On associe aisément le Saguenay-Lac-Saint-Jean aux bleuets, aux bélugas et au fjord plutôt qu'au ski alpin. Erreur! La région compte sept stations, dont trois d'envergure: Le Valinouët, Mont Lac-Vert et Mont-Édouard. Et, côté neige, le territoire n'est pas au centre des interrogations: on est dans de la poudreuse, à l'infini.
À Montréal, c'est le déluge. Pendant que la télé diffuse des images apocalyptiques de la métropole sous la pluie verglaçante — rues et trottoirs de glace, piétons qui peinent à rester debout, voitures qui partent dans le décor, avions cloués au sol — et que les météorologues s'interrogent sur l'avenir de la neige au Québec, à Saint-David-de-Falardeau, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, il neige abondamment. Les trois derniers jours, dans les monts Valin, 75 centimètres de poudre fraîche sont venus s'ajouter aux quatre mètres déjà tombés depuis novembre. Et les flocons continuent de s'accumuler.
La quantité de neige: voilà ce qui distingue cette région située à cinq heures de route de Montréal. Alors qu'on croit tomber en hiver sur un territoire calme, sachant les bélugas au repos et les bleuets sous six mètres de neige, on découvre au contraire un coin de pays dynamique qui vit pour ses sports d'hiver: ski alpin, raquette, descente sur chambre à air, traîneau à chiens, ski de randonnée, pêche blanche... Ainsi, par un après-midi ensoleillé, on peut se retrouver assis à côté d'un poêle à bois, dans une petite maison colorée déposée dans la baie des Ha! Ha!, à pêcher la morue et le sébaste.
La fiabilité de la neige y est telle que même les policiers de la Sûreté du Québec spécialisés dans les sauvetages en forêt ont adopté la station de ski Le Valinouët, à une heure de Chicoutimi, comme lieu d'entraînement annuel. C'est donc dans la poudreuse jusqu'à la taille qu'ils apprivoisent l'usage de la motoneige en territoire escarpé et boisé. «Je n'ai jamais tant sué de ma vie», raconte un agent de Montréal qui en était à sa première expérience hors des sentiers battus. Même Bombardier a choisi les flancs des monts Valin pour procéder aux essais de ses prototypes de motoneige.
Cela étant dit, l'endroit est idéal pour la pratique du ski alpin, un secret d'ailleurs bien gardé dans la région. On dénombre sept stations entre La Baie et Alma, en passant par Héberville: Monts-Bélu, Villa Saguenay, Fortin, Club Tobo Ski, Lac-Vert, Mont-Édouard et Le Valinouët. Des montagnes sauvages avec des dénivelés pouvant atteindre 450 mètres, soit deux fois la hauteur du mont Saint-Sauveur. Et de la poudreuse à l'infini!
«C'est vrai, on connaît les Laurentides, la Montérégie, la région de Québec mais très peu le Saguenay-Lac-Saint-Jean comme destination de ski alpin», dit Ève Boissonnault, auteur du guide Ulysse Ski alpin au Québec et rédactrice en chef du journal Ski Presse, qui avoue avoir elle-même découvert la région l'année dernière alors qu'elle explorait le Québec pour son livre. «L'endroit m'a immédiatement séduite par le pittoresque des paysages, la quantité de neige, la variété des pistes, les dénivelés et l'accueil.»
Là-bas, pas d'usines à skieurs, rien de chromé. Que des stations à l'échelle humaine, plutôt familiales qu'élitistes, sans kitsch ni tape-à-l'oeil, fréquentées surtout par une population locale mais accessibles à tous, selon les ambitions: on peut aussi bien sauter un pitch et apercevoir le lac Saint-Jean, dévaler un raide couloir dans la poudreuse jusqu'au genoux ou pratiquer son télémark face au fjord que se prélasser à la terrasse d'un chalet en sirotant un chocolat chaud ou une bière locale dans une ambiance festive.
Notre première glisse s'est effectuée en compagnie de Laurier, au Mont-Lac-Vert, dans la municipalité d'Héberville, à 25 minutes au sud d'Alma. Du sommet de ses 240 mètres face au lac Saint-Jean, l'endroit se targue d'être la plus haute montagne éclairée du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Mine de rien, ce petit centre doté de 16 pentes et de deux sous-bois, qui fête cette année ses 30 ans, reçoit plus de 75 000 visiteurs en saison.
Laurier est cuisinier à l'Auberge des Îles l'été, il enseigne la cuisine à Alma l'automne et le ski alpin l'hiver. L'homme incarne le dynamisme et l'esprit créateur des gens du coin. «La cuisine mène partout, dit-il en souriant, même sur les pistes de ski. Dévaler les montagnes est ma façon de relaxer entre deux cours et ça me permet de rencontrer des gens.»
Non seulement il m'a initiée aux virages skis parallèles et épaules dans l'axe de la pente, mais il m'a aussi enseigné à reconnaître un merisier d'un hêtre, un pin d'un sapin. J'ai aussi appris qu'il existe neuf fromageries autour du lac Saint-Jean, de même que des élevages de wapitis, et qu'on peut manger de la tarte aux bleuets même en hiver.
Classé beau village
Au Mont-Édouard, dans la municipalité de l'Anse Saint-Jean — classée parmi les plus beaux villages du Québec —, à proximité du fjord, il n'y a qu'un seul versant et toutes les pistes arrivent au même endroit. Bien que le terrain skiable ne soit pas le plus facile de la région, la station semble tellement sécuritaire que les parents n'hésitent pas à y déposer leurs jeunes pour ne revenir les chercher qu'à l'heure du repas.
Mont-Édouard se distingue par sa belle poudreuse, son choix de pistes, sa pratique du télémark reconnue mondialement, son dénivelé de 450 mètres qui en fait la septième montagne la plus élevée du Québec et ses forfaits familiaux. Par exemple, les jeunes de moins de six ans skient gratuitement.
Les amateurs de raquette peuvent aussi emprunter une douzaine de kilomètres de sentiers balisés qui mènent vers des panoramas à couper le souffle. Le circuit rejoint également un réseau de sentiers de ski hors piste de plus de 50 kilomètres.
L'origine de Mont-Édouard constitue une histoire en soi, et Dieu sait si on aime raconter des histoires au Saguenay! En 1989, afin d'appuyer l'implantation du centre de ski, quelques fervents de la région ont manifesté en bloquant des routes. «Même le curé de la paroisse s'est mis de la partie en observant une grève de la faim, raconte Hélène Gauvreau, directrice générale de la station.
D'ailleurs, c'est probablement à la suite de ces événements qu'une piste a pris le nom de Délinquante. «Puis, une souscription populaire a été lancée auprès de toutes les municipalités environnantes pour favoriser la construction de la station.» Ainsi, des pistes ont été baptisées du nom de ces villes, comme L'Otisienne (Saint-Félix-d'Otis), La Chicoutimienne (Chicoutimi), ou La Saguenoise (Petit-Saguenay). On skie aussi sur La Passe des Roches, La Tableau ou L'Éternité. Une dénomination qui rappelle fièrement la région des fjords.
La route du Fjord
Pour les skieurs qui souhaitent aussi découvrir la région, il y a un itinéraire sympathique appelé «route du Fjord» qui suggère toute une panoplie d'activités éducatives, artistiques, gastronomiques et bien sûr de plein air à savourer à chacune de ses étapes.
La route passe entre autres par Petit-Saguenay, L'Anse-Saint-Jean, Rivière-Éternité, Saint-Félix-d'Otis, La Baie et Saint-Fulgence. Depuis ce village, il n'y a plus que quelques kilomètres avant d'atteindre Le Valinouët, à Saint-David-de-Falardeau. Le centre de ski situé sur le massif des monts Valin est recouvert à 100 % de poudreuse naturelle. Sur les pistes, pas l'ombre d'un canon à neige. Du haut de ses 350 mètres, le paysage est magnifique avec son enfilade de montagnes enneigées à perte de vue.
«Je vous jure que si vous ne skiez pas dans la poudreuse jusqu'aux genoux pendant votre séjour, nous vous remboursons», promettent Lise et Vincent Cayouette, propriétaires du Gîte Passion Québec niché au pied du centre, dans le village alpin. «Le Valinouët est le seul endroit au Québec qui garantit de la neige de novembre à avril. C'est le premier à ouvrir et le dernier à fermer. Et lorsque la station ferme, en avril, ce n'est pas par manque de neige mais par manque de clientèle.»
Le Valinouët doit constamment relever le défi de ses quatre pistes à bosses, qui sont naturelles contrairement à d'autres centres. Sinon, il compte 27 pistes de toutes catégories, réparties sur deux versants. À l'heure où vous lisez ce texte, il est déjà tombé cinq mètres de neige et les conditions sont exceptionnelles, rapporte Stéphane Leblond, directeur du marketing. Et pour les grands amateurs de raquette, un parcours de huit kilomètres permet d'aller à la conquête des «momies», ces arbres recouverts de neige aux allures de fantômes.
Et le voyage ne sera complet que si vous goûtez à la fondue chinoise d'oie sauvage, de sanglier, de wapiti et de canard de Lise. Ce soir-là, tout le monde a le sourire!
En vrac
- TourismeSaguenay-Lac-Saint-Jean: 1 877 BLEUETS, www.saguenaylacsaintjean.net.
- À lire: Guide Ulysse, Ski alpin au Québec, Ève Boissonnault.
- Mont-Lac-Vert: (418) 344-4000, www.montlacvert.qc.ca. Auberge Presbytère Mont Lac-Vert: (418) 344-1548, www.aubergepresbytère.com.
- Mont-Édouard: (418) 272-2927, www.montedouard.com. Les Gîtes du Fjord: 1 800 561-8060, www.lesgitesdufjord.com. Auberge des Cévennes: 1 877 272-3180, www.auberge-des-cevennes.qc.ca.
- Le Valinouët: 1 866 260-8254, www.valinouet.qc.ca. Chalets Passion-Québec: (418) 673-1001, www.passionquebec.qc.ca.
- Pêche blanche sur le fjord: parc de la Nordicité, (418) 544-4801, www.iquebec.com/marinadevilledelabaie.
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