top of page
  • Photo du rédacteurHélène Clément

De la plaine au Pacifique en train


De Calgary à Vancouver, le Rocky Mountaineer traverse six chaînes de montagnes, un désert en altitude, une forêt humide tempérée. Le train se faufile entre pics enneigés, glaciers, canyons, lacs et vallées, empruntant tunnels et viaducs, longeant fleuve et rivières. Mille kilomètres d'histoire et de paysages grandioses, que le train parcourt à une vitesse moyenne de 50 km/h. Deux journées de bonheur pour le plaisir des yeux et du palais.



Banff — Une ombre a bougé derrière un arbre. Un grizzly? À moins que ce soit mon imagination aiguisée par la lente progression du train entre les escarpements rocheux et les forêts de pins, le long de rivières turquoise, au beau milieu d'une symphonie minérale de pics et de rocs où coulent des chutes fougueuses? En 12 heures, on passe de la plaine à la montagne et au désert.


Quel incroyable panorama! À ne plus savoir où donner du regard. Par ici, le mont Castle, à 2730 mètres, dont la forme rappelle celle d'un château avec ses tourelles crénelées. Par là, la petite gare en bois du lac Louise, l'une des 12 gares ferroviaires inscrites au patrimoine culturel canadien. On ne voit pas le lac turquoise mais on aperçoit le sommet du mont Victoria.


La ligne de chemin de fer est un musée à ciel ouvert. Mais ici, c'est la nature qui raconte l'histoire. Chaque montagne, chaque lac, chaque chute, chaque glacier porte le nom d'un explorateur, d'un géologue, d'un trappeur, d'un prospecteur qui a contribué au développement de la région. La royauté britannique a aussi eu sa part du gâteau. Par exemple, le lac Louise, jadis le lac Émeraude, a été baptisé en l'honneur d'une des filles de la reine Victoria, Louise Caroline Alberta. On devine que la province lui doit aussi son nom.


Quant à la localité de Banff, connue des cheminots sous le nom de Siding 29, Lord Strathcona la renomma en 1880 d'après le comté de Banffshire, en Écosse, d'où il était natif. Entre autres services à bord du Rocky, le vacancier a droit tout au long du parcours à des commentaires instructifs sur la géologie, la faune et la flore.


Plus que dix kilomètres avant d'atteindre la petite ville de Stephen, où se situe la ligne de partage des eaux et la frontière entre le parc national de Banff, en Alberta, et celui de Yoho, en Colombie-Britannique. À 1626 mètres d'altitude, Stephen est le point le plus élevé de cet itinéraire de deux jours. Dans une vingtaine de minutes, nous franchirons les tunnels en spirale.


C'est ça, le circuit First Passage to the West à bord du Rocky Mountaineer! D'abord, une promenade en train dans l'Ouest canadien, au coeur de paysages à couper le souffle, puis une leçon d'histoire et de génie sur les traces du Canadien Pacifique, légendaire pour avoir réuni la Colombie-Britannique au Canada, il y a 125 ans. Et c'est une expérience gastronomique pour qui voyage en classe Goldleaf. Dans ce cas, on a droit aux repas chauds assis confortablement dans la salle à dîner située à l'étage inférieur du wagon de deux étages, muni d'un dôme de verre et de vitres surdimensionnées qui permettent d'apprécier le paysage en mode panoramique.


Le voyageur a aussi le choix de monter à bord à Calgary ou à Banff. Par la suite, le train poursuit son chemin jusqu'à Vancouver avec comme unique arrêt une nuitée à Kamloops, à l'hôtel Thompson. En débutant le voyage à Banff, bien qu'on loupe l'entrée dans les Rocheuses, on a le plaisir de découvrir le fameux village de montagne de 7000 habitants qui accueille chaque année plus de 4,5 millions de touristes, ainsi que son parc national et les sources chaudes du mont Sulphur, à l'origine de la création, en 1885, du premier parc national canadien.


«Puisque nous ne pouvons pas exporter les paysages, importons les touristes!» Tel était le but de l'Américain William Cornélius Van Horne, directeur général de la Canadian Pacific Railway, chargée, en 1881, de prolonger jusqu'au Pacifique la ligne de chemin de fer qui se terminait alors à Winnipeg. Relier le Canada d'un océan à l'autre fut une tâche colossale. Remplir le train, une autre.


Un défi relevé par Van Horne qui, en plus de diriger la construction de lignes ferroviaires, fit construire des hôtels de luxe à l'allure de châteaux, tel le Banff Springs Hôtel, Château Lake Louise, Château Frontenac... maintenant propriété du groupe Fairmont.


Et voilà les tunnels en spirale. Les voyageurs sont sur le qui-vive. On ne sait plus où donner de la tête. Puis, c'est le noir total pendant une vingtaine de minutes. Le temps pour le train de transpercer les mont Odgen et Cathedral, respectivement longs de 912,5 et 933 mètres, de s'entortiller deux fois sur lui-même tel un escargot et de traverser deux fois la rivière Kicking.


«On a entrepris la construction des tunnels en 1907, explique l'agent de bord. Le souci: la "grande côte", un tronçon fortement incliné entre Field et Hector. Non seulement reconnue dangereuse, cette pente de 4,5 % d'inclinaison entraînait d'énormes frais d'entretien. La construction a duré vingt mois et fait appel à 1000 hommes. La pente fut réduite à 2,2 %.»


Les émotions, ça donne de l'appétit: le personnel a prévu le coup et sert une collation composée de scones, de thé, café et jus. Le bar est ouvert en tout temps et l'ambiance est à la détenete. Il est 14h30 lorsqu'on passe à table, les yeux rivés sur le paysage.


«On ne sert que des produits régionaux à bord», explique Frédéric Couton, chef exécutif du train, un Savoyard d'origine venu au pays il y a 28 ans. Au menu: du boeuf de l'Alberta, du poulet et de l'agneau de la vallée de Fraser, du saumon du Pacifique et du vin de la vallée de l'Okanagan. En tout cas, en longeant la rivière Eagle, rouge de saumons, on constate que le gros poisson migrateur abonde vraiment dans le coin. Nous suivons la rivière sur 48 kilomètres entre Sicamous et Three Valley Gap. C'est toutefois sous le pont de l'Eagle et durant les mois de septembre et octobre qu'on peut le mieux observer la fraie du saumon.


D'un océan à l'autre


Nous voilà à Craigellachie. C'est donc ici que fut enfoncé, le 7 novembre 1885, le dernier crampon de la voie ferrée du CP. Sur la petite plate-forme extérieure prévue pour prendre l'air, se délier les jambes et photographier tout ce qui défile sous nos yeux, on a l'impression d'entendre les cris de joie des spectateurs qui ont assisté à l'achèvement du premier chemin de fer transcanadien. Il aura fallu presque six ans. Un cairn marque l'emplacement de l'événement.


À quelques minutes de la gare de Kamloops, un homme assis sur son balcon lève un toast à l'arrivée du train. Les enfants envoient la main. Décidément, ce train est une véritable curiosité. On se croirait maintenant en Arizona. Plus rien à voir avec les paysages de montagnes du début. Il y a belle lurette qu'on a quitté les montagnes Rocheuses, dès Palliser, sur la rivière Columbia. Depuis, nous avons traversé le col de Rogers, dans la chaîne Selkirk, qui reçoit tant de neige en hiver que les ingénieurs ont dû s'échiner à inventer des systèmes sophistiqués pour protéger la voie ferrée des avalanches: paravalanches, digues de déviation, tas freineurs...


La neige n'est toutefois pas la raison qui empêche le Rocky Mountaineer de poursuivre ses activités en hiver. La politique du train panoramique est de ne voyager que le jour, de façon à ne rien manquer du paysage. Étant donné qu'en hiver les journées sont courtes, il serait impossible de compléter l'itinéraire de 1000 kilomètres en deux jours seulement. Le train roule en moyenne dix heures quotidiennement. Et en fonction du trafic ferroviaire, surtout près de Vancouver, il peut être considérablement retardé.


Le train continue sa route vers Glacier, traverse dix fois la rivière Illecillewaet, passe par Revelstoke, dans la vallée du Columbia, et longe le lac Shuswaa. À Kamloops, tout le monde descend! Les vacanciers au départ de Calgary sont à bord depuis 12 heures. L'escale est appréciée. À l'hôtel Thompson, les bagages, on les retrouve dans la chambre.


Après Kamloops, le train poursuit vers l'ouest, le long du fleuve Fraser. Avec ses 1368 kilomètres, le plus long cours d'eau en Colombie-Britannique s'étend sur près d'un quart de la province. Au sud de Quesnel commence le profond canyon creusé par le Fraser jusqu'à Hope, dans les monts Cascade. La petite ville est entourée sur trois côtés par de hautes montagnes.


Puissant fleuve, le Fraser occupe une place spéciale dans l'histoire du chemin de fer canadien. C'est à Andrew Oderdonk, un entrepreneur en construction, que revint la tâche de construire le tronçon qui allait traverser le canyon du Fraser, lit-on dans The Rocky Mountaineer Mile Post. «L'homme d'affaires estime à 10 000 le nombre d'hommes nécessaire pour achever cette tâche. La Colombie-Britannique étant peu peuplée à la fin du XIXe siècle, il fait venir des travailleurs chinois de Californie. Ces derniers étaient expérimentés et parlaient l'anglais, puisqu'ils avaient travaillé à la construction de Union Pacific aux États-Unis. On fit aussi venir de Canton des hommes habitués à porter des charges lourdes. Des porteurs de thé, entre autres.»


Bien que l'on utilisa foreuses mécaniques à vapeur, racleuses tirées par des chevaux et explosifs durant la construction, la presque totalité du travail se faisait à force de bras. «Les travailleurs chinois étaient payés un dollar par jour, une somme énorme comparativement au salaire quotidien de 0,07 sous en Chine. Mais, malheureusement, beaucoup de ces hommes moururent d'épuisement, de scorbut, de variole ou d'accidents dus à la mauvaise manutention des explosifs. Durant cette période, on a dénombré entre 10 000 et 15 000 travailleurs chinois.»


Le Rocky Mountaineer propose quatre itinéraires dont trois sur deux jours qui incluent une nuitée d'hébergement en mi-parcours. «First Passage to the West», celui que nous effectuons entre Calgary et Vancouver; «Journey through the Clouds» entre Vancouver et Jasper via Kamloops, en Alberta avec deux points forts: le mont Robson, le plus haut sommet des Rocheuses canadiennes, et les chutes Pyramid; «Rainforest to Gold Rush» qui, via la forêt tempérée humide de la côte et le désert du canyon du fleuve Fraser, mène aux ranchs du Cariboo Gold Rush; et enfin «Whistler Sea to Sky Climb», un circuit de trois heures seulement au départ de Vancouver vers Whistler, pour qui souhaite découvrir la chaîne des montagnes côtières.


En vrac


À voir et à faire à Banff... Datant de 1895, le Banff Park Museum est le musée d'histoire naturelle le plus ancien de l'Ouest canadien. On peut voir tout la faune des Rockies empaillée. Un tour de gondole au sommet du mont Sulphur, à 2270 mètres. La vue sur les Rocheuses et la Bow River, couleur émeraude, est grandiose. Un petit sentier mène sur des passerelles de bois à une ancienne station météo. Une virée au lac Moraine pour voir la couleur de l'eau. Plus sauvage que le lac Louise. Ouvrir l'oeil pour le grizzly. Nous l'avons vu de la route, près de Banff, en train de manger des baies. En septembre, c'est la saison des petits fruits. Les chances sont bonnes de l'apercevoir. L'ours mange en moyenne 2000 baies par jour.


Le Rocky Mountaineer est la plus grande entreprise ferroviaire privée en Amérique du Nord. Depuis 1990, plus d'un million de passagers provenant de tous les coins du monde ont découvert les Rocheuses et l'Ouest canadien à bord de ce train panoramique. Plus de 50 % des passagers proviennent de l'étranger, en particulier des Australiens, des Britanniques, des Américains et des Japonais. La moyenne d'âge se situe dans la cinquantaine.


Deux classes sont offertes à bord du Rocky Mountaineer: Redleaf et Goldleaf. La première offre des repas froids servis aux sièges et la seconde, des repas chauds servis dans la salle à manger. Chaque wagon de cette classe de luxe compte également quatre personnes au service et à l'animation et trois à la cuisine.


-Information: 1 877 460-3200, www.rockymountaineer.com/fr.

Posts récents

Voir tout
bottom of page