un gagne-pain aussi. Dans la communauté de Ccaccaccollo, ce sont les femmes qui, de mères en filles, en assurent la transmission. Un savoir-faire de plusieurs centaines d’années. Article publié dans le quotidien Le Devoir du 5 mai 2018 Ce savoir-faire a bien failli disparaître dans cette petite communauté, située à 45 minutes au nord de Cusco, 15 de Pisac et 70 d’Ollantaytambo, point de départ du train vers le village touristique Aguas Calientes, au pied du Machu Picchu. Car si les villages où nichent les sites archéologiques connus, le Machu Picchu en tête, tirent parti des retombées économiques d’un tourisme qui ne cesse d’augmenter depuis 1970, les agglomérations quelque peu à l’écart ne profitent guère de la part du gâteau. Le boom touristique et l’arrivée dans la Vallée sacrée des Incas de multinationales agricoles sont venus troubler le mode de vie traditionnel des Quechuas, qui repose sur l’agriculture, l’élevage et l’artisanat. Comment rivaliser avec les grandes entreprises ? De fil en aiguille Ccaccaccollo s’en sort plutôt bien. Depuis que ses habitants ont décidé de faire renaître leurs traditions en travaillant avec G Adventures — un voyagiste reconnu pour ses expéditions responsables, qui depuis une quinzaine d’années forme et embauche les hommes du village comme cuisiniers et porteurs sur le chemin des Incas. Et les femmes ? Eh bien, pas question de chômer en attendant le retour du mari. Le moment est favorable pour se remettre au tissage — en sommeil depuis les années 1990 — et de façon traditionnelle en se servant des matériaux disponibles dans l’environnement : l’alpaga pour la laine, la cochenille, les plantes et les fleurs de la région pour les couleurs. Une décision qui a conduit en 2005, par l’entremise de la fondation Planeterra de G Adventures, à la création d’une coopérative de tisserandes qui allait assurer la survie des traditions textiles incas et l’art du tissage si cher à la petite communauté de Ccaccaccollo. Les femmes ont réappris avec l’aide d’experts de la fondation Planeterra les techniques oubliées du tissage classique. Un partenariat constructif, qui a permis de conserver les traditions du village, en offrant des avantages socio-économiques à tous les joueurs. D’une douzaine de tisserandes en 2005, elles sont maintenant une soixantaine. « Nous avons repris confiance en nous ainsi qu’en nos coutumes, sommes financièrement plus indépendantes et avons les moyens d’envoyer nos enfants en ville pour qu’ils y poursuivent leurs études secondaires », dit Lucia, porte-parole de la coopérative. Pour rejoindre Ccaccaccollo depuis Cusco, il faut emprunter la route 28 vers le nord, celle qui mène dans la Vallée sacrée. Puis, à quelques kilomètres au sud de Pisac, emprunter le chemin qui grimpe vers ce village quechua des hauts plateaux péruviens. De chaque côté de la route, des cultures diverses forment une mosaïque agréable à l’oeil. À l’horizon, quelques sommets enneigés. Est-ce le Sawasiray, là-bas, à 5818 mètres d’altitude ? Les Quechuas de la Vallée sacrée de l’Urubamba, tels leurs ancêtres les Incas, affectionnent les paysages dominés par la montagne et entourés de hauts sommets. C’est Lucia qui nous accueille. Elle est vêtue comme toutes ses collègues d’une jupe noire brodée de fleurs, d’un cardigan rouge sur une blouse blanche garnie de dentelle, chaussée de sandales noires en pneu recyclé et coiffé du chapeau traditionnel. « La coiffe diffère d’une région à l’autre », dit Lucia. Ici, le dessus est blanc avec une bande rouge tout autour qui indique l’état civil de la femme. Tournée vers le haut elle est célibataire, vers le bas, elle est mariée. Mais là, à la coopérative, toutes semblent mariées. Et pas d’hommes à l’horizon. Aucun. Sont-ils tous porteurs ou cuisiniers sur le sentier des Incas ? Il doit bien y en avoir qui surveillent les troupeaux d’alpagas en montagne. En tout cas, aucun ne semble se mêler du travail des tisserandes de la coopérative. Près de 3000 mètres Après avoir offert des herbages en guise de reconnaissance aux lamas et aux alpagas de l’étable, Lucia nous convie à déguster un maté de coca pour nous ragaillardir. « Ça défatigue en altitude », dit-elle. Il y a à peine trois heures, nous étions encore à Lima, au niveau de la mer, alors que Ccaccaccollo se trouve à près de 3000 mètres. Il faut s’adapter. D’ailleurs, pour s’accoutumer graduellement au soroche (le mal d’altitude), il est conseillé aux visiteurs — surtout si le séjour est très court — de quitter Cusco qui se trouve à 3326 mètres pour aller dormir dans des lieux moins élevés, comme Urubamba (2870 m) ou Ollantaytambo (2800 m) dans la Vallée sacrée et de revenir à Cusco après. Ce que le voyagiste G Adventures propose dans son circuit « National Geographic Journeys » de huit jours qui amène son monde à Ccaccaccollo. Les deux premières nuitées à Urubamba, la troisième à Aguas Calientes et les trois autres à Cusco. Longue vie aux traditions Sur la place centrale, une vingtaine de femmes assises en demi-cercle nous observent avec autant de curiosité que nous les observons. Certaines tricotent gants et chullo, la fameuse tuque avec des cache-oreilles prolongés par une tresse, tandis que d’autres tissent de longs foulards colorés sur des métiers à ceinture fixés à un poteau. Dans une des huttes au toit de paille qui jouxtent la place centrale, deux tisserandes filent la laine tandis qu’une autre crée les couleurs qui serviront de teinture. « Le processus de préparation au tissage comprend la récolte de la laine, le filage, le retordage et la teinture », explique Lucia tout en croquant dans une pomme de terre bleue. « Nous utilisons des teintures naturelles à base de plantes pour colorer la laine. Elles ne sont pas nuisibles à l’environnement et ne polluent pas la terre », poursuit Lucia. On concocte aussi à la coopérative 28 couleurs à partir des cochenilles qui vivent sur le cactus de Nopal, dont le Pérou est un grand producteur. Les insectes qui se nourrissent du fruit de la plante, la figue de barbarie, produisent des pigments marron. « Les femelles qui conservent dans leurs tissus ce pigment sont séchées au soleil, puis broyées et réduites en poudre. Cette matière fine mélangée à de l’eau bouillante donnera le rouge carmin qui va servir de base pour créer un tas de couleurs à partir des sels, acides ou autres substances caustiques que l’on y mélangera », explique Lucia. Quand vient le temps de la récolte, seules les espèces femelles sont récupérées sur les cactus. Une à une. Et idéalement les femelles fécondées, car elles contiennent plus d’acide carminique. On prend donc bien soin de récolter les insectes juste avant la ponte. Dans une autre hutte, une enseigne sur laquelle est écrit 100 % fibre d’alpaga pend au-dessus d’une table remplie de vêtements multicolores : chandail, bas, gants, mitaines, tuques, foulards, sacs à dos… Et les prix ? Plus bas que sur les marchés touristiques. Les femmes gèrent l’entreprise avec beaucoup d’enthousiasme. Leurs réalisations sont vendues à la coopérative et les revenus des ventes partagés à égalité entre les tisserandes. Et à Ccaccaccollo le métier continue de se transmettre de mère en fille. Reste à espérer que nombreux seront les voyagistes qui continueront à soutenir les métiers traditionnels du monde ; que les femmes péruviennes tisseront encore longtemps dans la Vallée sacrée ; et que l’aéroport international en construction, entre montagnes sacrées et sites archéologiques incas, prévu pour 2021, ne viendra pas, avec un tourisme de masse au bras long, mettre à mal les modes de vie ancestraux andins. Invitée du voyagiste G Adventures. QUELLE LAINE CHOISIR ? Lama — Depuis toujours, le très domestiqué lama sert d’animal de bât, mais les Quechuas ne le chevauchent pas comme les Espagnols ont tenté de le faire. Le ruminant andin n’aime pas la surcharge. Et il a mauvais caractère et vous crachera en pleine face si vous l’ébranlez mentalement. Sa chair est comestible mais coriace, et ses poils sont rêches. On s’en sert plus pour faire des cordes que des vêtements en laine. Il était vénéré des Incas. Vigogne — C’est le plus petit camélidé sauvage local. Son pelage doré et son ventre blanc en font la plus précieuse des quatre espèces. Comme il était menacé d’extinction au milieu du XXe siècle, on a créé des programmes de sauvegarde près de Nazca et d’Arequipa. Et sauvé la race. En 1990 on a recommencé à vendre sa laine, considérée comme la plus fine du monde. Guanaco — C’est le plus rare des camélidés sauvages du Pérou. Sa laine n’est pas assez belle pour qu’on en fasse des vêtements, mais sa viande est comestible Alpaga — Domestiqué après le lama, l’alpaga était élevé pour sa toison. Sa fibre six fois plus chaude que celle du mouton est considérée comme l’or des Andes et reconnue comme l’une des plus luxueuses du monde. Comparable au toucher au cachemire, elle est douce, résistante, imperméable, hypoallergénique, ne pique pas et ne dégage pas d’odeur. Et pour l’anecdote, au début de la conquête spatiale, la NASA utilisa de la laine d’alpaga pour sa très grande qualité. À privilégier lors de l’achat d’un vêtement au Pérou…
- Le Québec est aux oiseaux
Le mois d’avril est marqué par l’arrivée de milliers d’oies des neiges en route vers l’Arctique de l’Est. Elles font halte, entre autres, dans les champs de Baie-du-Febvre pour y faire le plein d’énergie. Le moment est opportun pour venir les observer, leur tirer le portrait, visiter le centre d’interprétation et bavarder avec les gens de ce coin de pays, qui est aussi le point de départ de la Route des navigateurs. Article publié dans le quotidien Le Devoir du 13 avril 2018 4 avril. Il est midi lorsque nous arrivons dans le village. Comme l’avait prévu la météo : pluie et vent forcissant au fil de la journée. Peu d’oies blanches en vue dans les champs inondés de Baie-du-Febvre. C’est que la jolie sauvagine n’aime pas les tempêtes. Mais elle n’est pas loin. Sûrement en sécurité dans un champ agricole à quelques kilomètres de là, à se gaver de vieilles graines de maïs, reliquat de la dernière semence. « Elles sont arrivées le 31 mars : plus de 30 000 oies », précise Nathalie Grandmont, responsable du Centre d’interprétation de Baie-du-Febvre, dont la date d’ouverture coïncide avec l’arrivée des premiers troupeaux d’oies des neiges. « En fin de journée, le 2 avril, on en comptait quelque 175 000 dans les champs en bordure de la route Janelle, puis les 4 et 5 avril, à cause du froid et du vent, elles n’étaient plus que 40 000. Et à nouveau, la fin de semaine dernière, elles étaient quelque 175 000. Si la tendance se maintient — les rassemblements d’oies les plus considérables ayant été observés à la mi-avril — et que la météo n’entre pas en folie, ce week-end pourrait accueillir ses plus importantes colonies en provenance de la côte est des États-Unis. Criaillement et cacardement D’abord, on les entend, un cri qui s’apparente à une sorte de « kowkou » ou de « kow-lik », puis on les voit voler en enfilade dans le ciel. Soit en formation aérienne en V, mais pas de façon aussi bien structurée que les bernaches du Canada, ou striant le ciel dans tous les sens à la recherche de nourriture ou d’un espace sécuritaire où se poser. Montréal se trouvant sur leur ligne migratoire, on les aperçoit et surtout on entend depuis quelques semaines leur cacardement dans le ciel de la métropole, soulevant l’espoir d’un changement de saison. Combien d’artistes se sont inspirés de cette grande migration ? On pense à Jean-Paul Riopelle qui adorait peindre l’oie blanche et le hibou. Parlant de hibou, si nous n’avons pas eu le plaisir d’assister, le 4 avril dernier, au joli chassé-croisé des oies qui rentrent des champs en fin de journée — une aventure nature ne venant pas avec une garantie —, en revanche, nous avons vu un harfang des neiges posé là au beau milieu du dortoir glacé de l’oye, en attente d’une proie à se mettre sous le bec. « Les oies blanches adorent s’installer là où se camoufle le harfang des neiges, car il fait peur à l’un de ses prédateurs naturels, le renard », explique Nathalie Grandmont. Pour la bruyante sauvagine qui vient de parcourir 1000 kilomètres, Baie-du-Febvre a tout pour plaire : une plaine inondée où elle se sent en sécurité et des champs farcis de vieilles semences qui lui fourniront l’énergie pour poursuivre sa migration. Caméras, tranche d’histoire et boîte à lunch Si, à l’automne, les lieux de repos et d’observation pour les oiseaux migrateurs se situent à Montmagny, à L’Isle-aux-Grues et à Cap-Saint-Ignace, au printemps, la population d’oies des neiges se concentre dans les aires de pâturage situées sur les terres agricoles en bordure du Saint-Laurent. Dont Baie-du-Febvre, l’un des fiefs. Plusieurs sites d’observation attendent les visiteurs curieux le long de la route 132, entre ce village du Centre-du-Québec à 90 minutes de Montréal, 30 de Trois-Rivières, de Drummondville et de Sorel-Tracy, et à quelques minutes au sud de Nicolet. Les meilleurs moments pour observer les oies des neiges : le matin tôt, au moment où elles quittent les plans d’eau le long de la 132, et avant le coucher du soleil, quand elles rentrent des champs pour le grand regroupement nocturne. Par beau temps, elles peuvent y revenir en milieu d’après-midi. Par contre, les jours d’intempéries, elles ne rentrent que le soir. Une visite au Centre d’interprétation, situé au coeur de la Réserve de biosphère du lac Saint-Pierre, permet de mieux comprendre les raisons pour lesquelles les oies et les bernaches s’arrêtent à Baie-du-Febvre en période de migration. Au deuxième étage, une mini-exposition raconte l’histoire de ce village de quelque 900 âmes, jadis la seigneurie de la Baye-de-Saint-Antoine, concession du sieur Jacques Lefebvre devenue municipalité de Baie-du-Febvre le 30 juillet 1855. Lieu où l’on célèbre l’arrivée des oies au printemps, le mois de l’arbre et des forêts en mai, le Challenge 255 en août, la Grande Tablée du lac Saint-Pierre en octobre. Et qui possède un théâtre, le Belcourt, construit dans une ancienne salle paroissiale datant de 1950, ainsi qu’un bulletin municipal au joli nom de La V’Oie de Baie-du-Febvre. La Route des navigateurs À l’entrée du village, on aperçoit un premier panneau bleu indiquant le début de la Route des navigateurs, chemin touristique qui épouse le tracé de la 132 le long du fleuve, sur une distance de 470 kilomètres, entre Baie-du-Febvre et Sainte-Luce. La jolie route ancestrale sillonne le Centre-du-Québec, la Chaudière-Appalache et le Bas-Saint-Laurent. Bon, tout cela donne faim ! Il est possible de se sustenter alentour, soit au restaurant traiteur Madame Claire, qui concocte du lundi au jeudi midi une cuisine maison, ou en se procurant, du mercredi au dimanche, quelques produits du terroir québécois à la boutique du Centre d’interprétation : confit d’oies, rillettes, mousse de canard, oeufs de cailles, cornichons et moutarde à la canneberge. Ne reste qu’à apporter votre pain et quelques verres pour goûter au « Globul » de type A, B ou AB — nom qui évoque la profession médicale pour laquelle le copropriétaire du vignoble Le Fief de la rivière, Jocelyn Hébert, se passionne depuis toujours.
- Escapade dans le New Hampshire
Article publié dans le quotidien Le Devoir du 31 mars 2018 Après la Guerre d’indépendance, la frontière entre le New Hampshire et le Canada est mal définie. Agacés par les chicanes constitutionnelles entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, les colons décident de créer, en 1832, une mini-république indépendante : l’Indian Stream. Une histoire à découvrir en parcourant un chemin thématique qui sillonnera la région des Trois-Villages — East Hereford, Saint-Herménégilde, Saint-Venant-de-Paquette, au Québec, et la ville de Pittsburg, au New Hampshire. Un temps jadis qui sera raconté plus en détail dès la fin de l’été 2018 sur de grands panneaux plantés sur 18 sites — 9 dans la région des Trois-Villages, au Québec, et 9 à Pittsburgh, N. H, non loin de la frontière Beecher Falls-East Hereford. Et peu importe où vous vous trouverez lors de votre vagabondage sur ce joli territoire à l’ombre des monts Hereford (864 m), au Québec, et Diamond Ridge (985 m), au New Hampshire, il n’y aura pas d’ordre pour parcourir ce chemin historique qualifié de « beau marathon » par la recherchiste et muséologue Mélanie da Silva, qui s’affaire actuellement à déterrer, à condenser, à commenter et à valider cette histoire méconnue. Une grande histoire courte Toutefois, deux importantes installations consacrées au projet de l’Indian Stream — une initiative du Comité de développement local (CDL) des Trois-Villages et de l’Historical Society de Pittsburg — seront aménagées pour informer les visiteurs : l’une à East Hereford, l’autre à Pittsburg. Ces deux structures informatives pourraient se révéler un excellent point de départ du chemin. Pendant les 59 ans qui suivront la signature du traité de Versailles, la Grande-Bretagne et les États-Unis se disputeront un territoire de quelque 200 000 acres, situé à l’extrême nord du New Hampshire, entre la rivière Hall au nord-ouest (la frontière selon les Américains) et la rivière Connecticut au sud-est (la frontière selon les Britanniques). « La description de la frontière entre le Bas-Canada et le New Hampshire, plutôt floue sur un terrain méconnu, causera bien des problèmes », raconte l’historien et consultant Karl Bourassa, dans un rapport de recherche sur l’État de l’Indian Stream. Très vite, deux compagnies de colonisation achètent en sous-main les titres de propriété pour les revendre à des colons et à des spéculateurs, la Bedel Company et l’Eastman Compagny. Le territoire se peuple alors lentement — mais pas sûrement, dans ce coin reculé où tentent de survivre trappeurs et fermiers, contrebandiers et hors-la-loi. Incertitude chez les colons « En 1814, le traité de Gand met fin à la guerre entre la Grande-Bretagne et les États-Unis et demande aux belligérants de statuer sur la frontière. L’incertitude règne chez les colons. Comment bâtir l’avenir quand on ne sait pas dans quel pays on vit ? » Puis, un beau jour, la petite communauté qui vit dans l’incertitude décide de prendre sa destinée en main. En 1832, elle se proclame République indépendante, jusqu’à ce qu’un accord intervienne entre le Canada et les États-Unis au sujet de la frontière. « Escarmouches entre Américains et Canadiens, arrestations des membres de la communauté, injustices… les habitants décident de se défendre », raconte Karl Bourassa. En 1840, les habitants de la République se rangent du côté des États-Unis pour constituer le canton de Pittsburg et fondent la petite ville de Pittsburg (comté de Coös). La signature du traité Webster-Ashburton, en 1842, viendra mettre un terme à ces frontières floues canado-américaines. Le Canada perdra, entre autres, la totalité du canton de Drayton et ne conservera que 4500 acres de l’ex-« République de l’Indian Stream » C’est le village le plus au nord du New Hampshire, situé en plein coeur du Great North Wood. La mecque de la motoneige en Nouvelle-Angleterre. Avec des kilomètres de ruisseaux et de rivières foisonnantes de truites et de saumons. Des lacs et des étangs pour la baignade et le kayak. Et de belles randonnées allant de plusieurs jours à quelques heures, dont celle des quatre lacs Connecticut qui fait partie du réseau Cohos Trails. Une municipalité où il y a plus d’orignaux que d’âmes qui vivent et plus de restaurants, d’épiceries, d’hébergements et de stations d’essence, ouvertes en été comme en hiver, que dans la partie québécoise de cette ex-République libre de l’Indian Stream. « La description de la frontière entre le Bas-Canada et le New Hampshire, plutôt floue sur un terrain méconnu, causera bien des problèmes à l’époque. » — Karl Bourassa En attendant les 18 panneaux d’interprétation prévus donc pour la fin de l’été, cap vers le centre du village de Pittsburg pour une rencontre avec la stèle de Luther Parker, un personnage qui a joué un rôle clé dans la délimitation de la frontière, et qui fait partie, depuis 2016, du circuit La voie des Pionniers, qui sillonne la MRC de Coaticook. Ambiance intolérable Il suffit de cliquer sur un bouton pour que Luther Parker (1800-1853), pionnier américain connu pour avoir rédigé la Constitution de la République de l’Indian Stream en 1832, nous raconte l’ambiance intolérable qui régnait ici, entre la rivière Hall et le fleuve Connecticut, jusqu’à la définition de la frontière par le traité Webster-Ashburton. La route La voie des Pionniers présente 27 personnages grandeur nature — découpés dans un panneau d’acier Corten et plantés au beau milieu du paysage, de part et d’autre de la vallée de la Coaticook et à Pittsburg, où les Américains ont été séduits par cette idée — qui ont marqué l’histoire de la région du XIXe siècle, début du XXe siècle. LES CIMETIÈRES SE RACONTENT ! L’ex-République de l’Indian Stream, qui embrasse la région des Trois-Villages — East Hereford, Saint-Herménégilde et Saint-Venant-de-Paquette, au Québec — et la ville de Pittsburg, au New Hampshire, cumule une bonne douzaine de cimetières. Si de tout temps les frontières suscitent fascination et intrigues, les cimetières qui les bordent racontent des histoires oubliées. Ces musées à ciel ouvert méritent une visite. Ils révèlent l’histoire de la vie frontalière, de la guerre de Sécession, de la présence des anglicans, des adventistes et des catholiques, ainsi que de la vie politique, économique et agricole du XIXe et du XXe siècle. On pense aux cimetières Saint-Henri, Old Hall Stream et Herber Lawton Memorial Advent, à East Hereford, au All Saints Cemetery à Saint-Herménégilde, à celui de Saint-Venant-de-Paquette et au Hollow Cemetery, à Pittsburg. LIENS UTILES Les Trois-Villages Pittsburg Vallée de la Coaticook La voie des Pionniers East Hereford Saint-Venant-de-Paquette Saint-Herménégilde Cohos Trail, New Hampshire
- La vie dans la campagne «comptonoise»
On connaît Compton, dans les Cantons-de-l’Est, pour ses beaux paysages champêtres, son pont couvert et ses granges rondes. Pour son marché paysan d’exception du jeudi soir. Pour sa fête gourmande, Les Comptonales, et le festin des grâces qui s’ensuit. Pour ses jardins, ses vergers, ses fermes bios… On connaît Compton l’été. Et l’hiver alors ! Article publié dans le quotidien Le Devoir du 3 mars 2018 Février. Sur la route 143 qui mène à Compton, les paysages tiennent sous le charme. On se croirait dans une peinture de Juan Cristobal. Le soleil crée avec les arbres, les arbustes, les clôtures, les oiseaux en vol… un tas de silhouettes sur la neige blanche qui forment de magnifiques dessins. Ici et là, un méli-mélo de traces de dindes sauvages et de lièvres sur le qui-vive, et de chevreuils, à n’en pas douter, en quête de croustance. Visiteurs qui venez à Compton en été et en automne tirer le portrait de ses magnifiques paysages, il faut savoir qu’ils sont aussi grandioses en hiver. Mais sans les allées et venues des tracteurs sur les routes, des vaches qui se déplacent d’un champ à l’autre, des charrues, des buteuses et des tasseuses qui labourent les terres fertiles du coin. Car l’économie de cette commune agricole de quelque 3274 âmes, la 2e en population et en superficie de la MRC de Coaticook — et la plus prospère du point de vue de la production laitière — est avant tout fondée sur l’agriculture et l’agroalimentaire. Selon les données du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), « on recensait en 2010 140 entreprises agricoles à Compton, ce qui représente le quart (25,1 %) du total d’entreprises agricoles dans la MRC de Coaticook. Cela place Compton au premier rang pour le nombre d’entreprises agricoles de la région, tout juste devant la ville de Coaticook, qui compte 124 entreprises ». Danse avec la vie Une agriculture bio ou raisonnée, pratiquée par une bande de passionnés de la terre et de l’assiette qui ont à coeur le développement d’une agriculture durable sociale, économique et écologique, et qui ont compris au fil des ans que « l’union fait la force ». C’est grâce à cet esprit de collaboration, qui semble viscéral à Compton, que sont nés en 2006 les Comptonales, puis le marché paysan du jeudi qui fait la joie du village. Un village situé à 15 km de l’extrémité sud de la ville de Sherbrooke et à 12 km de Coaticook, qui se peuple de plus en plus de jeunes familles en quête d’une vie meilleure pour leurs enfants. Un village qui garde ses aînés grâce à de nombreux services de proximité. Un village où l’on veille à la transmission des savoir-faire traditionnels. « À Compton, agriculture rime avec culture », soutient le romancier Benoit Bouthillette, qui, avec sa conjointe, la journaliste Danielle Goyette, a élu domicile dans le village il y a trois ans. Quand il n’écrit pas, l’auteur de La trace de l’escargot et de L’heure sans ombre travaille au verger Le Gros Pierre ou siège au conseil municipal. Lors de mon passage à Compton, le jour de la Saint-Valentin, Benoit et Danielle accompagnaient une douzaine de lionceaux (une branche du club Lions de Compton) de l’école primaire Louis Saint-Laurent de Compton qui allaient offrir aux petits de la garderie Cocorico, juste à côté, le chocolat qu’ils venaient de fabriquer avec leurs professeurs. L’objectif du club de Lionceaux (le seul au Québec), qui a vu le jour dans cette école à l’esprit entrepreneurial : développer davantage la participation citoyenne — un aspect cher à la municipalité de Compton — par des gestes d’entraide, de collaboration et de coopération. Aujourd’hui, on partage le chocolat, demain, on dansera avec les aînés… Au boulot hiver comme été Pendant que les citoyens oeuvrent dans le village à mille tâches invisibles pour le touriste, les maraîchers préparent la saison suivante. Peu de répit à la ferme en hiver. Et encore moins quand on cultive en serres, et à l’année, des légumes en pleine terre. Comme à la ferme bio l’Abri végétal, où tomates, poivrons, concombres, fines herbes et ail sont tenus bien au chaud grâce à un système pointu de chauffage géothermique. Les propriétaires, Annie Lévesque et Frédéric Jobin Lawler, voient la vie en vert. Même en hiver quand tout est blanc dehors. Et par tous les moyens travaillent à ce que leur petite entreprise familiale laisse le moins d’empreintes nuisibles à l’environnement. Pas de relâche donc pour ce couple en hiver qui, de janvier à août, bichonne ses concombres, de mars à février ses tomates, et à l’année ses aubergines. Qui prépare en décembre les semis et les greffes pour tous ses types de tomates et d’aubergines et qui s’attaque aux insectes ravageurs comme les thrips et les pucerons. À l’année, un petit étal en libre-service — selon un système de paiement d’honneur — permet à la population d’ici et d’ailleurs d’acheter quelques légumes, dont plusieurs variétés de délicieuses tomates : la Heirloom de type héritage, la coeur de boeuf et la tomate Beefsteak rouge et rose. « On ne s’arrête jamais, lance Annie. Quand on n’est pas affairés à tailler, à tuteurer ou à redresser nos longs plants de tomates, ou qu’on ne veille pas à nos semences, on s’occupe de nos trois enfants, on prépare des conférences, on fait de la recherche et développement et on entretien l’équipement. » Même scénario à Les Vallons maraîchers, que les habitués des paniers Lufa connaissent puisque cette ferme bio, située sur le chemin Hyatt’s Mills, à Compton, pas trop loin de l’Abri végétal, est partenaire de la fameuse entreprise de fermes urbaines. « C’est vrai, en hiver il y a moins d’allées et venues de tracteurs à Compton, mais le travail se poursuit dans l’entrepôt », explique Jacques Blain, copropriétaire avec sa femme, Josée Gaudet, de cette ferme maraîchère de 75 acres de légumes cultivés en terre. En ce moment, une dizaine de personnes travaillent à plein temps à laver et à mettre en sacs les légumes racines vendus au Québec sous la marque de commerce Symbiosis, dont le couple est cofondateur, et sur la côte est américaine sous la marque Deep Root. « En mai, lorsque la culture des asperges bat son plein, le personnel grimpe à 16, précise l’agronome de formation. Et en été, une quarantaine de personnes travaillent dans les champs. En culture bio, le désherbage se fait manuellement. » Pendant que Josée transforme fruits et légumes en confiture, en sauce tomate et en légumes déshydratés et rêve de son comptoir de vente qui prendra forme sous peu, Jacques feuillette les catalogues de semences, retape la machinerie et veille au bon roulement de son entreprise bio qui peine en ce moment à suffire à la demande. Les semis En mars, la réserve de carottes, de betteraves et autres légumes racines de l’an dernier diminue. Bientôt, on sèmera pour la prochaine saison. « À la fin du mois, on démarre les semis de poireaux et d’oignons, à la mi-avril la laitue, les épinards et les radis, et début juin, les tomates. Pas de répit en hiver ! » Quant à Sabrina et à Antoine, un jeune couple nouvellement arrivé à Compton, ils mettent les bouchées doubles en ce moment pour que leur fermette familiale au joli nom de Lapinambourg produise des fruits et légumes rares — kiwis, kakis, assiminiers, haricots… — destinés, entre autres, aux chefs des meilleurs restaurants du Québec. Le couple qui cultive en permaculture se passionne aussi pour les semences rares et inusitées. Semences de maïs glas, de courge butternut, de grande molène, de haricots Odawa, d’épazote, de celtuce, de crosne du japon… Et, telle une abeille, Sabrina butine ces jours-ci d’une fête de semences à l’autre au Québec pour vendre ses précieuses graines. Et pendant ses temps libres (ah bon !), elle crée de jolis bijoux, concocte des mélanges de tisanes et fabrique savons, baumes à lèvre et à barbe, pommades et parfums. Ni Compton ni ses agriculteurs ne connaissent la farniente en hiver. Loin de là ! INFOS PRATIQUES L’Abri végétal Les Vallons maraîchers Lapinambourg fermette polyculturelle Tourisme Vallée de la Coaticook Les Comptonales Carte de la Route du marché à la ferme
- Quatre milliards d’années en quelques heures à Sherbrooke
Ça brasse au Musée de la nature et des sciences de Sherbrooke. Tremblements de terre, séparation des continents, déglaciation, volcans… On a parfois chaud, parfois froid, parfois le vertige. Puis il y a ces animaux du monde qui nous épient. Et ces fragments d’humanité qui relatent 12 000 ans d’histoire. Cap vers le Vieux-Sherbrooke ! Article publié dans le quotidien Le Devoir du 23 février 2018 Situé au bord de la bouillonnante rivière Magog, sur le site de l’ancienne usine américaine de lingerie féminine Julius Kayser — qui a fait travailler des milliers de Sherbrookois entre 1915 et 1988, ce musée raconte l’histoire de la formation de la Terre, celle des Cantons-de-l’Est surgis de la glace il y a 12 000 ans, ainsi que sa propre histoire. Un musée né en 1879 au séminaire de Sherbrooke, situé sur la rue Frontenac, juste en face, à une époque où les collèges classiques se constituaient des collections de spécimens qui servaient à l’enseignement des sciences naturelles. De grands panneaux dans le hall d’entrée racontent que c’est le chanoine Léon Marcotte qui, pendant 64 ans, bichonnera cette collection. Qu’à sa mort, en 1964, le Musée du séminaire fermera ses portes pour ne rouvrir qu’en 1973. Puis, modernité oblige, le Musée déménagera dans l’ancienne usine Julius Kayser, alors en pleine revitalisation de ses espaces pour devenir en 2002 le Musée de la nature et des sciences que l’on connaît aujourd’hui. AlterAnima C’est de façon fantaisiste et sans rien perdre en rigueur scientifique que l’exposition AlterAnima présente quelque 500 spécimens d’animaux naturalisés — chacun ayant sa petite histoire originale — sur les 65 000 qu’héberge la réserve du musée. L’histoire de l’orignal fait sourire. En 1925, le chanoine Léon Marcotte aurait donné 100 $ pour le faire empailler. La taxidermie de l’animal aurait été réalisée à l’intérieur du Musée du séminaire. Puis il a fallu le déménager en 2002. « On a dû percer un trou dans le mur de l’ancien Musée du séminaire et faire appel à une grue pour le descendre en bas de l’édifice », explique Mitch, un employé. Plutôt que par espèces ou par habitats naturels, les animaux, coquillages et insectes sont présentés par clans. Clan des beaux becs, des queues originales, des têtes dures, des noirs et blancs, des étranges formes… Les anecdotes sont racontées par trois guides virtuels au moyen d’une tablette électronique : un biologiste passionné, une écologiste mordue et un veilleur de nuit captivant. On en perd le nord. Et la notion du temps ! Informations approfondies, jeux de « cherche et trouve » et parcours de visite se retrouvent sur cette petite tablette prêtée aux visiteurs au moment de l’achat du billet. Fragments d’humanité Plus classique dans sa forme, la nouvelle exposition Fragments d’humanité. Archéologie du Québec présente jusqu’en mai prochain 200 pièces issues de fouilles archéologiques réalisées sur plus de 10 000 sites répartis au Québec. Réalisée par le musée Pointe-à-Callière, cité d’archéologie et d’histoire de Montréal, cette exposition, qui célèbre 50 ans de recherches et de découvertes en archéologie québécoise, plonge le visiteur dans les us et coutumes d’époques qui remontent jusqu’à 12 000 ans, alors que le territoire québécois émergeait tout juste des glaces. Vases, pointes de harpons, guimbardes en laiton, garnitures de fusils, fragments d’épaves de bateaux… L’exposition comprend quatre zones : archéologie préhistorique, terres d’échanges et de commerce, chronique du quotidien et histoires englouties. Intrigante, la petite collection de pipes. Fumer la pipe fait partie des rituels amérindiens depuis 3000 ans, lit-on sur une affichette. Ils fument la pipe pour bien disposer les esprits avant les échanges ou pour favoriser la guérison. Terra mutantès Terra mutantès traverse 400 millions d’années en 20 minutes. L’histoire merveilleusement bien contée catapulte le spectateur au coeur de la formation géologique des Appalaches. D’entrée de jeu, la curiosité est attisée, le spectacle s’annonce grisant. « Préparez-vous à un voyage extrême qui donne le vertige, déclare d’une voix musclée le narrateur Guy Nadon. Vous allez traverser des milliers d’années interminables. La terre tremblera, la lave coulera, les fonds marins cracheront le feu. » C’est assis sur des bancs autour d’une large table interactive qui s’anime au rythme du déplacement des océans, de volcans qui crachent le feu, de glaciers qui avancent en écorchant les montagnes, que l’on s’instruit sur les origines du relief appalachien. Les images défilent sur trois écrans et se reflètent sur la table dont la surface brandille au toucher grâce à des caméras infrarouges. Le visiteur peut interagir et tenter d’attraper un poisson sans mâchoire qui défile à toute allure, provoquer des mécanismes d’érosion et vivre une tempête de neige dont les flocons virevoltent dans toute la pièce. On ressort ébloui de cette expérience, avec en tête cette phrase de Guy Nadon : « La colère provoque de belles choses. » Une référence, entre autres, aux paysages estriens. Avant de quitter le musée de la rue Frontenac, cap vers le simulateur de tremblements de terre pour vivre trois secousses de magnitudes différentes sur l’échelle de Richter. Terre qui ondule, bruits sourds, silence. Ça doit être affolant dans la vraie vie !
- La vallée péruvienne de l’Urubamba, royaume de la pomme de terre
À 33 km au nord-ouest de Cusco, entre Pisac et Ollantaytambo, s’étend la Vallée sacrée, haut lieu de l’agriculture péruvienne. Les terres y sont si fertiles qu’il y pousse mille légumes, dont la papa ou pomme de terre. Une biodiversité que les Incas exploitèrent dans d’inouïs laboratoires de recherches à flanc de montagne. Article publié dans le quotidien Le Devoir du 17 février 2018 Le Pérou n’était pas sur ma liste des voyages à faire à tout prix avant de mourir. J’avais d’autres priorités et, peut-être inconsciemment, une petite réserve fondée sur le motif de l’intense exploitation touristique du célébrissime Machu Picchu — classé au patrimoine de l’UNESCO, devenu au fil du temps une grosse machine à faire de l’argent. L’idée aussi d’essuyer un possible mal de l’altitude dans la ville de Cusco, à 3400 m d’altitude, le point d’arrivée des touristes en route vers le Machu Picchu, ne m’émoustillait pas trop. Ni de faire la queue pour monter dans le train jusqu’à Aguas Calientes, le village au pied du fameux site, et de là une autre interminable queue pour prendre le bus qui mène au lieu, et une autre encore à la guérite d’accès au sommet. Ouf ! Coq-à-l’âne, face au flux croissant de visiteurs qui foulent ce site, l’État péruvien, en concertation avec l’UNESCO, a instauré un quota de visiteurs. Un maximum de 2500 par jour. En haute saison donc, mieux vaut réserver sa visite bien à l’avance. Et voilà que l’occasion d’un voyage dans la Vallée sacrée des Incas se présente ! Un itinéraire « National Geographic Journeys » par G Adventures, un forfaitiste reconnu pour ses expéditions responsables. Avec promesse d’un voyage en petit groupe, de guides locaux, de visite de communautés rurales, et, bien sûr, n’étant pas plus catholique que le pape, de celle du Machu Picchu. Il faut bien reconnaître d’ailleurs qu’aucune photo ne peut rendre compte de la magie des lieux. outre, jamais je n’oublierai ce moment où, le souffle déjà court, j’ai aperçu les murs titanesques de la célèbre cité inca entourée d’étonnantes terrasses agricoles et ornementales, bâties au sommet d’une crête rocheuse couverte de végétation tropicale et surplombant le fougueux rio Urubamba, couleur chocolat, coulant vers l’Amazonie. Huit jours d’un itinéraire qui allait conduire notre groupe de huit personnes dans la légendaire vallée, entre Pisac et Ollantaytambo, pour y découvrir d’autres sites archéologiques incas moins fréquentés que le Machu Picchu, mais tout aussi grandioses. Dans l’ombre du Machu Picchu En se promenant dans ce haut lieu généreux, dominé par les glaciers, on reste bouche bée en observant les montagnes couvertes de terrasses aux airs d’amphithéâtre gréco-romain. Elles illustrent bien l’ingéniosité dont faisait preuve cette civilisation. Les Incas y ont expérimenté différentes plantations, dont la pomme de terre et le maïs. Une vallée si fertile que les Espagnols la qualifièrent de « Valle Sagrado ». Les esprits incas semblent d’ailleurs toujours veiller le long du rio Urubamba qui la sillonne et où l’on cultive maïs noirs, roses ou jaunes, quinoa et kiwicha, tomates, courges haricots, herbes aromatiques… Une abondance de produits due à la terre volcanique et au climat humide, bien visible tant au marché central SanPedro, à Cusco, que dans les marchés des villages de Pisac et d’Ollantaytambo — deux sites archéologiques incas spectaculaires à flanc de montagne à ne surtout pas manquer. À 70 km de Cusco, le site de Moray, laboratoire de recherches agronomiques à ciel ouvert sous les Incas, fascine non pas pour sa coquetterie, mais pour son histoire. Trois grands puits en terrasses circulaires auraient été utilisés avant l’apogée de l’Empire inca. Le plus grand mesure environ 36 m de profondeur et 220 mètres de long. Sur chaque étage créateur de microclimat, tapissé de cailloux de sable et de terre fertile, ils ont provoqué la mutation de plants créant des centaines de variétés nouvelles. « Les Incas ont construit cette structure circulaire en terrasses de façon à y reproduire une vingtaine de microclimats », explique Gerson, notre guide. Chaque étage, haut d’environ deux mètres, offrait un environnement climatique différent et servait à cultiver différentes plantes — de basse et de haute altitude — de manière expérimentale. « Et pour faire le reste du travail, ils avaient développé un brillant système de réseaux d’irrigation de la terre, à partir de l’eau qui coulait du sommet des montagnes. » Autre site fascinant dans la Vallée sacrée, les salines de Maras, qui fournissent depuis 4000 ans le sel indispensable à la conservation des aliments, puisé dans une myriade de lagunes dont chacune est exploitée par une famille de la petite ville de Maras. Quand on passe du temps dans la « Valle Sagrado », on s’aperçoit que les Quechuas n’ont jamais coupé le lien avec la pachamama (la terre mère), si chère aux Incas. Il reste quelque chose d’autrefois dans la façon de vivre, une transmission d’éléments ancestraux que l’on retrouve au Parque de la papa, à 3700 m d’altitude. Être « dans les patates » Le minibus grimpe toujours et toujours plus haut sur des chemins sinueux. C’est la chanson El Condor Pasa tournant en boucle dans nos têtes, un peu verts et un peu étourdis que nous débarquons au Parc de la pomme de terre. Nous sommes accueillis amicalement par la communauté Pampallacta — qui s’empresse de nous offrir une petite infusion de feuilles de coca, afin de requinquer notre système digestif fragilisé. Mais là, pour s’accoutumer au soroche, le mal des hauteurs, ça prendrait la feuille au complet. Et faire comme les coqueros, la mastiquer pour jouir de ses effets. Quoi qu’il en soit, nous voilà au Parque de la papa, dans une vallée isolée de la région de Cusco, où six communautés quechuas ont mis en commun leurs terres et placé les variétés locales de pommes de terre au coeur de leur projet de développement. Les agriculteurs de ce parc voué à la conservation des variétés indigènes de pommes de terre andines cultivent plus de 1600 variétés entre 2000 et 5000 m d’altitude. « L’objectif est double sur cet espace de 10 000 hectares : assurer des ressources aux communautés fragilisées par le changement climatique et créer une aire de protection de la biodiversité », explique Nasario, notre hôte. « Si plusieurs variétés continuent de pousser sur ces terres, d’autres ont retrouvé le sol qui les ont vues naître, grâce au soutien du Centre international de la pomme de terre, une banque génétique située à Lima. » « Depuis quelques années, les cultures ont gagné 300 m en altitude à cause du changement climatique », précise Nasario. « Les températures augmentent, ce qui favorise les attaques de ravageurs, et la pomme de terre a besoin de froid pour germer. » Pour la conservation, on déshydratera la pomme de terre durant la saison froide en la laissant geler la nuit sur des couvertures, puis en la vidant plusieurs fois de son eau. Tout cela donnant faim, place à la dégustation du tubercule aux formes et aux couleurs multiples, au restaurant communautaire Parwa, dans le village Huchy Qosco, « petit Cusco » en Quechua. Ouvert en 2013 grâce au voyagiste G Adventures et à sa fondation Planeterra ainsi qu’au Fonds d’investissement multilatéral, le restaurant, géré par les habitants de ce village de 70 familles, a donné naissance à un programme « de la ferme à la table », dont les profits sont réinvestis dans des projets sociaux tels que santé, éducation, nutrition et services de base essentiels, ainsi que dans ce restaurant qui favorise les produits locaux. À PROPOS DE G ADVENTURES, NATIONAL GEOGRAPHIC ET PLANETERRA Né en 1990, le voyagiste, basé à Toronto, pratique un tourisme intégré, qui permet le contact avec les populations locales dans un but de préservation du patrimoine culturel et de l’environnement, mais aussi d’amélioration des conditions de vie des habitants. Honoré depuis quelques années par National Geographic Adventure, G Adventures a ajouté à son programme, en 2016, des itinéraires « National Geographic Journeys » qui proposent des voyages en petits groupes, des interactions avec des experts locaux (historiens, biologistes, photographes, moines, cuisiniers…), la participation à des conférences, des visites de communautés rurales ainsi que de refuges animaliers. Également créateur de la fondation Planeterra, le forfaitiste gère aujourd’hui plus de 30 projets à caractère social à travers le monde. L’organisation à but non lucratif Planeterra s’est fixé pour missions d’améliorer les conditions de vie des humains et des animaux dans les destinations touristiques, et de promouvoir la protection de l’environnement. De cette volonté est née une offre de voyage unique alliant expériences authentiques et engagement social dans le cadre de projets d’aide dans les pays où la compagnie voyage. planeterra.org G Adventures propose cette année au Pérou plus de 24 circuits classiques ainsi qu’un circuit de 11 jours signé « National Geographic Journeys » qui sera offert entre les mois de novembre 2018 et février 2019 à partir de 3999 $. À SAVOIR De décembre à mai, Air Canada Rouge offre deux vols semaine Montréal-Lima sans escale. Le vol dure 8 h 30 et part les mardis et les samedis à 17 h 15. Le Machu Picchu se visite en train, en trek ou à pied. Voici un petit guide pour apprendre à visiter le plus grand symbole de la civilisation inca et éviter les mauvaises surprises. voyageperou.info/guide-machu-picchu-infos-pratiques

















