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Photo du rédacteurHélène Clément

Narbonne - La belle Romaine en Aude cathare


Au printemps, les jardins du cloître de l’abbaye de Fontfroide, à Narbonne, prennent les couleurs blanche et mauve de la glycine centenaire, puis le rouge des géraniums.



Première ville romaine de France, lieu d’art et d’histoire, deux étoiles au guide Michelin, Narbonne mène le promeneur dans les méandres de son passé romain et médiéval. Pas que dans les ruelles animées de son centre-ville ancien, mais aussi dans ses vignobles tout autour, ses étangs gorgés d’huîtres, ses salins, ses plages immenses, sa garrigue odorante.


Article publié dans le Devoir du 16 juin 2012

Qu’importe d’où l’on vient, pour arriver à Narbonne il faut voyager au coeur des vignobles : massifs de la Clape et de Fontfroide, montagnes des Corbières, autant de noms qui sonnent aux oreilles des amateurs de vin du Languedoc-Roussillon comme une volée de cloches les jours de fête. Voilà des chemins parfois très anciens, datant de l’Antiquité, non loin de la Via Domitia, une voie romaine construite en -118 pour relier l’Italie à l’Espagne.


« Dès la conquête romaine, la culture de la vigne, alors un privilège de Rome, est autorisée ici », explique Jacques Boscary, propriétaire du domaine Rouquette-sur-Mer, dans La Clape.

Commence alors l’histoire viticole de la région. Plus de 2000 ans de savoir-faire. Le nectar légendaire de la plus ancienne colonie romaine créée hors d’Italie bénéficie déjà d’une grande notoriété et s’exporte dans tout l’empire. Depuis, Narbonne est indissociable de la viticulture.


Sur la place de l’Hôtel-de-Ville, il faut un certain temps à l’oeil avant de percevoir le carré qui délimite en son centre un tronçon de la Via Domitia, situé en dessous de l’actuel pavement.


D’ailleurs, il ne reste à Narbonne que très peu de monuments romains en plein air. C’est plutôt dans son sous-sol que la ville conserve les traces de son histoire antique. Et il n’est pas rare qu’en jardinant dans sa cour, le Narbonnais déterre tessons de poterie, cols d’amphores, tuiles, briques… Comme ce fut le cas en 1968 à Sallèles-d’Aude, l’une des 37 communes du Grand Narbonne.


La présence anormale de morceaux de poterie au lieu-dit Clos de Raynaud laisse croire qu’il y a quelque chose sous les vignes. À la suite d’un labour profond, deux viticulteurs identifient un atelier de potiers gallo-romains enfoui sous les vignes. Plus question de creuser. En 1976, les fouilles commencent et on déterre des fours exceptionnellement bien conservés.


Dès l’époque romaine, la présence d’eau dans la plaine narbonnaise a permis à Sallèles-d’Aude son développement économique. L’activité portuaire de Sallèles reposait sur la production de sel, de vin et de sauce de poisson.


Elle abritait déjà un des sites industriels les plus importants de l’époque. Toutes les conditions étaient réunies pour qu’une activité florissante se mette en place : présence d’argile dans l’eau, forêts pour le combustible, de réelles voies de communication, un besoin de matériaux de construction et de vaisselle pour la vie courante.

Dans cet étonnant complexe industriel, les potiers produisaient des tuiles, des briques, des canalisations, de la céramique, des lampes à huile et des amphores destinées au transport du vin vers les provinces de l’Empire romain. D’après les indications peintes sur leur col, ces amphores à fond plat auraient transporté des vins de cépage produits à partir de techniques variées de vinification.


Les vins gaulois alimentaient la Gaule mais aussi les camps sur les rives du Rhin et du Danube, la Bretagne (l’Angleterre) et Rome. On a même retrouvé des amphores à vin gauloises aussi loin qu’aux confins de la Méditerranée orientale : Turquie, Égypte, Soudan.


En 1992 a lieu à Sallèles-d’Aude l’inauguration de l’Amphoris, premier musée d’Europe consacré à un village de potiers gallo-romains. Au-delà de l’intérêt scientifique, le site redonne au vin du Languedoc ses lettres de noblesse et confirme sa réputation dans l’Empire romain.


C’est par hasard qu’est découverte la Via Domitia, sur la place de l’Hôtel-de-Ville, alors que la municipalité entreprend des travaux d’urbanisme. Des marches permettent de descendre au niveau du vestige romain, le seul du Midi encore visible au coeur d’une ville.


En créant ce chemin en 118, le proconsul Cnéius Domitius Ahinobarbus, qui a donné son nom à la Via, fonde la Narbonne romaine (Narbo Martius). La capitale de la Provincia, la future Provence, sera érigée à quatre kilomètres au sud de l’oppidum de Montlaurès, premier emplacement de la ville. De par sa situation géographique entre l’Italie et l’Espagne, l’Atlantique et la Méditerranée, le Massif central et les Pyrénées, le site offre bien des avantages aux Romains. Et aux visiteurs actuels, un endroit idéal pour se poser, le temps d’explorer le pays narbonnais.


À ne pas manquer : 7, rue Rouget de Lille, la visite des galeries souterraines de l’horreum (grenier), lieu de stockage faisant office de soutènement pour une construction en surface. À cinq mètres sous le niveau actuel et à trois mètres sous le niveau antique, la visite de ces galeries datées de la fin du Ier siècle avant J.-C. est un moment fort de la découverte de la Narbonne romaine. Et si, à l’origine, on ne trouve dans les galeries ni puits de lumière ni soupiraux, aujourd’hui une installation lumineuse et sonore permet de parcourir l’antique souterrain en toute quiétude.


Un peu plus loin, de l’autre côté du canal de la Robine - branche latérale au canal du Midi qui permet la connexion entre l’Aude et la mer Méditerranée -, le Musée lapidaire, installé dans l’ancienne église Notre-Dame-de-Lamourguier, possède une collection antique colossale. Des milliers de remplois de l’époque romaine récupérés au moment du démantèlement des remparts de la ville de Narbonne sous François 1er témoignent de la vie en Gaule au temps de l’Antiquité.


Peintures romaines à fresque, monuments publics ou funéraires, fragments de corniche et de colonnes. « Il est le deuxième musée lapidaire d’Europe après celui de Rome, et le plus important de France », précise Christophe Cabrier, guide conférencier à l’Office de tourisme de Narbonne.


Un spectacle audiovisuel mis en scène par Gianfranco Iannuzzi et Massimiliano Siccardi coupe le souffle. Le tourbillon d’images et de sons donne vie, sans crier gare, à l’édifice de style gothique méridional et à ses milliers de blocs sculptés, empilés de chaque côté de l’allée principale.

En ce radieux jour de mai, sans les vents Tramontane ni Cers ni Marin ni Grec pour venir décoiffer le promeneur assis aux terrasses de la place de l’Hôtel-de-Ville, ou sur le mur de briques délimitant la Via Domitia, on a tout le loisir d’admirer l’ensemble archiépiscopal médiéval qui domine le coeur de Narbonne et qui aurait servi de modèle au palais des Papes d’Avignon.


Formé d’un palais Vieux qui date du XIIe siècle et d’un palais Neuf commencé à la fin du XIIIe siècle, l’ensemble épiscopal, défendu par un redoutable donjon couronné d’échauguettes, haut de 41 mètres, protège une curieuse cathédrale de style gothique septentrional. Sa particularité : pas de façade et de nef, privée d’une partie de son transept et réduite à un choeur.


« Cette cathédrale, qui serait la troisième ou la quatrième église à avoir été construite à cet emplacement, n’a jamais été complétée, précise Christophe Cabrier. Une première pierre aurait été posée en 1272, mais la guerre de Cent Ans faisant rage au milieu du XIVe siècle met vite fin à la poursuite des travaux. Seul le cloître est achevé. La hauteur de sa voûte (plus de 40 mètres) place la cathédrale Saint-Just-et-Saint-Pasteur de Narbonne en troisième position derrière celles de Beauvais et d’Amiens. Vous imaginez un peu à quoi elle aurait ressemblé une fois terminée. »

Au palais des Archevêques, le musée archéologique abrite une belle collection de peintures murales romaines qui provient des domus (maison) du site archéologique de Clos de la Lombarde, où des archéologues ont dégagé une partie d’un quartier résidentiel. Ces domus auraient appartenu à des notables fortunés soucieux de copier le mode de vie de l’élite romaine. Les sols étaient couverts de pavements et de mosaïques et les murs, de fresques peintes


De la romanité au rugby


Tout ça donne de l’appétit ! Rendez-vous Chez Bebelle, l’un des quatre bistros du marché Les Halles. Le pavillon des Halles (style Baltard) date du début du siècle dernier. On y vend fruits et légumes, poissons, viandes, fromages et olives, dont la fameuse lucque à la forme d’un ballon de rugby. Du miel de romarin des Corbières aussi, et des huîtres des étangs environnants.


Gilles Belzon, ancien joueur de rugby du Racing Club Narbonne Méditerranée, commande les viandes des détaillants tout autour « à la voix ». De la viande de cheval ? Et hop ! René ou David, de la boucherie chevaline, emballe le morceau dans du papier et le lance à Gilles, qui l’attrape d’une main assurée. Des tripes ou de la charcuterie ? Au tour de Michel.


« En mettant au point ce concept, j’ai voulu recréer mon univers de rugby, c’est-à-dire un esprit d’équipe, des amitiés, de la convivialité, dit Gilles Belzon. Les Halles, c’est le coeur névralgique de Narbonne, les bouchers sont là depuis 30 ou 40 ans et je voulais les mettre de l’avant. Tout ce que vous mangez, viande, poisson, salade, frites… vient du marché. »


Au-dessus du comptoir des icônes du monde du rugby, un maillot dédicacé, une photo de son père André, aussi ancien joueur de rugby, celui qu’on a surnommé Bebelle. Accompagné de sa mère et de sa soeur Johanna, Gilles Belzon a fait de son établissement le lieu incontournable des Narbonnais et des amateurs de bonne chère. « Gilles… attrape ! » Y sont fous ces Gaulois ! »


En vrac


À visiter dans le Grand-Narbonne, la maison natale du poète et chanteur Charles Trenet, mort en 2001 à l’âge de 87 ans. Le « fou chantant » la retrouverait comme il l’avait laissée. Au second étage, un karaoké invite le public à fredonner avec lui sept chansons de son répertoire, dont Y a d’la joie, Douce France, La mer et Que reste-il de nos amour… Pour les amateurs, le festival Trenet se tiendra à Narbonne du 22 au 25 août prochain (festivaltrenet.com).


L’abbaye de Fontfroide (fontfroide.com), fondée à la fin du XIe siècle par des moines bénédictins, est l’une des plus grandes cités monastiques cisterciennes de France. Nichée dans un vallon du massif des Corbières, ce sont les descendants de Gustave Fayet qui l’habitent.


Le Domaine Rouquette-sur-Mer (chateaurouquette.com), à visiter en plein massif de la Clape en compagnie de son propriétaire, Jacques Boscary. La mer toute proche et la garrigue omniprésente marquent les vins de Rouquette. Importé à la SAQ, la cuvée Amarante se trouve à la première place du Guide Chartier.


À visiter aussi : Narbonne-Plage et Gruissan en Segwey (gyropode), en compagnie d’un guide de l’Office de tourisme de Narbonne.


Hébergement. L’hôtel La Résidence (hotelresidence.com) est une bonne adresse en plein centre historique de Narbonne. Judicieusement bien situé, dans un immeuble du XIXe siècle, il est facile d’accès et comporte un stationnement. Malgré sa proximité avec le centre-ville, il est très calme. D’un tout autre style, un peu en dehors du centre-ville mais tout de même accessible à vélo en longeant le canal de la Robine : le Domaine Saint-Domingue (domaine-saint-domingue.fr), une magnifique maison de pierre sur une propriété de 12 hectares avec parcours arboré, lac et piscine. On y propose cinq jolies chambres d’hôtes dans une ancienne ferme viticole restaurée.


Restauration. En route vers Narbonne-Plage, le restaurant gastronomique Château l’Hospitalet permet de découvrir les vins du domaine de Gérard Bertrand. L’ancien joueur de rugby cultive également en biodynamie : au Comptoir Nature (comptoirnature.com), à Somail, près de Saint-Nazaire-d’Aude, au bord du Canal du Midi, près de l’auberge où s’arrêtaient pour une nuitée les barques de poste. On y mange une excellente assiette remplie de produits de la région.


Les villes voisines de Narbonne : Béziers est à 25 km, Carcassonne à 55 km, Montpellier à 99 km, Toulouse à 150 km et Barcelone à 230 km.

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