Situé sur le campus MacDonald de l’Université McGill à Sainte-Anne-de-Bellevue, à la pointe ouest de l’île de Montréal, l’arboretum Morgan, une réserve arboricole et écologique de 245 hectares, propose une panoplie d’activités pour régénérer le corps, éveiller les esprits fatigués et intéresser les néophytes curieux tout autant que les connaisseurs à l’écosystème de la forêt et à son formidable réseau d’échange.
«La moindre des choses, quand on s’invite dans les bois, est de connaître le nom de ses hôtes. L’affront serait l’indifférence. Si des gens débarquaient dans mon appartement pour s’y installer de force, j’aimerais au moins qu’ils m’appellent par mon prénom. »
Cette phrase de l’aventurier et écrivain Sylvain Tesson, dans le livre Les forêts de Sibérie, donne à réfléchir. Nous sommes entourés d’arbres dont nous ignorons les noms.
Érable à Giguère, argenté, à sucre, de l’amour, hêtre américain, tilleul, noyer cendré, caryer, cerisier noir, pin noir d’Autriche, chêne rouge, robinier faux-acacia, ostryer, métaséquoia, bouleau, sumac, frêne, catalpa, ginkgo… Les arbres poussent partout, dans les parcs, le long des rues, dans les ruelles, mais on peine à les nommer.
« Parce que nous tenons souvent les arbres pour acquis, nous avons tendance à ne pas les remarquer, jusqu’à ce qu’ils ne soient plus là », écrit Bronwyn Chester dans son livre Une île d’arbres. Cinquante arbres, cinquante façons de raconter Montréal.
« Pourtant, le Québec a déjà eu l’un des plus grands vulgarisateurs de la nature en la personne du frère Marie-Victorin, botaniste, fondateur du Jardin botanique de Montréal et auteur de la bible de la flore québécoise : La flore laurentienne », rappelle l’auteure de ce livre qui présente de façon originale une cinquantaine d’arbres sur l’île de Montréal.
Puis, nombreux sont les avantages écologiques des arbres en milieu urbain : ils refroidissent l’air, filtrent l’eau, diminuent l’érosion du sol, absorbent les polluants, procurent de l’ombre, un abri, de la nourriture, des matériaux de construction…
375 000 arbres
Un sujet d’actualité aussi que ces arbres à Montréal. D’ici la fin de l’année, la Ville ne devrait-elle pas avoir planté quelque 375 000 arbres sur l’île ? Un programme lancé en 2014 par « Jour de la Terre Québec » dans le cadre du 375e de Montréal.
Voilà un lot de raisons pour leur attacher de l’importance. Cap, donc, sur l’arboretum Morgan, à Sainte-Anne-de-Bellevue, pour une initiation à l’écologie forestière. Plusieurs arbres y sont identifiés. Et pour parfaire ses connaissances, pourquoi ne pas s’inscrire à l’atelier d’identification des arbres qui aura lieu là-bas le 3 septembre ?
Lorsqu’en 1945 l’Université McGill fit l’acquisition du bois Morgan, une propriété appartenant à la famille du même nom — les fondateurs du magasin Morgan de Montréal, devenu La Baie en 1972 —, l’entente prévoyait la création d’un arboretum à la mémoire de la famille ainsi que la conservation du boisé pour les 100 années suivantes.
Chose dite, chose faite ! En sus de la forêt, où l’ensemble des arbres et des plantes du
Québec sont représentés, la réserve écologique regroupe 18 collections d’arbres et d’arbustes du monde, dont des sapins, des épinettes, des chênes, des bouleaux, des érables, des tilleuls…
Y vivent une trentaine d’espèces de mammifères, dont le petit pékan, le seul animal au Québec à se nourrir du porc-épic, ouch ! ainsi qu’une vingtaine d’espèces de reptiles et d’amphibiens et plus de 170 espèces d’oiseaux nicheurs et migrateurs.
Vingt-cinq kilomètres de sentiers sillonnent le terrain. Des pistes qui contournent de vieux champs, comme le pré Pullins, un pâturage où nidifiait le goglu des prés dans les années 1980. Depuis que la reforestation naturelle y a repris ses droits, le goglu s’en est allé vers d’autres friches, faisant place au carouge à épaulettes et à la paruline masquée.
Pour y accéder, nous empruntons le sentier pédestre orange, une boucle de trois kilomètres qui traverse des forêts de hêtres, d’érables rouges et à sucre, de tilleuls, de caryers, de frênes et de chênes, de thuyas du Lac-Saint-Jean plantés en 1947, d’épinettes de Norvège et de mélèzes laricin, européens et hybrydes…
« L’arboretum est couvert à 80 % de forêt. La plupart des arbres ont été plantés dans les années 1950, précise Anne Godbout, responsable des communications à l’arboretum. Il y a très peu de place en ce moment pour d’autres plantations. »
La naissance des collections d’arbres, dont chacune s’articule autour d’un thème ou d’un groupe botanique, remonte à l’époque du Dr W. H. Brittain, premier doyen de la Faculté d’agriculture de McGill en 1934 et premier conservateur de l’arboretum en 1955.
Pour souligner le 150e anniversaire du Canada, les Amis de l’arboretum Morgan ont restauré le sentier des bouleaux du Canada, plantés par le Dr W. H. Brittain en 1967 pour le centenaire du pays, afin de l’intégrer au nouveau sentier « Canada 150 ».
Un coin fleuri a été aménagé du côté est du sentier orange. Des bancs y sont disposés çà et là, à l’ombre de pommetiers, de poiriers, de cerisiers, de saules, d’amélanchiers, de viornes, de tulipiers, de magnolias, de marronniers, de fusains, d’arbres de katsura, de genévriers, d’ifs…
À la fois réserve forestière dédiée à la conservation, à l’éducation du public et à la récréation, l’arboretum Morgan est aussi un lieu d’enseignement et de recherche universitaire. D’ailleurs, à quoi servent ces petites tentes que l’on aperçoit dans la forêt ? « Nous étudions les toiles d’araignée ainsi que l’ADN des insectes qui s’y font piéger », explique un étudiant en biologie, sur le campus Macdonald de McGill.
Habitats cinq étoiles
Et ces montagnes de vieilles souches, de branches, de feuilles, de racines colonisées par du lichen et des champignons, et de tout ce que la terre a de mort à sa surface ? Eh bien, ce sont d’éventuels habitats cinq étoiles pour les vers, les insectes, les amphibiens, les mammifères.
Car, dans la nature, rien ne se perd. Un modèle à suivre.
L’arborétum Morgan est ouvert au public 363 jours par année. L’été et l’automne, on y randonne, on y pique-nique, on médite sur les bancs qui bordent les sentiers ; l’hiver, on y skie ou y pratique la raquette ; et au printemps, on y déguste de la tire dans l’érablière.
On peut être accompagné de son chien (maximum deux par ménage), à la condition que celui-ci soit vacciné, enregistré auprès de l’administration et qu’il ait passé avec succès le test de sociabilité imposé par l’arboretum Morgan.
Renseignements : morganarboretum.org
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