La Barbade n’est pas une île volcanique comme la plupart de ses voisines de l’arc des Petites Antilles, mais calcaire et… plutôt plate. Géographiquement, s’entend ! Un point culminant à 340 mètres, des moulins à vent, des vallées sèches plus ou moins encaissées, des falaises par endroits, des dolines, des mares, des avens et des grottes. Virée dans le ventre de cette petite île exceptionnelle de la Caraïbe.
« La Barbade n’appartient pas à l’arc des îles calcaires reposant sur un substrat volcanique ancien. Il s’agit d’une formation géologique rare », écrit le géographe Romain Cruse dans Une géographie populaire de la Caraïbe, publié aux éditions Mémoire d’encrier.
« Les géologues parlent de prisme d’accrétion. L’île représente la partie émergée d’une accumulation de fins sédiments (limon, sable, gravier) sous-marins dans une fosse, qui a fini par former un dôme. Après des millions d’années, le dôme grandit avec l’arrivée de nouveaux sédiments et aboutit, dans de très rares cas, sur la formation d’une île de roches sédimentaires. »
Seule l’île de Taïwan, dans le monde, présenterait la même particularité géologique. Voilà une raison — et il y en a d’autres — qui fait de la Barbade une île exceptionnelle de la Caraïbe.
Une île en forme de poire où la côte orientale est découpée en falaises et le centre est formé de montagnettes — le point culminant étant le Mount Hillaby, à 340 mètres, sans forts reliefs comme sur les îles voisines : la Dominique, la Martinique, Basse-Terre en Guadeloupe, Saint-Vincent et les Grenadines —, chacune pourvue d’au moins un volcan. Mais avec plus de bourrelets que la Grande-Terre de la Guadeloupe, Marie Galante ou Anguilla, qui ne dépasse pas 65 mètres.
Cela dit, si, dans la Caraïbe, la Barbade ne mène pas le bal côté randonnées en montagne et que les sentiers de l’île ne côtoient ni paysages lunaires ponctués de fumerolles et de sources chaudes, ni caldeira battue par les vents au sommet d’un volcan qui, un jour de mai 1902, a su se montrer particulièrement meurtrier, il y a tout de même une panoplie de jolies balades à y faire.
Comme celle le long de l’ancienne voie ferrée, entre Belleplaine et St-Martin’s Bay, sur la côte est, une jolie randonnée de 20 kilomètres où l’on évolue dans un décor évoquant l’Irlande.
Puis, il y a toutes ces promenades à thème proposées par le Barbados National Trust, une organisation qui travaille depuis 1960 à la préservation et la protection du patrimoine naturel et culturel de la Barbade, qui permettent de découvrir à pied l’histoire, l’agriculture, l’origine des plantations de canne, de coton et de bananes, les jardins, les réserves naturelles, les cimetières, les moulins à vent, les maisons historiques, les musées, les forêts tropicales, la gastronomie et le rhum.
Et des grottes aussi, dont certaines se visitent. Une activité plutôt unique dans les Antilles. À l’exception d’Haïti, où cavernes et galeries composent un fabuleux (et immense) patrimoine souterrain. Mais elles ne sont pas aménagées de façon aussi spectaculaire que celle d’Harrison.
Située à 12 kilomètres au nord-est de Bridgetown, au centre de l’île, la grotte d’Harrison devrait être atteinte en 20 minutes, en temps normal.
Mais, vu le manque d’expérience pour la conduite à gauche, les maigres informations routières et la circulation dense autour de la capitale, il est plus réaliste de compter une heure, surtout un vendredi après-midi, par exemple.
C’est David Medford, un chauffeur de taxi habitué à escorter des touristes, qui m’y conduira.
Et qui, mieux qu’un chauffeur de taxi fiérot, peut parler de cette île entourée de part et d’autre par l’océan Atlantique, grande comme un mouchoir et qui a célébré ses 50 ans d’indépendance le 30 novembre 2016 ?On y raffole du cricket, du polo et des courses de chevaux et on accueillera, en mai 2017, le 17e Golden Oldies World Cricket festival.
Il est bon de savoir que, malgré les signes évidents d’une culture anglaise ancrée aussi solidement dans le calcaire qu’un bateau dans le port de Bridgetown, on ne dit pas à un Bajan que son île — surnommée Little England depuis les temps de la colonisation — est avant tout british. Il roulera les yeux en affirmant qu’il s’agit d’une demi-vérité et que son peuple, bien qu’il conserve des liens étroits avec la monarchie britannique, a développé son identité propre.
« Depuis que le pays est libre, il a laissé s’épanouir un art de vivre, une musique, une gastronomie et une identité qui célèbre la mémoire des ancêtres », explique David Medford.
Et ça plaît ! D’abord aux touristes en quête d’authenticité et de rencontres avec les gens du pays. Et aux Bajans qui, en leur compagnie, apprennent à apprécier la valeur de leur passé.
« Vous savez, le samedi, à la Barbade, on mange toujours le pudding, le souse et le ragoût de tête et de pied de porc, dit David Melford. Autrefois, ces mets peu raffinés étaient destinés aux esclaves, mais aujourd’hui, les chefs en ont fait des plats gastronomiques recherchés. »
Cette petite île de 34 kilomètres de long sur 23 kilomètres de large compte autant d’églises que de jours dans l’année, et dix fois plus de bars à rhum que d’églises. Les chauffeurs de taxi, officiellement reconnus par l’État comme étant de bons ambassadeurs de leur pays, peuvent entrer gratuitement dans tous les musées et attractions touristiques de l’île.
Pour la grotte d’Harrison, on a le choix entre la visite commentée d’une heure, à bord d’un train qui évolue d’une cave à l’autre, ou celle de quatre heures avec casque et lampe frontale, qui implique parfois de ramper dans les tunnels ou de marcher le long de rivières souterraines.
Les premiers textes sur l’existence de cette grotte remontent à 1647. Selon l’écrivain britannique Richard Lingon, elle servait de cachette aux esclaves en fuite. Certains documents historiques datant de 1795 mentionnent aussi son existence. On a bien tenté maintes fois de s’y aventurer au XIXe siècle, mais sans succès, les entrées naturelles représentant un trop grand défi.
Le mystère de la grotte d’Harrison a duré jusqu’en 1974, alors que l’ingénieur et spéléologue danois Ole Sorenson, assisté des Barbadiens Tony Mason et Allison Thornhill, la redécouvre et la cartographie. Puis, d’importants travaux de développement sont amorcés en vue de créer une nouvelle attraction touristique. La grotte est ouverte au public en 1981.
La grotte est nommée en l’honneur de Thomas Harrison, un homme d’affaires de Bridgetown qui possédait la plupart des terres de l’île au XVIIIe siècle. C’est aussi lui qui fonda l’Harrison College, devenu aujourd’hui l’une des meilleures écoles secondaires de la Barbade.
Le train électrique, alimenté à l’énergie solaire, pénètre dans la grotte par un long tunnel. Le conducteur amorce doucement la descente pendant que la guide nous parle géologie. Nous allons parcourir 1,6 kilomètre à une profondeur maximale de 25 mètres et passer cinq galeries.
On traverse avec les yeux ronds comme des billes des paysages calcites composés d’immenses stalagmites et stalactites. Un éclairage habile donne une vue étonnante sur l’érosion karstique. Par endroits, les grandes colonnes montantes embrassent celles descendantes, formant un seul gros pilier. Un monde minéral qui se mesure goutte à goutte depuis des milliers d’années.
« Stalagmites et stalactites grandissent ici de l’épaisseur d’une feuille de papier chaque année. Et dans ce système de caves où la seule constante est le bruit de l’eau qui dégoutte des cavités, la température est en moyenne de 27 °C », précise la guide.
La « grande salle » mesure 15 mètres de haut et l’eau cristalline y suinte de partout en petites cascades ou en gouttelettes. Le « village », peuplé de formations aux allures de bonshommes, ressemble à un… village. Puis il y a la « salle ronde », la « piscine des explorateurs » et la salle des « deux cascades » où tombent d’entre les parois deux chutes.
Tout un monde d’eau.
Oui, la Barbade est un corail géant, ce qui explique que l’eau (du robinet) soit si bonne à boire. L’île étant faite de calcaire, l’eau est naturellement filtrée, nettoyée et purifiée en son sol.
On se targue d’ailleurs, dans cette île de tradition britannique, de concocter le meilleur rhum industriel au monde, le Mount Gay, grâce, entre autres, à cette eau riche en minéraux.
Une eau précieuse comme de l’or, particulièrement en ces temps de changements climatiques où l’intensité et la fréquence des sécheresses risquent d’augmenter. À la Barbade — et dans la Caraïbe, on se souvient encore de la fameuse sécheresse qui a sévi en 2009.
Comme le souligne Romain Cruse, « les îles plates calcaires sont des espaces de prédilection du tourisme de masse, car la décomposition du calcaire et du corail ainsi que le relief bas assurent la présence de plages de sable blanc ». Et les touristes étant de grands consommateurs d’eau, la sécheresse peut être un problème.
Un enjeu important au coeur des discussions lors de la conférence intitulée The State of the Tourism Industry Conference, organisée par la Caribbean Tourism Organisation et qui se tenait à la Barbade en septembre dernier. On a profité de cette rencontre de trois jours pour signer une entente formelle afin d’intégrer les services climatiques au secteur du tourisme dans la Caraïbe. Un travail d’équipe nécessaire pour l’avenir de cette belle région du monde.
EN VRAC
S’y rendre. Air Canada exploite quatre vols par semaine Montréal-Bridgetown (avec un Airbus A319), du 22 décembre au 17 avril, les lundis, mercredis, jeudis et samedis.
Dormir. Pour des villas de luxe, l’entreprise Luxury Retreat, basée à Montréal, peut vous aider à faire un choix. Pour une liste des hébergements de tous genres. Vacances Air Canada propose aussi des forfaits combos à la Barbade.
Manger. La gastronomie est l’une des très bonnes raisons de choisir la Barbade comme destination vacances et culture. Il doit bien y avoir, sur cette île, au moins 150 restaurants pour toutes les bourses et de tous les genres. La liste.
À ne pas manquer. Le marché de poissons du vendredi soir, à Oistins, pour y déguster des plats bajans typiques.
Les sept merveilles de la Barbade, selon les Bajans… La grotte d’Harrison harrisonscave.com. Les deux baobabs. St.Nicholas Abbey. Le moulin à vent Morgan Lewis. La synagogue à Bridgetown. Le Bridgetown historique et sa garnison qui fait partie du patrimoine de l’UNESCO. Le pamplemoussier du jardin Welchman Hall Gully.
À faire avec les enfants. La visite du fond de la mer à bord du sous-marin Atlantis. On n’atteint peut-être pas les 20 000 lieues sous la mer, mais la descente est quand même spectaculaire et le fond, merveilleux.
Pour en savoir plus sur l’industrie du tourisme dans la Caraïbe ; et sur les activités touristiques à la Barbade.
À lire. Une géographie populaire de la Caraïbe, de l’auteur et géographe Romain Cruse, aux éditions Mémoire d’encrier. Vous en apprendrez beaucoup sur cette région de près de 40 millions d’habitants, qui affiche l’un des plus forts taux d’émigration au monde. Et pas toujours par plaisir.
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