On évoque rarement la Côte-Nord comme lieu touristique en hiver. Pourtant, ce ne sont ni les grands espaces qui manquent pour pratiquer raquette et ski, ni la neige puisque la région se classe parmi les premières au Québec pour ses précipitations. Et on trouve là, entre mer et montagne, des paysages à couper le souffle, des jardins grandioses pour jouer dehors, une histoire riche et des Nord-Côtiers charmants.
Gallix — Intrigant! On dirait un nom sorti tout droit d'une bande dessinée d'Astérix. Pourtant, nous sommes à Sept-Îles, sur la Côte-Nord, à quelque 1000 kilomètres de Montréal. Et Gallix n'est pas un village d'Armorique. Pas d'irréductibles Gaulois à l'horizon, que des Gallixois fort gentils. Allons, «redde Cotum Nordum quae sunt Cotum Nordum». Gallix est un secteur de la ville de Sept-Îles, comme Moisie.
L'origine du nom? Le père Joseph Gallix, un missionnaire français en poste sur la Côte-Nord de 1903 à 1942. Son patronyme a aussi été attribué au bureau de poste en 1936, à la paroisse de Sainte-Marguerite-de-Gallix en 1967 et à la municipalité de Gallix fondée en 1972.
La raison première de ce voyage «dans ce pays qui n'est pas un pays, mais l'hiver»: une virée de 523 kilomètres en motoneige sur la Route blanche, à la conquête de la Basse-Côte-Nord entre Natashquan et Blanc-Sablon. Entretenue et balisée l'hiver par le ministère québécois des Transports, la Route blanche relie une quinzaine de villages isolés depuis la nuit des temps.
Bien que destinée aux quelque 5000 résidants de la Basse-Côte-Nord pour faciliter leurs déplacements durant la froide saison, la Route blanche intéresse de plus en plus les touristes. Ce large boulevard de neige, en quelque sorte la continuation de la route 138 qui prend fin à Natashquan, permet d'accéder à la Basse-Côte-Nord par voie terrestre l'hiver. Et si les avions continuent de desservir le territoire, la Route blanche prend la relève du Relais Nordik lorsque la glace est trop épaisse.
«Là-bas, la motoneige devient un moyen d'accès privilégié à la région. Une nécessité, même, pour se déplacer d'une localité à une autre», explique Marie Malherbe, photographe et coordonnatrice du réseau d'accueil et du service aux membres à l'Association touristique régionale de Côte-Nord-Duplessis.
La jeune Belge d'origine, qui est «tombée en amour» avec la région en 2006 et qui dès lors vit à Sept-Îles, parle avec passion de chacun de ces villages situés le long du golfe du Saint-Laurent: Kegaska, La Romaine, Chevery, Harrington Harbor, Tête-à-la-Baleine, Baie des Moutons, La Tabatière, Pakua Shipi, Saint-Augustin, Vieux-Fort, Rivière-Saint-Paul, Middle Bay, Brador, Lourdes-de-Blanc-Sablon et Blanc-Sablon. Des années d'isolement ont permis à ces municipalités, anglophones pour la plupart, de développer leurs traditions, leur architecture, leur culture.
«En période estivale, les habitants quittent leur village pour aller travailler dans les pourvoiries, sur des bateaux de pêche, dans l'Ouest canadien ou ailleurs, dit-elle. L'hiver, ils reviennent. C'est le temps des activités sociales: festival, repas communautaires, danses, match de hockey... Chaque village dispose d'une école et d'au moins une auberge, un dépanneur et un restaurant.» Donc, pas de soucis pour les motoneigistes. Et si les conditions météorologiques se détériorent, le ministère des Transports a prévu le long de la Route blanche une vingtaine de refuges équipés d'un poêle à bois et de bois de chauffage.
Parcourir la Route blanche en motoneige. Une sorte de rêve ultime de voyageur — l'isolement étant comme un aimant pour les curieux en quête d'un mode de vie autre, d'histoire et de jolis paysages —, mais non réalisé comme prévu au début du mois, à cause de fréquentes bouffées de chaleur de dame nature empêchant rivières et lacs de geler. Résultat: une Route blanche fermée jusqu'à nouvel ordre, à l'exception du tronçon de Saint-Augustin.
Un territoire sans limite
Le voyageur a beau s'y préparer, la première rencontre avec le golfe du Saint-Laurent, appelé la mer par les Nord-Côtiers, est spectaculaire. Il prend des allures de banquise; glace aux formes multiples qui flottent à la surface d'une eau couleur menthe. Plutôt photogénique! Avec de l'imagination, on se croirait dans le Grand Nord. Nous sommes tout de même à la frontière du 50e parallèle. Le paysage se modifie en permanence. La neige crisse sous les pas.
Entre Sept-Îles et Port-Cartier, les amateurs de raquette et de ski de randonnée ont accès à des kilomètres et des kilomètres de plage. Un territoire sans limite. La plage Rochelois, au coeur de Port-Cartier, ravive le souvenir du naufrage du minéralier Lady Era échoué le 1er décembre 1977. L'épave repose sous la neige, à quelques mètres du rivage. Onze kilomètres séparent le secteur de Pointe-aux-Anglais de celui de Rivière-Pentecôte. Pas mal, comme réchauffement!
À la fois propriétaire d'une entreprise de kayak de mer et coordonnateur de la base de plein air Les Goélands, à Port-Cartier, autant dire que Michael Callaghan connaît la région comme le fond de sa poche. Après avoir roulé sa bosse plus de 10 ans autour du monde, le Portcartois est revenu en 2011 pour participer au développement du tourisme sur la Côte Nord.
«Et ce n'est pas le travail qui manque!», dit-il. Côté tourisme, la Côte-Nord est toujours au stade embryonnaire. Consciente de cette réalité, la région a décidé de passer à l'action le 17 août dernier en signant une entente avec le Centre mondial d'excellence des destinations (CED), basé à Montréal. L'accord vise à cerner le profil touristique de la région, à l'aider à mieux se mesurer à la concurrence internationale et à lui donner les conseils et les outils nécessaires pour faciliter l'atteinte de ses objectifs dans un contexte de développement durable. Un grand pas de franchi sur un territoire qui peine à se débarrasser de son image grise de région industrielle avant tout.
Du centre d'accueil de la base Les Goélands, on emprunte le sentier panoramique le Relais Sud en direction de la yourte, située dans la baie des îles de Mai, à 3,6 kilomètres. Le bâtiment rond en bois naturel, équipé de fenêtres panoramiques avec vue sur la mer, accueille facilement huit personnes pour une nuitée boréale. La vue sur la banquise, le crépitement du feu dans le foyer, le spaghetti sauce tomate de Michael, le ciel étoilé à profusion, la lune tel un lampadaire qui éclaire la cime des épinettes... Des moments impossibles à oublier.
Changement de décor
Au Domaine santé nature des Sept-Rivières, un hébergement quatre-étoiles situé au pied de la Station récréotouristique Gallix, à 25 minutes de Sept-Îles et de Port-Cartier, le mercure indique -35 °C. Les pistes de ski du mont Trouble ne sont pas illuminées ce soir-là, comme de coutume les mercredis. La direction a consulté la chartre et opté pour la fermeture. «Le calcul est simple, explique le directeur Jean-François Thibeault. En ce moment, le mercure indique -35 °C . Avec le facteur vent, on atteint facilement -45 °C. Ajoutons-y la vitesse du skieur et on vient d'accrocher les -50 °C ou moins. Les risques d'hypothermie en cas d'accident sont trop grands. On ferme.»
Ici, pas d'usines à skieurs, rien de chromé, plutôt une station à l'échelle humaine, familiale, sans kitsch ni tape-à-l'oeil, fréquentée surtout par une population locale. Au total: 21 pistes et sous-bois. Un dénivelé de 185 mètres. On peut aussi bien sauter un pitch et dévaler un raide couloir dans la poudreuse que pratiquer son télémark face à la baie de Sept-Îles.
Le domaine propose cinq chalets en bois rond avec les commodités d'un hébergement haut de gamme, le jacuzzi extérieur en sus. «Le projet de développement repose sur deux phases, explique le président Mario Gagné: l'expansion de l'offre d'hébergement et la création d'un spa nature d'une capacité de 50 personnes. Nous prévoyons construire d'ici peu trois stations thermales et un centre de massothérapie.»
Ce soir-là, le mercure indique -35 °C. L'eau du jacuzzi bouillonne à 39 °C. Une tuque sur la tête, on ne sent pas le froid. Un peu le bout du nez. Et la main qui tient hors de l'eau le verre de vin, un Saint-Estèphe qui prend vite l'allure d'un smoothie! Pas une seule place dans le ciel pour une étoile supplémentaire. Et, comble du bonheur, une aurore boréale.
En vrac
-S'y rendre en avion avec Provincial Airlines, qui offre entre Montréal et Sept-Îles un service impeccable dans les deux langues. Un vol de deux heures sur lequel on offre gratuitement sandwichs, biscuits, gâteaux et boissons, tout ça avec le sourire. www.provincialairlines.ca. En voiture, la route 138 est la seule voie d'accès terrestre. Panoramas à en couper le souffle.
-Renseignements sur la région Côte-Nord-Duplessis: www.tourismeduplessis.com.
-Renseignements sur le Centre récréotouristique Gallix: www.skigallix.com.
-Pour organiser un séjour sur la Route blanche: Aventure Côte Nord, 418 968-4151.
-Hébergement. Attention, les hôtels, bien que peu modernes, sont souvent remplis à Sept-Îles,vu la quantité de travailleurs qui se rendent en semaine dans les usines de la région. À la base de plein air Les Goélands, trois-étoiles, les installations du pavillon d'hébergement proposent 12 chambres réparties sur deux étages, pour un total de 43 lits simples et 2 lits doubles. Chaque étage possède une salle de bain complète avec douche, toilette et lavabo. La literie comprenant draps, couvertures et serviettes est fournie. www.baselesgoelands.com/fr/index.html. Le Domaine santé nature, quatre-étoiles, est agréable pour un séjour de cocooning. Situé au pied de la montagne Trouble, il est idéal pour la pratique du ski alpin, de la raquette et du ski de randonnée. www.domainesantenature.com.
-Restauration. À Port-Cartier... Café Cartier: vive l'espresso et les viennoiseries! 418 350-2100. Café-théâtre Graffiti: festival du cinéma en janvier et une superbe série de spectacles à l'année longue: Leif Vollebekk, le 14 mars. www.legraffiti.ca. À Sept-Îles... Chez Omer: fruits de mer et service sympa. 418 962-7777. Pub St-Marc: moules-frites tout à fait superbes et burger agneau-fromage de chèvre. 418 962-7770. Chez Sophie: petit bistro charmant avec table d'hôte du dîner fort populaire. Recommandé. 418 968-1616.
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