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  • Photo du rédacteurHélène Clément

L'hôtel Oloffson...comme dans un roman




Tourelles, balcons, dentelures en bois, grandes cours... Tout est là, tel que décrit dans le roman Les Comédiens de l'écrivain britannique Graham Greene. En lorgnant du côté de la piscine, on imagine tout de suite l'épisode du fameux roman où monsieur Brown, le propriétaire de l'hôtel Trianon, découvre le corps du docteur Philipot dans le fond du bassin vide, aujourd'hui rempli d'une eau bleu turquoise sur laquelle flottent quelques feuilles de bougainvilliers.


«On s'attend à ce que la porte nous soit ouverte par une sorcière ou un majordome dément et à voir une chauve-souris suspendue au lustre», écrit Graham Greene, qui compare l'hôtel style «pain d'épice» à une maison hantée du dessinateur Charles Addams dans The New Yorker.

Jusqu'aux marches de l'escalier qui mène au hall de l'hôtel, via la terrasse, qui craquent sous nos pas comme dans un film de vampires et de fantômes. En fait, on a beau se faire léger, tous les planchers de la maison grincent dès qu'on y pose les pieds. Et dire que la bâtisse en «dentelle de bois» a survécu au séisme de janvier. Et plus encore, elle tient fièrement debout depuis 1896. Aucun désastre naturel, aucune dictature ou insurrection n'a eu raison de sa structure de bois.

Pour s'y rendre en provenance de Jacmel, on traverse Carrefour-Feuille, presque entièrement détruit par le tremblement de terre du 12 janvier et où sont plantées sur des monticules de gravats à n'en plus finir une multitude de tentes où logent de façon précaire les habitants de ce quartier défavorisé. Loin de nous l'ambiance de l'hôtel Trianon dans Les Comédiens, dont la trame remonte au régime de «Papa Doc» et ses horribles tontons-macoutes.

L'hôtel Oloffson, situé au centre de Port-au-Prince, a été construit pour la famille de Tirésias Simon-Sam, ancien président de la République d'Haïti, à la fin du XIXe siècle, et a priori comme élégante résidence privée. Entre 1915 et 1934, la joliesse tient lieu d'hôpital aux soldats des troupes américaines. Finalement, après 19 années d'occupation états-unienne, elle est louée au Suédois et capitaine de bateau Werner Gustav Oloffson, qui la convertit en hôtel.

Greenwich des tropiques

Dès 1950, l'hôtel tarabiscoté le plus romantique de la Caraïbe — que l'on surnomme alors le «Greenwich Village» des tropiques — séduit notamment acteurs, artistes, écrivains et journalistes. Chaque suite et chaque chambre porte le nom d'une célébrité qui a séjourné en ce lieu mythique: Charles Addams, John Barrymore, Madison Bell, Ramsey Clark, Ed Braddley, Greg Chamberlain, Edwidge Danticat, Graham Greene, Jacqueline Kennedy Onassis, Mike Jagger...

«L'ambiance était unique», se souvient Stéphane Côté, qui tout jeune avait l'habitude de séjourner avec ses parents à l'Oloffson avant d'entreprendre la sinueuse et très escarpée route qui mène de Port-au-Prince à Jacmel, où sa famille possède une maison. «Certains personnages de l'hôtel, comme le journaliste et épris d'art haïtien Aubelin Jolicoeur, qui a fréquenté l'hôtel pendant 40 ans, ont marqué ma jeunesse. Il avait un chapeau et une canne en or et riait toujours.» Jolicoeur a servi de modèle à Graham Greene dans Les Comédiens. Il s'agit de Petit Pierre.

Trente minutes de visite ont suffi pour que je tombe littéralement sous le charme de la place qui, depuis 1987, est la propriété de l'Américain et musicien Richard Morse. Également meneur du groupe RAM, fer de lance du courant «mizik razin», le musicien et ses dix acolytes continuent de transporter chaque jeudi soir le public loin des avatars du quotidien haïtien. Une façon selon M. Morse de cultiver les racines haïtiennes et de faire découvrir la musique du pays.

L'hôtel de luxe au charme irrésistible continue donc, comme au temps de Graham Greene, de pourvoir aux besoins de l'amateur de bonne chère et du voyageur curieux de traditions locales. Et d'attirer une clientèle intellectuelle haïtienne, à laquelle vient d'ailleurs s'ajouter, en ce temps de crise, une panoplie de journalistes étrangers et de travailleurs d'ONG en tous genres. Quant aux touristes, les vrais, ils sont aussi peu nombreux que dans les années 1960...

Renseignements: www.hoteloloffson.com

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