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Photo du rédacteurHélène Clément

Indigo, périple bleu d'une créatrice textile




Si vous avez un faible pour le bleu, vous craquerez pour l’ouvrage Indigo, écrit par la styliste Catherine Legrand et publié aux éditions de La Martinière. L’album en papier glacé de 287 pages, abondamment illustré, est un livret-carnet de voyage à consulter dans son salon. Le livre invite à une promenade autour du monde, là où le quotidien se teint en indigo.


Article publié dans le Devoir du 29 décembre 2012

Catherine Legrand passe une partie de sa vie à collectionner les tissus, costumes, parures et photos. Sa fascination pour les textiles et pour l’indigo mène la créatrice sur la route bleue qui relie le Japon à l’Amérique centrale, en passant par le sud de la Chine, l’Inde, le Mali.


L’auteure invite le lecteur à la suivre dans les villages, les marchés, les ateliers, les musées ethnologiques et chez les antiquaires, en fait partout où se pratique encore la tradition de l’indigo. Avec elle on grimpe des montagnes, traverse des rivières, salue au passage les teinturiers salvadoriens, guatémaltèques, mexicains, chinois, japonais, français, vietnamiens, laotiens, indiens…


Énigme bleue


« Qui a eu cette intuition géniale que derrière telle feuille verte se cachent les bleus les plus mystérieux et les plus profonds ? Comment un teinturier chinois, un tisserand mexicain, une teinturière malienne que des milliers de kilomètres séparent ont-ils découvert chacun une formule pour extraire le pigment de leur plante locale et réussi à fixer cette couleur sur une fibre textile ? » Si cette énigme demeure, Catherine Legrand liste une centaine d’espèces de plantes à bleu et décrit toutes les étapes pour en extraire le pigment, en imprégner les fibres et la fixer.


« La teinture à l’indigo reste un savoir universel, écrit-elle. Partout elle se déroule selon le même processus : la culture ou la cueillette de la plante, l’extraction du pigment, le montage de la cuve, le fil ou la toile teints qui émergent du bain de teinture et dont se saisissent le tisserand puis le couturier et le brodeur qui transforment le tissu en de sublimes vêtements. »


Tour du monde


Dans le village de San Juan la Laguna, en bordure du lac Atitlán, au Guatemala, on utilise les propriétés tinctoriales de la sacatinta, un arbuste qui pousse à profusion dans les jardins. « Aux feuilles fraîches mises à macérer dans l’eau et produisant un jus violacé, la tisserande ajoute des segments dépiautés du tronc d’un palmier. Le palmito sert de fixatif à la couleur bleu clair. Le bain est porté à ébullition pendant un quart d’heure ; il refroidit ensuite une vingtaine de minutes avant que l’on procède à la teinture des fils de coton. »


En Chine, dans les montagnes du Guizhou, depuis 2000 ans, la même étoffe bleue habille les paysans. L’indigo règne toujours en maître. Au Japon, la vague bleue indigo qui vient de Chine envahit le pays grâce au coton introduit par les Portugais et fera le succès du kimono.


Mythique denim


À Nîmes, une futaine (une petite étoffe populaire) fait la réputation des filatures et devient un « blue jean », une de ces toiles qui fera la fortune du Bavarois Levi Strauss. Une histoire qui a commencé en 1853 à San Francisco, alors que la Ruée vers l’or battait son plein.


Un vêtement mythique, mais « polluant », écrit Catherine Legrand. « Si le jean est le vêtement le plus vendu dans le monde, avec 2,3 millions d’unités annuelles, force est de constater que c’est également une mode polluante. La culture du coton exige beaucoup d’eau et l’utilisation des pesticides, les procédés de teinture plus ou moins toxiques, et le processus du délavage par sablage à haute pression, qui peut provoquer des silicoses, s’est actuellement proscrit dans plusieurs pays. »


Indigo est un ouvrage très bien documenté qui décrit presque tous les secrets de fabrication des tissus tout en s’intéressant à l’aspect identitaire des vêtements indigo. Un livre qui donne le goût de partir, comme l’a fait Catherine Legrand, sur le chemin de la couleur bleue.

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