Chasselay, Bort L’Étang, Vichy, Vienne, Charolles… Une route jalonnée de Relais & Châteaux pour se sustenter à ravir et se mettre dans de beaux draps. Tantôt dans un château avec tourelles, tantôt dans une maison de campagne, mais toujours ce mélange d’hospitalité, d’art de vivre et de pratiques culturelles locales. Et si luxe et étoiles au Michelin sont au rendez-vous, il n’y a rien de guindé pour autant en ces lieux.
Mis à part Charolles — écrit avec deux « l » si on est un habitant du village mais un seul si on vit ailleurs en pays charolais, qui se trouve en Bourgogne —, la Franche-Comté, cet itinéraire mijoté par l’association Relais & Châteaux, bat le pavé dans la région Auvergne–Rhône-Alpes, à quelque 160 kilomètres autour de Lyon.
Notre circuit, au départ de l’aéroport Saint-Exupéry, emprunte quelques tronçons de « Routes du bonheur » signées Relais & Châteaux. Des routes gastronomiques et culturelles imaginées par des chefs et des propriétaires d’établissements membres de la prestigieuse association, qui regroupe 550 hôtels et tables d’exception dans le monde.
D’abord Chasselay, chez Guy Lassausaie, pour un repas gargantuesque qui va donner le ton à ce voyage gastronomique. Puis, Bort L’Étang pour une nuit seigneuriale au château de Codignat. Ensuite, Vichy pour un cours de cuisine avec des produits de qualité, mais destinés à la poubelle, en compagnie du chef Jacques Decoret, et Vienne pour faire ripaille au restaurant La Pyramide et découvrir la ville en compagnie de Boris, le fils du chef Patrick Henriroux. Et enfin Charolles, dans le jardin d’Éden du chef Frédéric Doucet.
À nous tartare d’huîtres, escargots gros-gris, couteau farci, langoustine grillée, pied de porc soufflé aux oignons, acras de boeuf charolais et chocolat intense. Une terre bénie des amateurs de bonne chère, dites-vous ? Que oui !
Ce n’est pas un hasard si l’histoire des Relais et Châteaux a débuté dans ce coin de pays où les jolis chemins de campagne jouent à la cachette avec la célèbre route de France : la Nationale 7.
Nous la suivrons un tantinet entre Vichy, Lyon et Vienne, le temps de fredonner la chanson de Charles Trenet Route nationale 7, et d’apprendre que sa longueur — presque 1000 kilomètres — est à l’origine du jeu de société 1000 bornes. Surnommée « Route des vacances », celle que l’on compare à la route 66 aux États-Unis reliait Paris à la Côte d’Azur via la Bourgogne, l’Auvergne, la vallée du Rhône et le massif de l’Estérel.
Des restaurateurs s’empressèrent d’ouvrir des établissements en bordure du chemin. De petits restaurants, mais aussi des plus grands, comme celui des frères Troisgros à Roanne — aujourd’hui à Ouches — ou La Pyramide à Vienne.
Suite de l’histoire
En 1954, Marcel et Nelly Tilloy, un couple d’artistes de music-hall propriétaire de l’hôtel-restaurant La Cardinale, sur la rive droite du Rhône, décident de créer leur propre « Route du bonheur ». Celle-ci relierait leur établissement à sept autres entre Paris et Nice.
Et bingo ! L’union entre ces lieux habités, réunis autour de valeurs communes — haut niveau de prestation, gastronomie d’exception et conception particulière de l’art de vivre, avec pour seule règle de base d’être situé hors des villes —, venait de signer l’acte de naissance de l’association hôtelière Relais & Châteaux.
« Et de la première Route du bonheur selon Relais & Châteaux, ajoute Laura Tudal, du bureau de presse Pascale Venot. L’association de marque en propose aujourd’hui une quarantaine en France et quelque 129 réparties sur cinq continents. »
Pour s’inspirer, il suffit de consulter la liste des itinéraires sur le site Web du groupe. Des suggestions que l’on peut, avec l’aide de conseillers, adapter à ses goûts et des expériences que l’on souhaite vivre.
Des routes thématiques aussi, comme la toute nouvelle « Route des 100 ans de BMW » qui relie Paris — point de départ de la première Route du bonheur — à Munich, ville d’origine de BMW, via le domaine de Chantilly. Ça sent la crème à fouetter, les domaines de Champagne et de Bourgogne. Puis Genève, la Bavière et ses châteaux.
Du décorum, oui, du luxe aussi, mais rien de guindé. D’un Relais & Châteaux à l’autre, on sera reçu comme un ami de longue date.
De la diversité aussi. On peut séjourner dans des ranchs aux États-Unis, des lodges en Afrique, des îles tropicales dans le Pacifique, ou, comme nous, dans des châteaux et d’anciennes maisons de campagne rénovées où se succèdent des générations de cuisiniers réputés qui se donnent corps et âme pour vous accueillir.
« Susciter de l’émotion » en ravivant tous les sens semble l’aphorisme des chefs rencontrés dans ce coin de pays avec vue sur le groupe de volcans de la chaîne des Puys.
Arbres, prairies, rivières, montagnes semblent nourrir leur inspiration. Bonjour veaux, vaches, moutons, poissons et fruits de mer ! On cuisine avec ce qui pullule dans l’étang d’à côté, ce qui broute dans le champ alentour ou ce qui pousse dans le verger non loin.
Marie-Louise, Yvette, Léa et les autres
Si le sommeil après une nuit blanche dans l’avion ne nous a pas encore gagnés, ça ne devrait pas tarder après le repas au restaurant de Guy Lassausaie.
« C’est une affaire de famille depuis quatre générations, raconte Guy Lassausaie, héritier des Mères-courage lyonnaises de la maison Lassausaie. Mes arrière-grands-parents Marie-Louise et Antoine Lassausaie, maîtres d’hôtel de formation, ont repris en 1906 l’Hôtel des touristes pour en faire cette jolie maison d’époque. »
« Marie-Louise, Léa, Yvette… Ce sont des femmes qui, jusqu’en 1983, ont fait le renom de cette maison. Une cuisine de tradition jadis composée de quenelles de brochet à la graisse de rognons de boeuf, de pâtés en croûte, de civet de lièvre au chocolat… »
Le chef, deux étoiles au guide Michelin, suit peu les modes, garde le produit au naturel et a éliminé de sa cuisine certaines lourdeurs d’autrefois. Au gré des saisons, on y savoure mousseline de brochet et cuisses de grenouille, dos de bar de ligne cuit sur la peau, oeufs brouillés aux cèpes, chou farci de queue de boeuf et foie gras… Vite, à table !
Le château de Codignat
Cette enseigne qui domine le village de Bort L’Étang fera craquer tous les fondus de vie de château. Côté ambiance, nous voilà plongés dans le Moyen Âge, dans un château fort qui était à l’origine la tour de guet du château de Ravel à quelques kilomètres de là.
L’immersion est totale dès l’entrée dans le bâtiment construit entre le XIIe et le XIVe siècle, puis restauré et aménagé en hôtel 5 étoiles avec piscine chauffée, terrains de tennis entre forêt et jolis jardins et bains bouillonnants dans toutes les chambres.
C’est dans le jardin sous des marronniers centenaires, à la lueur des lanternes, que nous avons goûté à la cuisine raffinée du chef Mathieu Barbet. Une succession de plats et de bons vins, aussi jolis à regarder qu’excellents à déguster. Juste divin !
Ma chambre, dont la haute fenêtre donne sur un immense parc, porte le nom d’Anne de Beaujeu, fille aînée de Louis XI et de Charlotte de Savoie. Elle épousera en 1473, à l’âge de 12 ans, Pierre de Beaulieu, qui deviendra duc de Bourbon… Et c’est ainsi que l’on s’endort à Codignat en lisant l’histoire dans le mobilier et les tapisseries au mur.
Petits trucs et astuces de chef
Après quelques excès de table, rien de mieux qu’une eau de Vichy Célestins pour remettre le facteur sur le vélo. Ou une Hôpital, une des petites soeurs de Célestins, qui conviendrait mieux au foie engorgé. On dit que le bicarbonate présent dans l’eau de Vichy neutralise l’acidité gastrique. Pas fou, Napoléon III, qui venait ici se soigner.
À Vichy, on déguste l’eau Célestins, Chomel, Hôpital, Lucas, Grande Grille… dans les buvettes du hall des Sources, au parc face à la maison Decoret, mais aussi à la table de ce chef étoilé qui propose à son menu, à la manière d’une carte des vins, une quinzaine d’eaux provenant de l’Allier, du Puy de Dôme et de la Haute Loire.
Voilà une bonne adresse pour apprendre à cuisiner sous la manette d’un chef déluré qui ne cuisine qu’à basse température et ne tolère pas le gaspillage. On vise ici le zéro déchet. C’est ainsi, ce jour-là, que coeurs de poulet, cosses de petits pois, feuilles d’artichaut et peau d’orange sont transformés en de jolis plats aux saveurs étonnantes.
Une maison de famille
Bienvenue à Vienne, à La Pyramide. La maison a de l’histoire. Des familles de restaurateurs s’y sont succédé. La plus illustre est la famille Point, avec son chef Fernand, le premier à avoir obtenu trois étoiles au guide rouge en 1933. L’homme qui a marqué la gastronomie française a formé Paul Bocuse, les frères Troisgros, Louis Outhier, les Haeberlin, Alain Chapel… En 1989, le chef Patrick Henriroux, deux étoiles Michelin, et sa femme Pascale reprennent l’établissement et créent deux pôles de restauration et un hôtel 4 étoiles de 23 chambres.
Avec brio, élégance et courtoisie.
Ils activent aussi La Pyramide dans la promotion de la ville vieille de 2500 ans et de son terroir. « Nous sommes sur tous les fronts quand il s’agit de défendre les richesses naturelles et gastronomiques de la région, dit Patrick Henriroux. La défense des abeilles en milieu urbain, le développement du marché de Vienne, 4e de la France… »
Quel plaisir que de piquer une jasette avec le chef jusqu’à tard dans la nuit en dégustant une liqueur de Chartreuse de sa collection, que l’on dit unique au monde.
Requiem pour les charolaises
Toujours est-il que la commune de Charolles est la seule de ce road trip royal à être située en Bourgogne–Franche-Comté, région limitrophe de l’Auvergne–Rhône-Alpes.
On ne saurait pas distinguer, comme ça, vite fait, la différence de paysages entre les deux régions, mais on apprend tôt la présence en pays charolais d’une vache locale toute blanche vouée principalement à la production de viande : la charolaise.
À peine le temps de poser les valises, de tirer quelques clichés du joli village avec ses petits ponts qui enjambent une multitude de canaux — qui lui valent son surnom de « Bruges campagnarde » — et de déguster une entrecôte, charolaise, bien sûr, cuite à la plaque, que nous voilà avec l’éleveur, le boucher et le chef dans un champ à Lugny-lès-Charolles, à six kilomètres de Charolles, pour regarder brouter ces vaches bourguignonnes.
Une sorte d’hommage à ces reines des prairies présentes depuis l’époque romaine, qui mènent leur vie librement, en plein air, entre les mois de mars et décembre, et qui se nourrissent de pâturin, de luzerne, de lin de trèfle, de pulpe de betterave et de plantain.
Vous dites corsetée, la vie en Relais & Châteaux ? En tout cas, pas ici, à l’hôtel de la Poste, un charmant établissement 4 étoiles au coeur d’un village aux airs de Venise, qui fut jadis la cité des ducs de Bourgogne, notamment de Charles le Téméraire.
Cette visite dans le champ en compagnie du chef étoilé propriétaire de l’hôtel, Frédéric Doucet, de son boucher, Jean-Philippe Baligand, et de l’éleveur de Lugny-lès-Charolles, Victor Emmanuel Pacaud, en fournit la preuve. L’appel du terroir avant tout !
Bon, tout ça creuse ! On troque ses espadrilles pour ses talons hauts et on s’attable. Au menu de ce soir : sorbet à la betterave et crème de cassis de Bourgogne, salade de homard breton, chèvre charolais, tomates et basilic, jardin de légumes, rouget-barbet doré aux feuilles de cassis, copeaux de foie gras et sauce cassis, oeuf murette, côtes et filet d’agneau charolais, fromages et farandole de desserts aussi bons que beaux à voir.
Et ainsi va la vie sur les Routes du bonheur.
EN VRAC
S’y rendre. Air Canada relie Montréal à Lyon à longueur d’année avec cinq vols par semaine en été et quatre en hiver.
Préparer son voyage. Chasselay, restaurant Guy Lassausaie. Bort L’Étang, château de Codignat. Vichy. Maison Decoret. Vienne, hôtel La Pyramide. Charolles, hôtel de la Poste. Relais & Châteaux. Tourisme Auvergne Rhône-Alpes. Tourisme France. Atout France à Montréal.1 commentaire
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