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  • Photo du rédacteurHélène Clément

Belgique - La vie de château en Wallonie



C'est en toute simplicité que la Wallonie, au fil de la Meuse et de ses affluents, invite les amoureux de vieilles pierres à venir découvrir ses châteaux et ses citadelles. Plusieurs de ces forteresses sont demeurées dans le giron familial et ont eu la chance de traverser les siècles, plus ou moins bien entretenus mais toujours d'aplomb; certains ne conservent de leur gloire passée qu'une tour, un fossé, une cave ou un pan de mur troué de fenêtres ouvertes à tous les vents. D'autres ont été repris par des institutions et aménagés en musée, en hôtel, en restaurant, en chambres d'hôtes. Mais qu'importe, tous font rêver et voyager dans le temps.


Bouillon — Dieu le veut!, s'exclame le pape Urbain II lors du concile de Clermont. Le Saint Père exhorte les chevaliers des royaumes occidentaux à la croisade afin de libérer la Terre sainte et prendre possession de Jérusalem. Nous sommes le 27 novembre 1095. À la seigneurie de Bouillon, tout est calme, comme suspendu au fil du temps. Rien de grisant pour l'instant sur ce duché situé entre Cologne, Aix-la-Chapelle et Paris. Ripaille et festin agrémentent les soirées.

Le moment est opportun pour Godefroy de Bouillon, qui a des fourmis dans les jambes de remplir sa promesse. Pour réparer ses torts, n'avait-il pas fait le voeu, s'il se sortait d'une grave maladie, d'aller défendre les chrétiens en Orient? Le duc de Basse-Lotharingie répond donc à l'appel d'Urbain II. Il quitte Bouillon à l'été 1096 en compagnie de son frère Baudouin et d'une suite nombreuse de fidèles croisés. Il devient un des principaux chefs de la première croisade.

La ville de Bouillon loge à l'ombre de son château, qui surplombe la rivière Semois, un affluent de la Meuse, depuis plus de 1000 ans. Aujourd'hui, la cité vit du tourisme. On y vient non seulement pour le château et pour le panorama qui s'étend à ses pieds mais aussi pour ses activités sportives comme le canot, la randonnée pédestre et le vélo. C'est que Bouillon niche en Wallonie, une région de forêts, de parcs et de réserves naturelles, qui rappelle étrangement le Québec. On s'y sent vite bien, surtout attablé devant une Bouillonnaise brune ou une Blanche de Bouillon à réfléchir à la question de savoir pourquoi les Belges ont la réputation d'être des mangeurs de frites. En sont-ils les inventeurs?

Une explication grappillée au hasard des lectures suggère que la recette a vu le jour en bord de Meuse. Les habitants de la région accompagnaient toujours leur repas de petits poissons frits. Mais lorsque le fleuve était gelé et qu'il devenait impossible de pêcher, ils substituaient le poisson pour des pommes de terre coupées en longueur et cuites à l'huile. Mais la Meuse, qui fait 950 kilomètres de long et qui prend sa source en France, ne traverse pas que la Belgique. Donc, rien n'est sûr. Ou, oui, une chose, pour les Belges du moins: leurs frites sont les meilleures du monde.

Au-delà des frites, des moules et de la bière

La Wallonie francophone est une des trois régions constituant l'État fédéral belge. Elle englobe les provinces du Hainaut, de Namur, de Liège, de Luxembourg et du Brabant, toutes situées au sud de Bruxelles. On y parle, bien entendu, le français, ainsi que l'allemand et parfois même le wallon, le picard, le gaumais et le champenois. Si, en Belgique, la nature du régime est parlementaire, la nature de l'État, elle, est une monarchie fédérale représentée depuis nonante-trois par le roi Albert II. La vie de château perdure donc depuis des siècles au pays d'Hergé.



La Belgique a donc aussi ses châteaux, comme dans le Val de Loire ou en bordure du Rhin. Saviez-vous qu'il y en a plus de 400 au pays, dont 300 en seule Wallonie? Et toutes les périodes y sont représentées: forteresses médiévales, citadelles, châteaux néogothiques, élégants châteaux du XVIIe siècle, châteaux rustiques. Discrète, la capitale de l'Europe!

Discrétion toutefois rompue par la Fédération du tourisme des provinces de Liège et Namur, VVV Zuid Limburg et Toerisme Limburg, qui a voulu redonner l'envie de partir sur les chemins de 80 de ces résidences royales, dans un rayon de 25 kilomètres de la vallée de la Meuse, avec un regard neuf. Comme si c'était un premier voyage en région mosane. Question de piquer la curiosité, les quatre partenaires viennent donc de publier Châteaux de la Meuse, un guide attirant, riche en photos, en textes anecdotiques et en renseignements pratiques. Libre à vous de choisir dans cette liste le château de vos rêves. Aucun circuit n'est suggéré. Vagabondages de château en château.

Entre Huy et Liège, à une centaine de kilomètres de Bruxelles, le château de Jehay, une bâtisse renaissance mosane à la façade enchâssée de pierres blanches et brunes, est la première halte de notre circuit de trois jours en terre wallonne. Plutôt impressionnants, les murs en damier qui se reflètent dans l'eau des douves! Nous ne visiterons ici que les jardins, reliés au château par un pont à cinq arches. Les jolies nymphes sont l'oeuvre du comte Guy van des Steen, le dernier châtelain de Jehay, décédé en 1999. Depuis, la province de Liège en est la propriétaire.

À la ferme castrale d'Hermalle-sous-Huy, qui abrite un gigantesque marché de livres d'occasion, nous sommes accueillis par Mme Hanot et M. Ménage. «Le château n'est plus propriété d'aucune famille noble et ne se visite que de l'extérieur, explique Mme Hanot, responsable des lieux. «Mais la ferme castrale, c'est autre chose», poursuit-elle en nous invitant à pénétrer dans l'enceinte fortifiée qui abrite les musées de la poste restante et de la gourmandise. «Elle est aujourd'hui le siège du syndicat d'initiative et héberge la plus importante bibliothèque de gastronomie de Belgique. On y dénombre plus de 20 000 livres.»

On dit de Durbuy qu'elle est la plus petite ville au monde: 400 habitants. On dit aussi qu'elle est charmante avec ses petites ruelles pittoresques et ses maisons du XVIIIe siècle. Le Petit Futé sur la Belgique mentionne qu'elle attire tellement de touristes les week-ends et les mois d'été «qu'il n'est pas une maison qui ne soit pas un hôtel, restaurant ou commerce».

Durbuy n'est qu'à sept kilomètres du Castel du Val d'Or, un ancien relais malle-poste de 1654, situé dans le village d'Ocquier. C'est dans cette solide bâtisse en brique et en pierre du pays que nous soupons (en Belgique comme au Québec, on déjeune, on dîne et on soupe) et passons la nuit. Nous sommes accueillis par les sympathiques propriétaires, Didier et Carla Bosse. Il y a dix ans, ce couple a repris l'entreprise familiale, qui fête cette année ses 60 ans. Il s'agit de la troisième génération. L'établissement compte 15 chambre d'hôtes.

Reinhardstein, Modave, Vêves et les autres

C'est Renaud de Waimes qui fit construire le château de Reinhardstein, en 1354, à la demande du duc de Luxembourg. Pendant plus de 460 ans, les seigneurs de Waimes et leurs descendants, les Metternich, ont agrandi leur royaume. Mais la Révolution française a mis fin à la transmission des avoirs. Après la récupération de leurs biens, à la suite de la chute de Napoléon, les comtes de Metternich, qui craignaient le retour des Français, ont abandonné leur domaine. Erreur!

«Après 150 ans de léthargie, Reinhardstein n'est plus qu'une ruine, raconte Clément de Hossa, le châtelain de la forteresse. Jusqu'au jour où, animé par la foi des grands bâtisseurs, il est repris en main par l'archéologue Jean Overloop, défenseur du patrimoine et collectionneur passionné, qui le reconstruit et le remeuble.» Clément de Hossa habite les lieux pour poursuivre l'oeuvre d'Overloop, décédé en 1994, et assurer la vie active du château fort.

À Reinhardstein, les initiatives foisonnent pour redynamiser le tourisme culturel: visite accompagnée de la musique des ménestrels et des troubadours; Team Building Challenge sportif, à la recherche d'un trésor, style Fort Boyard; table d'hôte seigneuriale, concert à la lumière des bougies et réveil des fantômes. Perché sur un promontoire rocheux, au-dessus de la rivière Warche, Reinhardstein se mérite. À l'écart de la route, on y accède seulement à pied.


À l'origine une forteresse médiévale modelée au cours des siècles, Modave est actuellement un des rares châteaux de la région à évoquer admirablement l'architecture française du XVIIe siècle. Le plafond de la grande salle des gardes représente les cinq générations du comte Jean-Gaspard de Marchin qui, en 1657, a entrepris la reconstruction du château. Tout un arbre généalogique! De la famille Modave au XIIIe siècle aux industriels liégeois Lamarche et Braconier en passant par de Marchin, le château est aujourd'hui entre les mains de la Compagnie intercommunale bruxelloise des eaux, qui exploite en sous-sol des captages d'eau.

Une des caves du château abrite une reproduction de la machine de Modave, une machine hydraulique destinée à élever dans la cour du château les eaux de l'Hoyoux, un affluent de la Meuse. L'invention du charpentier Rennequin Sualem aurait fortement inspiré la création de la machine de Marly, conçue pour remonter les eaux de la Seine jusqu'aux jardins de Versailles.

L'histoire du château de Vêves commence par une forteresse. Son apparence de château de conte de fées? Sûrement attribuable à ses cinq tours, coiffées de chapeaux gris et pointus, ainsi qu'à son emplacement au sommet d'un éperon raide. Encore habité par les comtes de Liedekerke Beaufort, dont le château est la propriété depuis six siècles, il demeure ouvert au public. Exquise symbiose des siècles à travers les souvenirs de plusieurs générations d'une grande famille.

Il y a le château de Lavaux-Sainte-Annne qu'il faut visiter pour son donjon, la pièce maîtresse de la forteresse devenue un temple de la chasse, ainsi que celui de Janné, pour y rencontrer Mme Tamara et son mari, qui s'occupent du rooms and breakfast avec beaucoup d'amour. On le surnomme dans le pays le château des nuits de noces. Puis, le château d'Hassonville, propriété de 55 hectares, appartenant à la famille Rodrigues, pour... la vie de château.


Tout est raffinement dans cette demeure aménagée par le jardinier André Le Nôtre comme pavillon de chasse pour combler les désirs de Louis XIV. Le château dispose de 17 chambres et de trois suites, de plusieurs salons et d'un chef cuisinier, Thierry Bayot, élu meilleur chef de Belgique alors qu'il n'était âgé que de 25 ans. Et que dire du sommelier Pierr Vicini? Qu'il est un des meilleurs de Belgique, qu'il est charmant avec moustache et qu'il a un bon sens de l'humour.

Ah oui, si les frites sont si bonnes en Belgique, c'est parce qu'elles sont cuites deux fois!



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