Dans le sud-ouest de la Tunisie, un train d’époque, le «Lézard rouge», amène les touristes en plein Far West tunisien. Le tortillard de Metlaoui de Gafsa circule entre canyons et montagnes. Il met deux heures aller-retour pour parcourir 40 kilomètres depuis Metlaoui jusque dans les gorges de Selja. À mettre au programme d’un séjour en ce pays.
Fin novembre 2016. C’est pour assister au tout premier festival de musique sacrée, le Rouhanyet, à Nefta, ville du sud de la Tunisie et deuxième centre religieux du pays avec sa trentaine de mosquées et sa centaine de marabouts, que nous nous envolons pour la Tunisie. Une occasion inouïe, ce voyage, surtout quand on aime la musique soufie. Et le désert. Car cette ville ancienne de tradition spirituelle, réputée pour ses dattes, se trouve à l’orée du Sahara.
N’est-ce pas dans les rues de cette cité, qui remonte à 80 000 ans avant notre ère, coincée entre le Chott El Jerid et les dunes du Sahara, qu’a été tourné le film Le patient anglais ? Et aussi les épisodes II et III de La guerre des étoiles, dans le désert, à 14 kilomètres de là.
Les décors laissés par George Lucas il y a 40 ans représentent une attraction touristique prisée. Au coucher du soleil, les 4x4 sont nombreux à se frayer un chemin jusqu’au cou du chameau à Oung Jmel.
C’est tout de même sympathique de grimper au sommet des dunes dans le sable ocre et d’observer le va-et-vient des vendeurs de Mos Espa, la ville de la planète Tatooine.
Rouhanyet signifie « spiritualité ». Au programme de ce festival des musiques mystiques dirigé par l’acteur tunisien Hichem Rostom : des derviches tourneurs de Turquie, des gnaouas du Maroc et des musiciens venus de Tunisie, d’Algérie, de France et du Québec. « Des oeuvres qui toucheront l’âme autant que l’esprit par l’émotion et par le plaisir des sens », précise-t-il.
Dans la cour intérieure d’une maison du XVIIe siècle aux murs de brique couleur de sable, en compagnie de la soprano Raphaëlle Paquette et du violoniste baroque Olivier Brault, nous découvrons l’univers de la musique sacrée, au final plus festive que méditative.
Et les habitants de cette ville oasis du Djérid, située à une trentaine de kilomètres de l’Algérie et à une vingtaine de Tozeur, plus habitués à taper dans les mains, danser et chanter avec les troupes qu’à écouter, seront initiés à l’art lyrique de deux musiciens québécois venus aux portes du Sahara partager avec eux des airs d’opéra de Haendel, Vivaldi, Bach… et de musique baroque.
Un voyage classique dans le sud de la Tunisie implique presque toujours la visite de la palmeraie de Tozeur et de sa médina, de la Corbeille de Nefta, du site de La guerre des étoiles, Douz via le Chott el-Jérid, d’un tour à dos de dromadaire et d’une tournée des oasis de montagne.
Nichées entre désert et pinacle d’une colline, les ruines de l’oasis de Chebika dominent une gorge profonde. Quant à Taberka, suspendue aux flancs d’un canyon, l’antique Ad Turres, elle surplombe une plaine qui s’étend jusqu’à l’immensité salée et désertique du Chott el-Jérid.
Le désert tunisien prend parfois des formes inattendues. Entre autres à l’approche de la frontière algérienne, au nord-ouest de Tozeur. Photogéniques, ces petits villages de montagne ? Ooooh que oui ! Une fantasmagorie de roches tourmentées. Un chaos minéral contrastant entre le vert des palmiers, le bleu des oueds, l’ocre du sable et le rouge des canyons. Sortez les appareils photo.
Mais il serait bien triste de quitter cette région du sud sans monter à bord du Lézard rouge. Cadeau de la France au bey de Tunisie en 1940, ce train d’époque mène au canyon de Selja, que l’on ne peut découvrir autrement qu’en montant à bord de cet ancien train-musée de six wagons.
Une cinquantaine de kilomètres séparent Tozeur de la gare de Metlaoui, d’où part le Lézard rouge. Et une quarantaine de la ville de Gafsa. Nous sommes au pays du phosphate, une industrie importante pour la région avec une production, en 2016, de 3,6 millions de tonnes, lit-on dans le Al Huffington Post du 8 janvier 2017.
C’est le vétérinaire et géologue français Philippe Thomas qui fait la découverte de gisements dans la vallée de l’oued Selja en 1885. Les villes de Metlaoui, Redeyef et Moularès, dont l’économie repose sur cette matière première, sont nées des besoins de l’extraction minière.
Le chemin de fer qu’emprunte le Lézard rouge sur une distance de 40 kilomètres n’a pas été conçu pour ce train. Cette voie ferrée, dont le début de la construction remonte à 1896, était à l’origine destinée au transport du phosphate jusqu’aux ports de Sfax et de Sousse. Ce n’est que depuis 1920 que la petite ville minière de Metlaoui est rattachée à ce réseau ferroviaire.
L’« Orient Express » du Far West tunisien
Sifflement. Le train quitte la gare de Metlaoui à 10 h 30. Mieux vaut réserver avant de s’y rendre car le tortillard rouge flamboyant ne partira que s’il y a suffisamment de touristes à bord.
Le voyage commence par un aperçu de la vie à Metlaoui. Un peu comme si l’on entrait dans le quotidien des gens par la porte arrière. On devine que, derrière les murets des maisons, chaque parcelle de terre est cultivée : menthe, carottes, poivrons, choux, tomates, dattes.
Puis c’est la steppe à perte de vue jusqu’à ce que le train aux fenêtres ouvertes sur le paysage s’engouffre entre les falaises ocre et abruptes qui dessinent les gorges de Selja.
En ce début de décembre, il fait un temps des dieux. Les températures oscillent autour de 18 °C. Une période idéale pour voyager et une luminosité exceptionnelle pour les photos.
Au temps du bey, le Lézard rouge — qui ne portait pas ce nom à l’époque — ne circulait qu’autour de Tunis, entre le Bardo, Hammam-Lif et La Marsa. Après l’indépendance du pays en 1956, représentant plutôt un symbole colonial et monarchique, le train est retiré de la circulation.
Dans les années 1970, on l’affecte au transport de tourisme le long de la Méditerranée. Sans grand succès. Puis il est minutieusement restauré. Ce n’est que depuis les années 1990 que le petit convoi emprunte à nouveau les rails qui sillonnent les gorges de Selja, dans les contreforts de l’Atlas, un décor époustouflant. L’expression Far West africain prend ici tout son sens.
À chaque courbe, la locomotive actionne sa trompe qui déchire la torpeur du paysage. Chaque sortie de tunnel réserve une surprise : falaises, montagnes, rivière, et toujours ce désert. Les falaises abruptes qui encadrent l’oued Selja peuvent atteindre jusqu’à 200 mètres de hauteur.
Pendant près de deux heures, le Lézard rouge emmène ses passagers à travers un paysage que l’on compare au Grand Canyon du Colorado. Le train marque trois arrêts avec descente pour les photos. Chaque fois, un coup de trompe pour rappeler les indisciplinés qui s’éloignent trop.
La décoration intérieure séduit. Le faste de l’époque coloniale. Le luxe est dans les moindres recoins : compartiments meublés avec fauteuils de cuir, en tapisserie ou en bois jusque dans les salles de bain. Miroirs ovales et photos d’époque sur les murs, wagon-bar orné de boiseries.
À bord de ce palace sur rails, la croisière s’amuse. On déguste le thé à la menthe, on joue des airs de violon. Les touristes sont en majorité des Tunisiens venus de tous les coins du pays.
Le train arrête sa course à la hauteur de la mine de phosphate de Metlaoui. Dans ce paysage lunaire se dressent des terrils de phosphate, témoins de la tradition minière de la région. Cette matière première sert notamment à la fabrication d’engrais pour l’agriculture.
Du chemin du retour à Tunis, je garde un excellent souvenir. Ces longs transferts en voiture permettent au gré des kilomètres de capter des images fugitives de la vie des gens du pays.
Le désert laisse place à un paysage de steppes, aride, rocailleux, parsemé de buissons poussiéreux. Jusqu’à Sfax, nous suivons des camions remplis de dattes, de grenadines ou de fenouil. Excellent le matin avec de l’huile d’olive et du citron. Puis, à l’approche de Kairouan, des camions débordants de piments rouges. Ces derniers pendent au soleil, sur les façades des maisons, le temps de sécher. Ils serviront à la préparation du harissa, cette pâte de piments forts.
Jolie Tunisie colorée !
En vrac
S’y rendre. Depuis juin 2016, la compagnie aérienne Tunisair offre deux fois par semaine un vol direct Montréal-Tunis d’une durée d’environ huit heures. On arrive à l’aéroport international de Tunis-Carthage vers 5 h du matin. Service impeccable à bord.
Où dormir. Le gîte de charme Diar Abou Habibi, dans la palmeraie de Tozeur, est une surprenante formule de séjour dans un très beau jardin loin des bruits de la ville. En guise d’hébergement, de jolies cabanes en bois construites sur pilotis dans le respect de l’environnement. L’endroit est populaire, donc il faut s’y prendre d’avance pour les réservations. diarhabibi.com.
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