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  • Photo du rédacteurHélène Clément

Il était une fois la civilisation maya


Copan Ruinas — De petits temples, mais des stèles remarquables sculptées au détail et un long escalier hiéroglyphe dont les 64 marches se lisent comme un roman. On est à Copan. Des pyramides colossales perdues dans la jungle ; de grands blocs de calcaire enchevêtrés par des racines d’arbres centenaires. On est à Tikal. À l’orée du 14e Bak’tun, l’histoire de ces sites, qui remonte à entre 250 et 900 de notre ère, continue de s’écrire. Qui a parlé de fin du monde ?


L’architecture coloniale et les rues pavées et pentues de Copan Ruinas rappellent tout à fait le Mexique colonial et confèrent à la fameuse petite ville de montagne de l’ouest du Honduras un charme européen indéniable. Les habitants de la place se targuent même de vivre dans l’endroit le plus visité du pays. Pas surprenant étant donné que leur village est situé tout près de la porte d’entrée de l’un des plus beaux sites archéologiques maya de l’Amérique centrale.


Des flambeaux plantés de part et d’autre de la scène éclairent le tapis rouge qui conduit au sommet du temple maya dressé pour le spectacle. Du sol s’échappe une fumée blanche qui recouvre le plancher de la scène. Deux haut-parleurs diffusent une musique rappelant le gémissement du vent, le cri rauque de l’ara, le rugissement du jaguar, le sifflement du serpent.


C’est en l’honneur de notre petit groupe venu au Honduras dans le cadre de la 9e édition de la foire touristique d’Amérique centrale (CATM), qui se tenait en octobre dernier à San Pedro Sula, que les habitants du village de Copan Ruinas ont monté ce spectacle évoquant l’ère maya. Depuis le mois de janvier, à proximité de sites archéologiques importants de l’Amérique centrale, on célèbre de mille façons la fin du 13e Bak’tun, qui aura lieu le 21 décembre 2012.


« Les Mayas étaient d’une étonnante précision, explique Eli Gonzalez, notre guide. Même installé au fin fond d’une jungle impraticable, ce peuple savait observer et réfléchir. Le temps constituait la base de leur religion. Pour eux, le monde était inscrit dans une succession d’univers qui devait chacun être détruit par un cataclysme et remplacé par un autre. C’est pour atteindre encore plus de précision dans l’évaluation du temps qu’ils ont inventé le compte long. »


Parmi les unités du calendrier maya, il y a le kin (un jour), l’uinal (20 kin), le tun (18 uinal), le katun (20 tun) et le baktun (20 katun), l’unité la plus longue. « Un baktun équivaut à 144 000 jours, soit 394 ans, treize baktun, à 1 872 000 jours, soit 5125 années solaires du calendrier grégorien. Le 13e baktun représente la fin d’un grand cycle commencé le 11 août 3114 av. J.-C. Le 21 décembre prochain, on remettra le compteur à zéro pour un nouveau cycle de 5125 ans. »


Sous le regard curieux des spectateurs rassemblés sur la place centrale du village de Copan Ruinas, surgit de la foule une longue file de guerriers mayas décorés de peinture. Les hommes portent le pagne et une coiffe surmontée de plumes d’aras ; les femmes, le huipil, la robe traditionnelle. La petite troupe à l’allure fière prend place sur les escaliers, face au public.


Un narrateur raconte avec une voix sombre le contexte. Nous sommes dans la vallée de Copan, entre 427 et 900 de notre ère, à l’apogée d’un empire influent et prestigieux. Les Mayas, qui se construisent et se hiérarchisent depuis plus de 1000 ans, maîtrisent alors le calendrier, les mathématiques, l’astronomie, l’écriture. Ils cultivent le maïs, les légumes, les fruits, les pierres.


Les échanges commerciaux entre cités mayas en Mésoamérique - territoire culturel d’avant la conquête espagnole, qui regroupe les États du Guatemala, Belize, la péninsule mexicaine du Yucatán, une partie du Salvador et du Honduras - vont bon train. Et si les Mayas savent aménager des canaux d’approvisionnement d’eau et construire des temples somptueux, reconnaître les plantes qui nourrissent, guérissent ou permettent d’entrer en contact avec les dieux, ils n’hésitent pas à sacrifier des êtres vivants pour que tombe la pluie ou que brille le soleil.


Deux guerriers prennent place dans l’arène au pied des escaliers. Le combat commence. On assiste sous une pleine lune éclatante à une lutte acharnée qui durera une dizaine de minutes. Jusqu’à ce que mort s’ensuive. Rituel religieux, soif de sang, guerre de clochers ? Pas sûr ! Mais on comprend que le sacrifice et les offrandes occupent une place cruciale dans la vie des Mayas.

Copan


La cité maya de Copan doit son existence à Kinich Yax Kuk Mo, aristocrate maya de la région de Tikal, au Guatemala. Conquise en 378 par la grande cité mexicaine de Teotihuacán, Tikal étend sa domination sur le Peten central et vers le sud. Élevé à un statut royal en 426, Kuk Mo arrive dans la vallée de Copan en 427 portant avec lui la culture maya des basses terres. Yax Kuk Mo sera le premier roi d’une série de dix-sept à Copan. Il y régnera jusqu’en l’an 437.

Le « Museo de Esculptura de Copan » au départ de l’Acropole prépare à la visite des ruines. Le bâtiment lui-même se veut un hommage au symbolisme maya. Les visiteurs entrent par la gueule d’un serpent et se retrouvent dans le musée à l’intérieur du corps tortueux du reptile. La salle d’exposition évolue autour du remontage, grandeur nature, du temple Rosalila


Ici, dans ce musée lumineux, le voyageur fait connaissance avec la grande civilisation maya du premier millénaire de notre ère et ses structures monumentales : pyramides, temples, sculptures. « Le site de Copan, avec ses seize temples dont les inscriptions sont quasi intactes, compte plus de hiéroglyphes, de stèles et de marches que tout autre site du Nouveau Monde, précise Ali. Il est le site maya le plus étudié par les archéologues du monde. Non pas pour ses grandes pyramides, mais pour son art et ses sculptures ciselées avec finesse. »

Une aire de pique-nique longe un sentier ombragé de 400 mètres qui mène au groupe principal. Derrière de belles pelouses, les ruines portent des numéros pour faciliter leur identification. Un groupe d’aras rouge, bleu et jaune vivant ici en liberté nous accueillent dans une cacophonie de cris à donner des frissons. D’ailleurs, juste le fait de se promener entre temples, stèles et tunnels de ce site classé au patrimoine de l’UNESCO donne la chair de poule.


À voir : le jeu de balle, qui est le deuxième sport du monde maya. Ce sport rituel opposait deux équipes et consistait à renvoyer dans le camp adverse, sans qu’elle touche le sol, une balle en caoutchouc - matière sacrée chez les Mayas, qui pouvait peser jusqu’à trois kilogrammes.


« On ne pouvait utiliser que les genoux, les coudes, les hanches et les fesses. La trajectoire de la balle correspondait à la course du soleil qui ne devait pas s’arrêter ; les anneaux de pierre, le plus souvent disposés à l’Est [levant] et à l’Ouest [couchant], servaient de cible », explique Ali.


À voir aussi : l’Escalier hiéroglyphe, la plus longue inscription maya connue. Chacune de ses soixante-quatre marches couvertes de symboles gravés raconte la belle histoire des rois de Copan.

Et le Guatemala


Comme à Copan, Tikal, au Guatemala, est à dimension humaine, et tout se joue dans la forêt. En fait, plutôt dans la jungle, la vraie ! Les singes hurleurs se balancent d’arbre en arbre, les coatis se promènent dans les sous-bois, les oiseaux bavardent. C’est sauvage et grandiose. On se croirait parfois sur le site de la cité d’Angkor, au Cambodge. Sûrement à cause des fromagers (ceiba). Ces arbres ont poussé en entrelaçant les pierres de leurs racines. Atmosphère fantastique garantie !


D’ailleurs, pourquoi s’être installé dans une telle jungle ? Est-ce à cause de l’abondance du silex, utilisé dans la confection des pointes de lance, des flèches et des couteaux ? On dit que Tikal, au milieu du IVe siècle, sous le règne de Chak TohI Ich’aak Ier (Grande Patte de Jaguar), adopta les méthodes de guerre brutales des souverains de Teotihuacán, au Mexique voisin. Le silex servait aussi de monnaie d’échange pour d’autres marchandises. Comme les coquillages d’ailleurs.

« On sait peu de chose du monde maya, raconte Laura Calderon, notre guide, mais la découverte de fausses fèves de cacao, qui servaient aussi de monnaie d’échange, indique que la magouille existait à Tikal. Pour quatre fèves de cacao on achetait une dinde ; pour dix, un tapir. »


« Si Copan était considéré comme l’Athènes de la Mésoamérique, Tikal en était le Wall Street, poursuit Laura. C’était à la fois la cité de la diplomatie, un grand centre religieux et commerçant. On y négociait le jade, la pyrite et l’hématite. Tout le monde voulait être en relation avec Tikal. »

Une pause au sommet du temple IV, à 65 mètres, permet d’apprécier l’étendue de la canopée et d’imaginer (avec l’aide d’un guide) la vie au temps des Mayas. À l’horizon pointent les temples de la Gran Plaza et le temple V. Le temple IV est l’édifice maya le plus haut après La Danta à El Mirador. Un escalier raide de 200 marches conduit au pinacle. Outre le plaisir qu’ils nous offrent de dominer des siècles d’histoire, les temples en ruines sont des plateformes parfaites pour observer les 300 espèces d’oiseaux recensées dans cette région du nord du Guatemala.


Fin d’un monde ou pas, à quelle catastrophe faut-il attribuer la disparition de la civilisation maya classique ? Guerres, famines, maladies ou… problème environnemental. La déforestation massive et l’érosion qui s’est ensuivie apparaissent comme une explication plausible. C’est à ça qu’il faut réfléchir. Les Mayas n’avaient-ils pas comme théorie que l’histoire se répète ?



Collaboratrice


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En vrac


Se rendre à Copan. Il faut compter environ trois heures de route à partir de San Pedro Sula. Deux jours ne sont pas de trop pour visiter le village de Copan Ruinas, le site de Copan et le Macaw Mountain Bird Park, réserve privée qui se consacre à la sauvegarde des aras.


Se rendre à Tikal. On peut y aller en auto de Guatemala Ciudad (environ 350 km, 10 heures de route si tout va bien), mais l’avion apparaît comme une meilleure solution. On part le matin et l’on revient le soir. Moins fatigant et moins risqué. Puis, observer du ciel la géographie tourmentée du Guatemala ne laisse pas indifférent. En ouvrant les yeux, on peut voir le Pacaya (2552 m).


Adoré le beau livre de 216 pages, en papier glacé et abondamment illustré, Éternelle route maya. Au coeur du Yucatan, de Marie-Sophie Chabres et Jean-Paul Naddeo, aux éditions Gründ. L’ouvrage résume 3000 ans d’histoire maya et propose un itinéraire de 1637 kilomètres à la découverte de villes, villages et site archéologiques intéressants du sud du Mexique. Où manger, quoi manger, où dormir… les auteurs proposent ici tout plein d’idées.


Acheté le magazine Archaelogy de novembre et décembre 2012. On y explique très bien, dans un article intitulé « The Maya and the End of Time », la fin du monde. D’un monde…

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