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  • Photo du rédacteurHélène Clément

Martinique - L'Île aux Fleurs - derrière les cocotiers


La montagne Pelée vue du hameau du Morne des Cadets, à Fonds Saint-Denis

Mer, palmiers, cocotiers... Les images de carte postale demeurent en Martinique. Et avec raison! Comme promis, l'eau turquoise est là avec sa barrière de corail, ses poissons multicolores, ses plages de sable blanc, ses belles fleurs. L'île aux Fleurs. Y aller et faire fi de la mer n'aurait pas de sens. Sauf qu'à toujours associer Martinique et plages, on en vient à oublier que ce département français des Petites Antilles est aussi un pays de l'intérieur avec une histoire, une culture, une agriculture, des montagnes, une forêt, un peuple... Un peuple fier, qui aimerait qu'on aborde son île autrement que comme une simple destination soleil.


Fort de France — «Aimé Césaire disait souvent: "Nous sommes une petite île avec la soif d'un grand continent"», raconte Manuel Césaire, neveu du grand poète, écrivain martiniquais et directeur du Centre martiniquais d'action culturelle (CMAC), joint par téléphone la semaine dernière, en plein festival de jazz. «Vous savez, en Martinique, nous ne faisons pas que dans le "doudouisme" [mer, plage, boutiques de pacotille...]; il y a ici un foisonnement d'activités culturelles et patrimoniales», dit-il, avant de dérouler la longue liste de musiciens du monde qui participaient il y a dix jours au Martinique Jazz Festival.

Des noms tels que les Martiniquais Chyko Jéhelmann, Yaléva, Bibi Louison, Charly Trio; les Cubains Bellita y Jazztumbata et Gonzalo Rubalcaba; les Américains Marcus Miller, Dave Samuels & the Carribean Jazz Project et la chanteuse jazz et gospel La Velle; puis Mokhtar Samba, Ibrahim Maalouf, Craig Adams... «Les Martiniquais adorent la musique. Toutes les musiques!»

Bélé, mazurka, valse, biguine, zouk, jazz... Riche de multiples influences, l'univers musical antillais est inépuisable. Surprenant? Non, pas dans une contrée où toutes les cultures du monde, à un moment ou à un autre de l'histoire, y ont déposé semences, paysages et rythmes. D'abord les Arawaks, puis les Caraïbes, les Européens, les Africains, les Indiens, les Chinois...

C'est connu, les grands hôtels ont leurs spectacles et leur animation. Mais l'un n'empêche pas l'autre! Et l'autre, c'est souvent derrière les cocotiers qu'on le retrouve. Il faut oser. Oser franchir la porte d'une case créole qui vibre au son du tambour, d'un boui-boui au toit de tôle, d'un bistro de quartier. On vous regardera, c'est normal. De la pure curiosité. On se comporterait de la même manière. On n'a tout simplement pas l'habitude de voir un touriste hors des sentiers battus.

À Fort-de-France, dans le quartier de Terres-Sainville (jadis appelé le quartier des Misérables), angle de la rue Voltaire et du Vieux Chemin, le Nectar est une bonne adresse. Les vendredis soir, les habitués de ce petit restaurant, des amis d'enfance musiciens dans l'âme, se réunissent en toute simplicité pour un «boeuf musical» (pot-pourri de musique) dans une ambiance martiniquaise d'antan. On en perd le souffle tant leur musique prend aux tripes.

Au marché de Sainte-Anne, les haut-parleurs diffusent Les Anges dans nos campagnes... sur un rythme antillais. On a tout de suite envie de se déhancher. «Doudou, viens goûter à mon Schrubb», lance une vendeuse vêtue d'une robe en madras. Cette liqueur à base de rhum et de pelures d'orange fait partie des traditions de Noêl. Une bonne façon d'utiliser les mandarines et les oranges, abondantes sur l'île à cette époque de l'année. Bien que l'on soit début décembre, les Martiniquais fêtent Noël depuis le lendemain de la Toussaint. Jusqu'au 24 décembre, ils se réuniront les week-ends, en famille ou entre amis, pour chanter Nwel.

Dormir chez l'habitant permet d'entrer rapidement dans le vif du sujet. On y découvre tout de suite les modes de vie, l'accueil, les traditions. On y vit les fêtes patronales, les bals de campagne, les festivals et les états d'âme. On nous présente des circuits thématiques, des suggestions de randonnée pédestre, et il se peut même qu'on nous initie au balari chen.

«L'expression créole signifie "errer au gré du vent et des fantaisies"», explique Léon Tisgra, propriétaire du gîte agrotouristique le Hameau du Morne des Cadets, situé à Fonds Saint-Denis, dans le nord de la Martinique.

Il s'agit d'une virée à saveur antillaise qui commence en début de soirée par une visite chez les amis pour le ti-punch et les accras, se poursuit au restaurant puis par une visite by night des différents quartiers de Fort-de-France, un zouk chez un cousin, un chanté Nwel chez une cousine ou une soirée carnaval chez le voisin, une grillade et un bain de mer au ti-matin ou une traditionnelle pêche à la senne, au lever du soleil.

Après le dimanche de l'Épiphanie, place au carnaval, la plus délirante des fêtes populaires. «La meilleure façon pour un touriste d'aborder la chose, assure Lylyane Razin, artiste peintre martiniquaise, c'est dans la rue, derrière un char ou dans un groupe. Ça, c'est vraiment le carnaval. Tu suis la cadence, tu danses, tu t'habilles avec ce que tu as, et si tu n'as rien, il y a plein de marchandes qui proposent de petits accessoires marrants et pas chers. Quand tu en as marre, tu t'arrêtes, tu regardes et, quand tu le ressens, tu repars avec un autre groupe.»

Au dire de plusieurs, la parade du Sud, le lundi, vaut vraiment le déplacement; le mardi est le plus beau jour car tous les groupes descendent à Fort-de-France, défilent, chantent et dansent habillés de vêtements multicolores; le mercredi est le jour le plus triste. Vêtu de noir et de blanc, on porte le deuil.

Celui de Vaval, le roi du carnaval, brûlé à la tombée de la nuit sur le front de mer à Fort-de-France. Le carnaval se termine à minuit et gare à celui qui chante une chanson grivoise après cette heure, car la période du carême vient de commencer. Et ça, c'est du sérieux! Pendant 40 jours, les Martiniquais mettront le holà aux fêtes et à la danse. «Nous sommes une petite île avec la soif d'un grand continent.»

La Martinique mesure 70 kilomètres dans sa partie la plus longue et quelque 30 kilomètres dans sa partie la plus large. Y vivent environ 400 000 personnes. Pas un point de l'île n'est éloigné de plus de 12 kilomètres de la mer. Le site le plus élevé se trouve à 1397 mètres d'altitude, au sommet de la montagne Pelée.

Si Aimé Césaire, chantre de la «négritude», a cherché à revaloriser l'homme noir et la culture africaine, Édouard Glissant fut le chef de file de «l'antillanité». «L'Antillais doit retourner au lieu vrai et se recentrer sur sa propre culture.» Ses réflexions ont inspiré toute une génération de jeunes écrivains antillais autour du concept de «créolisation», dont Patrick Chamoiseau, Ernest Pépin et Raphaêl Confiant, les auteurs du manifeste Éloge de la créolité.

«Une petite île avec la soif d'un grand continent.» Une littérature riche, une musique riche, une architecture remarquable et des arts plastiques qui connaissent depuis quelques années un boom étonnant. Toute une génération d'artistes plasticiens anime le paysage de la création, comme Alain Dumbardon, Victor Anicet, Hector Charpentier, Habdaphaï... Attiré par les masques, les totems et les symboles, ce dernier travaille à créer un langage de traces et de signes pour raconter son vécu martiniquais. On peut voir ses oeuvres au Marin, à la galerie Ôdis7, au Cho'rum atelier expo et à la galerie Habdaphai, ainsi qu'à la Maison Galerie, aux Anses d'Arlet.

Une histoire palpitante aussi. Celle des Arawaks chassés par les Caraïbes, du père Labat qui fit de l'habitation Saint-Jacques un haut lieu de l'histoire du sucre, de l'esclavage, de Joséphine de Beauharnais née aux Trois-Îlets, du séjour passionné de Gauguin, de l'explosion de la montagne Pelée qui, en 1902, a rayé de la carte Saint-Pierre et 30 000 de ses habitants.

Mode d'emploi

La voiture est le meilleur moyen de transport pour visiter la Martinique. Un très beau réseau routier sillonne l'île, avec des routes nationales à plusieurs voies, des départementales à une voie ainsi qu'une multitude d'étroits chemins de terre, parfois tortueux et pentus, qui traversent champs, forêt tropicale, mornes et montagnes. Il faut les prendre pour y découvrir des quartiers insoupçonnés, des moulins, des rhumeries, des plages charmantes.

En Martinique, on trouve facilement un restaurant, une station d'essence, une épicerie, quelqu'un pour nous aider. On s'y sent chez soi, et dans la langue de Molière. Vous avez une crevaison: on vous aidera. Vous souhaitez manger une noix de coco: on grimpera dans un cocotier pour vous en offrir une. Tout est possible sur l'île aux Fleurs, pourvu qu'on respecte le rythme local.

Pourquoi, alors, reproche-t-on si souvent à la Martinique son accueil particulier? «Parce que ici, la relation avec l'autre est beaucoup plus importante que les affaires», explique Patrick Chamoiseau, écrivain et gagnant du prix Goncourt 1992 pour son roman Texaco. «Les Martiniquais aiment rendre service mais sont moins habiles à en fournir. Il admet, toutefois, que les réactions affectives de son peuple prennent parfois le dessus sur la gentillesse professionnelle. Il n'en demeure pas moins qu'au pays du zouk, un sourire est un vrai sourire.»

Derrière les cocotiers, il y a aussi la jungle et la montagne qui ne demandent qu'à rivaliser avec le bleu de la mer caraïbe et les plages de sable blanc. Une vingtaine de sentiers balisés conduisent vers des villages, une cascade, des jardins, une habitation. La balise rouge et blanche représente un itinéraire de plus de douze kilomètres, la bleue, entre trois et douze kilomètres et la jaune, entre un et trois kilomètres.

Parmi les sentiers incontournables en forêt tropicale: Prêcheur-Grand Rivière. Comme le sentier de 17 kilomètres longe la mer des Caraïbes, le randonneur peut accéder par des pistes secondaires à de jolies criques sauvages à flanc de montagne. La baignade y est délicieuse. Pour le retour, on a recours au service de yoles offert par les pêcheurs. Sinon, une nuit chez tante Arlette donne l'occasion de vivre l'ambiance du village le plus septentrional de l'île: partie de dominos dans les épiceries-buvettes, départ des pêcheurs avant l'aube, appel de la corne de lambis à leur retour.





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Textes et photos par Hélène Clément 

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