Jusqu’au 29 janvier, le Jardin botanique de Montréal invite le public à admirer ses jolies orchidées, en fleurs à cette époque de l’année. Dans un décor évoquant les ruines d’une ancienne forteresse au coeur de la jungle, ces créatures fascinantes se retrouvent dans leur élément.
Article publié dans le quotidien Le Devoir du 19 janvier 2018
Certaines exhalent un parfum puissant. Par exemple, la gracieuse Angraecum eburneum, dont les petites fleurs blanches répandent une odeur suave qui titille l’odorat dès qu’on s’en approche.
Ou la vanille, la seule orchidée comestible parmi les milliers d’espèces et dont la pollinisation serait une affaire de femmes nommées « les marieuses ». Du moins à Madagascar, où est produit 80 % de la vanille dans le monde, selon le journal Le Monde.
Cela dit, l’exposition commence dès l’accueil par un clin d’oeil à ces magnifiques orchidées à la morphologie parfois si étrange qu’elles passent pour des fleurs rares et fragiles.
Fragiles mais pas rares
« Fragiles, peut-être, mais rares, non », dit Denis Laperrière, l’horticulteur responsable de la collection d’orchidées au Jardin botanique de Montréal, une des plus importantes d’Amérique du Nord. « On en dénombre dans le monde quelque 750 genres et 30 000 espèces. Hormis les déserts et les deux pôles, l’orchidée pousse sur les cinq continents. »
De toutes les tailles, de toutes les formes et de toutes les couleurs, la noble, racée et gracile orchidée appartient à la plus grande famille végétale de la planète. À l’état sauvage, elle fait preuve d’une étonnante capacité d’adaptation et de diversification.
« Dans les régions tempérées, elle pousse sur le sol, explique Denis Laperrière. Dans les pays chauds et humides, l’orchidée, qui est là-bas épiphyte, se développe sur les arbres, à la recherche de lumière dont elle a grandement besoin. »
Ambiance tropicale
Dans la serre des orchidées et aracées, un mur de pierres imite une vieille forteresse sud-américaine. Un décor conçu il y a quelques années par l’architecte-paysagiste Carlos Martinez, avec des pierres qui remonteraient à l’origine de la fondation de Montréal.
« Elles ont été utilisées comme ballast dans les bateaux venant chercher des marchandises en Amérique, puis comme pavés dans le Vieux-Montréal », précise Denis Laperrière en montrant du doigt une Lockhartia tenuiflora d’un beau jaune, suspendue sur une plaque d’écorce de liège accrochée à un pan du mur, évoquant la jungle tropicale.
La collection du Jardin botanique compte environ 4000 spécimens et 276 genres parmi les quelque 750 connus dans le monde. Les visiteurs pourront admirer au cours des prochains jours une soixantaine de ces fleurs dont l’étrange morphologie a tant séduit Henry Teuscher, premier conservateur et cofondateur du Jardin.
C’est en 1936 qu’Henry Teuscher entre en fonction comme surintendant et chef horticulteur au Jardin botanique de Montréal, dont il a dessiné les plans au fil d’une correspondance avec le frère Marie-Victorin. Une rencontre qui aura marqué un tournant dans la vie de cet Allemand, né à Berlin en 1891 et émigré aux États-Unis en 1922.
« Dès leurs premières rencontres, les deux hommes se sont liés d’amitié », raconte François Ouellet, aux communications d’Espace pour la vie. « Et le frère a toujours appuyé son collègue et ami, même lorsque celui-ci fut soupçonné d’espionnage lors de la Seconde Guerre mondiale. Au bout du compte, il a été blanchi. »
On doit à cet horticulteur, qui a occupé divers postes reliés à sa spécialité aux États-Unis — dont celui de dendrologiste au Jardin botanique de New York —, l’existence de grandes collections comme celle des orchidées du Jardin botanique.
La plus vieille
On retrouve même dans une serre de reproduction bichonnée par Denis Laperrière la plus vieille orchidée toujours vivante, la Dandrobium nobile, qui fut rapportée par Henry Teuscher et enregistrée dans les collections du Jardin en 1942.
Ses travaux lui ont permis d’inscrire le genre Teuscheria dans le grand livre des orchidées. Et depuis 1999, le prix Henry-Teuscher est remis à un individu dont les réalisations contribuent à l’avancement de l’horticulture au Québec.
Quelques vedettes
Il y a l’Angraecum eburneum, dont l’odeur suave a pour but d’illusionner l’insecte ou l’oiseau à des fins de fécondation. À la différence des autres groupes de plantes à fleurs, ni le vent ni l’eau ne feront le travail.
Pièges à odeur, leurres visuels ou sexuels, les orchidées développent des stratégies complexes et efficaces pour attirer les pollinisateurs. La jolie fleur exploite à son compte les différents comportements de l’insecte.
Il y a aussi la Paphiopedilum, ou sabot de Vénus, qui ressemble à une pantoufle. Puis la Cyrtochilum macranthum, dont les tiges florales, volubiles, grimpantes, adorent s’entortiller et s’agripper et dont la fleur blanche, jaune et pourpre est magnifique.
Et il y a la Fredclarkeara After Dark, la Cattleya percivalania, la Dendrochilum glumaceum… Des noms bien savants que l’on apprivoise dans la serre des orchidées et des aracées au fil d’une promenade bordée de quelques panneaux d’interprétation.
Ah oui ! Le mot « orchidée» vient du grec orchis, qui veut dire testicules. Simplement parce que les tubercules de certaines des fleurs ressemblent à cette partie du corps.
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